Page images
PDF
EPUB

« Toutes ces opérations ne pouvaient être matière à projet de loi; car s'il appartient aux lois d'admettre ou de rejeter les divers cultes, les divers cultes ont par eux-mêmes une existence qu'ils ne peuvent tenir des lois, et dont l'origine n'est pas réputée prendre sa source dans des volontés humaines.

«En second lieu, la loi est définie par la constitution: un acte de la volonté générale; or ce caractère ne saurait convenir à des institutions qui sont nécessairement particulières à ceux qui les adoptent par conviction et par conscience. La liberté des cultes est le bienfait de la loi; mais la nature, l'enseignement et la discipline de chaque culte sont des faits qui ne s'établissent pas par la loi, et qui ont leur sanctuaire dans le retranchement impénétrable de la liberté du cœur.

« La convention avec le pape et les articles organiques de cette convention participent à la nature des traités diplomatiques, c'est-à-dire à la nature d'un véritable contrat. Ce que nous disons de la convention avec le pape s'applique aux articles organiques des cultes protestants. On ne peut voir en tout cela l'expression de la volonté souveraine et nationale; on n'y voit, au contraire, que l'expression et la déclaration particulière de ce que croient et de ce que pratiquent ceux qui appartiennent aux différents cultes.

« Telles sont les considérations majeures qui ont déterminé la forme dans laquelle le gouvernement vous présente, citoyens législateurs, les divers actes relatifs à l'exercice des différents cultes, dont la liberté est solennellement garantie par nos lois; et ces mêmes considérations déterminent l'espèce de sanction que ces actes comportent.

« C'est à vous, citoyens législateurs, qu'il appartient de consacrer l'important résultat qui va devenir l'objet d'un de vos décrets les plus solennels.

Les institutions religieuses sont du petit nombre de celles qui ont l'influence la plus sensible et la plus continue sur l'existence morale d'un peuple; ce serait trahir la confiance nationale que de négliger ces institutions toute la France réclame à grands cris l'exécution sérieuse des lois concernant la liberté des cultes.

a Par les articles organiques des cultes, on apaise tous les troubles, on termine loutes les incertitudes, on console le malheur, on comprime la malveillance, on rallie tous les cœurs, on subjugue les consciences mêmes en réconciliant, pour ainsi dire, la révolation avec le ciel.

La patrie n'est point un être abstrait: dans un Etat aussi étendu que la France, dans un Etat où il existe tant de peuples divers, sous des climats différents, la patrie ne serait pas plus sensible pour chaque individu que ne peut l'être le monde si on ne nous attachait à elle par des objets capables de la rendre présente à notre esprit, à notre Imagination, à nos sens, à nos affections; la patrie n'est quelque chose de réel qu'autant qu'elle se compose de toutes les institutions

qui peuvent nous la rendre chère. Il faut que les citoyens l'aiment; mais pour cela il faut qu'ils puissent croire en être aimés. Si la patrie protége la propriété, le citoyen lui sera attaché comme à sa propriété même,

« On sera forcé de convenir que, par la nature des choses, les institutions religieuses sont celles qui unissent, qui rapprochent davantage les hommes, celles qui nous sont le plus habituellement présentes dans toutes les situations de la vie, celles qui parlent le plus au cœur, celles qui nous consolent le plus efficacement de toutes les inégalités de la fortune, et qui seules peuvent nous rendre supportables les dangers et les injustices inséparables de l'état de société; enfin celles qui, en offrant des douceurs aux malheureux et en laissant une issue au repentir du criminel, méritent le mieux d'être regardées comme les compagnes secourables de notre faiblesse.

« Quel intérêt n'a donc pas la patrie à protéger la religion, puisque c'est surtout par la religion que tant d'hommes destinés à porter le poids du jour et de la chaleur peuvent s'attacher à la patrie !

« Citoyens législateurs, tous les vrais amis de la liberté vous béniront de vous être élevés aux grandes maximes que l'expérience des siècles a consacrées, et qui ont constamment assuré le bonheur des nations et la véritable force des empires. >>

RAPPORT fait au tribunat, par M. Siméon, au nom de la commission chargée de l'eramen du projet de loi relatif au CONCORDAT et de ses articles organiques.

