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demnari non potest. Les mêmes ont dit aussi, et peut-être avec plus de fondement, qu'il valait mieux absoudre cent coupables que de condamner un seul innocent.

Autrefois les laïques n'étaient pas reçus à accuser les clercs, C. Sacerdotes 2, q. 7. A l'égard des évêques, il y avait des règles particulières, suivant le canon 6 du concile de Chalcédoine (Voyez CAUSES MAJEURES, ÉVÊQUE) mais le canon Sacerdotes fut dans la suite abrogé ut transgressionis ultio fieret, et cæteris interdictio delinquendi, C. Quapropter 1, q. 7.

L'accusation fut donc permise généralement à tous ceux à qui elle n'était pas expressément défendue; les canons avaient adopté à cet égard la disposition des lois, comme il paraît par le ch. Per scripta, caus. 2,4,8, et on en suivait par conséquent toutes les exceptions. Les clercs, les soldats, à cause de leur dignité, ne pouvaient accuser les fils de famille, et les esclaves ne le pouvaient non plus, à cause de leur état, les pupilles et mineurs à cause de leur âge, les femmes pour leur sexe, les indignes, comme les criminels, les excommuniés, les infâmes, les hérétiques, les infidèles et plusieurs autres, qu'on peut voir dans le canon Prohibentur, caus. 2, q. 1, n'étaient pas reçus en leurs accusations.

L'accusation, dans les tribunaux ecclésiastiques, se fait par le promoteur du diocèse pour les crimes qui méritent peine afflictive ou grave, sans distinguer les crimes publics d'avec les autres. Le promoteur agit à peu près de la même manière que le procureur du roi devant les tribunaux civils, mais il n'accuse ordinairement que sur une dénonciation ou d'après la clameur publique.

Les particuliers ne peuvent pas accuser les coupables, mais seulement les dénoncer. La dénonciation est permise, dans les officialités, à toutes sortes de personnes, et contre qui que ce soit, en observant les formalités requises (Voyez DÉNONCIATION, INSCRIPTION, PROCÉDURE, SERMENT, DÉLIT PRIVILÉGIÉ). Les promoteurs doivent être réservés dans leurs accusations, quoiqu'ils puissent se rendre parties contre des clercs coupables de scandale et d'autres semblables crimes. S'ils accusaient des clercs sans plainte formelle, et que la justification des accusés prouvât qu'il y avait de la malice dans leur procédé, ils devraient être condamnés en des dommagesintérêts, comme on en a plusieurs exemples.

C'est un grand principe utriusque juris, que celui qui a été accusé et absous d'un crime, ne peut de nouveau en être accusé, Non bis in idem, à moins qu'il n'y eût cu de la collusion dans le premier jugement, ou de l'irrégularité dans la procédure (Biblioth., can. Tom. 1", 193, c. 1, C. in tantum de collusione detegenda), ou que l'accusé continuât de commettre le même crime: Quæ enim ex frequenti prævaricatione irritantur, frequenti sententia condemnantur, c. 1, De Pœnis, ou enfin que le jugement n'ait été rendu par un juge incompétent.

Régulièrement on ne doit condamner per

sonne sans accusateur. C. 6, § 2, de Muner. et honorib.

ACCUSÉ.

Accusé est celui qui est prévenu de quelque crime.

Par les anciens canons, un prêtre accusé était interdit des fonctions sacerdotales (Canon. 11, 13 et 16, caus. 2, quæst. 5).

Le canon Presbyter, ead. caus., contient même une disposition qui fait juger que la simple accusation en elle-même, destituée de preuves, produisait sur la réputation des prêtres une tache dont il fallait qu'ils se purgeassent par serment: Presbyter vel quilibet sacerdos, si a populo accusatus fuerit, ac certi testes inventi non fuerint qui criminis illati veritatem dicant, jusjurandum in medio faciat, et illum testem proferat de innocentiæ suæ puritate, cui nuda et aperta sunt omnia. (Voy. PURGATION.)

Par le droit des Décrétales, ceux qui sont accusés de quelque crime ne peuvent, avant leur absolution, en accuser d'autres, porter témoignage en justice, ni être promus aux Ordres Non debet quis in criminibus, nisi forsan in exceptis, ad testificandum admitti pendente accusatione de crimine contra ipsum: cum etiam accusati, nisi prius se probaverint innocentes ab accusatione, a susceptione Ordinum repellantur (cap. 56, de Testib. et altest. J. G.).

