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Une particularité fréquente, c'est l'effet mutuel gênant de deux roches voisines dont l'une est choisie pour l'implantation d'un ouvrage (fig. 1): le couloir qui les sépare est le siège d'une décharge de courant souvent prohibitive pour le séjour des embarcations à l'abri du massif et pour le chantier proprement dit. On surmonte de telles difficultés en établissant un batardeau de fortune en travers du couloir (1).

ONO

- 3,00

ESE

S Fig. 1. Roches de la « Petite Barge d'Olonne » (118).

On doit évidemment s'attendre à ce que, sur nos côtes ce soient les périodes de vent d'Est ou d'amont qui soient les plus propices et les plus fécondes pour le rendement du travail (2). D'autant plus que, si ces vents sont peu fréquents dans l'ensemble d'une année, ils soufflent plutôt en deux ou trois périodes relativement longues, correspondant à une stabilité anticyclonique du baromètre.

Il est rare que de telles périodes ne se rencontrent pas sur la Manche aux environs du mois de mai et du début de septembre (3). Dix années d'observations consécutives à Basse-Catic (10I, entrée Ouest de Port-Maria de Quiberon) ont montré que les plus grandes fréquences des vents du Nord à l'Est, seuls admissibles pour travailler sur ce point, se produisent (et pendant au minimum 3 jours de suite, car, pour moins de temps, la mer ne peut se calmer, ni le chantier s'organiser) en février, mai et novembre (4).

(1) Ce fut le cas de la Petite Barge (118), au large des Sables d'Olonne, de Roche Gautier (27, Côtes-du-Nord), du Bœuf (15, Passage de la Déroute)...

(2) Les vents de terre mêmes peuvent arriver à devenir gênants sur un chantier comme Rochebonne (119), si distant de la côte charentaise, quand ils atteignent une certaine intensité; c'est ainsi que les brises des régions Nord à Est de la force 3 étaient prohibitives sur le plateau (la force 2 permettait encore le travail), alors qu'elles seraient presque partout ailleurs les bienvenues.

(3) A la Basse Plate de l'île de Batz (41), on ne travaille guère que dans ces périodes-là, car on y sent l'effet de la grande houle du large.

(4) Pendant 50 jours par an, en moyenne, dans la période où la campagne peut rester ouverte.

Il arrive malheureusement, avec les médiocres étés de notre zone dite tempérée, qu'on attende parfois fort tard ces rares' circonstances favorables (1). Ce n'est pas souvent au cœur de l'été officiel que se rencontrent les plus belles semaines.

Il ne faut donc jamais négliger ni la période de calme qui termine parfois le printemps, ni celle de l'arrière-saison, si le chantier n'est pas trop lourd à maintenir sur pied pendant une période plus étendue (2).

Par contre, sur la Méditerranée, on a constaté, au chantier de la tour des Moines (136, Corse), qui peut recevoir directement une houle formée depuis le détroit de Gibraltar, un meilleur travail de mai à fin juillet que plus tard où les vents s'établissent au Sud-Ouest; là, c'est au cœur de l'été théorique, contrairement à ce qui se produit souvent dans nos mers à marée, que l'utilisation du chantier saisonnier a paru la plus propice. Toutefois, la brise de mer, qui règne parfois de 8 h. à 18 h., peut suffire à faire moutonner la Méditerranée, surtout le long d'une roche accore, et l'on a dû se résigner, dans certains parages, à utiliser les mois de janvier et février, qui sont souvent favorables; on sait, en effet, que les hivernants de la côte d'azur y trouvent alors le meilleur calme relatif.

Toutes ces circonstances de détail, utiles à connaître pour un projet et pour la conduite d'un chantier, guideront, en outre, le Service dans le tracé des ouvrages accessoires destinés à faciliter les accostages ultérieurs et dans l'évaluation, si importante, de la durée probable des périodes qui s'offriront pour la construction et le ravitaillement à venir.

