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les fidèles dépend de leur promulgation (r); le mode n'en est toute. fois pas légalement déterminé (s). Quant à l'agrément préalable du souverain, exigé pour la publication par le droit public moderne voici en doctrine les distinctions à faire le décret de l'autorité ecclésiastique n'a-t-il trait qu'au dogme ou au culte, alors le droit de placet ne comporte pas pour l'autorité temporelle la faculté de se faire juge de la valeur du contenu, mais seulement d'en prendre connaissance pour se convaincre qu'il ne renferme pas des dispositions d'une autre nature (t). S'agit-il, au contraire, de lois disciplinaires nouvelles qui touchent à la vie civile, ou bien ont besoin du concours du pouvoir séculier, le placet est le droit pour l'état d'exiger qu'elles soient concertées avec lui ou du moins reconnues et admises par lui comme appropriées aux circonstances. Quant aux mandements et circulaires qui ne concernent que le cours ordinaire des affaires, le placet ne s'y étend point, parcequ'en consentant à l'établissement de l'Église le gouvernement lui a concédé la liberté nécessaire à son administration intérieure, et témoigné la confiance qu'elle n'en abuserait pas. Ces distinctions sont plus ou moins reconnues dans le droit public moderne (u). Dans l'Eglise russe, la législation appartient à l'empereur et au saint synode. Les confessions de foi protestantes reconnaissent bien le pouvoir législatif de l'Église (v); mais en Allemagne, en Danemark et en Suède ce pouvoir est de fait tombé entre les mains du souverain. En Angleterre aussi les lois ecclésiastiques émanent du roi et des parlements; et même en Hollande les décrets du synode général doivent actuellement être soumis à l'agrément du roi.

(r) C. 13. X. de pœnitent. (5. 38).

(s) Benedict. XIV. de synodo diœcesana Lib. XIII. cap. IV. no 1. II. (t) V. aussi §. 171. 173.

(u) L'inspection et l'approbation préalables sont prescrites, mais seul-ment à l'égard des dispositions nouvelles et générales et des mandements d'une autorité ecclésiastique du dehors, par le code prussien Part. II. Tit. II. §. 48. 49. 117. 118., la charte de Bavière du 26 mai 1818. Tit. IV. §. 9., l'Édit de Religion de la Bavière du 26 mai 1818. §. 58. 59. 76. 77. 78., le Mandement du royaume de Saxe du 19 février 1827. §. 3. On trouve des distinctions plus précises entre les dispositions dogmatiques on purement spirituelles et mixtes, ainsi qu'entre l'examen et le placet proprement dit, dans l'édit du grand-duché de Saxe-Weimar du 7 octobre 1823. §. 3., la charte de la Hesse-Electorale du 5 janvier 1831. §. 135., du Hanovre du 26 septembre 1833 §. 63. 64. Le texte des chartes du Wurtemberg du 25 septembre 1819. §. 72., du grand-duché de Hesse du 17 décembre 1820. §. 4., de Saxe-Cobourg du 8 août 1821. §. 26., de Saxe-Meiningen du 23 août 1829. §. 30. n'offre rien de déterminé. Le droit de placet a reçu une extension énorme et au-delà de toute justification dans les §. 3. et 4. de l'édit rendu en 1830 par les puissances sur le territoire desquelles est assis l'archevêché de Fribourg. La constitution de Belgique, du 25 février 1831 art. 14. 16. accorde une liberté illimitée sous la seule réserve de punition en cas d'abus. (v) August. Conf. Tit. VII. de potestate ecclesiastica, Belg. Conf. Art. XXXII., Gallie. Conf. Art. XXXII., Angl. Conf. Art. XXXIV.