« Citoyens tribuns, parmi les nombreux trai. rappeler la France au rang que lui assignent, tés qui,depuis moins de deux ans, viennent de dans la plus belle partie du monde, le génie et le courage de ses habitants, la convention, sur laquelle je suis chargé de vous faire produire des effets bien remarquables. un rapport, présente des caractères et doit

« C'est un contrat avec un souverain qui n'est pas redoutable par ses armes, mais qui est révéré par une grande partie de l'Europe, comme le chef de la croyance qu'elle professe, et que les monarques mêmes qui sont séparés de sa communion ménagent et recherchent avec soin.

« L'influence que l'ancienne Rome exerça sur l'univers par ses forces, Rome moderne l'a obtenue par la politique et par la religion. Ennemie dangereuse, amie utile, elle peut ruiner sourdement ce qu'elle ne saurait attaquer de front; elle peut consacrer l'autorité, faciliter l'obéissance, fournir un des moyens les plus puissants et les plus doux de gouverner les hommes.

inputé d'être plus favorable au despotisme « A cause même de cette influence, on lui a qu'à la liberté; mais l'imputation porte sur des abus dont les lumières, l'expérience et son propre intérêt ont banni le retour.

« Les principes de Rome sont ceux d'une religion qui, loin d'appesantir le joug de l'autorité sur les honnes, leur apprit qu'ils

[ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

ont une origine, des droits communs, et qu'ils sont frères; elle allégea l'esclavage, adoucit les tyrans, civilisa l'Europe. Combien de fois ses ministres ne réclamèrent-ils pas les droits des peuples? Obéir aux puissances, reconnaître tous les gouvernements est sa maxime et son précepte. Si elle s'en écartait, on la repousserait, on la contiendrait par sa propre doctrine. Elle aurait à craindre de se montrer trop inférieure aux diverses secles chrétiennes qui sont sorties de son sein, et qui déjà lui ont causé tant de pertes. Elle a sur elles les avantages de l'aînesse; mais, toutes recommandables par la tige commune à laquelle elles remontent, et par l'utilité de la morale qu'elles enseignent unanimement avec Rome, elles lui imposent, par leur existence et leur rivalité, une grande circonspection.

Des législateurs n'ont point à s'occuper des dogmes sur lesquels elles se sont divisées. C'est une affaire de liberté individuelle et de conscience; il s'agit, dans un traité, de politique et de gouvernement. Mais c'est déjà un beau triomphe pour la tolérance dont Rome fut si souvent accusée de manquer, que de la voir signer un concordat qui ne lui donne plus les prérogatives d'une religion dominante et exclusive; de la voir consentir à l'égalité avec les autres religions, et de ne vouloir disputer avec elles que de bons exemples et d'utilité, de fidélité pour les gouvernements, de respect pour les lois, d'efforts pour le bonheur de l'humanité.

« Un concordat fut signé, il y a bientôt trois siècles, entre deux hommes auxquels les lettres et les arts durent leur renaissance, et l'Europe, l'aurore des beaux jours qui depuis l'ont éclairée ; je veux dire François Ier et Léon X (Voy. ci-dessus ce CONCORDAT, col. 586). C'est aussi à une grande époque de restauration et de perfectionnement que le concordat nouveau aura été arrêté.

« Les premiers fondements de l'ancien concordat furent jetés à la suite de la bataille de Marignan; c'était la dix-huitième bataille à laquelle se trouvait le maréchal de Trivulie; il disait qu'elle avait été un combat de géants, et que les autres n'étaient auprès que des jeux d'enfants. Qu'eût-il dit de celle de Marengo? Quels autres que des géants eussent monté et descendu les Alpes avec cette rapidité, et couvert en un moment de leurs forces et de leurs trophées l'Italie qui les croyait si loin d'elle? Le nouveau concordat est donc aussi comme l'ancien, le fruit d'une victoire mémorable et prodigieuse.

