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EXTRAIT du Mémoire de M. LOISELEURDESLONCHAMPS, sur l'extrait du pavot somnifère.

Le pavot somnifère, papaver somniferum, L., qui passe pour être originaire des lieux chauds de l'Asie, est depuis long-temps si bien acclimaté dans une grande partie de l'Europe et sur-tout en France, qu'on peut le compter au nombre des plantes indigènes. Une fois que ses graines ont été répandues dans un terrain cultivé, on les voit croître et s'élever sans aucun soin, et malgré même toute la peine qu'on prend souvent pour les détruire. Puisque cette plante végète avec tant de vigueur, pourquoi a-t-on négligé jusqu'à présent d'en tirer l'opium, cette substance si précieuse à la médecine, et qu'on ne peut remplacer que très-imparfaitement? M. Deslonchamps qui s'occupe beaucoup de recherches sur les propriétés des plantes indigènes, a cru qu'on obtiendrait facilement de nos pavots de France, un extrait qui pourrait suppléer à celui d'Orient.

On distingue dans le pavot somnifère deux variétés principales, l'une à capsules ovoïdes et à semences blanchâtres, c'est le payot blanc ; l'autre à capsules globuleuses et à semences noirâtres ou brunâtres, c'est le pavot noir. On n'est pas dans l'usage d'employer ce der

nier en médecine : ce sont les têtes sèches du pavot blanc qui servent dans les préparations pharmaceutiques. Cette préférence accordée au pavot blanc n'a pas sans doute d'autre mo

tif que la grosseur de sa capsule qui doit produire une plus grande quantité de suc que celle du noir qui, en général, est plus petite.

L'opium du commerce passe pour être le produit de deux opérations, dont l'une consiste à scarifier les têtes du pavot blanc pour en recueillir le suc qui s'épaissit aux rayons du soleil, et la seconde à extraire par leur contusion et leur expression, un suc que l'on fait évaporer sur le feu jusqu'à ce qu'il ait une consistance suffisante.

M. Deslongchamps a d'abord essayé de se procurer de l'opium par le premier moyen; mais n'ayant pu donner à cette opération tout le temps qu'elle exigeait, il a été forcé d'y renoncer; et il regarde comme fort douteux qu'en employant ce procédé qui est très long, on puisse obtenir assez d'extrait pour être indemnisé des frais qu'il faudrait faire.

Le second moyen qui consiste dans la contusion des têtes pour en exprimer le suc et le réduire en extrait, paraît beaucoup plus facile et sous ce rapport bien préférable. Voici de quelle manière l'auteur l'a mis en pratique.

Ayant pris neuf livres de têtes vertes de pavot noir, dans lesquelles on avait laissé la graine parce qu'il eût été trop long de la sépa

rer, et les ayant fait piler elles rendirent, en les soumettant à la presse, trois livres douze onces de suc, qui, après avoir été filtré, était d'un brun-clair et assez limpide, ce qui ne l'empêcha pas de donner beaucoup d'écume quand on le fit bouillir pour le réduire par l'évaporation. Lorsqu'il eut acquis la consistance d'un syrop très-épais, il fut retiré du feu, distribué dans des capsules de verre, et exposé à l'ardeur du soleil. Au bout d'environ dix jours, il se trouva par ce dernier moyen avoir acquis la consistance qu'on donne aux extraits. Son poids en cet état était de six onces deux gros, et sa couleur d'un brun-noirâtre.

Cinquante livres de tiges et de feuilles du même pavot furent traitées à-peu-près de la même manière, et fournirent onze livres douze onces de suc vert, duquel se précipita pendant vingtquatre heures de repos une fécule très-abondante. La liqueur après avoir été filtrée fut mise sur le feu, ensuite exposée aux rayons du soleil, et réduite en extrait; elle ne donna que quatre onces trois gros.

Avant de terminer ce qui a rapport aux tiges et aux feuilles du pavot noir, nous ne passerons pas sous silence une observation faite sur la quantité de suc propre qu'elles contiennent; c'est qu'elles en fournissent bien moins en général que les capsules, et que celui qu'elles donnent est d'autant moins abondant, que les

parties qui le contiennent sont plus rapprochées des racines, car celles-ci n'en renferment presque pas; et lorsqu'on coupe transversalement la tige dans sa partie inférieure, on voit à peine quelques gouttelettes suinter lentement à la circonférence et au voisinage de l'écorce, tandis que si l'on coupe la tige immédiatement sous la capsule, ou lorsque la plante est en fleur à un pouce ou deux au-dessous de celleci, à l'instant il s'échappe de la plaie une grosse goutte du même suc. On doit conclure de cette observation, que les feuilles et une grande partie de la tige ne fournissent qu'une très-petite quantité d'extrait, tandis que les pédoncules des fleurs pouvant en donner davantage et peut-être presqu'autant que les capsules, ils doivent être préférés avec ces dernières pour la récolte de l'opium.

Pour quatrième observation, M. Deslonchamps a fait bouillir quatre livres de têtes. vertes du pavot noir dans douze pintes d'eau, et il a obtenu deux onces un gros d'extrait. - Le pavot blanc étant plus connu par l'usage habituel où l'on est de n'employer que lui dans les pharmacies, il n'a été fait qu'une seule opération pour en retirer de l'extrait; opéra tion qu'il est inutile de détailler, parce qu'elle est en tout semblable à celle qui a été prati quée sur les têtes du pavot noir, traitées par contusion et par expression.

L'auteur, après avoir donné le détail des

divers procédés qu'il avait employés pour se procurer des extraits du pavot des jardins, a cherché à constater par des expériences leurs propriétés, et il a prouvé par ses observations qu'on pouvait employer ces mêmes extraits à la place de l'opium. Nous allons rapporter sommairement les expériences dont il s'appuie.

1. Une femme de 63 ans, tourmentée depuis, deux mois de douleurs rhumatismales qui la privaient du sommeil, fut soulagée, ensuite, parfaitement guérie, en prenant régulièrement chaque jour deux grains d'opium Gallicum. C'est le nom que l'auteur propose pour l'extrait du pavot de France.

2. Une femme de 57 ans, qui depuis plusieurs, jours avait des douleurs rhumatismales dont elle souffrait beaucoup, fit pendant tout le jour des fomentations sur les parties douloureuses, avec des flanelles trempées dans la dissolution d'un gros d'opium Gallicum. Ce moyen calma la douleur, et l'ayant recommencé le jour suivant, la malade se trouva bien soulagée, les douleurs même se dissipèrent totalement.

Trois différens malades ayant de violentes douleurs de tête, furent soulagés et guéris par vingt et trente gouttes de teinture. d'opium Gallicum, dont l'auteur donne ainsi la

recette :

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