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marche de la constitution amenait une plus grande centralisation des affaires ils ont passé au pape (1).

$ 123. D) Points de vue de la doctrine sur la suprématie.

Les théories qu'offre la doctrine sur la suprématie se réduisent à trois classes. Quelques-uns considèrent dans le sens monarchique absolu le pape et l'Eglise comme un, et font dériver du pape seul toute autorité dans l'Eglise cette doctrine est nommée de là système papal. D'autres placent la suprême autorité dans le corps des évêques auquel le pape lui-même doit être soumis en cas de contradiction. Cette théorie a reçu de là le nom de système épiscopal. D'autres encore, et c'est incontestablement le vrai principe, considèrent le pape comme la tête, les évêques comme les membres, de sorte que le corps entier de l'Eglise consiste dans leur accord. Toutes ces théories sont du reste susceptibles de beaucoup de nuances qui ne peuvent guère s'apprécier que dans la discussion des questions spéciales. Ici se rattache une autre manière d'envisager le sujet actuellement usitée dans la science on distingue les droits de la suprématic en essentiels et accidentels. On nomme essentiels ceux qui découlent de l'idée de la suprématie, accidentels ceux qui se fondent uniquement sur l'utilité de l'Eglise ou sur le présent état de possession et le droit historique. Cette distinction est aussi en général parfaitement juste dans ce sens que, considérés abstractivement, les droits de la suprématie sont plus rapprochés ou éloignés les uns que les autres de son but et de son essence. Mais dans le détail il est impossible de fixer des limites absolues par la raison que le maintien de l'unité et l'intérêt de l'Eglise peuvent exiger dans un temps des mesures auxquelles on ne penserait pas dans un autre. Il faut donc toujours en revenir aux circonstances de fait (m). A la suite de la distinction indiquée quelques-uns ont posé cette thèse que les droits accidentels, comme provenant uniquement d'une délégation de l'Eglise, pourraient être repris même contre la volonté du pape pour le rétablissement de la discipline plus pure des premiers temps, ou alors que l'intérêt de l'Eglise le réclamerait (n). Mais une telle délégation est une vaine

(7) On voit sans cesse prodiguer aux papes le reproche de s'ètre mis en possession des droits des conciles provinciaux. Oui, sans doute, ils s'en sont saisis comme nos princes des droits des plaids et des diètes; mais la seule conséquence qui en résulte, c'est que si de telles assemblées n'étaient plus en rapport avec le temps, d'autres formes devaient les remplacer (§. 3. note g).

(m) La question da lieu de la résidence du pape semble par exemple indifférente an but de la suprématie ; et pourtant la translation du siége pontifical à Avignon a fait naître un long schisme.

(n) Cette thèse, soutenue notamment par Sauter, a été accueillie avec une vive appro

fiction totalement étrangère à l'histoire; et le rétablissement de l'ancienne discipline dans un état de choses tout différent est, comme l'ont reconnu des historiens réfléchis, un frivole prétexte où les formes sont données pour le fond (o). On ne réussit pas davantage à justifier par l'intérêt de l'Eglise ces mesures de violence, parceque sur la question même d'intérêt les membres ne peuvent pas s'ériger en juges contre la tête (p). Aussi des écrivains même du protestantisme ont-ils prévenu les souverains du danger de favoriser des principes que, par des raisons tout à fait semblables, on pourrait invoquer contre eux-mêmes (q).

$124. E) Droits honorifiques du pape.

La haute dignité du pape se produit en outre par des honneurs provenant de l'ancien usage de l'Église ou du droit international. Ses insignes sont un bâton pastoral droit, surmonté d'une croix et d'une triple couronne d'or qu'on nomme regnum. Une ancienne tradition fait descendre de Constantin ces dist nctions et d'autres encore (r). Une autre tradition parle d'une couronne ornée, que Clovis (510) envoya au pape (s). L'usage d'une double couronne était déjà selon toute vra semblance établi sous Nicolas II (+1061), bien qu'on l'attribue à Boniface VIII (1297). Quant à la trip'e cou

bation par Eichorn. Si l'on prétendait, selon les doctrines de la révolution française, que le roi n'est qu'un employé et un délégué de la nation, qui peut lai retirer à sa fantaisie les droits qu'elle lui a conférés, on pourrait être poursuivi et avec raison pour émission de principes destructeurs de la monarchie. Mais les argumentations les plus mauvaises doivent avoir cours alors qu'il s'agit d'abaisser la papauté.

(0) Joh. Müller (Werke B. XVI. §. 156). Dès que l'empereur Joseph II reviendra à la simplicité des disciples, le pape Pie VI célébrera la cène comme le Christ notre Seigneur; mais alors aussi l'échanson ne présentera plus la coupe.

(p) Tous les révolutionnaires prennent l'intérêt public pour devise, et le règne de la terreur en France était celui du comité de salut public.

