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tenant général Vallin, avec l'avant-garde du premier corps renforcé de deux régimens de cavalerie légère et de quatre pièces d'artillerie, à la poursuite du corps de Zayas sur la route de Talavera de la Reyna, de manière à l'atteindre le 26 mai à 3 heures et demie, époque à laquelle on pouvait l'attaquer aux termes de la convention conclue pour l'évacuation de la capitale. Après deux jours et une nuit de marche forcée, le général Vallin regagna l'avance que Zayas avait sur lui, et il le joignit le 27 à six heures du matin, à une demi-lieue de Talavera, près du pont sur l'Alberche. La ville était occupée par environ trois mille hommes d'infanterie, cinq cents chevaux et quatre pièces d'artillerie. Deux escadrons de chasseurs passèrent le pont pour engager l'action par une charge, tandis que d'autres corps filaient sur la droite et la gauche. Mais l'ennemi se voyant menacer sur ses flancs ne songea plus qu'à se retirer précipitamment par le pont du Tage, et parvint, en gagnant les bois qui bordent la route de l'Estramadure, à éviter les charges de la cavalerie, après avoir perdu quelques hommes et quinze voitures chargées d'armes qui tombèrent au pouvoir des Français...

Il était devenu nécessaire, d'après la retraite des cortès, de faire marcher des troupes sur l'Andalousie et l'Estramadure, où les Constitutionnels avaient des forces encore imposantes: l'armée de l'Abisbal, maintenant sous les ordres de Lopez Banos et de Zayas, divers petits corps incomplets sous les maréchaux de camp Moscoso, Pedro Cevallos et Placencia, dont on voulait faire une armée de réserve sous le commandement de Villacampa, et la garnison de Séville de quatre à cinq mille hommes, chargée de la garde du Roi; corps dont l'ensemble pouvait offrir avec les milices volontaires de Madrid trente mille hommes. Ainsi le Prince généralissime fit former deux colonnes mobiles : l'une de sept mille hommes commandés par le lieutenant général comte Bordesoulle, qui avait ordre de se porter sur Séville par Aranjuez, la Manche et Cordoue; l'autre de huit mille hommes sous le général comte de Bourmont, qui devait prendre à Talavera de la Reyna l'avantgarde du général Vallin, se diriger par Truxillo sur l'Estrama

dure, et opérer ensuite selon les circonstances, soit pour marcher sur Badajoz (si les cortès y faisaient transporter le Roi), soit pour aller rejoindre à Séville la première colonne.

On ne laissa dans Madrid qu'environ 5,000 hommes; le reste fut cantonné dans les environs; mais de manière à pouvoir se réunir promptement si les circonstances l'exigeaient.

Le mouvement de ces deux colonnes flanquées par des guérillas royalistes commença le premier juin; il n'éprouva que peu d'opposition. Le 8 juin, le général duc de Dino, commandant l'avant-garde de la première, atteignit et dispersa près de Santa-Crux une division ennemie de quinze cents hommes commandée par Placencia, lui prit un drapeau, deux canons de 8, et six cent cinquante hommes; et le lendemain, comme le reste de la colonne de Placencia voulait gagner les montagnes de Vilhces, le duc de Dino vint à bout de la joindre encore; et dans un nouveau combat où trois escadrons firent seuls quelque résistance, il lui fit de nouveau deux cent soixante prisonniers. On a distingué dans ces affaires S. A. le prince de Carignan qui, n'ayant pu faire arriver sa brigade de dragons assez à temps pour prendre part au combat, s'était jeté de sa personne comme volontaire à l'avant-garde, et avait chargé la cavalerie de Placencia avec une bravoure qui fut admirée des soldats. Après ces deux affaires, Placencia se sauva avec les débris de son corps dans la Sierra Morena, et la colonne du général Bordesoulle suivit tranquillement la route de Cadix par Cordoue, où il se fit (le 11 juin) en faveur de la cause royale, après la retraite des constitutionnels, un mouvement que l'arrivée des Français vint bientôt appuyer (13 juin).

De son côté, la colonne du général Bourmont, réunie à l'avantgarde du général Vallin, flanquée par le corps du chef royaliste Merino, enlevait le passage du pont d'Arzobispo, se portait par la rive droite du Tage sur Almaras et Truxillo, qu'elle occupa le 11. De là, le général Bourmont envoya un détachement d'infanterie et de lanciers sur Cacerès, pour y achever la désorganisation du gouvernement révolutionnaire, et favoriser l'armement des royalistes. Ils vinrent grossir la troupe de Merino, qui mit en dé

route les guérillas de l'Empecinado... Dans toute cette expédition, les troupes françaises, trouvant la population disposée à les seconder, n'éprouvaient d'autre contrariété que de ne pouvoir joindre l'ennemi, dont la seule tactique était d'éviter les actions; ainsi ce n'est qu'au bout de cinq à six jours de marche pénible, que l'avantgarde du comte de Bourmont put atteindre l'arrière-garde de Lopès Banos à San Lucas la Mayor, le 19, et à San Juan del Puerto, le 21; mais l'atteindre c'était la vaincre. On lui prit dans la première affaire trois cent cinquante hommes, quatre cents chevaux, deux étendards et une quarantaine de voitures d'équipages'; et dans la seconde, au moment de son embarquement pour Cadix, vingt pièces de canon, et une grande quantité de caissons...

La marche des deux colonnes françaises avait été combinée pour empêcher la jonction des troupes de Lopès Banos avec celle de Villacampa, commandant cette armée de réserve, qui n'a guère existé que sur le papier, et surtout pour surprendre les cortès à Séville, avant le départ du Roi. Le premier plan ne fut atteint qu'en partie, et le second manqua par une suite de circonstances dont il faut reprendre le récit.