Le chap. Omnipotens, de Accus, décide pareillement que si quelqu'un est accusé d'un crime, il ne doit pas être élevé aux honneurs ou aux dignités. La glose de ce chapitre dit qu'il suffit qu'il y ait contre un clerc une accusation, ou une dénonciation, ou une information, pour que sa réputation en soit flétrie et qu'il ne puisse être promu: Infamibus portæ non pateant dignitatum (Reg. Jur., in 6°.) (Voy. INDIGNE, INFAME).

Si un accusé ne peut être promu aux Ordres, il ne peut, par une conséquence naturelle, faire les fonctions de ceux dont il est déjà revêtu; mais il peut résigner les bénéfices qu'il a, si le crime dont il est coupable n'est pas du nombre de ceux qui le font vaquer de plein droit. Quæro, dit Flaminius Parisius, an criminosi qui non sunt privati ipso jure, sed veniunt privandi et declarandi, possint resignare eorum beneficia in favorem. In hoc, répond-il, constitui regulam affirmativam posse. Il cite une foule de canonistes qui enseignent cette maxime (Voy. VACANCE). ACÉMÈTES.

Acémètes ou Acamètes, mot grec qui signifie veillant ou dormant. On donnait autrefois ce nom aux moines dont l'institut portait qu'une partie de leur communauté chanterait ou prierait Dieu, tandis que l'autre se reposerait. Quelques auteurs ont écrit sans réflexion que ces moines avaient toujours les yeux ouverts et ne dormaient jamais. C'est une chose physiquement impossible; mais ces acémètes étaient divisés en trois chœurs, dont chacun psalmodiait à son tour et relevait les autres de sorte que cet exercice

durait sans interruption pendant toutes les heures du jour et de la nuit, et ils entretenaient ainsi une psalmodie perpétuelle. Saint Alexandre, officier de l'empereur Théodose, suivant plusieurs historiens, fonda, l'an 430, l'institut de ces acémètes, dont il est souvent parlé dans l'histoire ecclésiastique; mais Nicéphore leur donne pour fondateur un nommé Marcellus, que quelques écrivains modernes appellent Marcellus d'Apamée.

Selon saint Grégoire de Tours et plusieurs autres auteurs, Sigismond, roi de Bourgogne, établit en France des acémètes. Ainsi la psalmodie perpétuelle fut établie en plusieurs monastères.

On pourrait encore donner aujourd'hui le nom d'acémètes à quelques maisons religieuses, où l'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement fait partie de la règle, et qu'on appelle, pour cette raison, religieuses de l'adoration perpétuelle: en sorte qu'il y a, jour et nuit, quelques personnes de la communauté occupées de ce pieux exercice.

On a quelquefois appelé les stylites acémètes, et les acémètes studites.

ACÉPHALE.

Acéphale, mot grec qui signifie sans chef, errant et livré à sa propre volonté. On donne ce nom, dans le droit canonique, à un moine qui n'est pas subordonné à l'autorité d'un supérieur, ni soumis à sa direction; à un prêtre qui se soustrait à la juridiction de son évêque, à l'évêque qui refuse de se soumettre à celle de son métropolitain, aux chapitres et aux monastères qui se prétendent indépendants de la juridiction des ordinaires. (Voy. MOINE, EXEAT, AUTOCÉPHALE.)

On donna aussi ce nom, autrefois, aux hérétiques qui niaient les deux substances dans Jésus-Christ, à raison de ce qu'on ignorait les chefs ou les auteurs de ces secles.

L'article 33 des articles organiques dit que « Toute fonction est interdite à tout ecclésiastique, même français, qui n'appartient à aucun diocèse.»>

L'article 34 porte: « Qu'un prêtre ne pourra quitter son diocèse pour aller desservir dans un autre, sans la permission de son évêque. »

Quelques canonistes appellent aussi acéphales, après le cardinal Cajétan, les sessions du concile général de Bâle, qui n'étaient pas présidées par les légats du pape.

ACHAT ET VENTE.

Quand le vendeur a souffert une lésion d'outre moitié du juste prix du fonds qu'il a vendu, il peut demander que l'acheteur le remette en possession du fonds, ou qu'il lui paie un supplément, jusqu'à la juste valeur (Cap. Cum dilati... cum causa exira).