(9) Lessing disait (Jacobi's Werke B. II. §. 334): Les principes de Febronius et de ses parti ans sont une flatterie déhontée envers les princes; car ou ils sont sans force contre les droits du pape, ou il y a deux et trois fois autant de raisons de les appliquer aux princes eux-mêmes. Chacun est à portée de le comprendre, et personne ne l'a dit encore avec le langage incisif et énergique qu'un tel sujet comporte et mérite, personne parmi tant d'hommes auxquels leur position en fait un devoir sacré ; c'est là un fait extraordinaire et un signe funeste. J. Müller Fragment: Qu'est-ce que le pape? (Werke B. VIII.) On dit qu'il n'est qu'un évêque. Oui, comme Marie-Thérèse n'est qu'une comtesse de Habsbourg, Louis XVI un comte de Paris, le héros de Rossbach et de Leuthen un Zollern. On sait qu'l est le pape qui a couronné Charlemagne premier empereur; mais qui a fait le premier pape?

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(r) C'est sur cette tradition qu'a été composé le faux titre de donation de Constantin. C. 14. D. XCVI.

(s) Ce fait est rapporté dans Siegeb. Gemblac, ad a. 510.

ronne, il est certain qu'elle se trouve déjà sous Clément V (+1314), et ne doit pas, comme on a l'habitude de le dire, son origine à Urbain V (1352). Le terme d'usage en s'adressant au pape est : Très saint père (t). Lui se nomme dans ses bulles: Servus servorum Dei, dénomination adoptée par Grégoire 1 au sixième siècle par opposition à celle de patriarche cecuménique que se donnait le patriarche de Constantinople. Le titre pontifex maximus est passé des empereurs romains au pape (u). Papa est la désignation primitive de chaque évêque, mais depuis le sixième siècle elle s'applique principalement à l'évêque de Rome (v). Pareillement celle de vicarius Christi était primitivement commune à tous les évêques (w). Quant aux distinctions honorifiques du droit international, les principales sont les ambassades que les puissances catholiques entretiennent à la cour papale. Dans le cérémonial de ces ambassades on passe actuellement par dessus maintes formalités essentielles dans l'ancien usage. Une forme particulière d'hommage est le baisement des pieds. C'était primitivement dans les mœurs byzantines un hommage qu'on rendait à l'empereur et aux évêques. Les premiers exemples d'empereurs s'y soumettant eux-mêmes sont ceux de Justin (525) sous le pape Jean 1er et de Justinien sous Agapet. Aujourd'hui cette cérémonie n'est plus de rigueur que dans les circonstances solennelles.

$ 125.-F) De l'état de l'Église.

Outre sa dignité spirituelle le pape a la souveraineté temporelle sur l'état de l'Église. Ces possessions de l'Église romaine sont fondées sur des titres de différentes époques en vertu desquels elles ont été de nouveau reconnues au congrès de Vienne (1815). Leur grande importance pour l'Église entière se présente sous deux points de vue. Premièrement elle procurent au pape la position libre qu'il doit avoir pour traiter les affaires de l'Église avec tous les monarques et états. Si le chef de l'Église résidait sur un sol étranger, les communications seraient entravées à chaque guerre

(t) Dans les anciennes lettres des évêques entre eux ils se qualifiaient habituellement vestra sanctitas, vestra beatitudo.

(u) Les empereurs romains le portèrent jusqu'à Gratien. Parmi les papes, Léon 1er est le premier ainsi qualifié dans une inscription que Niebuhr nous disait avoir existé dans l'église de Saint-Paul, incendiée depuis. Grégoire Ier se qualifie souvent ainsi lui-même. Du reste, d'autres évêques sont fréquemment aussi dénommés summi Pontifices, c. 13. D. XVIII. (Conc. Agath. a. 506).

(v) Thomassin. Vet. et nov. eccles. discipl. P. I. L. I. c. 4. La qualification de Sire a éprouvé un sort analogue, et était encore au treizième siècle commune à chaque seigneur de fief.

(w) C. 19. c. XXXIII. q. 5. (Hilar. diac. c. a. 380).

(x) Il ne convient pas plus ici de détailler ces titres que de décrire la constitution politique de l'état de l'Église.

et les affaires de la religion seraient embrouillées par celles de la politique. Deuxièmement le pape est ainsi mis à même de subvenir aux frais occasionnés par sa position, ses fonctionnaires, les instituts pour la propagation du christianisme et autres qu'il doit entretenir dans l'intérêt de toute l'Église. Si ces frais devaient, et il le faudrait bien à défaut de possessions propres, être couverts par les subsides des princes et nations catholiques, le pape se trouverait par là dans une position fausse, et les intérêts les plus graves dépendraient, comme l'expérience l'a déjà démontré, de la faveur du moment et autres accidents (y). L'état de l'Église est donc incontestablement d'une très grande importance pour le maintien de la constitution.

$126. II. Des cardinaux. A) Histoire de cette dignité.

