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D'autres, et de plus qualifiés, vous retraceront la longue et brillante carrière de M. Charguéraud, et marqueront les étapes de sa rapide ascension dans le Corps des Ponts et Chaussées. Ils vous diront les hauts emplois, les lourdes tâches qui lui ont été successivement confiées.

Ces missions ont été marquées par une telle facilité d'adaptation à toutes ses fonctions que l'un de ceux qui avaient pu juger son œuvre pendant toute sa vie disait, avec beaucoup de justice, qu'il paraissait donner chaque fois la mesure de ses moyens et que, à chaque nouvelle fonction qui lui était confiée, chaque fois que les circonstances lui assignaient une tâche plus élevée, plus grande, ses capacités grandissaient aussi.

Vous l'avez connu, parvenu déjà au sommet de la hiérarchie du Ministère des Travaux Publics de France, lorsque le Gouvernement français l'appela à faire partie de votre Commission, d'abord comme délégué, puis comme président, après la disparition de M. Claveille. Pendant ces quatre années qu'il a passées au milieu de vous, vous avez apprécié sa compétence, l'esprit d'équité, d'impartialité qu'il apportait dans vos travaux, mais aussi son aménité, son intelligence vive et pénétrante qui lui donnait une autorité constamment tempérée par sa bonne grâce.

Vous l'avez vu à l'œuvre, toujours prêt à accomplir son devoir, à défendre le principe de l'internationalisation qui est inscrit dans les traités, toujours désireux de voir votre œuvre en faveur de la navigation du Rhin se confirmer, s'affirmer davantage et de travailler pour le bien, non seulement de tous les États riverains, mais aussi de tous les États de l'Europe.

Le rôle qu'il avait joué en 1919 dans l'élaboration des traités de paix l'avait désigné pour présider à de tels travaux, et il avait été choisi également pour représenter la France aux Commissions de l'Elbe et de l'Oder, ainsi que pour participer aux travaux de la Commission du Danube. On peut dire qu'il représentait en quelque sorte la technique dans ces diverses Commissions fluviales, et sa voix était toujours écoutée dans ces questions délicates que soulève le régime international des voies d'eau. Le Conseil de la Société des Nations l'avait appelé à siéger dans sa Commission des Communications et du Transit et il y avait gagné l'amitié des représentants de toutes les nations. Je suis persuadé d'être votre interprète en envoyant à celle qui fut

l'admirable compagne de sa vie et à son fils, en qui revivent ses qualités de clarté et d'intelligence, de travail assidu, l'hommage respectueux de notre sympathie sincère et profonde.

DISCOURS DE M. MAHIEU,

DÉLÉGUÉ DE FRANCE

Messieurs,

Vous permettrez à la Délégation française de s'associer d'une façon toute particulière aux regrets que nous cause la mort de notre collègue M. Charguéraud et que notre Président vient d'exprimer si éloquemment.

Il était pour nous un ami sûr et un conseil ; après avoir présidé la Délégation française, il était devenu notre Président à tous en montrant dans les deux situations les mêmes qualités de droiture et d'équité.

Délégué de la France, il défendait les causes qu'il estimait justes avec une foi ardente qui entraînait la conviction et mettait au service de sa démonstration une clarté et une éloquence incomparables.

M. Charguéraud, après avoir montré tout son talent de constructeur dans les ports du Nord de la France, fut appelé très jeune par la confiance du Ministre des Travaux Publics aux hautes fonctions de Directeur des Routes, de la Navigation et des Mines. C'est là qu'il put donner sa mesure et faire briller ses admirables qualités d'administrateur; ce fut sous sa direction que les travaux des voies navigables et des ports maritimes prirent une allure nouvelle appropriée au mouvement intense du trafic. Aussi, quand, la paix revenue, il fallut désigner un technicien et un jurisconsulte pour défendre les intérêts de la France au sein de la réunion des Nations, le Gouvernement français n'hésita pas à choisir M. Charguéraud et l'on sait dans toute l'Europe de quelle manière il s'est acquitté de ses nouvelles et délicates fonctions.

Ingénieur du plus haut mérite, il était pour nous un soutien des plus précieux et sa profonde connaissance des travaux de navigation était particulièrement appréciée. Juriste éminent, il était doué en même temps d'une lucidité sans égale et d'une

mémoire prodigieuse qui lui permettaient de trouver dans les accords internationaux et les lois des nations les textes pouvant s'appliquer à chaque cas. Le jour où il fut notre Président, il sut adapter ses merveilleuses qualités à ses nouvelles fonctions et nous nous souvenons du tact et de l'impartialité avec lesquels il dirigeait nos débats. Parfois sa nature l'emportait et il défendait avec ardeur la thèse qu'il estimait la plus utile pour la bonne marche de notre Commission, mais il le faisait toujours avec une impartialité absolue et cherchait en toute circonstance à réunir autour de lui l'unanimité. Il estimait, et avec raison, à mon avis, que dans une assemblée comme la nôtre, qui réunit des représentants de nations, dont certains intérêts spéciaux peuvent être divergents, mais qu'anime un égal souci de faire régner dans le monde la paix et la justice, il était indispensable que les décisions fussent prises à l'unanimité, de façon à ce que leur application pût se faire sans heurts et sans récriminations.

M. Charguéraud n'était jamais plus heureux que lorsqu'il voyait se réaliser cet accord et c'est, je crois, le meilleur hommage que nous puissions lui rendre.

