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TABLEAU D.

Ces résultats sont ceux de la plus faible marée de chaque quadrature.

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N° 18

ÉTUDES

Sur le desséchement des marais du littoral
de la Méditerranée.

Par M. DUPONCHEL, ingénieur des ponts et chaussées.

§ 1o.- Des conditions générales des desséchements dans le Midi, et de l'action du sel sur la végétation.

I. Au moment où l'administration paraît vouloir s'occuper plus que jamais des moyens d'imprimer un nouvel essor aux grands travaux d'amélioration agricole, nulle entreprise de ce genre n'offrirait probablement plus d'intérêt que celle qui aurait pour but la mise en valeur et en culture des étangs, marais et terrains marécageux qui, sur le littoral de la Méditerranée, entre l'embouchure du Rhône et celle de l'Aude, occupent une superficie de près de 200 000 hectares (*) répartis entre les quatre départe

(*) Ce chiffre est de beaucoup supérieur à celui qui résulte de la' statistique officielle récemment publiée par le gouvernement, qui n'évalue qu'à 35 000 hectares environ la totalité des marais dans les quatre départements réunis. Nous ignorons comment ont été établies les surfaces portées dans cette statistique; on comprendra en effet combien il peut y avoir d'incertitude sur ce que l'on doit désigner sous le nom de marais, suivant qu'on n'y compte ni les terrains desséchés, ni les étangs plus ou moins profonds.

En prenant l'acception la plus générale, en groupant ensemble tous les terrains formés d'alluvions modernes, qui ont plus ou moins à souffrir de la stagnation des eaux ou de la présence du sel, nous croyons être plutôt en dessous qu'en dessus de la vérité, en admet

!

ments des bouches du Rhône, du Gard, de l'Hérault et de l'Aude.

Dans cette vaste surface, nous comprenons sans doute bien des terrains qui sont déjà dans un état de rapport assez avancé, et plusieurs étangs en communication plus ou moins directe avec la mer, qui, comme l'étang de Thau, forment de véritables petites mers intérieures, qu'on ne saurait, pour le moment songer à dessécher et à livrer à la culture, et qui, pendant longtemps encore, devront rester affectés à la pêche ou à la navigation. Mais la majeure partie se compose de marais sans profondeur, s'asséchant d'eux-mêmes par le seul effet de l'évaporation pendant la saison chaude de l'année, qui non-seulement restent improductifs, mais sont une source incessante de maladies pernicieuses, dont le desséchement serait par suite une œuvre aussi désirable dans l'intérêt de la salubrité publique que dans celui de l'agriculture. Un tel résultat ne nous paraît pas impossible à obtenir, surtout pour ceux de ces terrains qui, se trouvant près de l'embouchure des rivières principales, peuvent être colmatés et arrosés; leur mise en valeur ne laisse pourtant pas que d'être une opération difficile et délicate, qui ne pourrait s'effectuer qu'avec des frais considérables et en recourant à des méthodes diffé

tant ce chiffre rond de 200 000 hectares pouvant se décomposer à peu près ainsi :

Alluvions (Marais, étangs et plaines basses de la rive gauche.

Delta intérieur ou Camargue..

du
Rhône. Marais et plaines basses de la rive droite.
Delta et alluvions latérales du Vistre et du Vidourle.
Elang de Mauguio et marais du littoral...
Etang de Péroles et marais de l'embouchure du Lez.
Etangs et marais de Villeneuve, Vic et Frontignan.
Etang de Thau et marais adjacents. . .

hectar.

26 000

85 000 140 600 29 600

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Total.

Marais et terrains salés de l'embouchure de l'Hérault.
Marais et terrains de l'embouchure de l'Orh..

Plaines basses et marais de l'Aude.

Etangs de Berges et de Lyruissan.

Rive droite..

Rive gauche.

7000

7400

198 000

rentes de celles qui sont généralement adoptéés; et qui, propres au pays du Nord, n'ont été essayées qu'avec fort peu de succès dans nos contrées méridionales.

En présence de l'intention si hautement manifestée par le gouvernement d'activer la production agricole, nous avons cru le moment favorable pour réunir les quelques observations personnelles que nous avons pu faire sur cette question pendant un séjour prolongé, comme ingénieur, dans un département du littoral de la Méditerranée; et pour exposer les modifications importantes qu'une étude approfondie du régime et des conditions d'existence de nos marais méridionaux nous a indiquées comme devant être nécessairement apportées dans les méthodes générales de desséchement si malencontreusement essayées jusqu'à ce jour.

La plupart des tentatives de desséchement faites en Languedoc et en Provence depuis Henri IV ont été dirigées, en effet, par des ingénieurs étrangers arrivant d'Angleterre ou de Hollande avec des projets arrêtés d'avance, qui, ne se faisant aucune idée des conditions particulières où ils allaient se trouver, des difficultés nouvelles qui allaient surgir, n'ont abouti, après des dépenses considérables, qu'à discréditer de la manière la plus fâcheuse des entreprises pourtant susceptibles d'un grand avenir.

Car, en acceptant franchement les conditions naturelles du problème, sa solution ne serait probablement pas moins fructueuse dans nos contrées méridionales que sur les bords de la mer du Nord.

Nous n'avons pour nous, il est vrai, ni les variations du niveau des marées, facilitant l'écoulement périodique des eaux pluviales, ni la ressource du vent comme moteur, ni celle d'un climat humide permettant la mise en culture immédiate des terrains conquis sur la mer. Nous avons contre nous les inconvénients du débordement de nos rivières torrentielles et de l'abondance des pluies d'équinoxe qui

donnent parfois plus d'eau en quelques jours qu'il n'en tombe en Angleterre dans toute une année; mais nous avons en revanche l'avantage de pouvoir opérer de prime abord sur un sol tout formé, déjà supérieur au niveau constant d'une mer contre laquelle il n'est plus besoin de ces digues monstrueuses défendant les polders de la Hollande; nous pouvons disposer des ressources sans nombre de la science moderne et agir enfin sur un sol éminemment fertile et sous un climat favorisé qui se prête à des cultures exceptionnellement productives.

Il n'est effectivement pas de terrain qui renferme plus d'éléments de richesse que celui de nos marais, et lorsqu'on voit les terres attenantes, de même origine et de même nature, valoir ordinairement de 8 à 12 000 francs l'hectare, bien qu'épuisées par une longue culture, il ne sera douteux pour personne qu'on ne soit en droit d'espérer une valeur au moins égale de ces marais, si jamais on parvient à les mettre dans des conditions normales de végétation en les débarrassant non-seulement de l'excédant d'eau qui les submerge, mais avant tout du sel marin dont ils sont imprégnés.

Cette question du sel, spéciale à nos climats méridionaux, est une question qui, en fait de desséchement, doit tout dominer et dont l'étude doit primer toutes les autres. Nous croyons donc devoir la traiter en premier lieu; car à quoi servirait de dessécher à grands frais de nouvelles surfaces, si les terrains ainsi obtenus devaient rester improductifs comme ceux que nous possédons déjà en trop grand nombre sur nos plages, si nous ne nous étions assuré d'avance des moyens de remédier à cette cause persistante de stérilité?

II. Tous les terrains qui se sont trouvés, à une époque même très-reculée, en contact avec la mer restent imprégnés de sel marin, qui, suivant les conditions atmosphériques, produit des effets très-différents.

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