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Ces dernières pièces sont de simples poutres à double T de oTM.35 de hauteur, composées d'une âme en tôle pleine de om. 006 d'épaisseur, armée haut et bas d'une double cornière de o".08 de côté sur o".011 d'épaisseur. Elles s'engagent dans le vide ménagé entre les cornières des montants verticaux des pièces de pont, et s'assemblent en outre au moyen d'une plaque de recouvrement horizontale qui passe au-dessus de la pièce de pont, s'attache avec elle, et la relie avec les longerons supérieurs des deux longrines adjacentes. A la rencontre des pièces de pont obliques, c'està-dire sur les piles et sur les culées, ces plaques de recouvrement et d'assemblage sont élargies de manière à former de larges goussets à pans coupés, assurant la fixité des angles.

Le système est complété par deux longrines de rive destinées à supporter l'about des madriers du plancher. Chacune de ces longrines consiste simplement en un fer à T renversé de om. 15 de largeur, o". 10 de hauteur, et oTM,011 d'épaisseur, s'étendant à plat d'une pièce de pont à l'autre, rivé sur leur sommet et sur leur montant vertical d'extrémité, contre lequel se retourne la lame horizontale du T.

Telles sont les dispositions du tablier métallique du pont de l'Orbieu. La longueur totale du tablier, mesurée parallèlement aux têtes du pont, est de 106.56. Le poids total des ouvrages de tôlerie, évalué par le projet à 245 tonnes, dans l'hypothèse où les tôles ne travailleraient pas à plus de 6 kilogrammes par millimètre quarré de section, sous une surcharge de 8000 kilogrammes par mètre courant de pont, s'élève en exécution à 300 tonnes.

Les dispositions d'ensemble sont conformes au projet présenté le 30 juin 1854 par M. Carvallo, ingénieur en chef au chemin de fer, et par nous, et approuvé par décision ministérielle du 27 novembre 1855. Quant aux dispositions de détail, notamment celles qui concernent la composition et le mode d'assemblage des membres des différentes parties du

pont, le projet a subi en exécution diverses modifications dues à l'expérience des habiles ingénieurs chargés à Paris de faire construire et d'exécuter les tôleries. On a également supprimé, et remplacé par un plancher ordinaire en bois, le plancher en tôle prévu au projet; ce plancher, formé de deux feuilles de tôle de o".005 d'épaisseur, l'une plate et l'autre ondulée, rivées ensemble en des points très-rapprochés, aurait été composé de panneaux rivés sur tous leurs bords avec le dessus des longrines et des pièces de pont; on avait espéré obtenir ainsi un contreventement absolu, en même temps qu'un tablier solide, durable, incombustible et léger. La suppression de ce plancher a naturellement nécessité l'emploi des contrevents spéciaux que nous avons mentionnés.

Nous ne terminerons pas cette note sans mentionner le mode élégant de montage employé par notre ancien camarade et ami M. Lavallée, chef d'exploitation de l'importante usine de M. E. Gouin, à Paris, qui avait soumissionné l'exécution et la mise en place des tôles. Les poutres de tête ont été montées tout entières et dans leur position verticale sur le remblai aux abords du pont, en prolongement direct de leur position définitive. Elles reposaient sur un nombre suffisant de chaises en charpente réglées suivant une pente longitudinale de 0.01 par mètre vers le pont, et à une hauteur suffisante pour que la poutre, arrivée à l'aplomb de son emplacement définitif, se trouvât un peu peu plus élevée que sa véritable position. Les deux poutres une fois construites, et le longeron inférieur soigneusement étançonné contre la flexion dans chaque intervalle des montants verticaux au moyen de trois étais en bois venant se contre-buter dans l'angle des nervures des croix de Saint-André, on a introduit sous la première poutre sept rouleaux en fonte soliment assis par leurs coussinets à plaque sur des chaises en charpente, et placés au contact de la semelle inférieure ; puis on a supprimé les premières chaises et laissé porter la

