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sentoit et que l'on crut insurmontables. Il fut proposé de nouveau dans le conseil de Charles IX; mais les guerres civiles empêchèrent d'entreprendre un aussi grand ouvrage.

Enfin, Henri iv, après avoir pacifié la France, s'occupa de l'élever au plus haut degré de prospérité. Un des projets qu'il jugea les plus utiles, fut celui de la jonction des deux mers. Il chargea le cardinal de Joyeuse, archevêque de Narbonne, de faire examiner sur les lieux la possibilité de cette entreprise voici le rapport que lui fit ce prélat, dans une lettre (1) datée de Narbonne le 2 octobre 1598. « Sire, quand j'eus l'hon» neur de prendre congé de Votre Majesté, » elle me dit et me recommanda expressé>> ment de lui donner avis de ce que je pour» rois apprendre sur le sujet du Canal d'eau, » qu'il lui a été proposé de faire pour join»dre les deux mers. Aussi ne faillis-je point

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d'envoyer incontinent, par un homme ex

près, la dépêche de Votre Majesté que >> M. Dufresne me fit tenir, pour le sieur

(1) Des Canaux de Navigation, par M. de La Lande, page 112.

» Louis de Foix que je priai instamment de >venir vers moi, afin que nous pussions

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donner quelque éclaircissement sur un » ouvrage aussi important que celui-là: il >> me manda qu'il étoit en chemin pour vous >> aller trouver; et qu'il feroit entendre à » Votre Majesté ce qu'il savoit et avoit jugé » de pouvoir faire là-dessus. M'étant aussi » souvenu qu'un nommé Pierre Reneau, >> maître niveleur, m'avoit dit que son maître » appelé Grappone, avoit fait le dessein de » ce Canal et l'avoit proposé à la reine-mère, >> je l'envoyai querir.... Tous ceux avec qui » j'ai conféré de ce Canal, jugent qu'il faut » que les bateaux qui viendront de Bordeaux >> aillent de la rivière de Garonne dans celle » de l'Aude. Pour ce faire, il se présente une » difficulté, qui est, que de quatorze lieues >> pays dont il faudroit que le Canal fût, » il y en a six ou sept jusqu'à un lieu appelé » les Pierres de Naurouse qui vont en mon>> tant: et tous les ruisseaux qui sont en cet » espace descendent dedans la Garonne. Par » ainsi, il seroit impossible de faire remon>> ter ladite rivière jusques-là: mais ledit » maître Reneau répond qu'il peut remédier » à cela, en prenant le Canal, non de la Ga

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» ronne, mais de l'Ariège, qui est une belle » et grande rivière, qui entre dans la Ga» ronne à deux lieues au-dessus de Toulouse; » et vient de plus haut et tellement haut » qu'il croit qu'on pourra aisément conduire » un Canal jusqu'aux Pierres de Naurouse; » et étant là, il n'y a plus de difficulté. Mais >> il restoit encore de faire aller les bateaux » de la Garonne dans le Canal de l'Ariège qui seroit plus haut; il répond, qu'il se » peut aisément faire par le moyen d'un » autre Canal qui ne durera qu'une lieue, et >> prendra depuis le château de Saint-Michel, » où étant arrivé tout auprès de l'autre, il » assure de faire monter les bateaux par le » moyen d'une écluse ; ce qui est assez croyable à ceux qui ont été sur le Canal » qui va de Venise à Padoue, qui vous diront » que les bateaux montent bien plus haut moyen d'une tour qu'on ferme, que >> ceux qui auront ici à monter. Par ainsi, » Sire, ledit maître et les autres à qui j'ai » parlé, jugent l'œuvre fort faisable ».

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par le

Il est vraisemblable que l'avis du célèbre ingénieur Louis de Foix ne fut pas favorable à ce projet de maître Reneau : car on voit, en 1604, le connétable de Montmorency,

gouverneur de Languedoc, ordonner de nouveau l'examen des lieux et des moyens d'y construire un Canal. Cette inspection du local fut encore infructueuse. En 1614, les députés du Languedoc aux Etats-généraux de Paris, exposèrent que le projet de rendre les deux mers navigables par le moyen d'un Canal fait dans le pays de Lauraguais, avoit été chose souvent agitée, et toujours trouvée faisable et très-utile. Ils demandèrent au roi Louis XIII d'envoyer des commissaires pour faire exécuter cet ouvrage. Mais cette démarche, une proposition faite en 1617 par Bernard Aribal d'entreprendre ce Canal, et un projet formé en 1632 par le cardinal de Richelieu, ne furent encore suivis d'aucun effet.

Cependant l'émulation des ingénieurs n'en fut point ralentie; et l'on vit les plans succéder aux plans. En 1633, Tichot, ingénieur du roi, et Bauvau, maître des ouvrages royaux en Languedoc, présentèrent au cardinal de Richelieu un mémoire pour la construction d'un Canal depuis la Garonne jusqu'à l'Aude, auprès de Narbonne ; et de l'Aude jusqu'à la Méditerranée, en rendant navigables la rivière d'Aude et les étangs de

Peyrine, de Figean et de la Nouvelle. On alla plus loin en 1636; le Conseil d'Etat passa un bail avec Jean Le Maire pour la construction de ce Canal; mais cet entrepreneur se trouva dans l'impuissance de l'exécuter. En 1650, un autre ingénieur proposoit de prendre les eaux de l'Ariège à Sainte-Gabelle, éloignée de sept lieues de Toulouse, et de les conduire par un Canal non navigable, jusqu'au-dessous de la côte de Pech-David, près le faubourg Saint-Michel de Toulouse; de creuser ensuite un Canal navigable depuis ce dernier endroit jusqu'au-dessous de Naurouse, en passant par Castanet, Donneville et Geniet; et de continuer ce Canal jusqu'à Trèbes, où il se joindroit à l'Aude qu'on rendroit navigable jusqu'à la mer de la Nouvelle.

La nature du sol, la disette apparente des eaux, et sur-tout la difficulté de les conduire aux Pierres de Naurouse, élevées de plus de cent toises au-dessus du niveau de l'une et l'autre mer, avoient fait regarder ces différens projets comme inexécutables. Le règne de Louis XIV, si fécond en hommes célèbres, produisit enfin celui qui devoit être assez hardi pour reprendre un dessein abandonné

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