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tion directe et immédiate des simples fidèles que celle même des évêques et des prêtres, par qui les fidèles doivent être instruits (1).

Après la tenue du concile, on s'occupa, dans les divers Etats catholiques, à rédiger en langue vulgaire des catéchismes particuliers sur le modèle de celui de Trente. En France, comme ailleurs, chaque évêque publia le sien. De nos jours, il n'était pas rare de voir dans le même diocèse chaque nouvel évêque promulguer un catéchisme nouveau.

«La religion chrétienne est répandue sur tout le globe. Comment concevoir l'idée d'un seul catéchisme à l'usage de tant de peuples divers? Il faudrait préalablement exécuter le projet si souvent entrepris et si souvent abandonné d'une langue universelle entre les hommes. Le concile de Trente avait fait, à cet égard, tout ce qui était possible; il avait choisi, pour la rédaction d'un catéchisme général, la langue qui était alors commune à toutes les écoles, qui était celle des théologiens, des jurisconsultes et des savants; c'est-à-dire de tous ceux qui, dans chaque pays, étaient établis pour instruire les autres. Dans la vue de rendre inaltérable le dépôt précieux de la doctrine, il avait choisi une langue morte, qui n'était plus susceptible de variations; car, selon l'ingénieuse observation d'un écrivain distingué, ce n'est que quand elles sont mortes que les langues deviennent immortelles.

«Mais si l'idée d'un catéchisme unique pour toutes les nations et pour tous les empires est impraticable, les motifs les plus puissants auraient dû engager chaque Eglise nationale à consacrer un mode uniforme d'enseignement pour des hommes qui parlent la même langue, qui vivent sous le même empire et qui ne forment entre eux qu'une même nation.

« Qu'est-il nécessaire que chez le même peuple il y ait tant de catéchismes différents, et que tous les jours on en fasse de nouveaux? Dans les sciences humaines, on a sans cesse d'anciennes erreurs à corriger, et des vérités nouvelles à découvrir; conséquemment, il importe que chacun puisse concourir, par son travail et par ses recherches particulières, au progrès des connaissances communes, mais en matière de religion, il ne faut offrir aux fidèles que ce qui a été enseigné toujours, partout et par tous (2); toute nouveauté est profane.

La multiplicité et la diversité des catéchismes ne sauraient toujours être sans quelques dangers pour le fond de la doctrine. Il est souvent des objets qui sont développés dans un catéchisme et qui sont omis dans un autre. Cette différence peut donner aux fidèles de fausses idées, et sur les choses dont on parle, et sur celles que l'on tait. Des contro

(1) Patribus visum est maxime referre, si liber sanctæ synod auctoritate ederetur, ex quo parochi, vel omues alii, quibus docendi munus impositum est, certa præcepta petere, atque depromere ad fidelium ædificationem possint (ibid. n. x).

(2) Quod semper, quod ubique, quod ab omnibus (Vincent. Lirin.)

verses, des guerres théologiques surviennent. Il n'est pas sans exemple que l'on ait cherché, en pareil cas, à faire prévaloir ses opinions personnelles ; et l'expérience prouve que ces opinions sont quelquefois erronées : car les promesses ont été faites au corps général de l'Eglise, et non à chaque pasteur en particulier.

«Indépendamment de ces inconvénients, l'instruction des peuples souffre et languit quand il existe tant de rédactions différentes pour exprimer les mêmes choses. Les émigrations d'un diocèse dans un autre sont fréquentes. Or, en changeant de diocèse, on a besoin de se livrer à un nouveau travail, comme si l'on avait à changer de croyance; tout cela déconcerte la mémoire et peut égarer la raison.

« Il était réservé à la haute sagesse de Votre Majesté d'étendre sa sollicitude impériale sur tout ce qui peut perfectionuer la marche de l'enseignement religieux.

