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général que nous retrouverons tout le long de cette étude. On voit ensuite un courant rapide, mais non divergent à la surface, suivre le flanc de la pile. Il le longerait sans accident particulier jusqu'à l'issue de l'arche, si les arcs métalliques, immergés par leurs naissances, ne venaient briser ce courant et ne provoquaient la formation d'une crête écumeuse qui retombe en arrière dans le sens inverse de la marche générale du fleuve. Ce courant s'épanouit bien en largeur jusque vers la sortie de l'arche; mais il ne diverge pas, c'est-à-dire que c'est le long de la pile qu'il reste le plus rapide, contrairement à une opinion parfois émise.

A l'épaulement d'aval, il s'étend sur 3,00 de largeur à peu près. Des retombées immergées des derniers arcs, à l'aval, partent à droite et à gauche de la pile deux systèmes de mouvements tourbillonnaires qui se déplacent en cheminant vers l'aval. Les trajectoires décrites par ces tourbillons affectent d'abord des formes sensiblement sinusoïdales qui finissent toujours par un enroulement en spirale où meurt le tourbillon initial. Puis un autre lui succède décrivant une trajectoire du même genre; mais, en général, ces courses successives, au lieu de rester dans le prolongement de la pile, divergent de plus en plus, de sorte qu'à l'aval la surface du fleuve dont le régime est intéressé par l'obstacle rencontré va s'élargissant sans cesse. Cette zone qui, un peu en aval de la pile n'atteint que 12,00 environ de largeur, se prolonge en se développant sur 40 ou 50 mètres après le pont; et il est très aisé de la distinguer du reste de la surface, surtout par un temps clair. Le fait est général et la photographie nous a permis ultérieurement de le mettre nettement en évidence pour le Pont de la Concorde.

Les tourbillons dont nous venons de parler, et dont l'ouverture diminue avec la profondeur, ont un creux visible de 0,15 environ, mais ceci n'est qu'une apparence, car nous avons vu s'y enfoncer et s'y redresser complètement des branches et des pièces de bois qui pouvaient mesurer de 1,50 à 2,00. La profondeur réelle de ces tourbillons est donc très grande, et la quantité d'énergie qu'ils dissipent, considérable; on juge aisément du danger d'affouillement qu'ils font courir aux fondations des ouvrages en agissant sur le sol à la façon de véritables tarières, si toutefois la profondeur du fleuve

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1911-IV.

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est insuffisante pour qu'ils s'amortissent avant de rencontrer le fond du lit.

Il est de règle générale que les mouvements tourbillonnaires issus des retombées aillent en s'éloignant et en divergeant de plus en plus dans leur ensemble, mais à vrai dire le phénomène est encore plus complexe. Les deux files de tourbillons s'enroulant en sens inverse à partir des retombées, il arrive souvent que dans leurs déplacements respectifs elles viennent à se heurter. A la suite de ce choc, il se produit un retour en arrière, et alors se dessine une nouvelle ligne de tourbillons, de sens toujours opposés, qui revient dans l'axe de la pile en sens inverse du courant général. Pour plus de brièveté, nous avons donné à ce courant rétrograde le nom de « retour d'eau ». L'existence de ce retour d'eau ne se remarque pas qu'au Pont du Carrousel; nous le retrouverons presque partout, plus ou moins intense, parfois continu, parfois intermittent dans ses manifestations superficielles. Au contact de l'arrière-bec, il est divisé par lui en deux branches qui vont rejoindre les courants principaux directs de droite et de gauche, puis le cycle recommence. Au droit de la pile, quand le phénomène de retour d'eau ne s'observe pas, il n'y a qu'une surface d'eau morte sans courant.

On peut ajouter que le retour d'eau ne se produit pas à toute distance de l'ouvrage; il y a pour chaque pont et presque pour chaque pile une distance à partir de laquelle il disparaît. L'écoulement continue alors dans le sens général entre les épanouissements des deux mouvements tourbillonnaires principaux, avec formation, toutefois, de nombreux phénomènes tourbillonnaires accessoires à axe vertical ou horizontal et de bouillonnements violents.

L'existence des tourbillons verticaux est indéniable et leur verticalité parfaite; en ce qui concerne les tourbillons horizontaux qui seraient produits soit par les irrégularités du fond, soit par des phénomènes de réflexion, leur constatation est plus difficile et leur identification moins certaine; il est très probable que la plupart des intumescences et bouillonnements que l'on observe ne sont autre chose que la réapparition à la surface des tourbillons verticaux si nombreux, lesquels, perdant leur direction première au contact des couches successives, viennent ressortir déformés suivant une direction quelconque. Cette opinion, d'ailleurs, à laquelle nous ont

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amenés les résultats de nos observations, avait été adoptée déjà par d'autres observateurs.

Tous ces faits, difficiles à percevoir directement au milieu de la confusion des phénomènes, sont mis en évidence par la présence des épaves que le fleuve entraîne avec lui et dont il est aisé de suivre les cheminements de sens directs ou de retour, les brusques immersions ou les résurgences.

2o Pont de Solférino

Par suite de la submersion du chaperon de la pile circulaire sur laquelle la surface d'eau s'élève, la dénivellation entre l'avant-bec et

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l'amont atteint 0,40 (fig. 1 et 2). A ce gonflement d'avant-bec,

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elliptique au contact de la pile et dont les épanouissements à l'amont, moins aplatis, tendent plutôt vers la forme ogivale, fait suite vers la retombée du premier arc une chute de 0m,80 à 1m,00 correspondant à la présence d'un tourbillon à axe vertical. Un vif courant lui succède que viennent seulement troubler les retombées des arcs successifs.

A l'aval (fig. 3), les phénomènes sont les mêmes qu'au pont du Carrousel, mais atténués déjà par la décrue. Les deux lignes de tourbillons verticaux cheminent sur 20 mètres de longueur environ; leur profondeur visible varie entre 0,05 et 0m,30.

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Il y a comme précédemment retour d'eau dans une zone limitée et au delà tourbillons horizontaux ou intumescences.

Deuxième groupe.

Ponts à avant-becs triangulaires.

Pont de la Tournelle : 9 fév. 1910, 4 h. soir, h = 30,22.
Pont-Neuf: 7 fév. 1910, 10 h. matin, h = 29,97.
Pont-Royal: 4 fév. 1910, 3 h. soir, h = 31,02.

L'allure générale des phénomènes est la suivante :

Devant l'avant-bec, un gonflement plus ou moins étendu, se traduisant par une série de rides concentriques et pouvant atteindre au contact de la pointe d'amont une hauteur de 0,03 à 0,06. L'eau est séparée à droite et à gauche sans violence sur le bec même,

mais dès que le bec est dépassé, de 0,25 environ, il y a formation d'un tourbillon à axe vertical qui se brise contre la face oblique de l'avant-bec avec formation de crète écumeuse qui retombe dans le

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creux du tourbillon. Cette dépression tourbillonnaire, toujours unique, s'étend approximativement sur 0m,75 de long, car la position

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