Laissez-moi ajouter, moi qui fus son ami et son élève, que je n'ai jamais rencontré de camarade aussi droit, aussi dédaigneux des honneurs et des profits. Charguéraud n'avait qu'un but : servir son pays et défendre les intérêts qui lui étaient confiés. Son ami Silvain Dreyfus et moi avons travaillé côte à côte avec lui depuis de longues années; il nous a montré la route à suivre et je tiens à dire aujourd'hui, en lui rendant un dernier hommage, que nous tâcherons d'être fidèles à ses conseils et de suivre la voie qu'il nous a tracée.

DISCOURS DE M. BALDWIN,

DÉLÉGUÉ DE GRANDE-BRETAGNE

Je m'associe, au nom de la Délégation britannique, aux paroles qui viennent d'être prononcées. Par la mort de M. Charguéraud, la Commission a perdu un Président qui ne s'est jamais épargné et qui a toujours soutenu, par ses paroles comme par ses actes, les grands principes qui doivent régner sur les fleuves internationaux. J'aurais désiré ajouter quelques mots à l'éloge qui vient

d'être fait de lui; mais cela m'est difficile, dans une langue qui n'est pas la mienne, et cette perte est trop récente, ma douleur est trop profonde pour me permettre de m'exprimer.

DISCOURS DE M. ROSSETTI,

DÉLÉGUÉ D'ITALIE

En prenant la parole au nom de la Délégation italienne pour rendre hommage à la mémoire de notre regretté Président, ce n'est pas seulement de ses mérites de fonctionnaire et de président que je veux parler. Ces mérites, que nous avons eu tant d'occasions d'apprécier, viennent de nous être rappelés. Ce qui m'avait rendu particulièrement cher l'éminent collègue qui nous a quitté, c'étaient ses qualités d'homme; c'était surtout cette âme toujours ouverte à toutes les idées bonnes et justes, cet esprit si élevé, toujours prêt à saisir toutes les conceptions; mais, là où mon admiration pour l'homme que nous avons perdu se transformait en une tendresse émue, c'était lorsqu'il nous introduisait, comme il l'a fait souvent, dans son foyer familial. Devant ses sentiments de père et de mari, je sentais avec une émotion toujours renouvelée qu'on se trouvait en présence d'un de ces êtres rares qui, des cieux, ont reçu le privilège de rendre meilleurs tous ceux qui ont le bonheur de les approcher, un de ces êtres d'élite dont parlent les Écritures « contre lesquels le mauvais Esprit ne peut jamais prévaloir ».

Patriote ardent, technicien éminent, fonctionnaire des plus dévoués, son souvenir restera toujours gravé dans mon âme à des titres moins brillants peut-être, mais qui sont bien les plus élevés dans l'échelle des valeurs humaines : c'était le mari, le père, l'homme moral que j'admirais surtout en lui.

Qu'il me soit encore permis, comme triste hommage de cette admiration, d'offrir à la femme et au fils de notre regretté Président, l'expression de ma douloureuse sympathie.

DISCOURS DE M. HEROLD,

DÉLÉGUÉ DE SUISSE

Je ne puis que m'associer aux paroles qui viennent d'être prononcées et aux manifestations qui se sont produites lors de la Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1924-I.

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mort de cet homme si remarquable dont personne ne croyait la fin si proche. Nous regrettons en M. Charguéraud le Président d'une remarquable compétence, d'une intelligence extraordinaire et d'une expérience profonde tant en matière de juridiction que dans le domaine spécial de la navigation. M. Charguéraud était une des rares personnes qui unissent à la science d'un jurisconsulte celle d'un technicien de premier ordre. Mais il était aussi un collègue qu'on ne pouvait qu'aimer et estimer, un caractère droit et affable, un ami sûr qu'on ne pouvait que se féliciter d'avoir connu et dont la délégation suisse conservera toujours le souvenir le plus ému et le plus affectueux.

DISCOURS DE M. SEGERS,

DÉLÉGUÉ DE BELGIQUE

Qu'il me soit permis de dire ici, au nom de la Délégation belge, les vifs regrets que lui cause le décès de M. le Président Charguéraud. Je n'ai pas eu personnellement l'honneur de siéger à la Commission du Rhin sous sa présidence, mais j'ai eu la satisfaction de le rencontrer comme collègue à la Commission des ports, voies d'eau et voies ferrées, réunie jadis à Paris, et j'ai conservé des relations particulièrement agréables qu'il m'a été donné de nouer avec lui, un souvenir ému et affectueux.

Les qualités éminentes qu'il y déploya, à côté de l'ancien ministre Claveille, un autre de vos disparus, si vivement regretté, il les a apportées dans l'exercice si apprécié des fonctions présidentielles de cette Commission: qualités d'intelligence, avivées par sa haute culture, ses connaissances techniques remarquables, son esprit juridique et sa longue préparation scientifique; qualités de caractère, mises à l'épreuve par sa scrupuleuse impartialité et servies par une âme toute de loyauté, qui avait de ses devoirs professionnels la conception la plus sévère et la plus élevée; qualités de tact, mises au service d'un esprit de conciliation toujours en éveil et de la plus parfaite délicatesse autant que de l'autorité la plus respectée;qualités de cœur enfin, qui lui valurent ici, comme partout où on eut la joie de le rencontrer, une sympathie sincère et confiante, que commandait la sûreté de ses relations au même titre que le charme et l'agrément de son abord.

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