« Cet enseignement n'importe pas moins à l'Etat qu'à la religion même; il enveloppe, pour ainsi dire, l'homme dès sa plus tendre enfance. Il met les plus grandes vérités à la portée de tous les âges et de toutes les classes, en s'adressant, non à l'esprit, qui est la partie la plus bornée et la plus contentieuse de nous-même, mais au cœur dont il ne faut que diriger les affections, et qui peut saisir, sans effort, tout ce qui est bon, tout ce qui est aimable. Si les vertus les plus nobles et les plus élevées habitent la chaumière du pauvre comme le palais des rois, si les hommes les plus simples et les plus grossiers sont aujourd'hui plus affermis sur la spiritualité et l'immortalité de l'âme, sur l'existence et l'unité de Dieu, sur les principales questions de morale, que l'étaient les sages de l'antiquité, nous en sommes redevables au christianisme, qui, en ordonnant les bonnes œuvres et en commandant la foi, épargne au commun des hommes, les circuits, les incertitudes et les sinuosités de la science bumaine.

« Ceux qui pensent qu'on ne devrait point parler de religion et de morale aux enfants, et qu'on devrait attendre un âge plus avancé, méconnaissent la vivacité des premières impressions et la force des premières habitudes. ils ignorent que l'enfance est plus susceptible qu'on ne croit d'acquérir des connaissances utiles; que l'homme dans aucun temps ne peut, sans danger, être abandonné à luimême; que s'il ne s'occupe pas du bien, il se préoccupera du mal; que l'esprit et le cœur ne peuvent demeurer vides.

« Tout ce qui est moral n'est jamais recommandé inutilement dans un åge qui est celui du sentiment, de la confiance et de la bonne foi. Il importe que les premières notions de nos devoirs puissent naître et se fortifier avec les premiers développements de nos facultés, et que nous acquérions des forces pour le moment où nous avons besoin de nous essayer et de nous mesurer avec les charges et les devoirs de la société civile. Les instructions reçues dans la jeunesse ne s'ef

facent jamais et ne s'affaiblissent que trèsdifficilement; elles deviennent, en quelque sorte, une seconde nature.

« Pour inculquer de bons principes, il serait dangereux d'attendre que l'on eût à combattre des habitudes vicieuses. On voudrait que les enfants fussent insensiblement éclairés par l'expérience; mais l'expérience est presque toujours perdue pour nous; elle ne réussit souvent qu'à nous rendre plus malheureux, sans nous rendre meilleurs.

<< Il est donc essentiel de protéger un enseignement qui, dès les premiers pas que nous faisons dans le chemin de la vie, dispose l'âme à toutes les actions louables et à toutes les vertus.

« Nous avons vu que la nécessité d'un mode unitorme pour cet enseignement a été reconnue par la loi. Des circonstances impérieuses ne permettaient pas de différer plus longtemps l'exécution de cette mesure jégislative. Par la nouvelle organisation ecclésiastique, chaque diocèse est aujourd'hui plus vaste et embrasse un territoire sur lequel il en existait autrefois plusieurs. Chacun des anciens diocèses avait son catéchisme particulier : il suit de là qu'il y a quelquefois sept ou huit catéchismes différents dans le même diocèse. D'autre part, nous sommes averti que dans quelques parties de l'empire les exemplaires de ces livres élémentaires sont entièrement épuisés; la rédaction d'un catéchisme à l'usage de tout l'empire français devenait donc indispensable.

« Cette rédaction est achevée; elle a été faite sous les yeux et par les soins de M. le cardinal légat, muni de tous les pouvoirs du saint-siége.

« L'Eglise de France s'est toujours distinguée par ses lumières et par son zèle: elle comple des prélats illustres qui ont commandé le respect dans tout l'univers chrétien. On n'a pas eu la prétention de vouloir faire mieux et autrement que ces prélats qui ont exposé avec pureté, clarté, et précision la doctrine catholique, dans les instructions qu'ils publiaient pour les fidèles confiés à leur surveillance pastorale. Le catéchisme de Bossuet a principalement dirigé le travail des rédacteurs, et l'ouvrage de ceux-ci n'est, à proprement parler, qu'un exemplaire de ce catéchisme, et j'ose dire, l'ouvrage même de l'Eglise gallicane, dont ce prélat a été si souvent l'éloquent interprète. Le nom de Bossuet, dont la science, les talents et le génie ont servi l'Eglise et bonoré la nation, ne s'effacera jamais de la mémoire des Français, et la justice que tous les évêques de la chrétienté ont rendue à la doctrine de ce grand homme nous en garantit suffisamment l'exactitude et l'autorité.

