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des étrangers habitant la Russie, qui sortaient du pays, soit par héritage ou par d'autres cas. Cette perception n'aura lieu désormais que quand la fortune passera dans des États où l'on fait payer le droit de détraction sur les capitaux transportés en Russie.

L'Empereur, après avoir passé la revue des troupes rassemblées aux environs de la capitale, partit de Tzarskoe-Selo, le 16 juillet, pour aller inspecter les colonies militaires.

Ces établissemens, uniques en Europe, et dont nous avons dit l'origine (voyez l'Annuaire pour 1819, p. 360 et suiv.), prennent chaque année un accroissement considérable. Voici le tableau qu'en a fait récemment un des écrivains les plus distingués et les mieux informés de notre temps (1).

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L'empereur Alexandre a conçu la pensée de fonder, dans les diverses parties de son empire, des colonies ou plutôt des castes militaires. Là tous les enfans måles naîtront soldats; ils passeront sous les drapeaux dès l'âge de quinze ans; ils y resteront enrôlés jusqu'à l'âge de soixante ans. En devenant soldats, ils cesseront d'être esclaves, suivant la loi moscovite. Par-là l'état militaire, qui chez d'autres peuples est regardé comme un temps de servitude, deviendra pour eux le double bienfait de l'affranchissement et de la gloire.

« Le monarque prend, sur les domaines de la couronne, les terres nécessaires à l'établissement et à la subsistance des régimens colonisés. En récompense des terres ainsi concédées, ces guerriers doivent se nourrir et s'entretenir euxmêmes, ainsi que leurs chevaux, tant qu'ils ne seront pas commandés pour des expéditions qui leur fassent quitter leur pays. Par ce moyen, des armées eutières, des armées innombrables, seront tenues sur pied, durant la paix, sans entraîner le trésor public dans aucune dépense.

« La solde de ces corps commencera quand ils seront appelés hors de leurs colonies respectives; cette solde aura toute la modicité dont peut se contenter un peuple neuf, sans besoins et sans luxe.

■ Ces populations militaires où tous, sans exception, porteront les armes, s'exerceront sans cesse. Elles conserveront leur esprit guerrier, comme les stations de l'empire romain, au temps le plus redoutable de ses conquêtes.

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Quand ce projet aura reçu son exécution, l'empire comptera trois millions de måles dans les colonies militaires. C'est donc parmi ces trois millions que l'autocrate de toutes les Russies pourra faire marcher, par un simple ukase, tous les individus, depuis quinze ans jusqu'à soixante, c'est-à-dire au moins quinze cent mille combattans.

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Dès à présent, quarante mille cavaliers sont ainsi colonisés; une seule colonie, établie non loin de Pétersbourg, près de Novogorod, compte soixantedix mille combattans. Le total de la caste militaire, déjà constituée, est de quatre cent mille soldats. »

(1) M. Charles Dupin, dans ses Observations sur la puissance de l'Angleterre et sur celle de Russie.

Annuaire hist. pour 1823.

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Quoiqu'on ne doive pas adopter toutes les conséquences que l'auteur déduit de cet immense établissement, dont plusieurs causes peuveut retarder les progrès, l'intérêt que la puissance russe y met est un avertissement pour les autres.

Outre cette inspection, l'empereur Alexandre fit encore, cette année, celle des divers corps de la première et de la seconde armée; celle-ci, commandée par le lieutenant général comte de Wittgenstein, était cantonnée en grande partie dans les gouvernemens de la Podolie et de la Bessarabie, prête à franchir le Boug et le Dniester, au premier signal. L'empereur fut particulièrement satisfait de la tenue, de l'esprit et des manoeuvres des différens corps, et il en témoigna sa satisfaction à leurs chefs. C'est en terminant cette revue qu'il partit de Kaminicck (5 octobre) pour se trouver au rendez-vous de Czernowitz, convenu entre les deux Empereurs, dont l'entrevue eut lieu, comme nous l'avons dit, du 6 au 11 octobre. (Voyez ci-dessus, p. 273.) C'est là que, d'après les dernières satisfactions données par la sublime Porte au sujet des différends relatifs à la navigation dans la mer Noire, il paraît avoir été résolu que la Russie enverrait provisoirement à Constantinople un chargé d'affaires pour terminer les dernières difficultés avant de reprendre la suite des anciennes négociations.