(1) Nous trouvons qu'en 1915, à la Roche Gautier (27, plateau de Barnouic (Côtes-du-Nord), on a attendu jusqu'au 25 août pour ouvrir le chantier qui dut se clore définitivement le 24 septembre.

(2) En tous cas, on réussirait mieux les tâches difficiles si l'on osait travailler aux marées de nuit; car la brise y est généralement moins sensible que de jour au niveau de la mer, en dehors des centres dépressionnels, comme chacun a pu le constater. C'est ce qu'on a osé faire à la Plate du Raz de Sein (74) et ce qu'on pourrait mieux faire encore avec les procédés d'éclairage modernes.

On a même tenté d'atténuer les brisants des roches en répandant de l'huile lourde, voire du pétrole.

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Quand le régime marin de la roche est déterminé, on reprend son examen au point de vue de la surface de fondation qu'elle est susceptible d'offrir.

Ce second degré de reconnaissance se réalise toujours en canot, à moins que l'élévation de l'écueil permette d'y débarquer avec sécurité.

On en lève un plan et quelques profils (1), avec une approximation plus ou moins grande et des procédés sommaires qui ne seraient pas de mise sur un grand chantier de travaux publics.

On cherche ensuite à vérifier la nature et l'homogénéité de la roche. Celle-ci est rarement composée d'ailleurs de blocs accolés, car ils n'eussent pas résisté ainsi aux assauts de la mer ; toutefois, il peut exister des fissures plus ou moins dissimulées (2) qu'il faut tâcher de ne pas intéresser si l'espace émergent est assez grand, ou de consolider au contraire par des liaisons spéciales.

A défaut de fissures, la roche peut être creuse on s'en assure au son ou feuilletée, avec plans d'argile interposés, ou bien elle peut présenter des clivages trop accusés et inquiétants.

D'autre part, on détermine, au coup d'œil, puis sur le levé du plan, la position où la tourelle trouvera la plus large base, et, si cette considération primordiale peut être satisfaite de plusieurs manières, on la conciliera le plus possible avec les autres objectifs désirables, souvent contradictoires : résistance à la mer (en reculant un peu la tourelle du point où frappent les plus fortes lames), efficacité nautique, facilités de construction (près d'un point où l'accostage et le transbordement direct sont possibles) et de ravitaillement ultérieurs, adoption d'une embase qui ne soit ni trop irrégulière, ni trop lisse (3).

(1) Certains levés ont été effectués en coordonnées polaires.

(2) C'est probablement ce qui existait à la Jument d'Ouessant (58). (3) Aux Leuriou (85, archipel des Glénans) par exemple, on a abandonné une tête cotée (+ 0,60), qui était trop irrégulière et trop exiguë, pour un plateau à (— 0,05), malgré la sujétion d'un départ entièrement sous-marin.

Aux Trois-Pierres de Lorient (94), on n'a pas choisi le sommet sous

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Cette préoccupation d'élargir les bases n'est pas nouvelle ; mais elle a découlé de principes variables selon les époques et a donné lieu, pendant longtemps, à des erreurs d'interprétation, génératrices de mécomptes; aussi, un bref rappel des raisonnements qui furent successivement en honneur paraît-il nécessaire ici.

Léonce Reynaud, directeur des Phares et Balises et architecte distingué, avait recommandé, dans son « Mémoire sur l'éclairage et le balisage des côtes de France (1864) », de donner à toutes les tourelles des formes tronconiques semblables, un diamètre inférieur égal à la moitié de la hauteur, un fruit latéral de 1 /10, une émergence de 3 m. ou 4 m. au-dessus des hautes mers. Le volume des tourelles devait donc varier comme le cube de la hauteur, qui eût été rationnel si les efforts imposés par la mer avaient crû selon une loi analogue.

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En fait, il n'en doit pas être ainsi, et cette formule conduisait, à la fois, à des dimensions trop faibles pour les petites tourelles (moins de 10 m. de hauteur), trop fortes pour les plus grandes. Nombre de petits ouvrages (de moins de 125 m. c. en général) ont disparu de ce chef, il y a un demi-siècle ; il est juste d'ajouter que des moyens de liaison convenables entre la maçonnerie et la roche n'étaient alors pas praticables.