<< Par ces considérations, j'ai l'honneur de proposer à Votre Majesté d'ordonner la publication, dans toute l'étendue de l'empire, du catéchisme que je joins à mon présent rapport, qui a pour titre : Catéchisme à l'usage de toutes les Eglises de l'empire fran

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çais, et qui est revêtu de l'approbation du
représentant du saint-siége.
« Je suis,

etc.

Signé: PORTALIS. » DÉCRET rendu, le ↳ avril 1806, en exécution de l'article 39 de la loi du 18 germinal an X, et ordonnant la publication d'un catéchisme uniforme pour toutes les Eglises de l'empire français.

« ART. Ir. En exécution de l'article 39, de la loi du 18 germinal an X, le catéchisme annexé au présent décret approuvé par son éminence le cardinal légat, sera publié et seul en usage dans toutes les Eglises catholiques de l'empire.

« ART. 2. Notre ministre des cultes surveillera l'impression de ce catéchisme, et pendant l'espace de dix années il est spécialement autorisé à prendre à cet effet toutes les précautions qu'il croira nécessai

res.

« ART. 3. Le présent décret sera imprimé en tête de chaque exemplaire du catéchisme, et inséré au bulletin des lois. »

CONGREGATIONS ROMAINES.

En parlant dans l'article cONGREGATION (tom. Ir, col. 771) des congrégations romaiaffaires extraordinaires, dont nous allons nes, nous en avons omis une, c'est celle des nous occuper ici.

La congrégation des affaires extraordiraires, est, comparativement aux autres, d'une date toute récente. Quelques-unes des anciennes congrégations existaient avant Sixte Quint, quelques autres ont été établies depuis, mais la plupart ont été constituées par ce grand pape, et ce fut lui qui leur donna la forme qu'elles ont conservée jusqu'à nos jours. Sous Pie VI, pendant les orages de la révolutien française, une commission fut établie pour s'occuper des affaires alors Pie VII, les affaires des autres royaumes si épineuses de l'Eglise avec la France. Sous furent également soumises à son examen, el cette commission devint ainsi une congréganuellement dans une telle agitation, qu'elle tion; depuis, le monde chrétien a été contia eu toujours beaucoup à faire, bien que le souverain pontife ne la consulte et ne l'appelle à délibérer que sur les questions déli cales et extraordinaires qui naissent des rapports de l'Eglise avec les divers gouvergation que sont discutés et préparés les connements. C'est dans le sein de cette congré de matières théologiques, mais encore de cordats, etc. Elle traite donc non-seulement matières canoniques et politiques.

Les autres congrégations ont des attributions déterminées et des réunions périodi ques; il n'en est pas ainsi de celle qui nous occupe, les affaires extraordinaires étant de leur nature indéterminées, et ne survenant verain pontife la convoque pour qu'elle pas à des époques fixes, il faut que le soupuisse se réunir, et qu'il la saisisse d'une affaire pour qu'elle puisse l'examiner; mais

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manente.

Les congregations ont à leur tête un préfet. Cependant quelques-unes, celle du saintoffice, par exemple, n'ont d'autre préfet que le pape lui-même; la congrégation des affaires extraordinaires n'a point non plus de préfet.

Les décisions des congrégations ne sont que consultatives; ces décisions ne prennent le titre de décrets et n'ont de force et de valeur qu'après qu'elles ont reçu l'approbation et la sanction du souverain pontife. La congrégation des affaires extraordinaires n'a pas proprement de décrets à rendre, elle cst plutôt un conseil du pape qu'une congrégation établie dans la forme de celles de Sixte-Quint.