L'entrevue des deux Empereurs avait été plus courte qu'on ne s'y était attendu, mais jamais leur union n'avait été plus évidente; et leurs ministres achevèrent leur ouvrage. De Czernowitz l'empereur Alexandre se rendit au camp de Brzesk-Liteusky, dont les troupes, sous les ordres du grand duc Constantin, et en grande partie polonaises, s'élevaient de 90 à 100,000 hommes; et après les revues, qui furent brillantes, S. M. alla passer quelques semaines à Varsovie. Là se rendit alors le prince royal de Prusse, dont le voyage, attribué par des politiques à l'état actuel des affaires d'Allemagne, n'était peut-être qu'une visite de courtoisie.

L'état de la Pologne parut alors assez tranquille à S. M. pour qu'elle crut pouvoir autoriser le prince lieutenant général du royaume à convoquer les assemblées communes, et même les diétines, en lui laissant le choix du lieu et de l'époque des réunions.

S. M. I., arrivée à Tzarskoe-Selo le 15 novembre, voulant donner une preuve éclatante de la satisfaction qu'elle éprouvait de l'issue des événemens d'Espagne et de Portugal, conféra l'ordre de SaintAndré à S. M. le roi de Portugal et à l'infant don Miguel; l'ordre de St-Georges de la re classe à S. A. R. le duc d'Angoulême; et nomma chevaliers de l'ordre de St-André M. le vicomte de Châteaubriand, ministre des affaires étrangères de France, et M. le duc Mathieu de Montmorency, son prédécesseur. A la même occasion, M. le lieutenant général Pozzo di Borgo fut nommé chevalier de St-Wladimir de la 1 classe; M. le comte de Bulgari, chargé d'affaires de S. M. I. à Madrid, reçut l'ordre de Ste-Anne de 2 classe, en diamans; et M. le comte de la Ferronais, ambassadeur de France à Pétersbourg, les insignes de l'ordre de StAlexandre de Newsky, enrichies de diamans.

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Le 18 décembre, au retour de la cour impériale à Pétersbourg, on célébra les fiançailles du grand duc Michel avec la princesse Charlotte de Wurtemberg, suivant le rit grec, et elle y reçut le nom d'Hélène Paulowna, avec le titre d'Altesse Impériale.

Le jour anniversaire de sa naissance ( 23 décembre), l'empereur fit encore une promotion dans ses ordres, plus nombreuse que la précédente, mais bornée aux personnages marquans de la cour et de son armée. On y distingua avec quelque surprise celle de M. le major général prince Wolkouskoï, nommé chevalier de l'ordre de St-André, comme un retour à la faveur du prince, ou comme un démenti aux bruits de sa disgrâce.

En résumé, l'histoire de la Russie, réduite aux événemens nationaux qui lui sont propres, ne semble offrir, pour cette année, que peu de pages; mais elle n'est pas bornée à ce chapitre; elle s'étend comme l'influence de cette puissance colossale : on l'aperçoit, on la retrouvé partout.

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tions diverses. Clôture de la Diète. Nouvelles notes relatives au séjour des étrangers et à la liberté de la presse.

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Mesures prises dans divers

cantons. PIEMONT. · Mesures d'administration.

Collége des pro

vinces confié aux jésuites. - Évacuation d'Alexandrie par les Autrichiens.

- Difficultés avec la Porte ottomane.

Traité conclu.