<< Combien les maux, inséparables des conquêtes, ont paru s'adoucir aux yeux de la malheureuse Italic, lorsqu'elle a vu cette religion dont elle est le siége principal, à laquelle elle porte un si vif attachement, non-seulement protégée dans son territoire, mais prête à se relever chez la nation victorieuse qui, jusque-là, ne s'était montrée intolérante que pour le catholicisme!

« Nous n'aurons pas seulement consolé l'Italie; toutes les nations ont pris part à notre retour aux institutions religieuses.

«Effrayées de l'essor que notre révolution avait pris et des excès qu'elle avait entraînés, elles avaient craint pour les deux liens essentiels des sociétés : l'autorité civile et la religion. Il leur paraissait que nous avions brisé à la fois le frein qui doit contenir les peuples les plus libres, et ce régulateur plus puissant, plus universel que les lois, qui modère les passions, qui suit les hommes dans leur intérieur, qui ne leur défend pas seulement le mal, mais leur commande le bien; qui anime et fortifie toute la morale, répand sur ses préceptes les espérances et les craintes d'une vie à venir, et ajoute à la voix souvent si faible de la conscience, les ordres du ciel et les représentations de ses ministres.

« Comme il a été nécessaire de raffermir le gouvernement affaibli par l'anarchie, de lui donner des formes plus simples et plus énergiques, de l'entourer de l'éclat et de la puissance qui conviennent à la suprême magistrature d'un grand peuple, de le rapprocher des usages établis chez les autres nations, sans rien perdre de ce qui est essentiel à la liberté dans une république, il n'était pas moins indispensable de revenir à cet autre point, commun à toutes les nations civilisées, la religion.

« Comme le gouvernement avait été ruiné par l'abus des principes de la démocratie, la religion avait été perdue par l'abus des principes de la tolérance.

L'on avait introduit dans le gouvernement et l'administration, l'ignorance présomptueuse, l'inconséquence, le fanatisme. politique et la tyrannie, sous des formes populaires; l'envie avait amené l'indifférence et bientôt l'oubli des devoirs publics et privés, déchaîné toutes les passions, développé toute l'avidité de l'intérêt le plus cupide, détruit l'éducation, et menacé de corrompre à la fois et la génération présente et celle qui doit la remplacer.

« Rappelons-nous de ce qu'on a dit chez une nation, notre rivale et notre émule dans tous les genres de connaissances, et qu'on n'accusera point apparemment de manquer de philosophie, quels reproches des hommes célèbres par la libéralité de leurs idées et par leurs talents n'ont-ils pas faits à notre irréligion. Et quand on pourrait penser que leur habileté politique les armait contre nous d'arguments auxquels ils ne croyaient pas, n'est-ce pas un bien de les leur avoir arrachés et de les réduire au silence sur un objet aussi important?

«S'il est des hommes assez forts pour se passer de religion, assez éclairés, assez vertueux pour trouver en eux-mêmes tout ce qu'il faut quand ils ont à surmonter leur intérêt en opposition avec l'intérêt d'autrui ou avec l'intérêt public, est-il permis de croire que le grand nombre aurait la même force?

«Des sages se passeraient aussi de lois; mais ils les respectent, les aiment et les maintiennent, parce qu'il en faut à la multitude. Il lui faut encore ce qui donne aux lois leur sanction la plus efficace; ce qui, avant qu'on

puisse le mettre dans sa mémoire, grave dans le cœur les premières notions du juste et de l'injuste; développe par le sentiment d'un Dieu vengeur et rémunérateur l'instinct qui nous éloigne du mal et nous porte au bien. L'enfant en apprenant dès le berceau les préceptes de la religion connaît, avant de savoir qu'il y a un code criminel, ce qui est permis, ce qui est défendu. Il entre dans la société tout préparé à ses institutions.