Le vendeur n'est point tenu de la garantie da fonds envers son acheteur, quand ce dernier qui a été évincé n'a point mis le vendeur en cause aussitôt après qu'il a été assigné; quand il s'est laissé condamner par défaut, ou quand il est intervenu un jugement par collusion entre lui et celui qui l'attaquait.

Célestin III dit qu'une femme ne peut rentrer dans ses biens dotaux qui ont été aliénés pendant son mariage, lorsque l'aliéna tion a été faite de son consentement; que l'acheteur a possédé le bien pendant trente ans, et que les deniers de la vente ont tourné au profit du mari et de la femme (Cap. Si venditori, ibid.).

Innocent III veut qu'on regarde comme usuraire un contrat de vente d'un fonds à un prix très-modique, quand le vendeur s'est réservé la faculté de réméré (Cap. Ad nostram).

Le contrat de vente avec la faculté de réméré ou de rachat, tel que le permet l'article 1659 du code civil, est licite au for intérieur comme au for extérieur : il ne renferme rien qui soit contraire ni au droit naturel, ni au droit canon. Mais, pour que ce contrat soit licite, il faut : 1° que les parties aient une véritable intention de vendre et d'acheter, autrement ce ne serait qu'une vente feinte et simulée; 2 que l'acquéreur n'ait pas la liberté de se désister de l'achat; car ce ne serait plus alors un contrat de vente, mais un véritable prêt à intérêt, par lequel on voudrait éluder la loi contre l'usure; 3° que la vente soit à un juste prix, c'est-à-dire que le prix doit être proportionné à la valeur de l'héritage, considéré comme vendu avec la faculté de rachat. Le contrat fait avec ces conditions n'étant point illicite ni usuraire, l'acquéreur peut en sûreté de conscience jouir des revenus et des fruits de l'héritage. (Mgr. Gousset, arch. de Reims, Code civil commenté).

Un concile de Mayence condamnait à trente jours de pénitence, au pain et à l'eau ceux qui avaient vendu à faux poids ou à fausse mesure (Cap. Ut mensura). Un autre concile voulait qu'on allât dénoncer aux prêtres ceux qui vendaient leurs denrées plus cher aux étrangers qu'à ceux qui les achetaient sur le marché. Aujourd'hui s'il y avait quelque plainte à faire sur ce sujet, ce serait aux agents de l'autorité civile qu'il faudrait s'adresser (Cap. Placuit).

L'usage s'était introduit en Allemagne, au commencement du quinzième siècle, d'emprunter de l'argent dont on faisait une rente sur un fonds; à condition que celui qui avait emprunté pourrait toujours rembourser le principal, et se décharger par là du paiement de la rente, et que celui qui avait prêté ne pourrait exiger le remboursement. Plusieurs casuistes sévères de ce temps-là prétendaient que ces sortes de rentes étaient usuraires, et qu'on ne devait pas par conséquent les permettre. Le pape Martin V fut consulté sur ce sujet et fit publier une bulle en 1420 (Cap. Regiminis... Extravag. comm.), par laquelle il approuva ces rentes, qu'il appelle censuelles, parce qu'elles étaient assignées sur des fonds (D'Héricourt, Lois ecclésiastiques, pag. 849).

Ces rentes s'appellent parmi nous rentes. constituées. Il n'est pas nécessaire qu'elles soient assignées sur les fruits de quelques fonds particuliers. Quand le contrat en est

:

passé par-devant notaire, il emporte hypothèque sur tous les biens du débiteur; mais la rente n'en serait pas moins licite, dans le cas ou le débiteur n'aurait aucun bien en fonds. Il suffit, pour ôter tout soupçon d'usure, que celui qui prête, achète, pour ainsi dire, la rente, en payant le principal, dont il ne peut exiger le remboursement. (Voy. AcQUISITION, ALIENATION.)

ACOLYTE.

Acolyte est un mot grec qui veut dire stable, ferme, inébranlable; les païens donnaient ce nom aux stoïciens, à cause de la constance qu'ils affectaient dans leur système de philosophie.