ROYAUME LOM

BARDO VÉNITIEN. - Conspiration découverte et jugement des conspirateurs. - ÉTATS DE ROME. Accident arrivé au saint Père.

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- Assemblée du conclave.

nement pontifical.

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Mort de Pie VII. - Élection de Léon XII. Nouveau gouverDEUX SICILES. Situation politique du royaume. Conspirations. Départ de la rre colonne autrichienne. - Retour du Roi. - Changemens dans le ministère. Nouvelles associations secrètes.

Les dernières révolutions d'Italie avaient extrêmement embarrassé les relations du corps helvétique avec les puissances étrangères, et surtout avec les États italiens. La Suisse, cette terre hospitalière, si long-temps l'asile des proscrits de tous les pays, et qui n'avait pas perdu ce privilége avant l'indigne violation de son territoire et de son indépendance par le directoire français, était encore menacée de s'en voir dépouiller. Un grand nombre de proscrits piémontais, lombards et napolitains, y avaient cherché un refuge; et de là, dit-on, ils ne cessaient pas d'entretenir des relations et des intelligences coupables avec leurs partisans restés dans les pays délivrés de la révolution. Ils étaient chefs des associations secrètes du carbonarisme, déguisé sous divers noms, mais toujours existant; ils n'attendaient qu'une occasion, que le succès de la révolution espagnole, pour en recommencer une en Italie. Il avait été arrêté à Vérone de demander au corps helvétique une surveillance plus active sur les étrangers, et des lois plus sévères pour la répression de la licence de la presse, dont les pamphlets trouvaient un écoulement facile en Italie, malgré toute la vigilance des autorités sardes et autrichiennes. D'ailleurs l'esprit de parti exagérait,

comme de coutume, la sévérité des représentations faites à cet égard au gouvernement helvétique, qui finit par y déférer.

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La Suisse avait en elle-même une autre cause d'embarras le concordat, passé l'année dernière entre plusieurs cantons, en représailles des mesures restrictives de la France, et de l'augmentation de son tarif, n'avait pas réuni tous les suffrages. Les uns y avaient positivement refusé leur accession; d'autres en avaient suspendu ou modifié l'exécution; et le résultat de cette dissidence avait été d'embarrasser les relations commerciales non-seulement avec la France, mais entre les cantons eux-mêmes.

Enfin il se manifestait dans le corps politique d'autres dissensions non moins dangereuses; d'abord quant aux capitulations militaires que de simples particuliers (les colonels Auf-der-Maur et Steiguer) s'étaient ingérés de conclure avec le royaume de Naples, tandis que ce droit n'appartenait, d'après l'art. 8 du pacte fédéral, qu'aux gouvernemens cantonnaux, dont les capitulations devaient être soumises à l'approbation de la Diète. Mais la différence des opinions religieuses était encore, en Suisse, une cause plus active des dissensions politiques. Il y avait à Fribourg, depuis 1809, une école d'enseignement mutuel établie par le P. Girard, et devenue célèbre par ses succès; mais les jésuites et leurs partisans, ennemis de la nouvelle méthode, ayant acquis beaucoup d'influence sur l'esprit des membres du gouvernement cantonnal de Fribourg, vinrent à bout de la faire supprimer par le conseil d'État, à une majorité de 7 voix contre 6, et par le grand conseil souverain, à celle de 79 voix contre 35 (décision du 4 juin); en sorte que le P. Girard fut obligé de quitter la direction de l'établissement qu'il avait fondé. Il s'ensuivit des agitations, quelques désordres et des arrestations qui n'eurent pas d'autres suites.

Dans toute la Suisse d'ailleurs il se répandait les plus vives inquiétudes, au sujet de notes diplomatiques falsifiées, si menaçantes pour l'indépendance du corps helvétique, que le gouvernement de Berne, en sa qualité de canton directeur, celui de Bâle, et plusieurs autres, avaient cru devoir faire des déclarations publiques, portant en substance « que tous les bruits semés depuis

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