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sénateur Gotteron (1). On s'est plu à comparer le Limousin à une petite Suisse. Mais la Suisse, petite ou grande, est tout entière dans ses glaciers qui emportent les yeux et l'esprit vers les sublimités de l'infini. Notre piédestal est plus modeste. Il y a beaux temps que les glaciers ont disparu du Limousin. Mais ils y ont laissé les traces les plus précieuses, les sillons les plus féconds; ils y ont les plus beaux ruisseaux du monde et les plus nombreux. Le Limousin, c'est vraiment le pays des ruisseaux. Le ruisseau limousin, ah! quelle merveille! avec ses bords escarpés, sa ceinture de prairies, ses rochers moussus, ses fougères, ses genêts, ses vergnes et ses peupliers. Invoquons-les, ces doux gazouilleurs. Appelons en quelques-uns par leurs noms charmants : l'Aurence, la Briance, la Maulde, l'Aixette, la Glane. C'est sur les rives de ce délicieux cours d'eau que Corot a pu dire: Anché io sono pittore. Les plus délicieux de ces ruisselets sont ceux, comme dit le poète, qui non loin de leur source vont se perdre sans nom. Voyez la fontaine du pré, toute cachée sous l'herbe rieuse, naïade à l'œil noir et aux vertes paupières. Elle est toujours froide comme le marbre. Et quand vous passez le soir dans la vallée, elle se fait un malin plaisir de vous jeter sur les épaules son manteau de gaze glacée.

« Si jamais le Limousin, comme le pays des lacs en Angleterre, doit avoir son école de poètes et tant de jeunes talents que nous voyons éclore en sont le meilleur signe d'espérance, ce sera l'école des ruisseaux. Nos jeunes poètes n'auront qu'à accorder leur luth à tant d'harmonie naturelle et ils chanteront comme eux, divinement ».

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Les Maîtres du Paysage limousin ont, eux aussi, accordé leur palette à l'harmonie naturelle des eaux, comme les poètes y ont accordé leur luth. Dans l'œuvre purement limousine de Corot, de Claude Monet, d'Armand Guillaumin, de Thaulow. d'Eugène Alluaud, de Paul Thomas, de Jean Teillet, de Julien Le Blant, de Gaston Vuillier, de Didier-Pou

(1) La Nature Limousine (Lemouzi, année 1906).

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get, de Gabriel Mathieu, etc., l'eau chante son éternelle chanson, tumultueuse ou calme, dans un décor de nature tourmentée ou assagie, sous des ciels infiniment variés, dans la lumière cuivrée des automnes ou l'enveloppement opalin et diaphane des fêtes printanières ou estivales, - alors que se dressent les arches des vieux ponts ou que tictaquent des moulins dans un nid de verdure. Et c'est aussi le châtaignier, arbre de gloire du Limousin, le symbolisant tout entier, par l'abondance de ses frondaisons et la robustesse de son fût, qui donne à l'œuvre de « nos peintres un grand caractère, que Paul Ranson dise son angoissante destinée sous ses aspects séniles, ou que Paul Madeline en marque l'agonie au déclin des beaux jours, dans tout l'or épars de l'automne, ou bien encore que Corot tisse la fine dentelure de son feuillage éployé, ou que Didier Pouget dresse son vert panache sur un moëlleux tapis de bruyères roses dans un matin émerveillé !

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Et dans ce décor, évocateur de beautés, les artistes ont vu passer aussi les bêtes, celles qui se rendent aux foires, comme celles qui broutent si tranquillement dans les pacages et les landes; et les gens aussi. L'existence quiète et austère à la fois des paysans limousins, leur attachement à la glèbe, l'intérieur modeste de leurs demeures, la simplicité fervente de leurs dévotions, comme l'expression si intense. qui se dégage de leur visage, s'éclairant parfois si joliment sous une pensée de joie, ont donné à plusieurs d'entre eux l'occasion de montrer qu'ils étaient aussi pénétrants portraitistes que parfaits paysagistes.

Si jusqu'ici de nombreux peintres ont traduit différentes parties du Limousin, que nous avons signalées, il reste encore un domaine immense à défricher. Maints endroits, vierges du pinceau ou du burin, attendent leurs interprètes, aux quatre saisons de l'année. Les chercheurs de pays ignorés et d'impressions neuves y trouveront de quoi satisfaire leur curiosité et la réalisation de leurs rêves d'art. Ce sera l'œuvre de demain.

T. XXX.

1.

En terminant ce travail, nous devons exprimer toute notre reconnaissance aux personnes qui ont bien voulu nous fournir des renseignements et en compléter d'autres. Nous devons également adresser nos plus vifs remerciements à MM. Etienne Moreau Nélaton, le délicat artiste, glorificateur de Corot, le docteur Charbonnier, directeur de Limoges Illustré, M. Ad. Brisson, directeur des Annales, la direction du Monde Illustré, MM. Hachette et Cie, d'avoir, par le prêt des clichés des gravures qui ont été reproduites, rehaussé l'intérêt que peut présenter cette publication pour nos compatriotes et le public soucieux de connaître les différentes manifestations d'art de nos provinces françaises (1).

JOHANNES PLANTADIS.

(1) En dehors des sources déjà indiquées, nous avons consulté pour cette étude les catalogues des Salons annuels de la Société des Artistes français, de la Société nationale des Beaux-Arts, du Salon d'Automne, de la Société des Artistes indépendants, de l'Union des femmes peintres et sculpteurs, des expositions particulières des Galeries Georges Petit, Bernheim, Durand-Ruel, des Artistes modernes, Druet, etc., le Dictionnaire des Artistes de l'Ecole française de 1800 jusqu'à nos jours (1885), de M. Bellier de La Chavignerie; le Dictionnaire des peintres, de Siret (1874); le Nouveau Dictionnaire des Peintres anciens et modernes, de Guédy, les notes de MM. G. Bertin et L. de Nussac, etc.

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