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Les mutuellistes tenaient à ce que la loi organique sur les sociétés de secours mutuels déterminât un taux fixe pour cet intérêt de faveur, car ce système « a l'avantage d'offrir une sécurité autrement grande que le système des subventions. Autre chose est de modifier une loi organique existante par une loi de finances, autre chose est de modifier, dans un article du budget, un crédit dont la quotité dépend des plus ou moins bonnes dispositions d'une commission du budget qui se renouvelle chaque année1».

La commission des finances voyait, au contraire, avec inquiétude introduire dans la nouvelle loi sur les sociétés de secours mutuels une majoration d'intérêts, supérieure de beaucoup au cours normal, engageant les finances de l'Etat pour des dépenses impossibles à évaluer par avance, susceptibles de compromettre gravement l'équilibre des budgets futurs. « Elle aurait de beaucoup préféré qu'au lieu de fixer d'une manière immuable le taux de 4 1/2 %, on se contentât d'introduire chaque année dans le budget des bonifications de pensions. Le Parlement serait maître ainsi des sacrifices qu'il serait disposé à consentir et il pourrait proportionner ces sacrifices aux exigences de la situation budgétaire 2. >>>

La nouvelle loi a consacré, malgré les observations de la commission des finances, le système d'un intérêt de faveur au taux fixe de 4,50 %. (Article 21) : « La différence entre le taux fixé par le paragraphe précédent (taux de l'intérêt de la caisse des retraites) et le taux de 4 1/2 % déterminé par le décret-loi du 26 mars 1852 et le décret du 26 avril 1856 sera versée à titre de bonification à chaque société de secours mutuels approuvée ou reconnue d'utilité publique en raison de son avoir à la Caisse des dépôts et consignations (fonds libres et

Journal officiel, loc. cit., M. Lourties.

* Journal officiel, loc. cit., p. 127, M. Hippolyte Morel, rapporteur de la commission des finances.

fonds de retraites), au moyen d'un crédit inscrit chaque année au budget du ministère de l'Intérieur. »

Il convient toutefois de rapprocher de ce texte certaines déclarations importantes contenues dans les travaux préparatoires. D'une part, le rapporteur de la proposition de loi a déclaré à la Chambre que « la commission considère que le texte qu'elle propose constitue un engagement formel de la part de l'Etat, et que le ministre de l'Intérieur et le ministre des Finances sont tenus d'insérer chaque année au budget la somme nécessaire pour compenser la différence d'intérêts résultant du taux de la caisse des retraites pour la vieillesse et du taux de faveur de 4 1/2 °, dont bénéficieront les sociétés de secours mutuels ». D'autre part, le ministre de l'Intérieur a déclaré au Sénat que, sous la réserve qu'il est désirable « de ne pas voir chaque année, dans la discussion de la loi de finances, un débat se rouvrir en vue de modifier la loi organique » des sociétés de secours mutuels, « il est bien entendu que l'article 21 ne consacre pas un droit absolu, définitif, imprescriptible.

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<< Art. 22. Les pensions de retraites peuvent être constituées soit sur le fonds commun, soit sur le livret individuel qui appartient en toute propriété à son titulaire, à capital aliéné ou réservé. »

Cet article, et les deux articles suivants 23 et 24 organisent le régime des retraites dans les sociétés de secours mutuels.

Deux systèmes de retraites peuvent désormais être adoptés par les sociétés de secours mutuels qui ont droit de recourir à l'un ou à l'autre, ou de suivre les deux systèmes cumulativement.

1° L'ancien système du fonds de retraite collectif que la nouvelle loi désigne par ces mots « pensions de retraites constituées sur le fonds commun ». Nous avons

Journal officiel, 1897. Chambre, Debats parlementaires, p 1400.

2 Journal officiel, 1898, 12 février. Sénat, Débats parlementaires, p. 145.

dit ce qu'était ce système de retraite, organisé par le décret du 26 avril 1856. L'association de secours mutuels qui organise des retraites suivant ce système a en dépôt à la Caisse des consignations un fonds commun alimenté par les subventions accordées sur les intérêts de la dotation générale des sociétés de secours mutuels, par les sommes votées par les sociétés elles-mêmes sur leur capital de réserve, par les dons et legs. Le fonds. ainsi constitué sert à distribuer des rentes viagères aux membres participants. L'assemblée générale de la société désigne elle-même les bénéficiaires des rentes, et en fixe la quotité. Ces rentes sont servies directement par la société à l'aide des intérêts de ce fonds ou par l'intermédiaire de la caisse nationale des retraites. Naturellement ces pensions sont constituées à capital réservé au profit de la société. Du reste l'article 23 prend soin d'énumérer les conditions dans lesquelles fonctionnera désormais le système du fonds de retraite collectif.

« Art. 23. Les pensions de retraites alimentées par le fonds commun sont constituées à capital réservé au profit de la société. Elles sont servies directement par la société à l'aide des intérêts de ce fonds, ou par l'intermédiaire de la caisse nationale des retraites.