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Lorsque l'application d'une loi générale ne concorde plus avec le bien du tout ou des parties, les principes d'une justice plus élevée commandent d'y apporter des exceptions. Ces exceptions s'introduisent, soit par voie de priviléges ou exemptions permanentes d'une disposition légale, soit par voie de dispenses ou exemptions pour un cas spécial. Si l'on suit l'analogie de la législation, ces exceptions ne peuvent émaner que de l'autorité même qui a fixé la règle (w). Dans les premiers temps de l'Eglise cependant le droit de dispenser était plutôt considéré comme tenant à l'application et par suite dévolu, lors même qu'il s'agissait de lois générales, aux conciles provinciaux et aux évêques. Mais on commença bientôt à consulter dans les cas les plus graves le siége de Rome (x), et comme le maintien de la discipline exigeait d'ailleurs une certaine sévérité et uniformité dans les dispenses, le droit de les accorder est insensiblement passé au pape (y). Actuellement donc le droit de dispenser des lois générales est réservé au pape (≈), et n'appartient aux évêques que lorsqu'il leur a été expressément conféré par les lois ecclésiastiques (a). Du reste depuis le dix-septième siècle il est d'usage que, pour la commodité des fidèles, le pape délégue aux évêques, par des pouvoirs spéciaux (facultates), qui doivent être renouvelés tous les cinq ans, le droit de concéder certaines dispenses déterminécs. A défaut de supérieur le pape se fait personnellement dispenser par son confesseur. Les dispenses ne doivent s'accorder qu'après un mûr examen, pour de justes motifs et gratuitement (b; l'information des faits est commise au supérieur ordinaire (c). Chez les protestants, le droit de dispenser est pareillement réparti entre les pouvoirs législatif et administratif, et limité par des règles semblables.

(w) Le motif est consigné dans c. 16. X. de M. et O. (1. 33), Clem. 2. pr. de elec'. ( 1. ŷ). (x) C. 56. D. L. (Siric. a. 385), c. 41. c. I. q. I. (Innocent. I. a. 414), c. 18. c. I. q. 7. (Leo I. a. 442), c. 6. eod. (Gelas. a. 494).

(y) V. les preuves à l'appui dans Thomassin. Vet. et nov. eccles, discipl. P. II. Lib. III. c. 4-29.

(z) C. 4. X. de concess. præbend. (3. 8), c. 15. X. de tempor. ordin. (1. II).

(a) Le Conc. Trid. Sess. XXIV. cap. 6. de ref. en offre des exemples.

(b) C. 16. c. I. q. 7. (Cyrill. c. a. 432), c. 6. eod. (Gelas. a. 494), c. 17. eod. (Conc. Meldens.

a. 845), c. 30. 38. X. de elect. (1. 6), c. 11. X. de renunt. (I. II), Conc. Trid. Sess. XXV. cap. 18. de ref., Benedict. XIV. de synodo diœcesana Lib. XIII. cap. V. n° VII.

(c) Conc. Trid. Sess. XXII. cap. 5. de ref.

$176.-II. De la juridiction ecclésiastique. A) Sa sphère d'activité. 1) Matières ecclésiastiques.

Greg. II. I. Sext. II. 1. Clem, II. I. De Judiciis, Greg. II. 2. Sext. II. 2. Clem. II. 2. De foro competenti.

Le pouvoir de l'Eglise comporte virtuellement le droit de trancher conformément à ses lois et préceptes les différends nés dans son sein et se rattachant plus ou moins aux choses ecclésiastiques, ainsi que d'étayer sa sentence par des voies spirituelles de contrainte. Sous ce rapport, la juridiction constitue une partie essentielle du, pouvoir ecclésiastique; et elle a été non seulement reconnue comme telle (d) par les empereurs chrétiens (e), mais encore soutenue par des voies civiles de coaction. Cet état de choses reçut de nouveaux developpements par les lois des empereurs byzantins et de là s'étendit à l'Eglise russe. Il en fut de même en Occident, et conformément à la tendance religieuse de cette époque, toutes les matières contentieuses où se trouvait engagée même indirectement la question des devoirs de religion et de conscience furent dévolues aux tribunaux ecclésiastiques (f). Dans ce nombre figuraient notamment les causes matrimoniales à raison de la sainteté du mariage, conséquemment aussi les instances touchant la filiation légitime, parceque cette filiation dépend de la validité du mariage (g); en outre les testaments, parceque l'exact accomplissement des dernières volontés était considéré comme un devoir de conscience (h), toutes les obligations garanties par serment à cause de la sainteté de cet acte (i), les difficultés sur la sépulture ecclésiastique (k), le droit de patronage et les dîmes (1), parcequ'ils soulèvent des questions d'obligations envers l'Eglise (m). Pour

(d) C. I. C. Th. de relig. (16. II), Nov. Valentin. III. de episc. judic. (Novell. Lib. II. Tit. 35).

