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L'entretien des profondeurs utiles pouvait donc paraître assuré dans des conditions satisfaisantes grâce aux travaux cidessus, sur les 13 kilomètres de la section autrefois très mauvaise de Lormont-Montferrand, si une tendance à la déformation des formes nouvelles données au lit ne s'était manifestée graduellement par la suite à Bassens.

Les seuils que l'on avait cherché à constituer au moyen de dépôts de produits lourds n'avaient pas résisté à l'entraînement continu par les courants, et la décision ministérielle du 4 juin 1898 spécifiait déjà qu'une étude serait faite en vue de réaliser de véritables ouvrages sous-marins dans les faux chenaux de flot et de renvoyer ainsi les eaux dans le chenal de jusant. Les propositions correspondantes furent présentées les 22-30 janvier 1902 par les Ingénieurs du Service maritime (1). Les travaux consistaient en deux groupes de seuils de fond destinés non pas à supprimer, mais simplement à barrer le faux chenal de flot et à le diriger vers le chenal de jusant ; en outre, un sillon de dragage devait être exécuté dans ce dernier à la cote (— 4,5) en vue de compenser la réduction de section et surtout de mieux attirer le courant de flot.

Le premier groupe de seuils, celui d'amont, avait pour but essentiel d'obstruer le faux chenal de flot, il serait exécuté d'amont en aval par étapes successives, en tenant compte des résultats obtenus. Le premier seuil était placé au K. 8,4 au droit du cul-de-sac que présente la courbe - 3, le troisième dans une position analogue par rapport à la courbe — 4, ils étaient tous arasés à une cote légèrement inférieure à celle de la crête séparative des chenaux afin d'empêcher sa disparition; ils présentaient en outre vers le large une saillie assez faible pour que les affouillements soient peu à craindre et étaient rattachés aux épis de rive correspondants nos 4, 5 et 7.

Le second groupe de seuils, celui d'aval, avait pour objet de continuer l'effet de guidage des épis de rive et de diriger le courant de flot vers le chenal de jusant; il se trouvait dans une

(1) Ingénieur en chef, M. Voisin; ingénieur ordinaire, M. Vidal.

section où la fosse de Lagrange est terminée et où le dualisme des chenaux n'est pas encore réalisé ; ces seuils constituaient donc plutôt le prolongement normal à l'axe de la rivière des épis de rive nos 9 et 10.

Ces différents seuils étaient essentiellement constitués à l'aide d'un noyau de sable revêtu aussitôt que faire se pourrait par une carapace de o m. 50 d'épaisseur moyenne générale en moellons de 20 à 40 kg; le sable devait être pris sur la passe du Caillou, où, grâce au jeu prédominant du flot, il se dépose régulièrement ; il en résulterait cette conséquence heureuse de réaliser par la même occasion une amélioration intéressante sur ce point.

Ces propositions ont été approuvées par la décision ministérielle du 1er mai 1902. Malgré toutes les précautions prises, on rencontra, en exécution, d'assez grandes difficultés pour procéder d'une façon satisfaisante à l'immersion des sables au milieu de courants de marée relativement intenses; on parvint cependant à réaliser les ouvrages dans les conditions prévues, mais l'expérience montra que les évaluations faites pour les pertes de sable par entraînement en dehors du profil ou par enfoncement dans la vase, étaient tout à fait insuffisantes; les ouvrages disparurent très rapidement dans le sous-sol sans laisser aucune saillie sur le fond.

La situation revint par suite à l'état antérieur. Mais en fait le cube extrait de 1902 à 1910 sur Cariette et Bassens n'a pas dépassé 160.000 m3 soit 20.000 m3 par an en moyenne, et on put se contenter dans ces conditions des résultats obtenus sur ce point.

b) Passes d'Ambès-Beychevelle.

Au Bec d'Ambès le dérasement des traverses à la drague par l'entreprise Vernaudon, suivant le profil prescrit par la décision du 12 janvier 1892, avait été entrepris dans le mois de juin 1893; mais les vases qui s'étaient déposées dans les bassins depuis le mois de mai 1891 avaient déjà acquis une consistance telle qu'elles ne s'écoulèrent plus dans le fleuve comme on l'escomp

tait, une partie seulement fut entraînée par les érosions dues au courant de jusant à l'amont et au courant de flot à l'aval.

Les nouvelles propositions des Ingénieurs établies en exécution des prescriptions de la commission en 1892 furent présentées les 9/11 décembre 1893 (1) et approuvées par décision ministérielle du 20 mars 1894; elles avaient principalement pour objet la constitution du vasard du Bec; les travaux ont consisté : 1o en l'exécution d'une plateforme de 800 mètres de longueur arrêtée à la cote (+ 5,00) et limitée, tant du côté Garonne que du côté Dordogne, par une double ligne de pieux clayonnés formant un V très allongé ;

2o en la construction d'une série d'épis pour protéger le pied de cette double ligne, contre les affouillements, tant en Garonne qu'en Dordogne ;

3o en la constitution d'un avant-bec en enrochements de 200 mètres de longueur projeté en vue de défendre, contre les attaques du courant de flot, l'extrémité de la plateforme cidessus.

