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Le fait qui frappe d'abord à l'inspection de ce tableau, c'est la supériorité de la résistance des tôles provenant de la chaudière, comparées à celles qui avaient été essayées primitivement (Tableau I).

On remarque, par contre, que les allongements proportionnels sont moindres; ce qui confirme l'opposition déjà indiquée (p. 5) entre la résistance et la ductilité.

Les allongements.permanents après la rupture ne figurent pas dans ce tableau. On aurait pu cependant les mesurer en rapprochant exactement les deux tronçons de chaque pièce d'essai, mais on a omis de le faire.

Cette omission, au surplus, ne tire pas à conséquence. On voit en effet que si les allongements sous la charge dépassent d'abord notablement les allongements qui persistent lorsque la charge est enlevée, la différence diminue quand cette charge croît, et disparaît quand on approche de la charge de rupture. En d'autres termes, l'élasticité d'abord simplement altérée disparaît ensuite. Arrivé à ce point, l'acier se comporte comme le ferait un corps mou, qui conserve tout entière la déformation que la charge lui a imprimée. Il est clair d'ailleurs que la charge sous laquelle cet effet se produit suffirait elle-même pour déterminer la rupture si (comme il serait certainement préférable de le faire) on la laissait agir un certain temps. L'équilibre est, en effet, dès ce moment devenu impossible.

Nous ne posons pas, bien entendu, cette disparition de l'élasticité comme un fait rigoureux, absolu; l'élasticité persiste sans doute encore dans une certaine mesure, mais inappréciable par les moyens d'observation dont nous disposions (*).

(*) Il s'agit ici d'observations pratiques, telles qu'on peut en faire dans les ateliers, et nullement d'expériences de physique. C'est en opérant sur des barres de 15 mètres de longueur que M. Hodgkinson a pu suivre jusqu'à la fin l'excès de l'allongement sous la charge sur l'allongement permanent, et constater en même temps la ra

Les conséquences importantes en pratique qui ressortent de ces expériences sont les suivantes :

1o Les tôles provenant de la chaudière présentent une résistance toujours considérable, et variant entre des limites peu écartées.

2° L'allongement, à l'instant de la rupture, oscillait autour du chiffre 1/10.

3° Si l'influence du sens du laminage et celle du coup de feu pendant un service continu de trois années sont réelles, elles sont du moins très-faibles, les écarts étant du même ordre que ceux qu'on observe toujours dans les expériences de ce genre.

Essai de la rivure de la chaudière.

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On a cherché ensuite à obtenir au moins une limite inférieure de la résistance des lignes de rivure. On avait, dans ce but, découpé des bandes de tôle réunies par un rivet. Deux spécimens ont été soumis à des charges successives de 6 000, 7000, 8000, 9000, 10000, 10500 et 11000 kilogrammes. Jusqu'à 10000 kilogrammes, charge correspondante à 50 kilogrammes par millimètre quarré de la section transversale du rivet, aucun indice de rupture ne s'est produit. Sous la charge de 10 500 kilogrammes, une gerçure s'est produite dans la tête conique (extérieure) du rivet. Sous 11 000 kilogramues (55 kilogrammes par millimètre quarré de la section du rivet),

pidité avec laquelle cette différence décroît. Nous empruntons à une de ses séries d'expériences les résultats suivants :

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Ils suffisent pour confirmer le fait établi plus haut: c'est-à-dire que, quand on approche de la rupture, l'allongement sous la charge et l'allongement permanent ne diffèrent plus que d'une fraction tout à fait négligeable en pratique.

la fissure s'est élargie et un léger glissement s'est opéré entre les deux feuilles.

La résistance limitée de la grue n'a pas permis de pousser l'expérience jusqu'à la rupture complète du rivet. Déjà des ruptures avaient eu lieu dans la chaîne de suspension, et l'expérience ne laissait pas que de présenter quelques dangers.

Essais comparatifs sur des tôles de fer. Les tôles de fer ont été, en France et surtout en Angleterre, l'objet d'expériences nombreuses, de sorte que les termes de comparaison ne manquaient pas. Toutefois, il a paru nécessaire de faire aussi quelques essais sur ces tôles: d'abord parce que les résultats obtenus dans les mêmes conditions sont plus exactement comparables; ensuite, et surtout, parce qu'on se contente généralement de mesurer la résistance à la rupture sans s'inquiéter du degré de ductilité du métal.