« Ils seraient donc bien peu dignes d'estime, les législateurs anciens qui tous fortifiaient leur ouvrage du secours et de l'autorité de la religion! Ils trompaient les peuples, dit-on, comme s'il n'était pas constant qu'il existe dans l'homme un sentiment religieux qui fait partie de son caractère, et qui ne s'efface qu'avec peine; comme s'il ne convenait pas de mettre à profit cette disposition naturelle; comme si l'on ne devait pas s'aider, pour gouverner les hommes, de leurs passions et de leurs sentiments, et qu'il valût mieux les conduire par des abstractions!

« Hélas! qu'avions-nous gagné à nous écarter des voies tracées, à substituer à cette expérience universelle des siècles et des nations, de vaines théories !

« L'assemblée constituante qui avait profité de toutes les lumières répandues par la philosophie; cette assemblée où l'on comp tail tant d'hommes distingués dans tous les genres de talents et de connaissances, s'éfait gardée de pousser la tolérance des religions jusqu'à l'indifférence et à l'abandon de toutes. Elle avait reconnu que la religion étant un des plus anciens et des plus puissants moyens de gouverner, il fallait la mettre plus qu'elle ne l'était dans les mains du gouvernement, diminuer sans doute l'influence qu'elle avait donnée à une puissance étrangère, détruire le crédit et l'autorité temporelle du clergé qui formait un ordre distinct dans l'Etat, mais s'en servir en le ramenant à son institution primitive, et le réduisant à n'être qu'une classe de citoyens utiles par leur instruction et leurs exemples.

«L'assemblée constituante ne commit qu'une faute, et la convention qui nous occupe la répare aujourd'hui ce fut de ne pas se concilier avec le chef de la religion. On rendit inutile l'instrument dont on s'était saisi, dès lors qu'on l'employait à contresens, et que malgré le pontife, les pasteurs et les ouailles, on formait un schisme au lieu d'opérer une réforme. Ce schisme jeta les premiers germes de la guerre civile que les excès révolutionnaires ne tardèrent pas à développer.

« C'est au milieu de nos villes et de nos familles divisées, c'est dans les campagnes dévastées de la Vendée qu'il faudrait répondre à ceux qui regrettent que le gouvernement s'occupe de religion.

«Que demandait-on dans toute la France, même dans les départements où l'on n'exprimait ses désirs qu'avec circonspection et timidité ? La liberté des consciences et des

ne

cultes; de n'être pas exposé à la dérision, parce qu'on était chrétien, de n'être pas persécuté, parce qu'on préférait au culte abstrait et nouveau de la raison humaine, le culte ancien du Dieu des nations.

« Que demandaient les Vendéens les armes à la main ? Leurs prêtres et leurs autels. Des malveillants, des rebelles et des étrangers associèrent, il est vrai, à ces réclamations pieuses, des intrigues politiques; à côté de l'autel, ils plaçaient le trône. Mais la Vendée a été pacifiée, aussitôt qu'on a promis de redresser son véritable grief. Un bon et juste gouvernement peut être imposé aux hommes; leur raison et leur intérêt les y attachent promptement, mais la conscience est incompressible. On ne commande point à son sentiment; de tous les temps, chez tous les peuples, les dissensions religieuses furent les plus animées et les plus redoutables.

« Ce n'est point la religion qu'il faut en accuser, puisqu'elle est une habitude et un besoin de l'homme; ce sont les imprudents qui se plaisent à contrarier ce besoin, et qui, sous prétexte d'éclairer les autres, les offensent, les aigrissent et les perséculent.

« Nous rétrogradons, disent-ils; nous allons retourner dans la barbarie. J'ignore si le siècle qui nous a précédé était barbare: si les hommes de talent qui ont préparé, au delà de leur volonté, les coups portés au christianisme, étaient plus civilisés que les Arnaud, les Bossuet, les Turenne. Mais je crois qu'aucun d'eux n'eut l'intention de substituer à l'intolérance des prêtres contre lesquels ils déclamèrent si éloquemment, l'intolérance des athées et des déistes. Je sais que les philosophes les moins crédules ont pensé qu'une société d'athées ne pouvait subsister longtemps; que les hommes on besoin d'être unis entre eux par d'autres règles que celles de leur intérêt, et par d'autres lois que celles qui n'ont point de vengeur lorsque leur violation a été secrèle: qu'il ne suffit pas de reconnaître un Dieu; que le culte est à la religion ce que la pratique est à la morale; que sans culte, la religion est une vaine théorie bientôt oubliee; qu'il en est des vérités philosophiques comme des initiations des anciens : tout le monde n'y est pas propre.