Dans l'Eglise, ce mot veut dire aussi suivant, qui accompagne. On a donné originairement le nom d'acolytes aux jeunes clercs qui suivaient partout les évêques, soit pour les servir, soit pour être témoins de leur conduite; et comme ils couchaient dans la même chambre que leurs évêques, on les appelait aussi syncelles. (Voy. SYNCELLE.) On les appela même dans la suite céroféraires, parce qu'il était de leur ministère de porter, dans certaines cérémonies, un chandelier où était un cierge allumé. Acolythi græce, latine ceroferarii dicuntur, a deportandis cereis quando legendum est Evangelium, aut sacrificium offerendum; tunc enim accenduntur luminaria ab eis et deportantur: non ad effugandas tenebras, dum sol eodem tempore rutilat, sed ad signum lætitiæ demonstrandum, ut sub typo luminis corporalis illa lux ostendatur de qua in Evangelio legitur: Erat lux vera quæ illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. (Cap. Cleros, dist. 21.)

« L'Eglise grecque, dit Bergier, n'avait point d'acolytes, au moins les plus anciens monuments n'en font aucune mention; mais l'Eglise latine en a eu dès le troisième siècle; saint Cyprien et le pape Corneille en parlent dans leurs épitres, et le quatrième concile de Carthage prescrit la manière de les ordonner. »

Les acolytes étaient de jeunes hommes entre vingt et trente ans, destinés à suivre toujours l'évêque et à être sous sa main. Leurs principales fonctions, dans les premiers siècles de l'Eglise, étaient de porter aux évêques les lettres que les Eglises étaient en usage de s'écrire mutuellement lorsqu'elles avaient quelque affaire importante à consulter; ce qui, dans les temps de persécution, où les gentils épiaient toutes les occasions de profaner nos mystères, exigeait un secret inviolable et une fidélité à toute épreuve. Ces qualités leur firent donner le nom d'acolytes, aussi bien que leur assiduité auprès de l'évêque, qu'ils étaient obligés d'accompagner et de servir. Ils faisaient ses messages, portaient les eulogies, c'est-à-dire les pains bénits que l'on envoyait en signe de communion: ils portaient même l'eucharistie. dans les premiers temps; ils servaient à l'autel sous les diacres; et avant qu'il y eût des sous-diacres, ils en tenaient la place. Le martyrologe marque qu'ils tenaient autrefois

à la messe la patène enveloppée, ce que font à présent les sous-diacres : et il est dit dans d'autres endroits qu'ils tenaient aussi le chalumeau qui servait à la communion du calice. Enfin ils servaient encore les évêques et les officiants en leur présentant les ornements sacerdolaux. Ces diverses fonctions cessèrent d'avoir lieu lorsque les acolytes cessèrent d'être suivants et syncelles des évêques.

Aujourd'hui l'acolyte est un ecclésiastique à qui l'on a conféré un des quatre ordres mineurs dont nous parlons au mot ordre. Le Pontifical ne leur assigne pas d'autres fonctions que de porter les chandeliers, allumer les cierges, et préparer le vin et l'eau pour le sacrifice: ils servent aussi l'encens, et c'est l'ordre que les jeunes cleres exercent le plus souvent. Thomassin, Discipline de l'Eglise; Fleury, Institution au Droit ecclés., 1. I, part. 1, ch. 6, p. 82; Grandcolas, Ancien Sacram., Ire part., p. 124.

Dans l'Eglise romaine, il y avait trois sortes d'acolytes: ceux qui servaient le pape dans son palais et qu'on nommait palatins; les stationnaires, qui servaient dans les églises, et les régionnaires, qui aidaient les diacres dans les fonctions qu'ils exerçaient dans les divers quartiers de la ville.

De simples tonsurés, et même des laïques, remplissent aujourd'hui, pour le plus souvent, les devoirs des acolytes. (Voy. ce qui est dit des acolytes et de leur ordination, sous le mot ORDRE.)

ACQUISITIONS.

Jésus-Christ n'ordonne ni ne défend à son Eglise d'acquérir des biens. Il recommande seulement la pauvreté et le désapproprîment à ses apôtres, tout en disant que leur travail mérite salaire. Saint Paul a dit après, plus expressément, que qui sert l'autel doit vivre de l'autel. (Voy. DIMES.)