CHAPITRE VII.

Séjour du Roi et des cortès à Séville. Changement de ministère. Mesures de défense. régence.

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- Discussions sur la suspension du Roi. Nomination d'une Départ du Roi et des cortès Cadix. pour Soulèvement de Séville. - Entrée de Lopès Banos. Arrivée des Français. - Installation des cortès et du roi d'Espagne à Cadix. État de Madrid sous la régence. Réception des ambassadeurs. — Suite des opérations militaires en Galice. — Capitulation de Morillo. Prise du Ferrol et de la Corogne. Formation du 5o corps. — Opérations du 4o corps en Catalogne. - Excursion de Mina. - Investissement de Barcelone. Affaires de Molins del Rey, Martorell et Jorba. — Marche de Molitor. — Prise de Valence, de. Lorca. de Campillo de Arenas. - Situation du Prince généralissime à Madrid. Départ. Capitulation de Ballesteros. Arrivée du prince devant Cadix.

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Victoire

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- Décret d'Andujar, et ses suites.

Le Roi était arrivé à Séville le 10 avril, deux jours plutôt qu'il n'était marqué dans son itinéraire ; et il était logé à l'Alcazar, antique palais depuis long-temps abandonné, attendant ce qu'il plairait aux cortès de décider à son égard. Mais les députés, retardés par la difficulté des transports, et dans la crainte d'être enlevés sur la route par les guérillas royalistes, ne se trouvèrent que le 23 avril en nombre requis pour reprendre leurs séances. Le voyage n'avait été agréable ni pour le Roi, ni pour eux. Mais leur président, M. Florès Calderon, en rouvrant les séances, n'en crut pas moins devoir leur adresser des félicitations que l'histoire ne peut pas ratifier, mais dont elle a quelques traits à recueillir.

« Au milieu de mille obstacles, dit-il, et malgré tous ceux qui nous les ont suscités, nous venons de donner à l'Europe entière un nouvel exemple propre à la détromper, en nous transportant, avec une tranquille lenteur, des bords du Manzanarès, si féconds en vertus héroïques, dans les plaines vastes et délicieuses du Guadalquivir où nous avons conduit la liberté comme en triomphe, avec le secours du digne général qui nous accompagnait, et des braves Espagnols dont la discipline et le courage méritent des éloges éternels. En entendant ce nom sacré, tous les peuples accourent et s'empressent de nous féliciter, s'offrant d'eux-mêmes comme victimes volontaires, plutôt que de souffrir ancune profanation de leur territoire.

« Les sentimens qui nous animaient tous au moment où nous quittâmes l'héroïque municipalité de Madrid, le feu sacré qui remplissait nos âmes, semblent s'être propagés dans toutes les provinces; à notre passage, tous les cœurs étaient remplis des mêmes émotions.

« C'est ainsi, Messieurs, que la commission des cortès a parcouru l'espace de Madrid à Séville; son voyage a été une marche triomphale. C'est ainsi que les faits ont prouvé votre prudence et celle du gouvernement de S. M., et que les ennemis de notre bonheur ont vu leurs plans déconcertés et la fausseté de tous leurs sinistres pronostics.

« Ils n'ont pas pu empêcher notre réunion dans cet auguste et nouveau sanctuaire, qui, servant d'asile à notre indépendance et à notre liberté, les met à couvert des convulsions violentes du despostime.

C'est ici que nous attendrons sans crainte les propositions que l'on n'a jamais faites, mais que l'on a feint de faire pour séduire les imprudens et les

faibles.

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Nous répétons qu'en formant notre constitution, nous n'avons pas prétendu la laisser exposée à tous les changemens du caprice, ni lui donner une invariabilité, une éternité que les choses humaines ne comportent pas ; mais que nous soumettrons à des formes fixes et précises, quand il conviendra à la nation d'en agir ainsi, les altérations que le temps et l'expérience rendront nécessaires, et que nous ne souffrirons pas qu'aucun autre pouvoir sur la terre s'attribue une sorte d'initative qui confonde et renverse les droits les plus sacrés...

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C'est ici qu'ils éprouveront de nouveau que nous ne transigeons jamais avec l'iniquité, ni avec rien de ce qui peut compromettre l'honneur de la grande nation qui nous a confié ses destinées; ils verront encore une fois déjouer leurs intrigues les plus habiles, auxquelles il nous aura suffi d'opposer la prudence et l'énergie qui caractérisent la nation.

« C'est ici enfin que nous leur répèterons les leçons qu'ils n'ont jamais dù oublier, et dont ils doivent retrouver les vestiges à chaque pas qu'ils font sur le territoire sacré qu'ils ont osé profaner pour leur malheur.

Fermes dans nos desseins, dignes représentans de l'héroïque nation espagnole, nous travaillerons d'une main à consolider le temple que nous élevons à la liberté et à la vertu; et, de l'autre, nous tiendrons l'épée pour défendre notre ouvrage contre ceux qui tentent de le détruire. S'il le faut, nous nous mêlerons dans les rangs de nos concitoyens, et nous prouverons au monde entier, par de nouveaux exemples de vertu, de valeur, que chaque jour nous sommes toujours plus dignes de la haine et de l'animadversion des tyrans, de l'amour et de la reconnaissance des peuples libres, et de l'admiration des nations et des siècles...

A la suite de ce discours, fort applaudi des galeries que le président rappela à l'ordre, on fit lecture de deux dépêches du gouvernement, annonçant que S. M., acceptant la démission des ministres de l'intérieur et d'outre-mer, nommés avant le départ de Madrid, les avait remplacés par don Mariategui et don Manuel Muños, adjudant général d'état-major; choix qui ne furent pas encore définitifs. Le reste de la séance fut consacré à une discus

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