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V.e PARTIE.

DE LA CONDITION DU CONSENTEMENT DE TIERS.

(Articles 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158 159 et 160.)

LES articles qui composent cette cinquième partie concerne trois espèces de personnes : les fils de famille mineurs et majeurs, les enfans naturels reconnus et non reconnus, les mineurs non fils de famille.

1.re DIVISION.

Des Fils de Famille.

(Articles 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156 et 157.)

Les raisons les plus solides ont fait imposer à ceux qui veulent se marier, l'obligation d'obtenir, s'ils sont mineurs, le consentement de leur père, de leur mère, de leurs ascendans; de le requérir s'ils sont majeurs.

» Dans l'ancienne jurisprudence, cette nécessité dérivait de la puissance, et, selon l'expression des auteurs, d'une sorte de droit de propriété, qui, dans l'origine, avoit appartenu' aux pères sur ceux auxquels ils avoient le jour. Ce droit n'étoit point partagé par la mère la mère pendant la vie du chef; il ne l'était pas non plus par les ascendans de la ligne maternelle, tant

qu'il existait des ascendans paternels. Aujourd'hui ces idées de puissance ont été remplacées par d'autres. On a plus d'égards à l'amour des pères et à leur prudence, qu'à leur autorité. De là ce concours simultané des parens au même degré, pour remplir les mêmes devoirs et exercer la même surveillance. Un tel systême adoucit et étend la magistrature domestique sans l'énerver. Il communique les mêmes droits à tous ceux qui sont présumés avoir le même intérêt. Il ne relâche point les liens de famille; il les multiplie et les ennoblit » ( 1 ).

Tant que le fils de famille est mineur « le consentement du père et le droit de réclamer contre le mariage de son fils lorsqu'il n'y a pas consenti, sont des précautions établies, non pour l'intérêt du père, mais pour l'intérêt du fils » (2).

» Les forces du corps se développent plus rapidement que celles de l'âme. On existe longtemps sans vivre ; et quand on commence à vivre, on ne peut encore se conduire ni se gouverner. En conséquence, la loi requiert le consentement des pères et des mères pour le mariage des fils qui n'ont point atteint l'âge de

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, pages 509 et 510. — (2) Le Premier Consul, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, tome Eer, page 274.

vingt-cinq ans, et pour celui des filles qui n'ont point atteint leur vingt-unième année. La nécessité de ce consentement, reconnue par toutes les lois anciennes, est fondée sur l'amour des parens, sur leur raison et sur l'incertitude de celle de leurs enfans. Comme il y a un âge propre à l'étude des sciences, il y en a un pour

bien saisir la connoissance du monde. Cette connoissance échappe à la jeunesse, qui peut être si facilement abusée par ses propres illusions, et trompée par des suggestions étrangères. Ce n'est point entreprendre sur la liberté des époux, que de les protéger contre la violence de leurs penchans. Le mariage étant de toutes les actions humaines celle qui intéresse le plus la destinée des hommes, on ne sauroit l'environner de trop de précautions. Il faut connoître les engagemens que l'on contracte pour être en droit de les former. Un époux honnête, quoique malheureux par sa légéreté ou par ses erreurs, ne violera point la foi promise, mais il se repentira de l'avoir donnée : il faut, dans un temps utile, par des mesures qui éclairent l'âme, prévenir ces regrets amers qui la brisent. Dans quelques législations anciennes, c'étaient les magistrats qui avoient, sur le mariage des citoyens, l'inspection qu'il est si raisonnable de laisser aux pères. Mais nulle part les enfans, Tome 111.

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dans le premier âge des passions, n'ont été abandonnés à eux-mêmès pour l'acte le plus important de leur vie » ( 1 ).

« Dira-t-on que les pères peuvent abuser de leur puissance? Mais cette puissance n'estelle pas éclairée par leur tendresse ? Il a été judicieusement remarqué que les pères aiment plus leurs enfans que les enfans n'aiment leur père. Chez quelques hommes, la vexation et l'avarice usurperont peut-être les droits de l'autorité paternelle; mais, pour un père oppresseur, combien d'enfans ingrats ou rebelles! La nature a donné aux pères et aux mères un désir de voir prospérer leurs enfans, que ceuxci sentent à peine pour eux-mêmes. La loi peut donc, sans inquiétude, s'en rapporter à la nature » (2).

que

Mais toutes ces considérations perdent leur force, dès le fils de famille atteint sa majorité ; « alors, en effet, la loi suppose qu'il est en état d'agir par lui-même et de connoître ce qui lui est avantageux (3) » : «(il devient l'arbitre de sa propre destinée, sa volonté suffit;

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Proces-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, pages 507 et 508. · (2) Ibid., page 508. (3) Le Premier Consul, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, tome I., page 274.

il n'a besoin du concours d'aucune autre volonté » (1).

Il est pourtant vrai que pendant la vie des père et mère, les enfans majeurs étoient encore obligés de s'adresser aux auteurs de leurs jours pour requérir leur consentement, quoique la loi eût déclaré qu'il n'etait plus nécessaire. Il a paru utile aux mœurs de faire revivre cette espèce de culte rendu par la piété filiale, au caractère de dignité, et pour ainsi dire de majesté, que la nature elle-même semble avoir imprimé sur ceux qui sont pour nous, sur la terre, l'image et même les ministres du Créateur » (2).

Tels sont les motifs des dispositions relatives au fils de famille mineur, et au fils de famille majeur.

Il faut maintenant examiner ces dispositions en elles-mêmes.

f.re SUBDIVISION.

Du Fils de famille mineur.

(Articles 148, 149 et 150.)

L'ARTICLE 148, après avoir fixé l'âge de la majorité par rapport au mariage, statue sur le cas où le père et la mère sont tous deux vivans.

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, page 511. — (2) Ibid.

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