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correspondant à la période de dix années de 1904 à 1913, durant laquelle la fréquentation moyenne par train a été de 67 voyageurs seulement.

On voit finalement que les comparaisons ci-dessus aboutissent toutes, quelle que soit la base adoptée, à cette même conclusion : si, pendant les premières années qui ont suivi la guerre, la sécurité de la circulation des trains sur nos réseaux a été quelque peu compromise, la situation, à cet égard, est allée progressivement en s'améliorant, au point que, pendant l'année 1923, elle a été meilleure que pendant la dernière année qui a précédé la guerre, presque aussi bonne que pour celle des dix années précédant la guerre où l'on avait eu le maximum de sécurité, et, en tout cas, meilleure que pour la moyenne de ces dix années.

L'amélioration progressive de la sécurité obtenue dans les dernières années est encore mise en évidence par la réduction du nombre même des accidents ayant occasionné mort ou blessures qui, de 1919 à 1920, s'est élevé de 144 à 180, mais est tombé ensuite à 81 en 1921, à 49 en 1922 et, enfin, à 39 en 1923, ce qui représente une réduction de près des quatre cinquièmes dans l'espace de ces quatre années.

Ces chiffres ne sont pas comparables aux nombres d'accidents décomptés dans le tableau résumé des années précédant la guerre, la statistique des chemins de fer groupant alors, dans une même catégorie, les accidents de trains ayant occasionné mort ou blessures et ceux ayant entraîné seulement des avaries importantes à la voie ou au matériel roulant. Mais nous avons pu établir le nombre total de ces accidents pour les années 1921, 1922 et 1923: il a été de 137 en 1921, de 157 en 1922 et, finalement, de 125 en 1923, c'est-à-dire, pour cette dernière année, en diminution de 30 p. 100 par rapport à la moyenne de 177 des dix années qui ont précédé la guerre, et du même ordre de grandeur que pendant la meilleure des années de cette période. Les accidents, moins nombreux qu'avant guerre, ont eu plus souvent le caractère de catastrophes, en raison de ce que les trains étaient plus fréquentés. Il est peu probable que leur utilisation doive diminuer beaucoup à l'avenir; mais il est très rassurant de cons

tater que le nombre des accidents va en diminuant d'une façon continue.

L'amélioration progressive qui s'est produite dans la sécurité a porté principalement sur les cas d'accidents par inobservation de signaux qui, après la guerre, étaient fréquents et se produisaient souvent en vitesse, ce qui leur donnait un caractère particulier de gravité. Non seulement la proportion de ces accidents a diminué, mais ils ont eu des conséquences beaucoup moins graves.

C'est ce que montrent les chiffres suivants. En 1919, 30°/o des accidents de trains ayant occasionné mort ou blessures étaient dus à l'inobservation des signaux et ils avaient entraîné la mort de 62 °/% des 277 voyageurs et agents tués et des blessures à 50% des 1133 blessés. En 1922, la proportion des accidents dus à cette cause n'était plus que de 22 ojo, et celle des victimes qu'ils avaient entraînées était tombée à 10 o/% pour les tués et à 24°/0 pour les blessés. En 1923, le nombre des accidents de trains dus à l'inobservation des signaux n'était plus que de 8 sur un total de 39, soit de 20°/o, et ils n'ont occasionné qu'une mort sur les 27 voyageurs et agents tués, soit une proportion de 3, 7°/o, et 30% des blessés, en général légèrement atteints.

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III. CAUSES DE L'AMÉLIORATION CONSTATÉE
DANS LA SÉCURITÉ

Ces résultats très satisfaisants sont incontestablement dus à la vigoureuse action des réseaux pour remettre en état leur matériel, pour améliorer l'instruction professionnelle de leurs agents, pour reprendre en main leur personnel, qui n'avait plus le même esprit de discipline et d'affection qu'avant la guerre, et, enfin, pour améliorer leurs postes de sécurité. Ils sont dus aussi, pour une part, aux efforts persistants du service du contrôle qui, soit à la suite de ses enquêtes approfondies sur les circonstances des accidents, soit au cours de l'instruction des nombreuses questions d'exploitation qui lui étaient soumises ou dont il prenait l'initiative, soit enfin dans l'exercice même de ses fonctions de sur

veillance, pendant lequel son action s'est bien souvent traduite par une véritable collaboration avec les réseaux, a pris l'initiative de mesures qui ont été imposées aux réseaux par M. le ministre des travaux publics, ou acceptées par eux, et ont eu pour résultat d'améliorer les conditions de sécurité de la circulation. Ses efforts ont, d'ailleurs, reçu le haut appui de la section technique du comité consultatif de l'exploitation des chemins de fer.

Il nous a paru que la mise en relief des données statistiques précédentes pouvait être l'occasion de faire connaître l'action de ce service, dont le rôle est très ingrat puisqu'il ne peut, en général, se traduire que par des résultats non tangibles, non perceptibles aux sens, c'est-à-dire par des effets négatifs destinés à empêcher que quelque chose ne se produise: empêcher, par exemple, qu'il n'y ait des accidents, qu'il n'y ait des retards dans es trains, dans le transport des marchandises, etc..., tous effets dont on peut toujours nier qu'ils soient dus, dans une mesure quelconque, à ses interventions et que, bien souvent, en sens inverse, on lui reproche de n'avoir su obtenir.