Sur ce principe, les premiers fidèles faisaient des offrandes qui suffisaient, non-seulement pour les ministres de l'Eglise, mais encore pour les pauvres. (Voy. OBLATIONS.) (Eusèb., liv. IV, ch. 23.) Dans la naissance même de l'Eglise, comme nous l'apprend le Nouveau Testament, les fidèles vendaient tous leurs biens et en apportaient le prix aux pieds des apôtres ; l'on ne sait pas bien précisément le temps que dura cet usage; quelques historiens disent que les chrétiens de Jérusalem le conservèrent jusqu'à la destruction de cette ville; ce qu'il y a de sûr, c'est que dans les premiers siècles, moins que jamais, le bien ne manqua pas à l'Eglise, les persécutions rendaient alors la foi plus vive, et l'on voit par un édit de Constantin, qui rendit la paix à l'Eglise, qu'elle possédait déjà des biens immeubles, quoiqu'en petit nombre, puisqu'il en ordonne en sa faveur la restitution; mais dès cette époque, l'Eglise cut toute liberté d'acquérir et de posséder: les empereurs eux-mêmes furent les premiers à l'enrichir des plus beaux dons. Can. Futuram et seq., 12. q.1. Tout laïque qui devenait clerc donnait d'ordinaire ses biens à

l'église qu'il allait servir; s'il entrait dans un monastère, il en faisait autant; on poussa même à cet égard la libéralité si loin, que saint Augustin était obligé de faire rendre à des enfants les biens que leurs pères donnaient indiscrètement aux monastères qui les recevaient. A quoi l'on peut bien appliquer, dans le sens inverse, ce reproche que le Sauveur faisait aux enfants des Juifs : Rescindentes verbum Dei per traditionem vestram quam tradidistis et similia hujusmodi mulla facitis. Marc, ch.VII, v. 13. (Voy.

DONATIONS, SUCCESSIONS, Biens d'eglise, OBLATIONS.)

« Les propriétés de l'Eglise, » dit Mgr. l'archevêque de Paris, « prirent, après la cona version des empercurs, des accroissements a prodigieux. Dès le temps de saint Gréagoire le Grand, c'est-à-dire vers la fin du sixième siècle, l'Eglise romaine possédait a des terres dans les différentes parties de « l'empire, en Italie, en Afrique, en Sicile a et jusque sur les bords de l'Euphrate « (Hist. ecclés. de Fleury, liv. XXXV, n. 15). « Depuis le sixième jusqu'au dix-huitième « siècle, les établissements ecclésiastiques «< connus sous le nom d'évêchés, de paa roisses, d'abbayes, etc., ne cessèrent de << perdre et d'acquérir des immeubles. Les « actes de ces acquisitions n'étaient pas « seulement déposés dans les archives de a chaque corporation intéressée, ils exisa taient et existent probablement encore a dans le recueil de nos chartes. Plusieurs a sont consignés dans l'histoire de l'Eglise a (Traité de la Propriété des biens eccléa siastiques, p. 2).»

Tous ces biens, que possédait l'Eglise, étaient indépendants des offrandes journalières qu'elle n'a jamais cru devoir perdre par la possession des biens immeubles, comprenant même toutes les espèces de biens offerts à Dieu par les fidèles, meubles et immeubles, sous le nom d'oblations. Ipsæ enim res fidelium, oblationes appellantur quæ a fidelibis Domino offeruntur. Cun. 16, caus. 12, q, 1. (Voy. OBLATIONS, biens d'EGLISE.)

Le canon Habebat, 12, q. 1, tiré de saint Augustin, tract. 62, in Joan., fait une observation touchant la possession en argent, qu'il est bon de remarquer: Habebat Dominus loculos a fidelibus oblata conservans et suorum necessitatibus et aliis indigentibus tribuebat. Tunc primum ecclesiasticæ pecuniæ forma est instituta, et ut intelligeremus quod præcepit non esse cogitandum de crastino: non ad hoc fuisse præceptum, ut nihil pecuniæ servetur a sanctis; sed ne Deo propter ista serviatur, et propter inopiæ timorem justitia deferatur. Saint Chrysostome décrivait de son temps l'état pitoyable des évêques et des ecclésiastiques dans la possession des terres et d'autres biens fixes; ils abandonnent, dit ce saint, leurs saintes fonctions pour vendre leur blé et leur vin, et pour avoir soin de leurs métairies, outre qu'ils passent une partie de leur temps à plaider. Ce saint souhaitait de voir l'Eglise dans l'état où elle était au temps des apôtres, lorsqu'elle ne

jouissait que des aumônes et des offrandes des fidèles (Homil. 86, in Matth.). Le vœu de cet illustre docteur s'est en grande partie réalisé de nos jours. L'Eglise, il n'y a encore qu'un demi-siècle, possédait d'immenses richesses en Allemagne, en France, en Espagne, en Suisse, etc. Mais tant d'opulence, do splendeur et de puissance ont disparu devant la domination injuste et la rapacité sacrilége du dix-huitième et du dix-neuvième siècle; et le clergé catholique, presque partout, est aujourd'hui réduit à l'état de dépendance et de médiocrité.

