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mais elle n'est pas garantie par l'hypothèque légale. Ici le texte même du code s'élève contre la doctrine que l'on y veut introduire. On prétend qu'il y a une gestion tutélaire après la mort du tuteur, alors que l'article 419 dit que la tutelle ne passe point aux héritiers du tuteur! C'est une charge personnelle, dit la loi, c'est-à-dire qu'elle n'est confiée qu'à ceux que la loi en juge dignes. Il ne suffit donc pas qu'il y ait des actes d'administration concernant le mineur, pour qu'il y ait tutelle, il faut avant tout un tuteur. Sans doute, le législateur aurait pu étendre à ceux qui gèrent la tutelle de fait la responsabilité qu'il impose à ceux qui la gèrent de droit, mais il ne l'a pas fait. Cela décide la question.

Pourquoi la loi fait-elle aux héritiers du tuteur un devoir de continuer la gestion jusqu'à la nomination d'un nouveau tuteur? On répond que c'est une obligation que le tuteur avait contractée et qui passe à ses héritiers (1). Cela n'est pas exact, car la loi dit tout le contraire. La tutelle est une charge personnelle; aucune des obligations qui en dérivent ne passe aux héritiers du tuteur. Ce n'est donc pas dans le droit, c'est dans l'équité qu'il faut chercher la raison de l'obligation que le code impose aux héritiers. Voilà pourquoi les héritiers majeurs sont seuls tenus de continuer la gestion. Si c'était une obligation civile transmise aux héritiers par le défunt, elle passerait aux mineurs aussi bien qu'aux majeurs; mais comme c'est une mesure d'équité, on conçoit que les mineurs n'y soient pas assujettis, puisque l'obligation retomberait sur leurs tuteurs.

Quels sont les pouvoirs des héritiers? Peuvent-ils faire tout ce que le tuteur a le droit de faire? Il nous semble que le texte de la loi décide la question; les héritiers continuent la gestion du tuteur, dit l'article 419; c'est donc la même gestion. Cela est aussi fondé en raison: le mineur ne peut jamais être sans représentant, sans protecteur; en attendant qu'on nomme un nouveau tuteur, les héritiers de l'ancien lui tiendront lieu de représentant légal, ils

(1) Demolombe, t. VIII, p. 7, no 8.

doivent donc avoir les mêmes droits. On prétend qu'il faut interpréter l'article 419 par l'article 2010, lequel porte : "En cas de mort du mandataire, ses héritiers doivent en donner avis au mandant, et pourvoir, en attendant, à ce que les circonstances exigent pour l'intérêt de celui-ci. » On en conclut que les héritiers ne peuvent faire que les actes d'une nécessité urgente (1). La loi ne dit pas cela, et le cas de l'article 2010 est tout différent de celui de l'article 419. La gestion tutélaire est une administration de tous les instants, qui doit par conséquent continuer toujours. Il n'y a pas de raison pour établir une distinction entre les divers actes de tutelle; tous ceux qui intéressent le mineur doivent être faits, donc les héritiers ont le droit de les faire. M. Demolombe, après avoir posé comme principe qu'ils ne peuvent faire que les actes urgents, ajoute une restriction à son opinion; il admet que les actes qu'ils feraient seraient valables à l'égard des tiers; cela implique qu'ils ont le droit de les faire. Il va sans dire que nous décidons la question en droit; nous n'entendons pas que les héritiers soient tenus de faire tout ce que ferait un tuteur. Autre chose est le droit de faire les actes de gestion, autre chose est la question de savoir s'il convient de les faire. Dans l'intérêt du mineur, il importe que les héritiers ne fassent que les actes d'une utilité évidente. Il est vrai qu'ils sont responsables, mais leur responsabilité n'est pas garantie par une hypothèque légale.

(1) Demolombe, t. VIII, p. 12, no 18, et p. 14, no 19.

CHAPITRE IV.

DES COMPTES DE LA TUTELLE.

§ Ier. Des comptes provisoires.

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121. L'article 470 porte: Tout tuteur, autre que le père et la mère, peut être tenu, même pendant la tutelle, de remettre au subrogé tuteur des états de situation de sa gestion, aux époques que le conseil de famille aurait jugé à propos de fixer, sans néanmoins que le tuteur puisse être astreint à en fournir plus d'un chaque année. Ces états de situation seront rédigés et remis, sans frais, sur papier non timbré, et sans aucune formalité de justice. Le projet de code obligeait le tuteur à rendre un compte annuel pendant sa gestion, et un compte général quand la tutelle cessait. Cette disposition, empruntée à l'ancien droit, avait pour objet d'instruire les parents de l'état de la tutelle, et de les assurer de la fidélité du tuteur. Les comptes annuels étaient appelés comptes provisoires, ils ne devaient comprendre qu'un bref état de la recette et de la dépense; les détails étaient réservés pour le compte définitif. L'obligation des comptes provisoires fut supprimée, à tort croyons-nous (1), et remplacée par des états facultatifs; l'expression de compte définitif a été maintenue pour désigner le 'compte qui doit être rendu à la fin de la gestion. La loi n'impose plus aux tuteurs l'obligation de rendre des comptes provisoires, elle s'en rapporte à la prudence du conseil de famille. Ces états de situation doivent être remis au subrogé tuteur, parce que c'est lui qui a pour mission spéciale de surveiller la gestion du tuteur. D'après la loi hypothécaire belge, le conseil peut aussi