L'effet de la mer, observera-t-on pour comprendre ces accidents, est plus complexe que celui d'une simple pression statique proportionnelle à la section droite mouillée, et répartie selon une loi plus ou moins linéaire.

Les secousses, les vibrations et les bruits dont une tour est le siège sous l'action des lames laissent légitimement supposer que l'effet de choc est prédominant. La lame, par les obstacles qu'elle rencontre en avant d'une roche et selon leur disposition, leur

marin le plus élevé ; on s'est assis à la cote (— 2,00) que les trois pointes surplombaient de près de 2 mètres; de même au plateau de Rochebonne (119).

accore, tantôt monte le long de l'ouvrage (1), tantôt déferle sur un front plus ou moins étendu et lance, dans une zone relativement étroite du parement, une masse d'eau animée d'une forte vitesse sensiblement horizontale. La brève durée de ces efforts fait entrer en jeu des phénomènes vibratoires qui ne sont pas négligeables pour la conservation des matériaux de la tour.

Quoi qu'il en soit, l'intensité de ces effets est en raison de l'énergie contenue dans l'onde, c'est-à-dire proportionnelle à la longueur et au carré de la hauteur de cette dernière, compte non tenu des réductions qu'y apportent heureusement les frottements et le déferlement sur les obstacles antérieurement rencontrés.

Nous ne reproduirons aucun des calculs souvent donnés à l'appui de ces théories, parce que leur caractère n'est pas en rapport avec l'objet surtout pratique de notre étude (2) et que des

(1) Un ouvrage étroit divise parfois la lame et en est moins ébranlé que s'il avait dû, en raison de son rôle, recevoir plus de largeur (constatation faite au phare de Sénéquet, 16); mais c'est un effet variable avec les dispositions locales, qui contredit la théorie de la masse et ne doit être recherché qu'avec beaucoup de prudence.

(2) D'aucuns ont traduit le coefficient de résistance aux chocs en un monôme, produit du volume par le carré du diamètre de base (VD2); ils supposaient que le moment résistant était de la forme VD et le choc, proportionnel au diamètre; la plupart des tourelles renversées auraient eu leur facteur VD inférieur à 1500.

Cette étude admettait encore que les lames agissaient au maximum près de la base des ouvrages et les fissuraient surtout près de leur encastrement, comme les chocs des bateaux les écrêtent au niveau où l'étrave a porté. Cette théorie est plausible si le déferlement de la lame couvre également toute la largeur de la tourelle, si la forme de la roche ne la renvoie pas frapper l'ouvrage à un niveau plus élevé, si celui-ci ne comporte pas de section affaiblie par rapport à l'encastrement.

L'importance de cette question de masse pour la résistance aux vibrations de la mer explique mieux encore la destruction de constructions métalliques ajourées, comme on en a enregistré autrefois à l'étranger (Minots-Ledge aux États-Unis, premier phare de Bishop-Rock aux Sorlingues).

Plus pratiquement, M. Ribière a montré, notamment, dans son ouvrage « Phares et signaux maritimes »(pages 360 à 368), que l'impulsion localisée dans le choc d'une lame peut correspondre à une vitesse de 28 mètres par seconde et à une pression de 61.000 kgs par mètre carré, si on la déduit de la hauteur de gerbes d'eau capables de démolir une lanterne à 34 mètres au-dessus de la mer (5 décembre 1896, la Vieille, 73).

Citons encore une partie de tourelle de 82 m3 (Le Fil, 43) chavirée par la mer, la tourelle du Four (99) transportée à plus de 30 mètres par delà des creux de rocher et demeurée debout dans sa position verticale. Le 22 décembre 1922, à haute mer, on a mesuré, à la Jument d'Ouessant (58), des lames se propageant à la vitesse de 13 m. 35 par seconde; la Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1924-I.

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