Cette action est devenue plus agissante depuis la guerre, non en raison des circonstances ni de la personnalité des fonctionnaires qui l'exercent, mais par suite même de la nouvelle organisation adoptée pour ce service en 1918, qui a supprimé la division des services en contrôles par réseau, établie parallèlement à celle de nos chemins de fer, pour réaliser une division en contrôles par technicité s'étendant à tous les réseaux.

Si cette organisation peut, par certains côtés, avoir des inconvénients, elle a, en revanche, renforcé notablement l'autorité des services de contrôle en leur donnant des vues plus générales, plus dégagées des contingences particulières à chaque réseau, qu'ils avaient autrefois trop de tendances à accepter, et elle a permis ainsi d'adopter des mesures d'ensemble et de pousser les réseaux dans la voie si désirable, mais, pratiquement, si difficile à réaliser, de l'unification de la réglementation, et, notamment, de la signalisation.

IV.

INTERVENTIONS DE L'ADMINISTRATION SUPÉRIEURE

ET DU SERVICE DU CONTROLE

Parmi les mesures que le service du contrôle a proposées, nous indiquerons les plus importantes, qui ont un caractère général, en nous bornant à celles qui concernent la sécurité, et nous les classerons en deux catégories, selon qu'elles se rapportent à tous les réseaux ou qu'elles ne concernent que l'un d'eux.

A.

Décisions concernant l'ensemble des réseaux.

1° Doublement, par des pétards, des signaux d'arrêt absolu et des sémaphores, ainsi que des signaux avancés et annonciateurs des bifurcations et autres points dangereux. - Depuis longtemps, la question s'était posée de rechercher la possibilité de faciliter l'observation des signaux par les mécaniciens, au moyen d'appareils répétiteurs des signaux sur les machines, et elle avait pris une acuité toute spéciale durant les vingt-cinq dernières années. Mais, malgré de nombreuses et énergiques interventions de l'Administration supérieure, seul, le réseau du Nord avait, avant la guerre, et depuis longtemps, résolu le problème sur son réseau paṛ l'adoption du crocodile, dont il avait fait une application sur toutes ses lignes à double voie. Les autres réseaux, après de nombreuses expérimentations, allaient seulement entrer dans la voie d'essais d'application étendus lorsque la guerre éclata. Non seuement ils ne purent réaliser les installations qu'ils avaient projetées, mais le Nord dut démonter ses crocodiles, sur lesquels certaines machines françaises ou étrangères ne pouvaient circuler en raison de la présence, sous ces machines, de pièces basses qui descendaient au-dessous du niveau supérieur de ces appareils.

Il en résulta qu'après l'armistice, au moment où de fréquents accidents se produisaient sur tous les réseaux, la question était entièrement à reprendre.

Quelque effort que l'on fît, il parut certain que la répétition des signaux sur les machines ne pouvait être établie sur l'ensemble de nos lignes dans un délai suffisamment court pour remédïer à cette situation.

Il semblait bien, cependant, que le mal venait surtout de l'inobservation des signaux et que des mesures immédiates fussent nécessaires pour tenter de le réduire, en attendant la mise en application généralisée du système de la répétition des signaux. En effet, du 1er janvier au 30 septembre 1919, sur un total de 89 accidents de trains qui s'étaient produits et avaient provoqué la mort de 168 personnes, 24 d'entre eux parmi les plus graves, ayant entraîné la mort de plus de la moitié des victimes, étaient dus à l'inobservation des signaux. A ce moment, survint, le 3 novembre 1919, le grave accident de Pont-sur-Yonne, sur le réseau P.-L.-M., dû également à l'inobservation des signaux, et qui entraîna de nombreuses victimes. Le service du contrôle proposa alors, à titre d'expédient, d'utiliser les pétards pour appuyer non seulement les signaux d'arrêt absolu, mais même certains signaux avancés et annonciateurs particulièrement importants: ceux des bifurcations ou autres points dangereux. C'est ainsi qu'intervint la circulaire ministérielle du 19 novembre 1919 qui invita les réseaux à « doubler par des pétards tous les signaux d'arrêt absolu, les sémaphores, ainsi que les disques avancés et les signaux des bifurcations et autres points reconnus dangereux, à moins que ces signaux ne soient munis d'appareils répétiteurs électriques ou mécaniques ».

A la suite d'un second accident grave survenu également sur le réseau P.-L.-M., à Perrigny, le 5 février 1920, et dû à la même cause, une seconde circulaire intervint le 23 février 1920 et traça, pour chaque réseau, le programme général d'installation des pétards qui devait être réalisé dans le délai d'un an au plus; toutefois, pour les bifurcations importantes, sur lesquelles il passe plus de 100 trains réguliers par jour, l'application des pétards devait être faite dans le délai d'un mois.

Ces décisions laissaient donc de côté les signaux avancés des postes sémaphoriques, en attendant l'établissement de la répétition des signaux, afin d'éviter la fréquence des explosions qui se seraient produites au moindre retard dans les déblocages.

L'application des pétards aux signaux carrés et aux sémaphores ne souleva pas de difficultés; elle était déjà, d'ailleurs;

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