(1) Voyez ce que nous avons dit sur ce point dans le tome IV de ces Principes, p. 485, no 372.

astreindre le tuteur à lui rendre des comptes provisoires aux époques qu'il fixera lors de l'ouverture de la tutelle. Le code Napoléon limite le nombre de ces comptes : le tuteur ne peut pas être tenu d'en fournir plus d'un chaque année. La loi belge ne reproduit pas cette restriction, mais si elle n'est pas dans le texte, elle est certainement dans l'esprit de la loi. Il ne faut pas que la surveillance dégénère en vexation; d'un autre côté, des comptes trop multipliés augmenteraient les frais; c'est pour ne pas grever le mineur d'une dépense inutile que la loi veut que les comptes provisoires soient écrits sur papier non timbré, et qu'il n'y ait aucune formalité de justice (1). La loi ajoute, sans frais. Cela est trop absolu : si le tuteur doit faire des frais pour son compte, il pourra certainement les répéter contre son pupille.

122. L'article 470 fait exception pour le survivant des père et mère. Cela suppose que le père ou la mère est tuteur légal. Si le survivant s'excuse ou refuse la tutelle, et si ensuite il y est appelé par une délibération du conseil de famille, la tutelle sera dative, et par suite on rentre dans la règle qui permet d'astreindre tout tuteur à rendre des comptes annuels. Il a été jugé, par application de ce principe, que le conseil de famille, en maintenant dans la tutelle la mère veuve qui se remarie, peut lui imposer l'obligation de rendre des comptes provisoires. Cette décision est fondée sur la rigueur des principes : le conseil peut conserver la tutelle à la mère ou la lui retirer; donc il a le droit de ne la maintenir que sous les conditions qu'il juge nécessaires. La mère n'a pas le droit de se plaindre, car ce n'est pas à elle que cette mesure de défiance s'adresse, c'est au second mari, qui sera cotuteur et civilement responsable (2).

(1) Demante, Cours analytique, t. II, p. 302, no 231.

(2) Agen, 14 décembre 1830 et Rouen, 3 août 1827 (Dalloz, au mot Minorité, nos 403, 5o et 100). En sens contraire, Zachariæ, traduction de Vergé, t. Ier, p. 418, note 2. Les traducteurs partagent l'opinion consacrée par la jurisprudence. Comparez Demante, t. II, p. 302, no 231 bis.

§ II. Du compte définitif.

No 1. QUI DOIT RENDRE COMPTE?

123. Tout tuteur est comptable de sa gestion lorsqu'elle finit (art. 469). » Cette obligation incombe à tout administrateur des biens d'autrui; elle résulte de la nature même de cette charge. La loi dit : tout tuteur, pour marquer qu'il n'y a aucune exception, que le survivant des père et mère doit rendre compte de sa gestion. La loi impose même cette obligation au père administrateur légal (article 389); il n'y avait aucun motif de l'en dispenser. Parfois la tutelle est administrée par des personnes qui n'ont pas la qualité de tuteur; on ne peut pas leur appliquer l'article 469; ils n'en sont pas moins comptables, parce qu'ils sont administrateurs. La mère qui refuse la tutelle doit en remplir les devoirs jusqu'à ce qu'elle ait fait nommer un tuteur; elle gère donc, partant elle est comptable (art. 394). Si la mère tutrice se remarie sans convoquer le conseil de famille, elle perd la tutelle, mais si elle continue à la gérer, elle est responsable de sa gestion, ce qui implique qu'elle en doit rendre compte (art. 395). Les héritiers majeurs doivent continuer la gestion du tuteur décédé, ils sont donc comptables (art. 419). Le tuteur qui s'excuse est obligé d'administrer provisoirement (art. 440); il devra compte de son administration.

124. Le tuteur peut-il être dispensé de l'obligation de rendre compte? Il va sans dire que ceux qui nomment le tuteur ne peuvent pas le dispenser d'une obligation qui est de l'essence de la tutelle, et la tutelle étant d'ordre public, il n'appartient ni au conseil de famille, ni au survivant des père et mère de déroger aux dispositions qui règlent les devoirs du tuteur. Mais on demande si celui qui fait une libéralité au mineur peut dispenser le tuteur de rendre compte de la gestion des biens donnés ou légués. Nous avons déjà rencontré une question analogue pour ce qui concerne l'obligation de faire inventaire, et nous l'avons décidée négativement. On dit qu'il n'y a pas de texte for

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