« Et si l'orgueil, autant que le zèle de ce qu'on croyait la vérité, a porté à dévoiler ce qu'on appelait des erreurs, on ne pensait certainement pas aux pernicieux effets que produisait cette manifestation. Qui aurail voulu acheter la destruction de quelques erreurs, non démontrées, au prix du sang de ses semblables et de la tranquillité des Etats ?

« A l'homme le plus convaincu de ces prétendues erreurs, je dirai donc : Nous n rétrogradons pas: ce sont vos imprudents disciples qui avaient été trop vite et trop loin. Le peuple, resté loin d'eux, avait refuse de les suivre; c'est avec le peuple et pour le peuple que le gouvernement devait marcher;

il s'est rendu à ses vœux, à ses habitudes, à ses besoins.

α

:

« Les cultes, abandonnés par l'Etat, n'en existent pas moins; mais beaucoup de leurs sectateurs, offensés d'un abandon dont ils n'avaient pas encore contracté l'habitude, et qui était sans exemple chez toutes les nations, rendaient à la patrie l'indifférence qu'elle témoignait pour leurs opinions religieuses. On se les attache en organisant les cultes; on se donne des partisans et des amis, et l'on neutralise ceux qui voudraient encore rester irréconciliables. On ôte tous les prétextes aux mécontentements et à la inauvaise foi on se donne tous les moyens. • Comment donc ne pas applaudir à un traité qui, dans l'intérieur, rend à la morale la sanction puissante qu'elle avait perduc; qui pacifie, console et satisfait les esprits; qui, à l'extérieur, rend aux nations une garantie qu'elles nous reprochaient d'avoir ôtée à nos conventions avec elles; qui ne nous sépare plus des autres peuples par l'indifférence et le mépris pour un bien commun. auquel tous se vantent d'être attachés. C'est au premier bruit du concordat que les cuvertures de cette paix, qui vient d'être si heureusement conclue, furent écoulées. Nos victoires n'avaient pas suffi; en attestant notre force, elles nous faisaient craindre et baïr. La modération, la sagesse qui les ont suivies, cette grande marque d'égards pour l'opinion générale de l'Europe nous les ont fait pardonner, et ont achevé la réconciliation universelle.

a Le concordat présente tous les avantages de la religion, sans aucun des inconvénients dont on s'était fait contre elle des arguments trop étendus et dans leurs développements et dans leurs conséquences;

« Un culte public qui occupera et attachera les individus sans les asservir; qui réunira ceux qui aimeront à le suivre, sans contraindre ceux qui n'en voudront pas ;

« Un culte soumis à tous les règlements que les lieux et les circonstances pourront exiger;

a Rien d'exclusif: le chrétien protestant aussi libre, aussi protégé dans l'exercice de sa croyance que le chrétien catholique;

« Le nom de la république et de ses premiers magistrats, prend dans les temples et dans les prières publiques, la place qui Jui appartient, et dont le vide entretenait des prétentions et de vaines espérances.

« Les ministres de tous les cultes soumis particulièrement à l'influence du gouverne ment qui les choisit ou les approuve, auquel ils se lient par les promesses les plus solennelles, et qui les tient dans sa dépendance par leur salaire.

Ils renoncent à cette antique et riche dotation que des siècles avaient accumulée en leur faveur. Ils reconnaissent qu'elle a pu être aliénée, et consolident ainsi jusque dans l'intérieur des consciences les plus scrupuleuses, la propriété et la sécurité de plusieurs milliers de farnilles.

