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naire dont le Gouvernement est investi suffira à prévenir tout abus'.

b) Qu'ils soient revenus en France et y aient fixé leur domicile. Le serment civique, requis par la loi de 1790, ayant été aboli en 1793, il est évident que le descendant de religionnaire émigré n'aura pas à le prêter; il se bornera à déclarer son intention de s'établir dans notre pays'.

Mais, dès que le postulant satisfait aux exigences de la loi de 1790, un décret de naturalisation peut valablement intervenir en sa faveur. Ni l'admission préalable à domicile, ni un séjour plus ou moins prolongé sur le territoire français, ne sont pour lui de rigueur, comme ils le seraient pour un candidat à la naturalisation ordinaire. Sa minorité n'est même pas, ainsi que pour ce dernier, une cause d'exclusion; puisque la loi de 1790, dont le texte nouveau a respecté la disposition sur ce point, permet aux fils de famille, même non majeurs et maîtres de leurs droits, de se prévaloir de son bénéfice, avec le consentement de leur père, mère, aïeul et aïeule.

2o Effets.

L'acquisition de la nationalité française par le descendant d'un proscrit pour cause de religion est,

qu'il devrait en être de même a fortiori pour celui qui, né en France et domicilié dans notre pays à sa majorité, aurait décliné la qualité de Français (C. civ., art. 8, 4o).

1 Un sénateur, M. Lalanne, avait proposé, par un amendement, de refuser le bénéfice de la loi de 1790 aux descendants en ligne directe de l'émigré qui, après avoir revendiqué la qualité de Français en vertu de cette loi et en avoir profité, se serait ensuite fait naturaliser en pays étranger; mais cet amendement fut repoussé à la demande de M. Batbie. Semblable restriction était en effet au moins inutile, ainsi que le fit très justement remarquer l'honorable rapporteur, puisque le Gouvernement a désormais le droit de repousser la demande dont il est saisi (Sénat, séance du 7 février 1887, J. Off. du 8 février).

2 Cf. de Folleville, op. cit., p. 168, no 221, note 1. V. aussi la circulaire du ministre des affaires étrangères, du 1er mai 1890 (Revue pratique de dr. int. pr., 1890-91. 3, p. 12).

à l'instant même où elle se réalise, plus complète dans ses effets que la naturalisation de droit commun.

L'article 3, § 1, de la loi du 26 juin 1889, qui retarde en principe à l'expiration de la dixième année, à compter du décret de naturalisation, l'éligibilité législative de l'étranger en faveur duquel il a été rendu, ne s'applique pas, croyons-nous, à notre hypothèse. D'une part, en effet, ce texte précède, dans l'ordre suivi par la loi, l'article 4 qui est relatif aux victimes de la révocation de l'Édit de Nantes, et paraît ainsi les avoir laissées en dehors de ses prévisions. D'autre part, si l'article 4 ajoute une condition nouvelle, celle d'un décret spécial, à celles formulées dans la loi de 1790, ce n'en est pas moins cette loi elle-même qu'il a entendu maintenir, puisqu'il déclare que les descendants de religionnaires émigrés continueront à bénéficier de ses dispositions. Il en résulte que tous les avantages compris dans la loi de 1790-et il n'est pas douteux qu'avant 1889 ceux qui y avaient recours acquéraient en France la plénitude des droits civils et politiques sont conservés à ces derniers; une restriction formelle insérée dans la loi de 1889 eût été nécessaire pour les en priver. Ce qui prouve bien d'ailleurs que dans la pensée du législateur, les règles concernant la naturalisation ordinaire ne sont pas de plein droit applicables à la naturalisation privilégiée dont nous nous occupons en ce moment, c'est qu'il a cru devoir spécifier que celle-ci ne produit d'effet que pour l'avenir (Loi 26 juin 1889, art. 4), alors que la non-rétroactivité de la naturalisation de droit commun n'est contestée par personne1.

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Il convient également de ne pas étendre au cas prévu par l'article 4 de la loi du 26 juin 1889 les dispositions du nouvel article 12 du Code civil, qui sont relatives à la famille de l'étranger naturalisé Français. Ces dispositions, nous l'avons vu, sont exceptionnelles, et méconnaissent,

1 Cf. Le Sueur et Dreyfus, op. cit., p. 226.

particulièrement lorsqu'il s'agit des enfants mineurs, le caractère contractuel du lien de sujétion'. On doit donc se garder de les généraliser, de les transporter dans des hypothèses autres que celles qu'elles visent expressément. Au surplus, la loi elle-même s'est chargée de prévenir et de condamner toute interprétation extensive, en exigeant un décret spécial pour chaque demandeur2.

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SECTION III. De la naturalisation en Algérie, dans les colonies françaises et dans les pays soumis à notre protec

torat.

L'article 2 de la loi du 26 juin 1889 déclare applicables à l'Algérie et aux colonies de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion les dispositions de cette loi, tout en consacrant le maintien du sénatus-consulte du 14 juillet 1865 et des autres textes spéciaux à la naturalisation en Algérie. Et l'article 5 annonce qu'un règlement d'administration publique déterminera les conditions auxquelles la loi de 1889 s'appliquera aux autres colonies, encore soumises au régime des décrets3, et les formes qui devront y être observées pour la naturalisation. Jusqu'à ce jour ce règlement n'a pas été fait.