Faut-il voir en cela un malheur pour l'Eglise? Nous laisserons le cardinal Pacca résoudre cette question. «Je considère, » répond le vénérable doyen du sacré collége, « que les « évêques, privés d'un domaine temporel qui « pouvait être très-utile au soutien de l'au«torité ecclésiastique spirituelle, quand il <«< était appliqué à cet objet, et dépouillés « d'une partie de leurs richesses et de leur a puissance, seront plus dociles à la voix du « Pontife suprême, et qu'on n'en verra au«< cun marcher sur les traces des superbes et « ambitieux patriarches de Constantinople, ni « prétendre à une indépendance presque schismatique. Maintenant aussi les popula«tions catholiques de tous ces diocèses « pourront contempler dans les visites pas«torales le visage de leur propre évêque, et <«<les brebis entendront au moins quelque

fois la voix de leur pasteur. Dans la nomi<< nation des chanoines et des dignitaires des chapitres de cathédrales, on aura peut-être « plus d'égard au mérite qu'à l'illustration << de la naissance: il ne sera plus nécessaire

de secouer la poussière des archives pour << établir, entre autres qualités des candidats, << seize quartiers de noblesse; et les titres « ecclésiastiques n'étant plus, comme ils l'é<< taient, environnés d'opulence, on ne verra << plus ce qui s'est vu plus d'une fois, lorsque « quelque haute dignité ou un riche bénéfice << était vacant, des nobles qui jusqu'alors << n'avaient eu de poste que dans l'armée, « déposer tout-à-coup l'uniforme et les dé<«< corations militaires, pour se revêtir des << insignes de chanoines, et orner d'une riche «<et brillante mitre épiscopale une tête qui, « peu d'années auparavant, avait porté le «< casque. Les graves idées du sanctuaire << ne dominaient pas toujours celles de la << milice. On peut donc espérer de voir dé<< sormais un clergé moins riche, il est vrai, << mais plus instruit et plus édifiant.» (Discours prononcé à Rome à l'Académie de la religion catholique, en l'année 1843.)

Sous le nom d'Eglise l'on doit comprendre ici généralement toutes les églises particulières, qui formaient anciennement les paroisses, les diocèses et les provinces, les laures, les monastères, les hôpitaux et autres lieux pieux. Toutes ces églises, depuis l'avènement de l'empereur Constantin à l'empire, l'an 313, ont toujours été capables d'acquérir toutes sortes de biens, par les voies légitimes de chaque pays où elles ont été situées. On a voulu contester de nos jours à l'E

glise le droit d'acquérir des immeubles, mais nous pourrions prouver que la capacité d'acquérir des propriétés, pour les individus comme pour les corps, est fondée sur le droit naturel, et que l'Eglise a une capacité de posséder indépendante de la loi, et que la loi ne peut lui ravir; nous préférons renvoyer au Traité de la Propriété des biens ecclésiastiques, de Mgr. Affre, où la question est traitée avec tous les développements possibles (Ch. 1, §§ 3 et 4).

En France, il n'a jamais été permis à l'Eglise d'acquérir des biens immeubles sans la permission du roi. Sous l'ancienne monarchie il existait plusieurs dispositions législatives dans ce sens. Nous ne citerons que l'édit de Louis XV, du mois d'août 1749, qu'on appelle l'Edit de main-morte. L'article 14 porte:

Faisons défense à tous les gens de mainmorte d'acquérir, recevoir ou posséder à l'avenir aucun fonds de terre, maisons, droits réels, rentes foncières ou non rachetables, même des rentes constituées sur des particuliers, si ce n'est après avoir obtenu nos lettres-patentes, pour parvenir à ladite acquisition, et pour l'amortissement desdits biens, et après que lesdites lettres, s'il nous plaît de les accorder, auront été enregistrées en nosdites cours de parlement ou conseils supérieurs, en la forme qui sera ci-après prescrite, ce qui sera observé, nonobstant toutes clauses ou dispositions générales qui auraient pu être insérées dans les lettres-patentes ci-devant obtenues par les gens de main-morte, par lesquelles ils auraient été autorisés à recevoir ou acquérir des biensfouds indistinctement, ou jusqu'à concurrence d'une certaine somme. »>

Les autres articles, qui sont au nombre de ving-neuf, réglent les différentes circonstan ces d'amortissement. L'Etat en agit ainsi parce que, considérant la facilité d'acquérir, de la part de l'Eglise et de tous les corps de main-morte, il craignit qu'elle ne lui devint nuisible.