« Pour bénéficier de ces pensions, les membres participants doivent être âgés d'au moins cinquante ans, avoir acquitté la cotisation sociale pendant quinze ans au moins et remplir les conditions statutaires fixées pour l'obtention de la pension.

« Les sociétés qui constituent sur le fonds commun des pensions de retraites garanties sont tenues de produire tous les cinq ans au moins, au ministre de l'Intérieur, la situation de leurs engagements, éventuels ou liquides, et des ressources correspondantes, en se conformant aux modèles qui leur sont fournis par l'administration compétente. Elles devront modifier, s'il y a lieu, leurs statuts, d'après les résultats de ces inventaires au moins quinquennaux. »>

Le système du fonds de retraite collectif a donné lieu à de vives critiques; il ne fait aucun appel à l'esprit d'économie des sociétaires en ne leur donnant aucune certitude pour leur retraite future qui dépend du vote de l'assemblée générale. Il avait été question de supprimer le système du fonds de retraite collectif. La nouvelle loi a

préféré le laisser subsister concurremment avec le système du livret individuel, en permettant, en outre, d'affecter aux retraites sur livret individuel tout ou partie des arrérages du fonds commun inalienable (art. 24, § 3) et en encourageant également les deux systèmes par des subventions (art. 26, § 1, no 1).

2o Système des pensions de retraite sur livret individuel. Dans ce système, les sommes destinées à constituer la retraite de chaque sociétaire sont versées par la société à la caisse nationale des retraites ou à une caisse autonome de retraite, au crédit de ce sociétaire, de façon à lui constituer un véritable droit. Il lui est remis un livret sur lequel sont constatés ses droits et avec les indications qu'il contient, il peut se rendre compte qu'en augmentant ses sacrifices et ses versements à la caisse, il accroît par là même le chiffre de sa pension. L'article 24 détermine le fonctionnement des retraites sur livret individuel.

<< Art. 24. Les pensions de retraites constituées par le livret individuel, à l'aide de la caisse nationale des retraites ou d'une caisse autonome, sont formées, en conformité des statuts, au moyen de versements effectués par la société au compte de chacun de ses membres participants.

« Ces versements proviennent :

« 1° De la cotisation spéciale que le sociétaire a lui-même acquittée en vue de la retraite, ou de la portion de la cotisation unique prélevée en vue de ce service;

« 2° De tout ou partie des arrérages annuels du fonds commun inaliénable s'il en existe un;

« 3o Des autres ressources dont les statuts autorisent l'emploi en capital au profit des livrets individuels.

« Les versements effectués par la société sur le livret individuel le sont à capital aliéné ou à capital réservé au profit de la société, suivant que les statuts en auront décidé.

<< Quant aux versements qui proviennent des cotisations du membre participant, ils peuvent être, au choix de ce membre, faits à capital aliéné ou à capital réservé au profit de ses ayants droit.

« Pour la liquidation des pensions de retraites constituées à capital aliéné et à jouissance immédiate par les sociétés de secours mutuels, les tarifs à la caisse nationale des retraites seront calculés jusqu'à quatre-vingts ans.

Il est à remarquer que cet article autorise les sociétés de secours mutuels à faire les versements sur livret individuel provenant des ressources mêmes de la société, à capital aliéné ou à capital réservé. Que les versements provenant des cotisations du membre participant soient faits à capital aliéné (quand il le désire) cela se comprend le sociétaire dispose de ce qui lui appartient. Mais que la société puisse disposer des ressources communes à capital aliéné, cela paraît étrange. Le rapporteur de la loi en a donné ces raisons qu'on trouvera plus ou moins bonnes : « C'est là une mesure de prudence qui a bien son importance, en voici la raison : c'est que le fonds commun inaliénable a pris, dans ces derniers temps, un accroissement considérable, et il n'est pas sans inconvénient de le laisser s'accroître d'une façon indéfinie dans l'avenir. Ce fonds commun inaliénable n'est, en effet, obtenu que par un prélèvement sur les sommes disponibles. Or, les participants de nos sociétés de secours mutuels ont toutes les peines du monde, avec les modestes sacrifices qu'ils peuvent faire, à se constituer des ressources suffisantes pour les garantir complètement contre les risques qu'a prévus la société. Leur enlever sur leurs cotisations une certaine quantité de ressources soi-disant disponibles pour augmenter le fonds commun, c'est obliger les générations présentes à faire, en quelque sorte, la charité aux générations futures qui, très probablement, auront des facultés d'épargne plus grandes que les générations

actuelles1. >>>

« Art. 25. En dehors des retraites garanties ou non garanties, constituées, soit à l'aide des fonds communs, soit au moyen du livret individuel, dans les conditions prévues aux articles 23 et 24, les sociétés peuvent accorder à leurs membres des allocations, non pas viagères, mais annuelles, prises sur les ressources disponibles. Le montant en sera fixé chaque année par l'assemblée générale. Les titulaires sont désignés

Journal officiel, 11 février 1898. Sénat, Débats parlementaires, p. 124.

M. Cuvinot.

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