(e) C. F. A. Iungk de origin. et progressu episcopalis judicii in causis civil. laicor. usque ad Justinianum. Berol. 1832. 8.

(ƒ) C. 8. X. de arbitr. (I. 43), c. 2. X. de judic. (2. I).

(g) C. 12. X. de excess. prælat. (5. 31), c. 5. 7. qui fil. sint legit. (4. 17).

(h) C. 3. 6. 17. X. de testament. (3.26).

(i) C. 3. de for. compet. in VI. (2. 2), c. 2. de jurejur. in VI. (2. 11).

(k) C. 11. 12. 14. X. de sepulf. (3. 28).

(7) C. 3. X. de judic. (2. 1), c. 7. X. de præscript. (2. 26).

(m) L'étendue de la juridiction ecclésiastique en France est très bien déterminée dans un excellent livre de droit de l'année 1283. Beaumanoir Coutume de Beauvoisis chap. XI. << Bonne chose et pourfitable seroit selone Dieu et selonc le siècle, que chil qui gardent la Just che espirituel se melassent de che qui appartient à Espiritualité tant seulement, et lessassent justichier et esploitier à la laye Justiche les cas, qui appartiennent à la Temporalité, si que par la Justiche espirituel et par la Justiche temporel drois fu fez à chacun.»

contraindre à l'accomplissement de leurs sentences, les tribunaux ecclésiastiques ne pouvaient recourir qu'à des peines spitituelles; mais les tribunaux séculiers avaient mission expresse de leur prêter assistance en cas de besoin (n). Ces tribunaux étaient ainsi les uns à l'égard des autres dans la plus étroite connexion (o). Mais depuis le seizième siècle la juridiction de l'Eglise a successivement été ramenée dans la plupart des pays catholiques aux matières purement religieuses et n'a conservé des matières mixtes à peu près que les causes matrimoniales (p). Dans quelques pays, notamment en France, les tribunaux ecclésiastiques ont même été supprimés. Le contentieux en matière ecclésiastique s'y règle par voie administrative ou bien, en cas de connexité avec le droit civil, est déféré aux tribunaux séculiers. En Angleterre, au contraire, la juridiction épiscopale s'est pleinement maintenue dans ses anciens priviléges; en Russie et en Suède elle les a conservés en partie. En Danemark elle est à peu près supprimée. Dans l'Allemagne protestante elle a passé aux consistoires; en Prusse toutefois elle a été ultérieurement dévolue aux tribunaux ordinaires. En Hollande, les synodes ne connaissent plus des causes matrimoniales et le reste est plutôt traité comme chose d'administration.

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Aux yeux de l'Eglise la lutte des procès est au moins contraire à la charité chrétienne, et même un péché s'il y a mauvaise foi; aussi dès le temps des apôtres était-il recommandé aux chrétiens de ne pas déférer au juge séculier leurs différends, mais de les vider amiablement par transaction ou par l'intermédiaire de l'évêque (q). Ce n'était néanmoins qu'une exhortation, non un devoir absolu, et, comme pour toute procédure arbitrale, l'assentiment des deux parties était nécessaire; mais l'évêque une fois saisi, sa sentence de

Il ne laisse pas d'imputer ensuite à la juridiction ecclésiastique toutes les affaires concernant la foi, le mariage, les biens d'église, les testaments, la filiation légitime, le droit d'asile, la magie, les intérêts des croisés, des veuves et des orphelins, les dîmes ecclésiastiques. Il en était ainsi en Angleterre, comme le démontre l'ouvrage de Bracton. En Allemagne régnait le même état de choses; le Sachsenspiegel et les anciennes coutumes n'en donnent toutefois qu'une idée incomplète.

(n) Conc. Arelat, VI. a. 813. e. 13., Conc. Mogunt. a. 813. c. 8., Capit. I. Ludov. a. 823. c. 6., Conc. Pontigon. a. 876. c. 12.

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(0) C. 2. de except. in VI. (2. 12).

