capitale et qui était motivée par le refus, consigné dans un vote du Sénat, de ratifier un vote de la Chambre, augmentant de deux millions l'allocation des sous-agents des postes et télégraphes. Cette crainte des parlementaires s'est traduite par une concession, qui constitue un précédent peut-être dangereux, et qui n'est, en somme, qu'une « côte mal taillée », car elle octroie aux facteurs ruraux une augmentation qui réduira d'autant celle des facteurs parisiens, et qui ne semble pas exactement divisible en fractions applicables à des individualités précises. Notons encore, à propos du budget, les judicieuses critiques que plusieurs sénateurs, notamment MM. Le Cour Grandmaison et Fresneau, ont adressées à la gestion financière et à l'irresponsabilité foncière qui en vicie le bon fonctionnement. A la Chambre, la plupart des séances ont été remplies le mois dernier par les interpellations relatives à la situation de l'Algérie. L'incident le plus saillant de ce long débat, c'est celui où M. Laferrière, gouverneur général d'Alger, a été convaincu, par MM. Morinaud et Viviani, de contradiction sur le point de savoir s'il serait favorable ou hostile à l'abrogation ou du moins à une revision du décret Crémieux, qui en 1870, habilita les juifs d'Algérie à l'exercice des droits politiques. Favorable en ses entretiens privés du début de son proconsulat, M. Laferrière s'y est montré hostile dans son rapport officiel au gouvernement, puis dans ses déclarations à la tribune de la Chambre. D'où une posture assez délicate, pour lui d'abord, ensuite par M. Dupuy, qui, lui, ne veut pas entendre parler d'une modification quelconque du décret Crémieux. Mentionnons rapidement la substitution de M. Krantz, ministre des travaux publics, à M. de Freycinet, ministre de la guerre, et son remplacement par M. Mones tier. M. de Freycinet a quitté la rue Saint-Dominique à raison de l'obstruction par laquelle l'extrême-gauche de la Chambre l'avait accueilli lors de sa réponse à une interpellation sur la suspension du cours d'histoire que M. George Dupuy faisait à l'Ecole polytechique. Mais on ne voit généralement là qu'un prétexte, et l'on s'accorde à penser que M. de Freycinet, prévoyant que ses collègues dreyfusards l'emporteraient désormais dans les conseils du gouvernement, a préféré laisser à d'autres le soin de procéder aux mesures par lesquelles tant de généraux risquent d'être sacrifiés. Et, comme la persécution contre les catholiques ne chôme jamais sous ce gouvernement maçonnique, nous avons eu, en dépit des multiples soucis qui sollicitaient ailleurs son activité, la divulgation d'une note où il invite les préfets à lui faire connaître la situation présente des congrégations visées par les décrets du 29 mars 1880, qu'il s'agisse des chapelles, des résidences, des collèges ou simplement des individus. La fermeture de la chapelle des jésuites de Troyes, opérée à la demande exprese des socialites, le 1er mai, est peut-être le prélude d'une nouvelle campagne de « crochetages », qui serait un corollaire approprié du triomphe de la conjuration dreyfusarde, laquelle n'est, à tout prendre, qu'un assaut de l'individualisme anarchique contre l'esprit d'autorité. Aussi bien, il a paru, dans la Croix, un texte du projet que le gouvernement a fait élaborer par le Conseil d'Etat pour la règlementation, tant de fois promise, du droit d'association. Le texte dont il s'agit comporte, aux dépens des congrégations et même des paroisses, un tel luxe de précautions liberticides, que le ministère s'est empressé, devant les protestations qu'a immédiatement soulevées son œuvre, de déclarer que le texte publié n'avait rien de définitif. C'était prudent. De même, à la suite du congrès que la jeunesse catho lique a tenu à Lyon en faveur de la liberté de l'enseignement secondaire, menacée par les projets Combes, Rambaud, Rabier, Levraud, etc., et dans lequel MM. le comte Albert de Mun, Henry Beaune, Charles Jacqiuer, Lerolle et tant d'autres, ont repris les glorieuses luttes d'il y a un demi-siècle, M. Charles Dupuy s'est hâté d'aller