Les cardinaux sont les coopérateurs et conseillers attachés à la personne du pape (z). Dans le sens primitif de leur institution ils ne sont autre chose que le presbyterium ou le sénat établi, conformément à l'ancienne constitution, près de l'évêque de Rome comme de tout évêque quelconque pour l'assister de ses efforts et de ses conseils (a). Les prêtres et diacres qui en faisaient partie étaient originairement sans aucun doute unis avec l'évêque à une seule et même Église. Mais bientôt il y eut à Rome vingt-cinq et même dès le cinquième siècle vingt-huit Églises principales où s'administraient les sacrements, et auxquelles, indépendamment des autres prêtres et diacres, était préposé un prêtre titulaire. La ville fut aussi de bonne heure divisée en sept régions ecclésiastiques, et dans chacune, par décision du pape Fabien à la date de 240, un diaconus regionarius spécialement chargé de l'inspection des hospices des pauvres et malades ainsi que des oratoires qui en dépendaient. Ces vingt-huit prêtres titulaires et ces sept diacres furent dès lors, parcequ'ils étaient investis d'un office permanent (titulus), distingués des autres ecclésiastiques de Rome par une dénomination spéciale. C'était alors généralement l'usage de désigner par les noms d'episcopus, presbyter, diaconus cardinalis, l'ecclésiastique incorporé à demeuré (intitulatus, incardinatus) à une église par opposition à tout autre qui n'y était attaché qué temporairement ou moins étroitement (6).

(r) Quelle nation se prêterait encore au denier de S. Pierre, et n'a-t on pas assez déclamé contre les annates ?

(z) Platus au seizième siècle, Coheli et Tamagna au dix-septième, ont écrit des traités spéciaux sur cette matière.

(a) Cornelius P. († 253) ad Cyprian. epist. VI. Omni igitur actu ad me perlato, placuit contrahi presbyterium.

(b) C. 3. D. XXIV. (Gelas. a. 494), c. 42. c. VII. q. 1. (Gregor. 1. a. 592), c. 5. 6. c. XXI. q. I. (Idem eod.), c. 5. D. LXXI. (Idem a. 596) ibiq. Corr. Rom.

Ils furent donc nommés aussi dans ce sens presbyteri et diacon'cardinales, et comme ils étaient les plus considérés du clergé de Rome ils formèrent le presbyterium de l'évêque. Au neuvième siècle sept évêques voisins urent en outre associés au culte et à l'administration, et nommés également cardinales. La division de la ville. en sept régions était purement ecclésiastique, et avait laissé subsister concurremment la division polit que d'Auguste en quatorze régions. Celle-ci finit par prévaloir. De là vient inconstestablement que le nombre des diaconi cardinales se trouve doublé au onzième siècle et porté à quatorze., Vers la même époque il fut encore augmenté de quatre diaconi palatini, destinés à assister le pape dans l'église de Latran : le nombre total des cardinaux ecclésiastiques de Rome fut dès lors de cinquante-trois. Ils ne jouissaient comme tels d'aucune distinction propre, et leur rang soit entre eux, soit vis-àvis des autres ecclésiastiques, se déterminait par leur office respectif. Mais l'importance de leur position et surtout leur concours à l'élection du pape fit peu à peu considérer le cardinalat comme une digité particulière et très élevée primant même les archevêques et les patriarches latins (c). Pie IV interdit aussi (1567) à tous autres membres du clergé de porter le nom de cardinal.

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Le pape seul nomme les cardinaux; mais il doit les choisir parmi les hommes les plus distingués et autant que possible de toutes les nations de la chrétienté (d). Plusieurs souverains ont aussi le droit de lui recommander des candidats. Le concile de Bâle voulait, pour éviter de trop grandes dépenses, que le nombre des cardinaux ne dépassât pas vingt-quatre; une bulle de Sixte V (1586) l'a fixé à soixante-dix, dont quatorze diacres, cinquante prêtres et six évêques, deux des sept évêchés auxquels est attachée cette dignité ayant été réunis dans l'intervalle. Pour représenter encore à certains égards l'état primitif de l'institution les prêtres et les diacres portent le nom d'une église principale (titulus) de Rome, et ils ont encore aujourd'hui plusieurs droits spéciaux sur l'église qui leur est assignée en titre (e). Selon l'idée de leur institution les cardinaux sont les amis et conseillers du pape, et leurs rapports réciproques doivent être pénétrés d'un sentiment vraiment paternel puisé dans l'esprit de l'Evangile (ƒ). Dans les consistoires ordinaires ou secrets ils

(c) Les causes et progrès de la grandeur des cardinaux sont très bien décrits dans Thomassin. Vet. et nova eccles. discipl. P. I. L. II. c. 113. 114.

(d) Conc. Trid. Sess. XXIV. cap. 1. de ref.

(e) C. 24. X. de elect. (1, 6), c. II. X. de majorit, (I. 3').

(ƒ) Concil. Basil. Sess. XXIII. c. 4. Si quem ex Cardinalibus aliquid perperam facientem papa cognoverit, paterna semper caritate et juxta docꞌriñam evangelicam corrigat: nt

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