Les décisions des congrégations romaines, approuvées et sanctionnées par le pape, tantôt sont publiées officiellement, tantôt ne le sont pas. Le plus souvent on se contente de les envoyer aux personnes qui ont consulté, et la publication n'a lieu qu'au bout d'un laps de temps plus ou moins long, dans des recueils ou collections. Ainsi, il y a la collection des décisions de la congregation du concile, la collection des décisions de la congrégation des rites, etc. Il est des congrégations, celle des évêques et réguliers, par exemple, dont les décisions ne sont jamais publiées. La congrégation de l'index, au contraire, publie les décisions contre les mauvais livres à mesure qu'elles sont approuvées par le souverain pontife (Voyez INDEX). Le saint-office ne publie que lorsque la publication paraît utile et opportune. La congrégation des affaires extraordinaires est de celles qui ne publient pas, et la raison en est simple; lorsque le pape, comme il arrive presque toujours, adopte l'avis de la congrégation, il le fait sien, et les parties intéressées en ont bientôt connaissance.

Le secret le plus inviolable est imposé aux membres des congrégations romaines pour tout ce qui se passe dans leur sein; ils y sont tenus par un serment spécial, et cette obligation est aussi rigoureuse pour la congrégation des affaires extraordinaires que pour toutes les autres. Mais lorsque la décision est prise et que l'explication doit avoir lieu dans le for extérieur, l'obligation du secret cesse naturellement. Chaque membre peut, sans violer son serment, dire quelle a été cette décision, il est des circonstances telles, que la sagesse et une véritable prudence conseillent de la publier.

INAMOVIBILITÉ.

Nous avons traité ci-dessus, col. 212, avec quelque étendue cette importante question; nous avons établi contre le journal Le Bien social, que Mgr. l'archevêque de Paris vient de frapper de censure, 1° que l'inamovibilité n'est pas de droit divin, mais seulement de droit ecclésiastique, et qu'elle a pu cesser d'être en usage, comme tout ce qui est de discipline, en raison des temps et des circonstances difficiles où nous nous trouvons

depuis le rétablissement public du culte catholique en France; 2 que l'inamovibilité civile pourrait devenir une cause d'anarchie, de schisme et de révolte dans l'Eglise; 3 que le rétablissement de l'inamovibilité canonique avec les officialités obvierait à une foule d'inconvénients, etc. Nous ajoations, en parlant aux nouveaux presbytériens « Adressez-vous au souverain pontife, recourez humblement à vos pères dans la foi..., puis attendez avec patience et avec une humble soumission la décision que prendra leur sagesse ; vous serez alors dans la voie canonique. » Cette question en effet est une cause majeure, suivant la remarque du R. P. Dom Guéranger, abbé de Solesmes, elle ressort par conséquent immédiatement du siége apostolique. Mgr. l'évêque de Liége l'a compris, car il a sollicité de la sacrée congrégation du concile de vouloir bien s'occuper d'une affaire qui intéresse à la fois les Eglises de France et celles de Belgique, et notre saint père le pape a prononcé une décision que nous sommes heureux de pouvoir consigner ici. En voici le texte avec celui de la notification authentique que Mgr. l'évêque de Liége en a faite à son diocèse.

& Cornelius miseratione divina et sanctæ sedis apostolicæ gratia episcopus Leodiensis, universo diœcesis nostræ clero, salutem in Domino.

« Ad vos, dilectissimi in Christo fratres, ut munus est, transmittimus responsum sedis apostolicæ vobis communicandum, cujus tenor est, ut sequitur :

« BEATISSIME Pater,

<< Infrascriptus episcopus Leodiensis omni qua decet veneratione humillime petit, ut examinetur sequens dubium, sibique pro conservanda in sua diœcesi unitate inter clericos, et Ecclesiæ pace communicetur solutio.

« An, attentis præsentium rerum circumstantiis, in regionibus in quibus, ut in Belgio, sufficiens, legum civilium fieri non poluit immutatio valeat et in conscientia obliget, usque ad aliam sanctæ sedis dispositionem, disciplina inducta post concordatum anni 1801, ex qua episcopi rectoribus ecclesiarum, quæ vocantur succursales, jurisdictionem pro cura animarum conferre solent ad nutum revocabilem, et illi s revocentur vel alio mittantur, teneantur obedire.

