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conditions que, par une demande d'avis restée capitale au point de vue du droit minier, M. Barthou, ministre des Travaux Publics, des Postes et des Télégraphes, suivant entièrement l'inspiration de Charguéraud, demanda au Conseil d'État, le 4 septembre 1907, de faire connaître son opinion sur l'étendue des pouvoirs de l'État en matière de concessions. La haute assemblée ayant reconnu impossible en droit l'assimilation de la concession minière à la concession de travaux publics, il ne restait plus qu'à se retourner vers le législateur pour lui demander des

armes.

Or, dès cette époque, les travaux qui devaient aboutir, le 17 novembre 1908, au dépôt des projets Barthou, étaient en cours. Attribuer le mérite entier de ces projets à Charguéraud, serait commettre une incontestable injustice à l'égard des hauts fonctionnaires de l'Administration des Mines, qui en assumèrent l'élaboration. On doit dire toutefois que c'est le Directeur qui présida la préparation des projets de loi et que son esprit y est présent à bien des égards. Il est même possible de relever certains points intéressants sur lesquels son action fut très directe et particulièrement efficace.

Tel est le cas du contrôle des transmissions de la propriété minière, contrôle que Charguéraud, toujours désireux d'accroître les pouvoirs de l'État, estimait nécessaire en vue de prévenir les abus d'une liberté jusqu'alors entière. Une formule spécialement stricte fut adoptée sur l'intervention personnelle du Directeur, et si le projet général de 1908 ne put dépasser le stade de la discussion parlementaire, du moins, quelques années plus tard, en juillet 1911, la réforme fut-elle accomplie dans les termes mêmes indiqués par Charguéraud. D'ailleurs, avant de quitter l'admi nistration des Mines, Charguéraud eut encore le temps de prendre part à l'élaboration du projet déposé par M. Millerand, le 3 juin

1910.

Il ne conviendrait pas de juger son œuvre d'après le résultat immédiat de son intervention de 1907 et d'après l'abandon des projets généraux de 1908 et 1910, dont l'ampleur même rendait une discussion parlementaire singulièrement difficile. Chaque

fois que, depuis le passage de Charguéraud dans l'Administration des Mines, le législateur à statué sur le régime de la propriété minière, c'est-à-dire en 1911 et 1919, les solutions adoptées par le Parlement ont été une suite directe des propositions émises autrefois par le collaborateur de M. Barthou. La législation minérale est œuvre de longue haleine, où l'on travaille pour un avenir rarement proche; l'action de Charguéraud se montre donc plus efficace à mesure que le temps s'écoule et l'on peut reconnaître en lui l'un des premiers représentants d'un mouvement «< interventionniste >> dont les conséquences ont été considérables.

Service des routes. Développement de l'automobilisme et transformation du revêtement des chaussées. — Dans les premières années du xxe siècle, il devint évident que le développement de la locomotion automobile allait transformer profondément les conditions de la construction et de l'entretien des chaussées.

Dès le mois d'avril 1906, Charguéraud créa, auprès de la Direction des Routes, une Commission d'études pour la suppression de la poussière et la conservation des chaussées, qui fut chargée de s'occuper des questions concernant l'usure des routes par les automobiles, de provoquer et de diriger les expériences de tout ordre dans le domaine de la construction et de l'entretien des chaussées nouvelles.

C'est à la suite des travaux de cette Commission, et sur son initiative, que le goudronnage fut introduit dans la pratique courante de l'entretien des chaussées à forte fréquentation automobile et que furent entreprises les premières recherches et applications expérimentales de revêtements modernes : agglomérés au goudron, au brai, au bitume, au mastic d'asphalte, qui, depuis, ont reçu des développements étendus sous les noms de : tarmacadam, bitulithe, monolastic, trinidad, pitchmacadam, etc. Charguéraud s'intéressait personnellement à ces travaux, accordait à la Commission les crédits qu'elle sollicitait, visitait les << routes-expériences » où se poursuivaient, dans les environs immédiats de la capitale, les recherches et les études compa. ratives.

Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1924-IV.

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Les congrès internationaux de la route. Dans le courant de 1907, Charguéraud, estimant le moment venu d'ajouter à nos propres expériences le fruit des expériences analogues poursuivies à l'étranger, proposa à M. Barthou, alors ministre des Travaux Publics, de réunir un Congrès international ayant pour objet de grouper et de comparer les efforts faits de toutes parts pour aménager les routes en vue des nouveaux modes de locomotion.

Une délégation, envoyée par le Gouvernement français en Allemagne, au circuit automobile du Taunus, pour étudier l'action des automobiles de grande vitesse sur les chaussées, s'assura, auprès des représentants présents des diverses nations, qu'une réunion des techniciens et des usagers de la route aurait les plus grandes chances de succès. A la suite de ces sondages officieux, le Ministre décida de réunir à Paris un grand Congrès international de la route, où seraient appelés à se rencontrer les ingénieurs et les entrepreneurs, d'une part, les automobilistes, touristes et conducteurs de voitures, d'autre part. De leur collaboration et de l'échange d'idées à en résulter, on espérait tirer des indications précieuses sur les règles et les directives à suivre en vue de l'adaptation des chaussées aux nouveaux véhicules et réciproquement.