L'étude des règles particulières qui gouvernent aujourd'hui la naturalisation, dans celles de nos colonies où le Code civil n'est pas purement et simplement en vigueur, forme donc le complément nécessaire des notions qui précèdent. Nous nous occuperons successivement: 1° de l'Algérie, 2o de l'Inde française, 3° de la Cochinchine française, 4o de la Nouvelle Calédonie; enfin 5° et 6o de la Tunisie, de l'Annam et du Tonkin qui, sans être des co

1 Voy. ci-dessus, p. 148 et s., et p. 353.

2 Voy. ci-dessus, p. 370.

3 Sénatus-consulte du 3 mai 1854, art. 18 : « Les colonies, autres que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, seront régies par décrets de l'Empereur, jusqu'à ce qu'il ait été statué à leur égard par un sénatusconsulte. >>

lonies proprement dites, reconnaissent le protectorat de la France et en ont reçu une législation spéciale en matière de naturalisation.

Algérie. - L'Algérie, on l'a dit souvent, est le prolongement de la France continentale et semble appelée à participer, dans un avenir plus ou moins éloigné, à toutes les institutions politiques, législatives et administratives de la métropole. Mais l'œuvre d'assimilation progressive que la France doit poursuivre sur la terre d'Afrique ne pourra être considérée comme terminée que le jour où la grande majorité de ceux qui habitent nos possessions seront Français et jouiront de tous les droits civils et politiques attachés à cette qualité. Or ce but est encore bien loin d'être atteint si l'on s'en tient aux chiffres accusés par les dénombrements les plus récents. D'après le recensement de 1881, la totalité de la population de l'Algérie s'élevait au chiffre de 3,310,412 habitants, sur lesquels 269,602 seulement étaient citoyens français1.

Tous les efforts d'un Gouvernement soucieux de l'avenir de notre grande colonie doivent tendre à augmenter cette proportion, soit en favorisant l'immigration des citoyens français, soit en encourageant la fusion des éléments indigènes ou étrangers avec les éléments nationaux.

A ce dernier point de vue, l'application à l'Algérie des dispositions nouvelles consacrées par la loi du 26 juin 1889 à la détermination de la nationalité d'origine sera d'une efficacité certaine, en imposant, sans option possible, la qualité de Français à tout enfant né en Algérie d'un père étranger qui lui-même y est né (C. civ., art. 8, 3°), et en attribuant la même qualité, sous la réserve d'une volonté contraire exprimée dans les formes légales, à l'étranger

1 Voy., sur la répartition en divers groupes de la population algérienne, Alfred Dain, Etude sur la naturalisation des étrangers en Algérie, dans la Revue algérienne et tunisienne de législation et de jurisprudence, 1885. 1, p. 5, note 1.

né sur le sol algérien et y ayant son domicile à l'époque de sa majorité (C. civ., art. 8, 4°)1.

Mais, bien avant la promulgation de la loi de 1889, il avait paru politique de fournir aux indigènes toute facilité pour effacer la marque de leur origine, et d'affranchir la naturalisation des étrangers en Algérie de quelques-unes des conditions exigées sur le territoire de la métropole. C'est à cette préoccupation qu'ont obéi le sénatus-consulte du 14 juillet 1865, le décret impérial du 21 avril 1866, enfin les décrets rendus par le Gouvernement de la défense nationale, à la date du 24 octobre 1870. Prenant ces textes

1 L'École de droit d'Alger avait, dès 1884, élaboré, sur la demande de M. le Gouverneur général Tirman, un projet de loi, dont l'article 1er était ainsi conçu : « Est Français tout individu né en Algérie d'un étranger, à moins que, dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité, telle qu'elle est fixée par la loi française, il ne réclame la qualité d'étranger par une déclaration faite, soit devant l'autorité municipale du lieu de sa résidence, soit devant les agents diplomatiques ou consulaires de France à l'étranger, et qu'il ne justifie avoir conservé sa nationalité d'origine par une attestation en due forme de son Gouvernement, laquelle demeurera annexée à la déclaration. Cette déclaration pourra être faite par procuration spéciale et authentique » (Revue algér. et tunis. de législ. et de jurispr., 1885. 1, p. 21). Et M. le Gouverneur général expliquait en ces termes, dans son discours du 20 novembre 1884, au conseil supérieur de l'Algérie, la portée de la disposition projetée : « Le dernier recensement de 1881 a constaté que la population française d'origine européenne ne l'emporte plus sur la population étrangère que d'un chiffre de 14,064 individus. Cet écart, qui était de 26,248 en 1865, va chaque année en diminuant, et déjà dans le département d'Oran l'élément national n'est plus en majorité. Il y a là, sinon un danger, du moins matière à préoccupations sérieuses. Puisque nous n'avons plus l'espérance d'augmenter la population française au moyen de la colonisation officielle, il faut chercher le remède dans la naturalisation des étrangers. C'est dans ce but qu'un projet de loi a été transmis à M. le Garde des sceaux. Nous proposons de déclarer Français tous les étrangers nés dans ce pays, à moins que, dans l'année de leur majorité, ils ne répudient cette qualité. Ce projet, j'en ai l'espoir, nous donnera d'heureux résultats. Vous savez qu'en Algérie on ne trouve d'ordinaire chez les étrangers aucune répugnance à devenir Français. Mais le plus grand nombre d'entre eux, par un sentiment d'attachement au pays d'origine qui se conçoit, ne veulent faire aucune démarche pour acquérir notre nationalité, de même qu'ils ne feraient aucune démarche pour la répudier, si cette nationalité leur appartenait légalement. »

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