Les résultats obtenus furent pleinement satisfaisants du côté de la Garonne où la laisse de basse mer s'avança d'ellemême en réalisant un arc de cercle convexe, presque exactement conforme au tracé théorique du projet; les épis prévus de ce côté purent être ainsi ajournés. Du côté de la Dordogne des corrosions sérieuses obligèrent à construire quatre épis inclinés à 45° sur le jusant très violent en cet endroit (1895), puis à allonger ces épis et à les consolider en doublant les files de pieux (1897). En même temps on était conduit à renfoncer l'éperon en enrochements formant la pointe du Bec, qui était fortement attaqué par les courants de flot.

Grâce à ces divers travaux le vasard, qui était fortement entamé en 1893, s'est trouvé reconstitué; les vases ont monté rapidement dans l'intervalle compris entre les deux branches du V en pieux clayonnés et la végétation s'est ensuite emparée

(1) Ingénieur en chef, M. Crahay de Franchimont; ingénieur ordinaire M. Kauffmann.

de l'ensemble: tout risque de voir une coupure se reproduire en cet endroit était par suite écarté. Sur la rive gauche on constatait en 1905 au point kil. 25.200 correspondant au rescindement maximum de 1880 (333 m.) que la ligne d'étiage était à 165 mètres à l'ouest de la position qu'elle occupait en 1883, ce chiffre représentant le rescindement réel; elle était encore à 75 mètres à l'est de la limite du rescindement théorique que le projet du 6 février 1892 avait adoptée comme tracé définitif de la ligne d'étiage.

De toute façon, la modification ainsi apportée dans la configuration des rives correspondait à une amélioration très notable dans l'aménagement des sections; de plus, tout échange de flot ou de jusant entre la Garonne et la Dordogne était désormais impossible, d'où une amélioration certaine des fonds dans le chenal de navigation. Il faut reconnaître toutefois que le résultat désiré à ce point de vue n'était pas encore complètement atteint. Nous avons déjà dit plus haut que de 1890 à 1893 on avait été amené à exécuter divers dragages destinés à rétablir dans la mesure du possible la profondeur de 3 m. 50 au-dessous de l'étiage qui devait être maintenue sur toute la longueur du chenal entre Bordeaux et l'Ile Verte. De 1893 à 1896, la situation se maintint d'elle-même dans des conditions satisfaisantes; de 1897 à 1903, l'ensemble du cube enlevé par dragages, sur les barres du Bec d'Ambès, a atteint 268.000 m3, soit 50.000 m3 environ par an.

Puisqu'un résultant suffisant n'avait pu être obtenu au moyen de la rectification des rives, il convenait de rechercher si la solution désirée ne pourrait être obtenue par un aménagement convenable du lit mineur. Un projet fut alors établi par les Ingénieurs du Service maritime, le 19 mai 1904, comportant en dehors de l'exécution d'un nouveau sillon de dragages la construction d'épis sur les deux rives pour diriger dans ce sillon les courants de flot et de jusant. On envisageait la création de 4 épis de rive en charpente le long de la digue de Macau, et de

(1) M. Vidal, ingénieur en chef; M. Kauffmann, ingénieur ordinaire.

9 autres le long de la ligne de clayonnage du vasard en rive droite. En outre, 5 épis sous-marins dirigés à 45o sur le courant de flot étaient prévus en rive gauche, à l'aval, en même temps que 4 épis de jusant analogues à l'amont.

Les épis sous-marins n'ayant pas pour objet de modifier la ligne d'étiage, mais de corriger l'excès de surface des sections croissant de l'aval vers l'amont, on a admis en principe que leur hauteur d'enracinement irait en augmentant à mesure que se rapprocherait le bras de Macau. Il en est de même de leur extrémité en rivière. En fait, la partie supérieure de leur enracinement variait de la cote 2,40 à la cote 1,30 et la partie supérieure de leur extrémité en rivière de la cote 3.80 à la cote 2,70. On avait d'ailleurs vérifié que les hauteurs et les longueurs étaient suffisantes, en calculant pour chaque profil la section moyenne d'écoulement théorique et en recherchant les modifications, soit en plus, soit en moins, à donner à la section actuelle pour arriver à cette section théorique.

Tenant compte des difficultés d'exécution et de la durée éphémère des ouvrages analogues qui venaient d'être réalisés à Bassens, on renforça notablement ici les profils précédents : les épis sous-marins devaient être constitués par un noyau en sable provenant de la passe du Caillou ou des dragages projetés sur le banc séparant les deux chenaux du Bec. Ce noyau en sable serait maintenu entre deux véritables digues en enrochements. La digue d'amont aurait I m. 50 en couronne, un talus intérieur à 45o et un talus extérieur à 2 pour 1; la digue d'aval aurait en couronne 3 m., le talus d'amont serait à 45° et le talus d'aval à ro/1. Les deux digues seraient séparées par un intervalle de 8 m. 50; elles n'auraient que 1 m. de hauteur. Au-dessus de ces cordons d'enrochements, on en mettrait d'autres s'appuyant sur la crête des premiers et sur le remblai les séparant. On obtiendrait finalement le profil définitif: talus d'aval au 10/1; talus d'amont, 2/1; largeur en crête, 2 mètres. Ces propositions ont été adoptées par décision ministérielle du 17 août 1904.

Les seuils sous-marins n'ont malheureusement pas été beau

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