poutre sur les rouleaux. On avait d'ailleurs établi au milieu de chaque travée du pont, et perpendiculairement à son axe, une palée double en charpente bien contreventée, destinée à servir de support intermédiaire pour la mise en place. Ces dispositions une fois prises, et des guides ou portes verticales en charpente soigneusement contre-butées ayant été par précaution établies de distance en distance le long de la poutre, ainsi que sur les piles et culées et sur les palées intermédiaires, il a suffi d'un treuil composé et d'un palan, aidés de deux ou trois crics, pour mettre la poutre en mouvement et la faire arriver à l'aplomb de sa position définitive, en reportant successivement sur la culée, les piles, et les palées intermédiaires, les rouleaux devenus libres à mesure de l'avancement de la poutre. Cela fait, quatre très-forts verrins établis sur les piles et sur les culées ont permis de dégager les rouleaux, de mettre les sommiers et glissières en place, et de descendre enfin la poutre à sa position définitive. Les deux poutres de tête une fois en place, le reste du montage s'est terminé sans aucune difficulté.

Paris, le 28 mai 1858.

Observation. - Depuis la rédaction de la note qui précède, nous avons eu connaissance par un numéro du Recueil de la société des ingénieurs civils, du grand viaduc de Crumlin, en Angleterre, dont les travées ont 40 mètres de portée, et dont les poutres, de 4m. 70 de hauteur environ, sont établies dans un système analogue à celui dont il est ici question: ces poutres, au nombre de quatre, sont placées tout entières en-dessous du plancher de la voie, ce qui a permis de se passer de montants verticaux, et d'établir la solidarité des longerons supérieur et inférieur au moyen d'entretoises obliques inclinées alternativement dans un sens et dans l'autre, en forme de zigzag. Les poutres des travées succes

sives sont indépendantes l'une de l'autre, et simplement posées sur leurs points d'appui; on a profité de la permanence et de l'uniformité qui en résultent dans le mode de travail de la plupart des membres de chaque poutre pour donner à chacun de ces membres la forme la plus convenable à son mode de travail. Les épreuves du viaduc de Crumlin n'ont eu lieu qu'en mai 1857, quinze jours à peine avant celles du pont de l'Orbieu.

Enfin, tout récemment encore (août 1860) on vient d'inaugurer et de livrer, à la circulation, en France, sur le chemin de fer de Bordeaux à Cette lui-même, le grand pont de Bordeaux, dont les poutres de tête, avec des portées et dimensions plus considérables, présentent exactement les mêmes dispositions d'ensemble que celles du pont de l'Orbieu; c'est-à-dire qu'elles se composent chacune de deux longerons horizontaux rendus solidaires l'un de l'autre au moyen de montants verticaux placés au droit des pièces de pont, et de croix de Saint-André formant les diagonales des rectangles compris entre les longerons et les montants verticaux. Le système essayé pour la première fois en France au pont de l'Orbieu, dans ce genre d'application, ne pouvait certainement pas recevoir de meilleur certificat que son adoption pour un ouvrage de l'importance du nouveau pont de Bordeaux.

N° 14
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NOTE

Sur un système de moisage des pieux sous l'eau.

Par M. DE LAGRENÉ, ingénieur des ponts et chaussées.

Exposě. -Les passes navigables des douze barrages en construction sur la Seine, entre Paris et Montereau, sont généralement fondées sur un massif de béton compris dans un coffrage formé de pieux et palplanches arasées à oTM.60 et à om.87 sous l'étiage. Les radiers des écluses de ces barrages sont fondés de la même manière à des profondeurs qui varient de oTM.70 à 1.60 sous l'étiage. Il était donc utile d'adopter un système de moisage susceptible d'être effectué sous l'eau aux profondeurs que nous venons d'indiquer.

Le système dont nous allons donner la description paraît avoir été employé d'abord sur la Loire, il a été introduit dans les travaux de L'Yonne et de la Haute-Seine par M. l'Ingénieur en chef Chanoine, enfin il a été décrit dans les nouvelles annales de la construction (année 1856) par M. le conducteur Petit. Il nous a semblé intéressant de le faire connaître aux lecteurs des annales des ponts et chaussées; son application facilite beaucoup dans certains cas les fondations hydrauliques, elle permet en outre d'obtenir des palplanches bien jointives après le battage, si l'on ne rencontre pas de terrain trop rocailleux, et si l'on a la précau

Annales des P. et Ch. MÉMOIRES.

TOME II,

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