<< Cæterum episcopi hac rectores revocandi vel transferendi auctoritate haud frequenter et non nisi prudenter ac paterne uti solent, adeo ut sacri ministerii stabilitati, quantum. fieri potest, ex hisce rerum adjunctis, satis consultum videatur.

(Sign.) + CORNELIUS, episcopus Leodiensis.»

« Ex audientia Sanctissimi die prima maši « 1845. Sanctissimus Dominus, noster uni« versæ rei de qua in precibus, ratione ma« lure perpensa, gravibusque ex causis ani«mum suum moventibus, referente infra « scripto cardinali sacræ congregationis con«cilii præfecto, benigne annuit, ut in regi.

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<< TRÈS-SAINT PÈRE,

« Le soussigné, évêque de Liége, avec tout le respect qui convient, demande humblement que le doute suivant soit examiné et que la solution lui en soit communiquée, pour conserver dans son diocèse l'unité parmi les clercs et la paix de l'Eglise.

<«< Si, vu les circonstances présentes, dans les contrées, comme celle de Belgique, où n'a pu s'accomplir un changement suffisant dans les lois civiles, la discipline introduite après le concordat de l'année 1801, d'après laquelle les évêques confèrent pour le soin des âmes une juridiction révocable à volonté aux recteurs des églises dites succursales, est en vigueur et oblige en conscience jusqu'à une autre disposition du saint-siége, et si, lorsqu'ils sont révoqués ou envoyés ailleurs, les recteurs sont tenus d'obéir.

<< Au reste, les évêques n'ont pas coutume d'user souvent de ce pouvoir de révoquer et de transférer les recteurs, et n'en usent qu'avec prudence et d'une façon paternelle, de sorte qu'avec de telles précautions, il est suffisamment pourvu, autant que faire se peut, à la stabilité du saint ministère.

Signé : CORNEILLE, évêque de Liége.»

« De l'audience du saint père du 1er mai « 1845. Sa Sainteté, toute raison mûrement « pesée sur la question dont il s'agit en la « supplique précédente, et d'après les graves « motifs qui ont déterminé son esprit, sur le « rapport du cardinal soussigné préfet de la << sacrée congrégation du concile, a daigné « consentir à ce qu'aucun changement n'ait « lieu dans le régime des églises succursales << dont il s'agit, jusqu'à ce qu'il en ait été << autrement statué par le saint-siége aposto<< lique.

Signé P. cardinal POLIDORI, Préfet. «A. TOMASSETTI, sous-secrétaire. » « En foi de quoi, et pour conformité avec l'original, nous avons souscrit.

« A Liége, ce 26 mai 1845.

« H. NEVEN, vic. gén.

« H. JACQUEMOTTE, Vic. gén. Par ordre: F. E. BREMANS, secrétaire. » La portée de cette décision apostolique est fort grave dans les circonstances présentes. D'abord, le souverain pontife est maintenant

saisi de la cause son autorité seule la fera avancer désormais. Par là sont détruites les dangereuses illusions de ceux qui pensaient obtenir par voie de recours à l'autorité civile le redressement des griefs qu'ils aimaient à faire valoir.

Il est étrange, remarque le R. P. Guéran ger, de rencontrer encore des ecclésiastiques qui ne reculent pas devant la pensée d'invoquer l'intervention du pouvoir séculier dans des causes cléricales. Ce recours, cependant, est un délit ecclésiastique au premier chef, un délit frappé des censures canoniques, soit que le magistrat laïque le forme lui-même, soit qu'il le reçoive de la part d'un clerc. Les intentions qui ont été manifestées plusieurs fois à ce sujet, dans ces dernières années, auraient dû inspirer plus de défiance. Désormais, nous n'avons plus rien de semblable à craindre; la solution de la question est aux mains du siége apostolique; et la bonne foi des appelants au tribunal séculier, que l'ignorance seule avait pu jusqu'ici rendre excusables, n'est plus possible.