Une constitution du pape Nicolas III, de l'an 1278: Exit qui seminat de verb., interdisait aux ordres mendiants toute acquisisition de biens immeubles, à quelque titre et sous quelque forme que ce fût. Cette constitution renferme d'autres règlements sur la propriété, ou même sur l'usage des biens ou des choses dont les mendiants ont besoin pour vivre et s'entretenir, qui occasionnèrent de vives disputes sous le pontificat de Jean XXII on peut s'en instruire dans l'histoire de Fleury, livre XCII, n. 62 et suiv. livre XCIII, n. 14, 15, etc. Elles en ont eu d'autres à leur suite; et la Clémentine Exiit n'était plus apparemment exécutée lorsque le concile de Trente fit le décret suivant :

Le saint concile accorde permission de a posséder à l'avenir des biens en fonds à a tous monastères et à toutes maisons, tant a d'hommes que de femmes, de mendiants « même, de ceux à qui, par leurs constitu«tions, il était défendu d'en avoir, ou qui jusqu'ici n'en avaient pas eu perm's ion

« par privilége apostolique, excepté les maia sons des religieux de saint François, ca«pucins, et de ceux qu'on appelle mineurs

de l'observance que si quelqu'un des a lieux susdits, auquel par autorité aposto«lique il avait été permis de posséder de

semblables biens en a été dépouillé, ordonne « le saint concile qu'ils lui soient tous ren« dus et restitués. »

Les historiens nous apprennent que ce furent les capucins eux-mêmes et les mineurs de l'observance, qui demandèrent de n'être pas compris dans cette permission d'acquérir des biens ce qui doit faire trouver moins surprenantes les dispenses que les papes ont pu accorder depuis sur cet objet, à certains de leurs monastères.

Pour ce qui est de l'acquisition des bénéfices, elle se fait, dit Rebuffe, en deux manières, canoniquement ou injustement, suivant cette première règle du sexte: Sine institutione beneficia obtineri non possunt. Institution est pris ici pour toute sorte de provisions. (Voy. COLLATION, PROVISIONS.)

L'Eglise, en France, a toujours la faculté d'acquérir des biens immeubles avec l'autorisation du roi. Voyez, sous le mot ACCEPTATION-DONATION, la loi du 2 janvier 1817, sur les acquisitions que peuvent faire les établissements ecclésiastiques; voyez aussi à la suite de cette loi les ordonnances qui prescrivent les formalités à suivre à ce sujet, par ces établissements.

Les formalités à suivre par la fabrique, pour l'acquisition des immeubles sont: 1° une délibération du conseil de fabrique, à laquelle on joindra celle du conseil municipal; 2° une copie du budget de la fabrique, qui prouve qu'elle a des ressources suffisantes pour payer l'immeuble; 3° l'évaluation de l'objet, tant en capital qu'en revenu; 4° le plan figuré et détaillé des lieux, s'il s'agit d'un édifice important, et le devis des travaux à faire, dans le cas où il aurait besoin de réparations. Le procès-verbal constatant cette évaluation doit être fait par deux experts, nommés, l'un par la fabrique, et l'autre par le vendeur; cet acte doit être timbré; 5° une information de commodo et incommodo, par un commissaire au choix du sous-préfet; 6° une promesse de vente du propriétaire; 7° le tout est ensuite envoyé au sous-préfet; celui-ci, après avoir donné son avis, transmet au préfet les pièces, qui sont également communiquées à l'évêque, et envoyées ensuite au ministre compétent; 8' s'il s'agit de l'achat d'un terrain pour un cimetière, pour une église ou un presbytère, il faut un procèsverbal de commodo et incommodo, fait par deux commissaires, l'un nommé par l'évéque, et l'autre par le préfet.

Quand le ministre à fait son rapport et obtenu une ordonnance royale approuvant Tacquisition, l'acte est passé entre le tresorier de la fabrique et le vendeur (Arrêté du 18 mars 1801. Circulaire du 29 janvier 1831). Les frais, sauf convention contraire, sont à la charge de l'établissement acquéreur, aus

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