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liers? C'est ce qui ne pouvait être fait que l'année suivante.

Une complication inattendue vint aussi entraver les relations de la France avec le Mexique. M. le baron Alleye de Cyprey, représentant de la France au Mexique, fut, à la fin de mai, insulté gravement dans le baño de las Delicias, où il s'était rendu pour délivrer un de ses gens attaqué par les Mexicains.

Le baron de Cyprey adressa immédiatement une note à M. Cuevas, ministre des affaires étrangères. Dans ce document il expliquait toute l'affaire, et demandait comme réparation immédiate la démission de l'alcade de Barrio et de l'officier dont la conduite avait été si insolente. M. Cuevas répondit à cette note d'une manière évasive. Il dit qu'il regrettait d'apprendre que le baron de Cyprey eût été maltraité; qu'une enquête serait faite, et que, jusqu'à ce que le résultat en fût connu, il ne pouvait donner d'autre réponse. Le baron, à la réception de cette lettre, déclara « qu'une violation du droit des gens avait été commise sur sa personne; qu'un outrage public, qu'il ne pouvait passer sous silence, lui avait été fait, et qu'il était forcé d'annoncer que, si des réparations ne lui étaient pas adressées dans un laps de temps raisonnable, il demanderait ses passe-ports. »

Cette note fut suivie le lendemain d'une autre, dans laquelle M. de Cyprey faisait connaitre à M. Cuevas qu'il avait communiqué l'affaire à son gouvernement par le paquebot du mois, et que dès lors il lui était impossible de donner d'autre alternative que la réparation demandée ou la remise de ses passeports. M. Cuevas ne répondit pas formellement à ces notes; il se contenta de faire entendre que le baron avait fait une faute en se rendant lui-même à l'abreuvoir, et il ajoutait que sa demande n'était fondée ni en droit ni en justice. Il exprimait en même temps le plus grand respect pour le ministre de France, et lui assurait que le gouvernement n'avait aucune intenion d'offenser directement ou indirectement son caractère public.

Le 3 juin, le baron de Cyprey adressa une nouvelle note,

dans laquelle il précisait la distinction qui existe entre la réparation à faire pour une violation du droit des gens et celle qui serait obtenue par la voie des tribunaux civils. Il rappelait ensuite à M. Cuevas que son plan était bien arrêté dans le cas où le gouvernement persisterait à refuser la réparation demandée.

Cette note parut produire quelque effet, car il y fut répondu d'une manière plus convenable. M. Cuevas cherchait a démontrer que le gouvernement, d'après la constitution, n'avait pas le pouvoir de destituer les officiers civils on militaires, et il exprimait l'espoir que, tandis que la loi aurait son cours, le ministre de France ne demanderait pas ses passe-ports.

Le baron de Cyprey répliqua d'une manière plus amicale. Il montrait le désir de recevoir du gouvernement quelque explication qui amenât un arrangement et lui épargnât la nécessité de recourir à des extrémités.

Le ministre des affaires étrangères ne répondit pas. Le baron de Cyprey, en conséquence, envoya, le 9, une autre note, dans laquelle il déclarait que, si dans huit jours la réparation n'était pas faite, ses passe-ports devaient lui être remis.

Dans cet état de choses, l'intervention de M. Bankhead, ministre d'Angleterre, et de M. de Bermudez de Castro, ministre d'Espagne, fut réclamée par M. Cuevas, et les deux ambassadeurs cherchèrent à amener une réconciliation. Ils expliquèrent à M. Cuevas le principe posé par M. le baron de Cyprey, relativement à l'inviolabilité d'un ministre qui représente son Souverain, et l'engagèrent à céder de bonne grâce, une rupture des relations avec la France devant être très-préjudiciable au Mexique. Dans ces entrevues, M. Cuevas répéta que la constitution ne permettait pas de faire la réparation demandée, ce à quoi M. de Cyprey répondit qu'il n'était pas d'usage d'entretenir des relations 'diplomatiques avec un gouvernement qui n'avait pas le pouvoir de donner satisfaction à une puissance dont la représentation avait été publiquement insultée.

Mais déjà l'intervention de MM. Bankhead et Bermudez pro

duisait quelque effet. M. Cuevas adressa à M. de Cyprey une note par laquelle il donnait à l'ambassadeur français l'assurance qu'il recevrait une complète satisfaction, et où il demandait au nom du président que le baron n'insistat pas pour avoir ses passe-ports. M. de Cyprey répondit que, considérant la promesse du ministre des affaires étrangères comme sacrée, et voulant lui montrer les preuves des dispositions amicales de la France envers la république mexicaine, et en même temps par respect pour la demande du président, il attendrait encore un peu de temps, dans l'espoir qu'il serait donné à cette affaire une solution convenable à la dignité de la France.

L'affaire en était restée là, lorsqu'une complication nouvelle surgit d'une querelle élevée entre M. de Cyprey et M. Otero, journaliste. Peut-être le représentant de la France avait-il, en cette circonstance, oublié le calme et la dignité qui conviennent à un homme placé dans une position comme la sienne. Quoi qu'il en soit, M. de Cyprey, voyant la réparation qu'il attendait sans cesse ajournée, crut devoir demander ses passe-ports et rompre toute communication diplomatique avec le Mexique. Lå en étaient les choses à la fin de l'année.