Nous remarquerons, en second lieu, que le souverain pontife, par là même qu'il veut bien accorder dispense temporaire pour la continuation de l'état de choses actuel, établit formellement que cet état de choses n'est pas régulier. Nous l'avons nous-même prouvé fort au long en rapportant les canons relatifs à cette matière. Quelques personnes ont donc eu tort d'attribuer aux tendances de l'esprit presbytérien, que nous réprouvons, toutes les réclamations qui ont eu lieu. La plus légère teinture du droit canonique, suffisait pour comprendre toute l'irrégularité de la position actuelle, et ses inconvénients pour la stabilité du ministère ecclésiastique, sont après tout d'une rare évidence, comme nous l'avons démontré.

Nous avons donc été fort surpris de trouver dans M. de Cormenin, ordinairement si logique, le passage suivant : « L'inamovibilité des desservants entraverait à la fois l'administration civile des campagnes et l'exercice de l'autorité épiscopale. Dans l'état actuel de l'Eglise, les prêtres modestes et vrais ne la demandent point. L'inamovibilité briserait les liens si nécessaires de la discipline et de la hiérarchie, laissant d'un côté les évêques paralysés de la langue et de la main, et de l'autre côté les prêtres marchant au hasard et sans guide dans les voies désor données d'une indépendance anarchique.» (Feu! Feu! pag. 104.)

De semblables paroles ne seraient jamais tombées de la plume du célèbre Timon s'il connaissait aussi bien les lois de l'Eglise qu'il connaît les lois civiles, et s'il savait quel esprit anime le clergé des campagnes. L'inamovibilité ne peut nullement entraver l'exercice de l'autorité épiscopale, au contraire, elle le faciliterait singulièrement, comme nous l'avons fait voir ailleurs (Voyez OFF!CIALITÉS, INAMOVIBILITÉ). Mais, dit-on, elle entraverait l'administration civile des campagnes, c'est-à-dire que l'administration

civile des communes rurales, ordinairement peu religieuse, ne se plait que trop souvent à tracasser les prêtres chargés du soin des paroisses; et, pour peu que ceux-ci refusent d'accorder ce qui est incompatible avec leur honneur, leur devoir et leur conscience, l'autorité civile demande et obtient leur changement. Les prêtres modestes et vrais sont donc au contraire ceux qui désirent le plus vivement l'inamovibilité avec les garanties suffisantes pour l'autorité épiscopale, parce qu'ils sont le plus ordinairement victimes de l'état actuel des choses. Nous pourrions citer une foule de faits à l'appui de ce que nous disons ici, mais il suffit de jeter un coup d'œil sur les paroisses de la campagne, et de voir l'esprit qui anime un assez grand nombre d'autorités municipales. Quelque temps après 1830, un vénérable prélat, à qui nous faisions des observations sur les changements qu'il opérait, nous répondit : « Je suis moins à plaindre qu'un de mes collègues à qui M. le ministre des cultes vient d'imposer l'obligation de changer soixante prêtres. » Un autre prélat fit, dans, une seule semaine, trente cinq changements: voilà les funestes conséquences du système d'amovibilité, qui ôte souvent au pasteur pieux et zélé toute influence et toute autorité dans sa paroisse.

Quoi qu'il en soit du passé, dirons-nous, avec Dom Guéranger (Auxiliaire, n° 2), ceuxlà même qui ont soutenu, avec la plus grande droiture d'intention et la plus sérieuse connaissance des principes et des choses, les droits des prêtres désignés sous le nom de desservants, se feront un devoir de rendre hommage à la sagesse du pontife romain que Dieu établi sur la montagne, afin qu'il puisse dominer toutes choses par l'étendue et la profondeur de son regard aussi bien que par l'immensité de sa puissance. Un seul pouvoir dans l'Eglise est au-dessus des canons, et c'est le moyen que Dieu a choisi pour que les canons soient appliqués avec prudence et avec vigueur.