Plus de prétexte aux inquiétudes des ac

quéreurs des domaines nationaux, plus de crainte que la richesse ne distraie ou corrompe les ministres des cultes; tout-puissants pour le bien qu'on attend d'eux, ils sont constitués dans l'impuissance du mal. « On n'a point encore oublié les exemples touchants et sublimes que donnèrent souvent les chefs de l'Eglise gallicane. Fénelon remplissant son palais des victimes de la guerre, sans distinction de nation et de croyance; Belzunce prodiguant ses sollicitudes et sa vie au milieu des pestiférés; un autre se précipitant au travers d'un incendie, plaçant au profit d'un enfant qu'il arracha aux flammies, la somme qu'il avait offerte en vain à des hommes moins courageux que lui.

«Ils marcheront sur ces traces honorables, ces pasteurs éprouvés à l'adversité, qui, ayant déjà fait à leur foi le sacrifice de leur fortune, viennent de faire à la paix de l'Eglise celui de leur existence. Ils y marcheront également ceux qui ont aussi obéi aux invitations du souverain pontife, dont ils n'entendirent jamais se séparer, et qui, reconnaissant sa voix, lui out abandonné les siéges qu'ils occupaient pour obéir à la loi de l'Etat. Tous réconciliés et réunis, ils n'attendent que d'être appelés pour justifier et faire bénir la grande mesure qui va être prise.

« L'humanité sans doute peut scule inspirer de belles actions; mais on ne niera pas que la religion n'y ajoute un grand caractère. La dignité du ministre répand sur ses soins quelque chose de sacré et de céleste; elle le fait apparaitre comme un ange au milieu des malheureux. L'humanité n'a que des secours bornés, et trop souvent insuffisants: là où elle ne peut plus rien, la religion devient toute-puissante; elle donne des espérances et des promesses qui adoucissent la mort; elle fut to: jours chez tous les peuples le refrge commun des malheureux contre le désespoir. Ne fût-ce qu'à ce titre, il aurait fallu la rétablir comme un port secourable après tant de tempêtes.

« Et les pasteurs d'un autre ordre, je parle des ministres protestants comme des curés catholiques, qui n'a pas de témoins de leurs services multipliés et journaliers? Qui ne les a pas vus instruisant l'enfance, conseillant l'âge viril, consolant la caducité, étouffant les dissensions, ramenant les esprits? Qui n'a pas été témoin des égards et du respect que leur conciliait l'utilité de leur état ; égards que leur rendaient ceux mêmes qui, ne croyant pas à la religion, ne pouvaient s'empêcher de reconnaître dans leurs discours et leurs actions sa bienfaisante influence? Ces bienfaits de tous les jours et de tous les moments, ils étaient perdus, et ils vont être rendus à nos villes et à nos campagnes qui en étaient altérées.

« A côté de ces éloges, on pourrait, j'en conviens, placer des reproches, et opposer aux avantages dont je parle, des inconvénients et des abus, car il n'est aucune institution qui n'en soit mêlée; mais où la som

me des biens excède celle des maux, où des précautions sages peuvent restreindre celleci et augmenter celle-là, on ne saurait ba

lancer.

« Les abus reprochés au clergé ont été, depuis dix ans, développés sans mesure; on a fait l'expérience de son anéantissement. Les vingt-neuf trentièmes des Français réclament contre cette expérience : leurs vœux, leurs affections rappellent le clergé; ils le déclarent plus utile que dangereux; il leur est nécessaire. Ce cri, presque unanime, réfute toutes les théories.

« D'ailleurs, le rétablissement, tel qu'il est, satisfaisant pour ceux qui le réclament, ne gênera en rien la conduite de ceux qui n'en éprouvent pas le besoin. La religion ne contraint personne; elle ne demande plus pour elle que la tolérance dont jouit l'incrédulité.

« Que ceux qui se croient forts et heureux avec Spinosa et Hobbes, jouissent de leur force et de leur bonheur; mais qu'ils laissent à ceux qui le professent, le culte des Pascal, des Fénelon, ou celui des Claude et des Saurin; qu'ils n'exigent pas que le gouvernement vive dans l'indifférence des religions, lorsque cette indifférence aliénerait de lui un grand nombre de citoyens, lorsqu'elle effrayerait les nations, qui toutes mettent la religion au premier rang des affaires de l'Etat.