(p) A cause du Conc. Trid. Sess. XXIV. can. 19. de ref. matrim. Ce point est aussi reconnu dans le nouveau concordat de Bavière. Benoit XIV. de synodo diœcesana Lib. IX. cap. IX. s'exprime avec beaucoup de modération et de circonspection sur l'amoindrissement de la juridiction épiscopale.

(7) I. Cor. 6., c. 7. D. XC. (Statuta eccles. antiq.).

vait, aux termes d'une constitution de Constantin (r), reproduite par ses successeurs (8), être exécutée sans appel par le pouvoir séculier. Les avantages résultant d'une justice aussi simple et la confiance dont jouissaient alors les évêques leur attirèrent une foule d'arbitrages de la sorte (t). Chez les Germains aussi la piété donna toujours plus de crédit à cette exhortation, et beaucoup de différends furent aplanis par la seule entremise des évêques et des prêtres (u). Du reste il n'y avait jamais rien là que de volontaire de la part des parties (v). Mais peu à peu l'usage s'en est perdu. Chez les Grecs seulement la plupart des contestations se résolvent encore par le même mode. Quant au clergé, ce qui n'était pour les laïques qu'une exhortation était pour lui un devoir, parcequ'il devait donner l'exemple de la charité chrétienne. Conséquemment défense était faite aux clercs, sous menace de peines ecclésiastiques, de déférer aux tribunaux séculiers les contestations nées entre eux; ils devaient s'adresser à leur évêque et les évêques au synode (w). Cette disposition fut également introduite dans les royaumes germaniques (x, et même renouvelée par des conciles provinciaux modernes (y).

(r) Sozomen. histor. I. 9. Illud est maximum reverentiæ imperatoris erga religionem argumentum, quod—illis, qui erant in judicium vocati, dedit potestatem, si modo animum inducerent magistratus civiles rejicere, ad episcoporum judicia provocandi ; atque eorum sententiam ratam esse, et aliorum judicum sententiis plus habere authoritatis, tanquam ab ipso imperatore prolatam statuit. Quin etiam jussit, ut magistratus res jadicatas re ipsa exequerentur, militesque eorum voluntati inservirent.

(5) C. 7. 8. 29. §. 4. C. J. de episc. audient. (1. 4), Nov. Valentin. III. de epis. judic. (Novell. Lib. II. Tit. 35). D'après une autre constitution [c. I. C. Theod. de episc. judic. (16. 12)], attribuée dans ce code à Constantin, il aurait même suffi de la volonté d'une partie pour déférer à l'évêque toute contestation civile. Mais Godefroi a démontré que cette pièce, dont on ne laisse pas de soutenir souvent encore l'authenticité, est apocryphe. (f) Augustin. († 43′) Conf. VI. 3. Secludentibus me ab ejus (Ambrosii) aure atque ore catervis negotiosorum hominum, quorum infirmitatibus serviebat.-Idem de oper. monach. c. 37. Quantum attinet ad meam commodum, multo mallem per singulos dies certis horis aliquid manibus operari, et cæteras horas babere ad legendum et orandum, — quam tumultuosissimas perplexitates causarum alienarum pati de negotiis sæcularibus vel judicando dirimendis, vel interveniendo præcidendis.

(u) C. I. c. XV. q. 4. (Conc. Tarrac. a. 516).

(v) D'après un texte, savoir Benedicti Levitæ Capitular. lib. II. c. 366, inséré dans les c. 35-37. c. XI q. . et de là reproduit par Innocent III dans le c. 13. X. de judic. (2. 1), un litige pouvait être soumis à l'évêque par l'une des parties contre la volonté de l'autre. Mais cette disposition n'a jamais été adoptée par la pratique. Ces textes se réfèrent uniquement à la fausse constitution de Constantin mentionnée plus haut, qu'Innocent a attribuée par erreur à l'empereur Théodose.

(w) C. 46. c. XI. q. I. (Conc. Chalc. a. 451), c. I. 2. 6. 7. D. XC. (Statuta eccles. antiq.). (x) C. 6. c. XI. q. 1. (Conc. Matisc. I. a. 583), c. 42. eod. (Conc. Tolet. III. a. 589), c. 39. eod. (Greg. I. a. 601), Capit. I. Carol. M. a. 789. c. 27.

(F) Cone. Bituric. a. 1584. Tit. XXV. c. 10.

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