On sait le but unique poursuivi par la France et la GrandeBretagne sur les rives de la Plata : c'est le maintien absolu de l'indépendance de l'État oriental, et la protection de leurs résidents et de leur commerce respectif. La diplomatie des deux pays avait fait jusqu'à présent des efforts infructueux pour atteindre ce but, et il semblait qu'on ne pùt venir à bout de Rosas et de son lieutenant Oribe que par la force des armes. Plusieurs notes adressées à ce dernier, par les amiraux français et anglais, l'avertirent que, s'il ne consentait à une suspension d'hostilités, les ports orientaux en son pouvoir, et surtout le Buseo, seraient bloqués.

La réponse d'Oribe n'ayant pas été satisfaisante, le Buseo fut mis en état de blocus. L'amiral argentin Brown reçut des amiraux alliés l'injonction de ne pas s'éloigner avec sa flottille: il essaya néanmoins de mettre à la voile; mais les stations

réunies firent feu sur lui et le forcèrent à jeter l'ancre; ensuite elles prirent possession de la flottille, qui se composait de deux bricks de 20 et de 14, d'une corvette de 18, de deux goëlettes de 6 et de 3.

Le premier acte décisif exécuté par les escadres combinées avec la flottille montévidéenne fut le bombardement et la prise de Colonia, petite ville située en face de Buenos-Ayres et sur la rive opposée de Rio de la Plata. Colonia fut occupé par les troupes montévidéennes.

Quelques jours après, commença le blocus de Buenos-Ayres, et les forces navales anglo-françaises s'emparèrent successivement de Paysandru, de Loriano et de Mercedès.

Une expédition dans l'Uruguay et dans le Parana, fermés au commerce par les armes de Rosas, était la conséquence nécessaire de l'état de choses nouveau; elle fut résolue.

L'escadre anglo-française entrée dans le Parana se composait, pour les Anglais, des vapeurs Gorgon et Firebrand, capitaine Hope; de la corvette Comus, capitaine Ingelfield; des bricks Philomèle, capitaine Sullivan; Dolphin, capitaine Leving; du brick-goëlette Fanny, capitaine Key. Le capitaine Hotham, commandant en chef des forces anglaises, montait le Gorgon. Pour les Français, du vapeur Fulton, capitaine Mazères ; de la corvette l'Expéditive, capitaine de Miniac; des bricks Pandour, capitaine Du Parc, San-Martin, et du brick-goëlette Procida, capitaine de La Rivière. Le capitaine Trébouart, commandant en chef les forces françaises, montait le SanMartin.

Les forces combinées avaient mouillé, le 18 novembre, à environ trois milles de la pointe d'Obligado. Le 18 novembre, au soir, les commandants du Fulton et du Philomèle allèrent en canot reconnaître la position des forces ennemies. Ils trouvèrent quatre batteries établies sur la rive droite du fleuve. Ces batteries contenaient environ 24 pièces d'artillerie, la plupart de gros calibre, sans compter plusieurs pièces de campagne placées isolément. Le fleuve lui-même était barré par une esta

cade formée avec 24 bâtiments liés entre eux par trois fortes chaînes de fer. Cette estacade était placée entre la troisième et la quatrième batterie. A l'une des extrémités, sur la rive droite, se trouvaient placés dix brûlots prêts à être lancés; à l'autre extrémité, sur la rive gauche, était mouillé le brick de Rosas el Republicano, armé de plusieurs pièces de gros calibre, et destiné à prendre en enfilade les bâtiments qui viendraient attaquer les batteries. Deux de ces batteries étaient à peu près rasantes, et les deux autres sur des mamelons plus ou moins élevés. Enfin, quatre mille hommes environ, tant infanterie que cavalerie, étaient sur le rivage pour protéger les batteries et s'opposer au débarquement. Il faut ajouter que tous les travaux de défense, revêtus de terrassements et de forts remblais, avaient été évidemment dirigés par des ingénieurs européens et faits dans toutes les règles de l'art. Ce qui donnait encore plus de force à la défense et ce qui expliqua la ténacité de la résistance, c'est que ces batteries étaient servies par des déserteurs étrangers.

Le 20, au matin, aussitôt que le temps un peu brumeux vint à s'éclaircir, les forces combinées se formèrent en trois divisions pour l'attaque.

La première, aux ordres du capitaine Sullivan, et composée du Philomèle, de l'Expéditive et des goëlettes Fanny et Procida, reçut l'ordre d'aller prendre position vers le sud sur la rive gauche, un peu au-dessus des batteries, à environ 700 mètres de distance, de manière à les prendre en écharpe. Cette manœuvre réussit parfaitement, et le feu commença immédiatement des deux côtés.

La deuxième division, sous le commandement du capitaine de vaisseau Tréhouart, composée du San-Martin, du Comus, du Pandour et du Dolphin, partit alors pour s'embosser vers le nord, tout près de l'estacade et en face des batteries, à une distance d'environ 700 mètres.

Cette division devait non-seulement combattre les batteries, mais aussi el Republicano, dont le feu la prenait en enfilade

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