Parmi les applications si nombreuses du fer, il n'y en a guère que deux pour lesquelles on se préoccupe de cette propriété : c'est quand il s'agit des câbles et des tiges de suspension des ponts suspendus, et des câbles-chaînes de la marine. Là, en effet, la considération de la résistance vive est d'une nécessité qui saute aux yeux. Mais pour être moins évidente quand il s'agit des chaudières à vapeur, cette nécessité n'en est pas moins réelle. Ici, sans doute, le métal n'a pas à résister à des chocs, à absorber par sa déformation élastique ou permanente, du travail mécanique. Mais il a à subir des élaborations auxquelles il doit se prêter sans commencement de rupture, sans altération. S'il est aigre, le forage des trous des rivets, le mattage des joints, l'emboutissage, etc., altèrent sa ténacité. On sait qu'il y a des fers pour rails, si aigres, qu'ils se fendent sous l'action du poinçon, lorsqu'on perce les trous pour les boulons d'éclisses. Sans aller jusquelà, les tôles naturellement aigres le deviennent encore plus, et perdent singulièrement de leur résistance par le seul fait du travail de la rivure.

Essai 1° de tôles provenant de la chaudière de la locomotive la Turquie, du chemin de fer de l'Est. S'il était nécessaire de citer des exemples, nous rappellerions celui de la locomotive la Turquie, qui fit explosion le 20 août 1857, dans la station de Dormans (chemin de Paris à Strasbourg).

Les expériences faites sur des échantillons provenant de cette chaudière ont donné les résultats suivants (*) :

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Une résistance de 35.85 en moyenne, et dont les écarts n'ont rien d'excessif, est certainement satisfaisante pour des tôles puddlées. L'explosion s'explique donc d'autant moins, au premier abord, que le niveau de l'eau ne s'était certainement pas abaissé (le foyer est resté intact) (**), et que si la pression du timbre a été dépassée, elle ne l'a été, selon toutes les probabilités, que d'une quantité peu considérable et tout à fait insuffisante pour atteindre la limite de la ré

(*) Les expériences 3 à 6 ont été faites à l'usine de Guérigny (Nièvre) par les soins de MM. les ingénieurs de la marine, et au moyen de la presse hydraulique employée pour les essais de câbleschaînes.

(**) Il en était de même de toute la tubulure.

sistance normale, même suivant les lignes de rivure (c'està-dire celle de la tôle réduite de 44 p. 100 environ, chiffre ordinairement admis pour les clouures à un seul rang de rivets).

Mais la question change de face si l'on envisage la colonne des allongements de rupture. Ces chiffres sont très-variables, mais on voit qu'ils descendent jusqu'à 1.3 p. 100. La tôle, dans certaines feuilles du moins, était donc fort aigre, et la résistance des lignes de rivures devait se ressentir gravement de ce défaut absolu de ductilité. Cette nature du métal se révélait par la seule observation du mode de rupture des échantillons, qui cédaient brusquement, sans aucun signe précurseur, et sans aucune réduction appréciable de la section de rupture. En même temps qu'elle a été la cause déterminante de l'explosion, cette manière d'être de la tôle était de nature à aggraver singulièrement ses effets, car toute l'enveloppe cylindrique s'est rompue en éclats, qui ont été projetés à de grandes distances. Elle s'est brisée comme du verre.

La résistance à la rupture n'est pas la seule propriété essentielle des tôles pour chaudières. La résistance absolue n'est donc pas, bien loin de là, la seule propriété essentielle des tôles pour chaudières. La ductilité est tout aussi indispensable, et si ces deux qualités sont en quelque sorte complémentaires, on ne doit pas hésiter à sacrifier, dans une certaine mesure, la première à la seconde. Il faut, sans doute, se garder d'employer un métal trop mou; mais ce danger est d'autant moins à craindre que la fabrication des tôles est d'autant plus coûteuse qu'elles sont plus douces.

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