déclarer, devant la commission d'enseignement de la Chambre, qu'il était favorable au principe de la liberté. d'enseignement. Le bon billet! Cette chronique du mois sera complète, ou peu s'en faudra, quand nous aurons signalé, à l'étranger, l'abolition du système moscovite qui déportait en Sibérie les sujets tombés en disgrâce; les victoires parlementaires du nouveaux cabinet Pelloux-Visconti-Venosta sur la coalition des groupes Giolitti-Zanardelli-Crispi; le jubilé de la reine Victoria, désormais octogénaire, et dont on a célébré le zèle pour la paix, à l'heure même où son ministre des colonies, M. Chamberlain, suscite au Transvaal d'injustes querelles; l'échec de tous les pourparlers engagés entre Américains et insurgés aux Philippines; la cession, par l'Espagne à l'Allemagne, des Carolines, des Mariannes et des Palaos; la mort d'Emilio Castelar, le chef, un peu désabusé, des républicains espagnols; enfin, l'aggravation du conflit qui divise le ministère Viennois et celui de Pesth au sujet du renouvellement du compromis qui unissait depuis 1867 les deux fractions, autrichienne et hongroise, de la monarchie dualiste débonnairement gouvernée par François-Joseph. Paul TAILLIEZ. BIBLIOGRAPHIE La Cité de Dieu de saint Augustin, traduction nouvelle par L. Moreau, ouvrage couronne par l'Academie française. 4o édition, avec texte latin, fer vol., 1 tome, in-12 - Paris, Garnier frères, 6, rue des Saints-Pères. Le livre de la Cité de Dieu est un des plus beaux monuments de l'esprit humain. Saint Augustin, avec une éloquence admirable, y trace le développement de ces deux cités bâties par deux amours contraires l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu, qui fait la Cité du monde; l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi qui fait la Cité de Dieu. Des nombreuses traductions de ce grand ouvrage, la meilleure est incontestablement celle de M. Louis Moreau, ancien conservateur de la Bibliothèque Mazarine, auteur lui-même de remarquables travaux sur saint Martin, le Philosophe inconnu, sur la Destinée de l'homme, sur JeanJacques Rousseau et sur Joseph de Maistre. Dès 1841, l'Académie française couronnait sa traduction des Confessions de saint Augustin. « Une traduction fidèle et animée de cet ouvrage, disait M. Villemain dans son rapport, est un livre qui nous manquait. Port-Royal lui-même avait altéré, par respect, le naturel passionné d'Augustin. M. Moreau a été plus vrai; et l'Académie, en décernant à sa traduction une médaille d'honneur, l'encourage à d'autres travaux, où le talent s'unisse comme dans celui-ci à la pureté du goût. » Les mêmes qualités se rencontrent dans la traduction de la Cité de Dieu à laquelle l'Académie française, quelques années plus tard décerna également une de ses couronnes. Ce jugement de l'Académie a été confirmé par le public. L'édition qui paraît aujourd'hui est la quatrième, et son succès ne saurait manquer d'égaler celui qui a accueilli les trois premières. TABLE DES MATIÈRES Du 22° volume de la 2° série - 1er semestre 1899 Accidents du travail (La question, des) et la loi du 18 avril 1898. Nourrisson, avocat à la Cour d'appel de Paris, p. 14. Aristocraties (Le renouvellement des). — Joseph Rambaud, professeur à la Faculté catholique de droit, pp. 310, 387. Associations (Le nouveau projet de loi sur les). - A. Rivet, avocat à la Cour de Lyon, professeur à la Faculté catholique de Lyon, p. 481. Associations religieuses (Les) sous l'ancien régime. - Dom F. Chamard, - - - Bibliographie. - La morale stoïcienne en face de la morale chrétienne, - - - - Hector Lambrechts, Documents sociologiques: l'extension du crédit. Fiançailles (Un contrat disparu : les). - E. Jac, professeur de droit à l'Université catholique d'Angers, lauréat de l'Institut et de l'Académie Insaisissabilité et transmission héréditaire des habitations à bon marché. Invasion (L') des barbares, l'Eglise et le statut personnel. - L. de Combes, Liberté (La) d'enseignement devant le parlement, p. 97. Henry Beaune, ancien procureur général, doyen de la Faculté catholique de droit de |