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l'immersion, soit parce qu'elles ne tenaient plus quand on se rapprochait du zéro hydrographique où l'agitation est plus forte qu'au-dessous (c'est pourquoi on put les conserver plus longtemps à l'Est qu'au S.-W. de la roche).

Nous n'entrerons pas dans le long et parfois désespérant récit des batardeaux emportés avant que d'être remplis, des éléments bétonnés jusqu'à l'extrême limite du mauvais temps, tantôt démolis aussitôt et, d'autres fois, retrouvés avec joie durcis et définitivement assurés, sans raison bien apparente, selon peutêtre que l'enceinte a été plus résistante, ou la prise plus rapide. 1 m3 5 en 1919 (fig. 56), 5 m3 en 1920 (presque entièrement exécutés le 22 août, en présence de l'Inspecteur général), 47 m3 dans l'année exceptionnellement favorable de 1921 (surtout les 12-13-14 juillet), 17 m3 seulement, mais difficiles, en 1922 (fig. 57), 122 m3 en 1923, tel est le bilan d'une entreprise dont on peut considérer à présent le succès comme pratiquement assuré, à moins d'événement exceptionnel, puisque tout cet élargissement atteint au minimum la cote (+10,50), sauf sur 6 mètres de développement [à une cote variant de (— 2,50) à (+ 0,60)] et que son exhaussement n'est plus une œuvre aussi laborieuse, ou n'exige de circonstances aussi rarement favorables.

pas

Bien entendu, les forages ont suivi de pair le bétonnage, utilisant les périodes complémentaires (1); les ouvriers, s'établissant sur un platelage en bois soutenu par un profilé à une cote aussi basse que possible, perforent à la fois verticalement le béton de l'élargissement sur une épaisseur atteignant jusqu'à 6 mètres (grâce aux nouveaux marteaux perforateurs de 43 kg., et aux fleurets de 6 mètres) et horizontalement l'ancienne maçonnerie à laquelle il faut relier énergiquement ce placage.

Ces délais d'exécution, si lents qu'ils paraissent aux esprits non habitués à leur allure, n'ont dû de n'être pas plus élevés qu'à l'appui précieux des ouvrages préexistants. Il n'est donc pas prouvé qu'on eût réussi, dès le début du chantier, à étendre aussi lar

(1) C'est ainsi qu'en 1922, on put forer 93 mètres linéaires de trous (sur 800).

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Fig. 56.
Consolidation et renforcement du phare de la
Jument d'Ouessant» (58). Élévation développée vers le
Sud-Ouest.

gement la fondation et à réaliser un massif d'une même section continue, ce qui eût été, évidemment, préférable en soi. Voilà peut-être un cas où un premier noyau central (presque complet, il

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Fig. 57. Exécution du massif de consolidation du phare de la Jument d'Ouessant (58). est vrai) serait nécessaire pour permettre la confection de sa périphérie, quand la roche est à peine suffisante pour donner emprise à un ouvrage d'un volume en rapport avec les coups de mer qu'elle peut concentrer sur lui. Cette considération est tout au moins à retenir dans la critique des opérations.

Le renforcement, bien qu'encore incomplet, a déjà produit un effet sensible sur les conditions de séjour et de marche des appareils dans le phare; les ébranlements ont paru atténués dans les violentes tempêtes du dernier hiver; cette amélioration s'accroîtra encore, et rapidement, avec le complément des travaux.

La confiance doit légitimement renaître dans la résistance à venir du phare de la Jument d'Ouessant, et l'on peut espérer, dans deux ans, lui enlever son aspect de chantier qui n'a guère cessé pour lui depuis l'origine.

On voit, par ce bref résumé des difficultés chaque jour renaissantes et chaque fois surmontées pour l'un des ouvrages les plus menacés de notre littoral, par le récit des efforts et des artifices sans cesse renouvelés qu'a nécessités chacun des travaux dont nous avons dû entremêler l'histoire à notre exposé général, quel rôle important y peuvent jouer les qualités propres du subdivisionnaire-chef de chantier, le courage moral et même physique, plus encore la persévérance et la volonté de réussir qu'il y doit déployer, avec son personnel, et que ses ingénieurs auront à soutenir dans d'inévitables moments de défaillance.

Sans doute, pour qui a fréquenté quelque temps les parages malfamés où de telles qualités sont le plus appelées à s'exercer, un sûr et constant encouragement à l'œuvre tracée naît du spectacle trop souvent répété des lendemains de tempêtes, où les débris flottants des épaves englouties, les carènes affalées sur les roches (1) viennent rappeler l'urgence de l'éclairage attendu ; et cette impression s'entretient, plus vive encore peut-être, pour les exécutants, au spectacle permanent qu'offrent certaines pointes fameuses, où chaque période de brume vient enrichir de quelque nouvelle unité l'amas des carcasses déjà réunies par plusieurs siècles de navigation, jetant un nouveau témoignage de l'utilité d'une signalisation efficace.

L'expérience et le dévouement nécessaires se cultivent aisé

(1) Nous retrouvons, dans les archives, un recensement des navires perdus, en 16 ans, au voisinage d'Ouessant: 29 bateaux connus de 1888 à 1904.

ment dans les services où de tels travaux ne connaissent pour ainsi dire pas de discontinuité. Mais ils doivent pouvoir naître ou se développer rapidement dans les régions littorales où les circonstances ont rendu assez rare cette forme de l'intervention humaine, et c'est le but où nous avons tendu par ce trop long historique des efforts plus ou moins heureux de nos devanciers, de leurs tâtonnements, ou des progrès qu'ils nous ont valus.

Novembre 1923.

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