« C'est principalement sous ce point de vue, citoyens tribuns, que la commission que vous avez nommée a pensé que le concordat mérite votre pleine et entière approct

bation.

« Il me reste à vous entretenir des articles organiques qui accompagnent et complètent le concordat.

« Je ne fatiguerai pas votre attention par l'examen minutieux de chaque détail : ils sortent tous comme autant de corollaires des principes qui ont dû déterminer le concordat, et que j'ai tâché de vous développer. Je ne vous ferai remarquer que les dispositions principales; vous y apercevrez, je crois, de nouveaux motifs d'adopter le projet de loi qui est soumis à votre examen.

« Quoique les entreprises de la cour de Rome, grâces au progrès de lumières et à sa propre sagesse, puissent être reléguées parmi les vieux faits historiques, dont on doit peu craindre le retour, la France s'en était trop bien défendue; elle avait trop bien établi, même sous le pieux Louis IX, l'indépendance de son gouvernement et les libertés de son Eglise, pour que l'on pût négliger des barrières déjà existantes.

Comme auparavant, aucune bulle, bref, rescrit, ou quelque expédition que ce soit venant de Rome, ne pourra être reçue, imprimée, publiée ou exécutée sans l'autorisation du gouvernement.

« Aucun mandataire de Rome, quel que soit son titre ou sa dénomination, ne pourra étre reconnu, s'immiscer de fonctions ou d'affaires ecclésiastiques sans l'attache du gouvernement.

« Le gouvernement examinera, avant qu'on puisse les publier, les décrets des synodes étrangers et même des conciles généraux. Il vérifiera et repoussera tout ce qu'ils auraient de contraire aux lois de la république, à ses franchises et à la tranquillité publique.

Point de concile national ni aucune assemblée ecclésiastique sans sa permission expresse.

« L'appel comme d'abus est rétabli contre l'usurpation et l'excès de pouvoir, les contraventions aux lois et règlements de la république, l'infraction des canons reçus en France, l'attentat aux libertés et franchises de l'Eglise gallicane, contre toute entreprise ou procédé qui compromettrait l'honneur des citoyens, troublerait arbitrairement leur conscience, tournerait contre eux en oppression ou en injure.

« Ainsi toutes les précautions sont prises. et pour le dedans et pour le dehors.

Les archevêques et évêques seront des hommes mûrs et déjà éprouvés. Ils ne pourront être nommés avant l'âge de trente ans. << Ils devront être originaires français.

<< Ils seront examinés sur leur doctrine par un évêque et deux prêtres nommés par le premier consul.

«Ils feront serment, non-seulement d'obéissance et de fidélité au gouvernement établi par la constitution de la république, mais de ne concourir directement ni indirectement à rien de ce qui serait contraire à la tranquillité publique, et d'avertir de ce qu'ils découvriraient ou apprendraient de préjudi

ciable à l'Etat

« Les curés, leurs coopérateurs, préteront le même serment. Ils devront être agrees par le premier consul.

« L'organisation des séminaires lui sera soumise.

« Les professeurs devront signer la déclaration de 1682 et enseigner la doctrine qui y est contenue.

<< Le nombre des étudiants et des aspirants à l'état ecclésiastique sera annuellement communiqué au gouvernement; et pour que cette milice utile ne se multiplie cependant pas outre mesure, les ordinations ne pourront être faites sans que le gouvernement n'en connaisse l'étendue et ne fail approuvée.

«La différence des liturgies et des cate chismes avait eu des inconvénients qui pou vaient se reproduire; elle semblait rompre l'unité de doctrine et de culte. Il n'y aura

plus pour toute la France catholique qu'une seule liturgie et un même catéchisme.

<«< On reprochait au culte romain la multiplicité de ses fêtes plus de fêtes sans la permission du gouvernement, à l'exception du dimanche, qui est la fête universelle de tous les chrétiens.

« La pompe des cérémonies sera retenue plus ou moins dans les temples, selon que le gouvernement jugera que les localités permettent une plus grande publicité, ou qu'il

« PreviousContinue »