Ce Congrès eut lieu à Paris, en octobre 1908, avec un plein succès. 33 nationalités y furent représentées, dont 28 par des délégués officiels, désignés par leur Gouvernement; 2.400 adhérents, dont 1.100 étrangers, s'inscrivirent sur les rôles des congressistes; 107 mémoires furent présentés et discutés. A l'issue de ce Congrès, un certain nombre de délégués, constatant le succès de l'entreprise et comprenant qu'il importait de rendre durable et permanent l'échange d'idées qui venait de s'opérer pour la première fois, proposèrent la formation d'une association internationale permanente ayant pour objet de maintenir les liens créés par le premier Congrès, de centraliser les résultats et documents, d'en faciliter la diffusion et de préparer la tâche des Congrès futurs.

Charguéraud appuyait d'autant plus volontiers cette proposition, qu'elle répondait à ses propres conceptions, et il la fit agréer immédiatement par le Gouvernement.

C'est ainsi que fut constituée l'Association internationale permanente des Congrès de la Route, dont le siège fut fixé à Paris, et dont l'organisation s'inspira de celle de l'Association similaire des Congrès de Navigation, où Charguéraud occupait déjà une place éminente.

Au sein de la Commission directrice de l'Association des Congrès de la Route, Charguéraud continua d'ailleurs à jouer le rôle d'un animateur et il prit une large part à l'organisation des Congrès suivants, dont les travaux se sont développés avec une ampleur et un succès qui témoignent de la justesse des vues de leurs promoteurs.

La Commission centrale des automobiles. - En 1908, Charguéraud avait fait attribuer à la Commission centrale des machines à vapeur le soin d'étudier, au profit de l'Administration, les questions de tout ordre, techniques ou réglementaires, concernant l'usage et la circulation des automobiles. L'importance très vite accrue de ces attributions le conduisit, en 1911, à constituer une commission distincte, dénommée Commission centrale des automobiles.

Établie suivant le principe si fécond de la collaboration, cette Commission fut composée à la fois de représentants des grande s administrations (Ponts et Chaussées, Mines, Douanes, Police, Agriculture, etc.) et de représentants de l'industrie et des grandes associations de tourisme (Chambres syndicales de constructeurs, Automobile-Club, Touring-Club). D'autre part, dès juin 1909, l'étude des questions concernant particulièrement la circulation sur routes et de la refonte des anciens textes réglementaires régissant la matière, en vue de préparer un Code de la Route, avait été confiée à une commission spéciale, dont la plupart des membres entrèrent par la suite à la Commission centrale des automobiles. Les travaux de cette commission spéciale, qui se livra à des enquêtes approfondies, furent interrompus par la guerre. En 1919, la tâche fut reprise par la Commission centrale des automobiles elle-même. Elle a abouti au règlement d'administration publique du 31 décembre 1922 qui régit aujourd'hui

la circulation sur les voies publiques de France (Code de la Route). L'initiative de cette codification revient donc elle aussi à Charguéraud.

L'Office national du tourisme. Le Directeur des routes a pris une part importante à l'institution de l'Office national du tourisme, qui a été créé par l'article 123 de la loi de finances du 8 avril 1910.

Cet établissement public, investi de la personnalité civile et de l'autonomie financière, a pour objet :

1o de centraliser et de mettre à la disposition du public les renseignements de toute nature concernant le tourisme sous toutes ses formes;

2o de rechercher tous les moyens propres à développer le tou risme; de provoquer, et au besoin de prendre, toutes mesures tendant à améliorer les conditions de transport, de circulation et de séjour des touristes.

Un règlement d'administration publique du 24 août 1910 a déterminé le fonctionnement de l'Office national du tourisme. Il a décidé, notamment, que le nouvel établissement public serait géré par un Conseil d'administration et un Directeur et qu'un Conseil supérieur du tourisme serait institué auprès de l'Office national.

En créant l'Office, le Gouvernement s'est inspiré des mesures qui avaient été prises à l'étranger, notamment en Autriche (où il existait, au Ministère des Travaux Publics, une section s'occupant de la circulation des étrangers), en Suisse (où les Conseils cantonaux effectuaient, sur leur budget, les dépenses des améliorations relatives au tourisme), au Tyrol (où la construction des refuges, des abris en montagne, etc., était largement subventionnée par l'État). Pour réaliser en France le programme défini par la loi de 1910, Charguéraud pensa qu'il fallait un organe affilié aux grandes Sociétés sportives, en rapports constants avec les Syndicats locaux d'initiative, avec les représentants des grandes Administrations publiques, des Chambres de commerce, des Compagnies de chemins de fer et de navigation, des délégués de

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