Nous dirons, en troisième lieu, que la décision romaine n'est pas moins salutaire aux intérêts temporels des desservants, intérêts qu'on a d'ailleurs trop fait valoir dans cette controverse où il s'agissait bien plus de la dignité du saint ministère et de sa fécondité dans les paroisses. En effet, le souverain pontife se détermine à confirmer pour un temps le système de l'amovibilité; mais il ne se porte à cet acte d'indulgence apostolique qu'en tenant compte de certaines conditions à l'aide desquelles l'usage actuel est garanti d'un grand nombre d'inconvénients. La supplique de monseigneur l'évêque de Liége déclare que les changements de desservants auront lieu rarement, prudemment et paternellement. Les desservants qui exercent leurs fonctions avec zèle et d'une manière conforme aux règles, ne doivent donc plus craindre d'être traversés dans leurs œuvres apostoliques par des déplacements douloureux et arbitraires.

Monseigneur l'archevêque de Paris a publié, le 26 mai dernier, une censure solenDROIT CANON. II.

nelle des erreurs qui avaient été professées, dans le journal Le Bien Social, à l'occasion de la controverse à laquelle le saint-siége vient de mettre fin. Voici en quels termes le savant et illustre prélat fulmine sa censure:

« A ces causes, le saint nom de Dieu inVOqué, nous avons condamné et condamnons le journal intitulé Le Bien Social, qui se public à Paris depuis le commencement de 1844, comme renfermant plusieurs propositions qui sont respectivement téméraires, fausses, injurieuses au saint-siége et à l'épiscopal, scandaleuses, attentatoires à la constitution de l'Eglise et à ses droits, contraires à son enseignement et à ses traditions, suspectes de schisme et d'hérésie, et plusieurs fois condamnées soit par les conciles, soit par le clergé de France, soit par le saint-siége. »

Monseigneur l'archevêque de Paris condamne ensuite spécialement les propositious extraites de la même feuille.

Dans une lettre pastorale du 2 juin 1845, monseigneur l'évêque de Viviers fait connaftre au clergé de son diocèse la réponse de Sa Sainteté à monseigneur l'évêque de Liége. Après avoir donné le texte de cette décision, monseigneur l'évêque de Viviers en fait ressortir toute la portée, et dit :

<< Ainsi, toute difficulté est levée sur la canonicité de la situation amovible des prêtres placés à la tête des succursales. La sanction du saint-siége est formellement donnée à un état de choses, exceptionnel si l'on veut, mais qui ne peut canoniquement être changé que par une décision nouvelle émanée du chef de l'Eglise. Cela ne regarde pas seule ment la Belgique, mais tous les pays où, comme en Belgique, il n'a pas été possible de faire des changements suffisants dans les lois civiles; et c'est tellement ainsi que l'a compris le saint-siége, que son éminence le cardinal Lambruschini, secrétaire d'Etat, en nous transmettant le rescrit adressé à monseigneur l'évêque de Liége, nous renvoie à ce document pour la solution de la question dont il s'agit, et nous dit que nous y trouverons l'expression de l'intention du suint père. Nous sommes donc en droit de nous prévaloir de ce rescrit comme appartenant au domaine de l'Eglise tout aussi bien que les canons, dont on a si souvent invoqué l'autorité c'est un texte fort clair qui, bien qu'adressé primitivement à un évêque étran ger à la France, a toute autorité pour la conscience, et doit mettre fin à une contreverse déplorable. Aussi, est ce à la conscience catholique que nous l'offrons sans craindre qu'elle le repousse.

« La décision du souverain pontife ne saurait affaiblir en aucune manière les droits des prêtres amovibles à notre confiance, à notre estime et à notre tendre sollicitude. Ils conserveront tous les priviléges que nos prédécesseurs et nous-même leur avons accordés. Ils seront toujours à nos yeux de véritables curés investis de toutes les préro. gatives attachées à la charge des âmes cl indépendants de tous les autres chefs de paroisse; nous voulons même que le nom de (Quarante el une.)

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