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XXVII-I

Mais le principe adopté par la loi nouvelle pourra avoir comme conséquence, assurément imprévue, de diminuer l'usufruit que la loi du 9 mars 1891 accorde au conjoint survivant sur le bien de son conjoint prédécédé.

En effet, la masse de biens sur laquelle sera calculé cet usufruit se compose, au regard du conjoint survivant 1° des biens laissés par le défunt et dont il n'a disposé ni par acte entre vifs ni par testament; 2° des biens donnés ou légués à un cosuccessible sans dispense de rapport; 3° des biens donnés ou légués au conjoint avec ou sans dispense de rapport'.

Dorénavant tous les legs faits par le testateur en faveur de ses héritiers étant présumés faits avec dispense de rapport, tous les biens ainsi attribués ne seront plus réunis à la masse par le rapport fictif et le droit d'usufruit attribué au conjoint survivant sera diminué d'autant.

C'est là une répercussion, assurément non prévue, de la loi du 25 mars 1898. Elle démontre une fois de plus avec quel soin il faut étudier toute modification apportée aux textes de notre Code civil, dont toutes les parties sont conçues sur un plan d'ensemble et liées par une solidarité étroite.

C. de FROMONT DE BOUAILLE,

Avocat, Dr en Droit.

Ce point vient d'être décidé par un arrêt de la Cour de Cassation du 8 février 1898 (D. P. 1899. I. 153 et la note).

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CHRONIQUE DU MOIS

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La conférence de la paix. — L'exclusion du Saint-Siège. La révision du procès Dreyfus. - L'arrestation du colonel du Paty de Clam. L'acquittement de MM. Paul Déroulède et Marcel Habert. Le commandant Marchand à Paris. - Le budget de 1899. La grève des facteurs. Les interpellations sur l'Algérie. La démission de M. de Freycinet. Reprise de la campagne contre les religieux. — La liberté de l'enseignement.-Le congrès de Lyon. Quelques faits extérieurs.

La conférence internationale convoquée pour tenter la réduction des armements s'est donc réunie, le 18 mai, en l'octave de l'Ascension, dans la tranquille capitale d'un Etat dit « secondaire », les Pays-Bas. Les séances tenues jusqu'ici n'ont été, comme bien on pense, que des réunions préliminaires, consacrées à la répartition des délégués entre diverses commissions, et à la désignation des présidents et vice-présidents de ces commissions ellesmêmes, qui s'occupperont, la première du désarmement, la deuxième des lois de la guerre, la troisième de la médiation et de l'arbitrage. Mais l'intérêt de ces formalités, quel qu'il puisse être pour les Etats intéressés, disparait absolument devant le fait qui a viciẻ, au regard des catholiques du monde entier, la convocation elle-même.

ou

En dépit des raisons capitales qui légitimaient mieux qui imposaient la participation du SaintSiège aux travaux de cette assemblée; au mépris des instances à la fois si pressantes et si discrètes que le Souverain-Pontife avait formulées à ce sujet dans son allocution du 11 avril au Sacré-Collège, il n'a pas été adressé à Notre Saint-Père le Pape d'invitation à désigner un délégué à la conférence. Ce n'est point l'effet d'une prétérition, qui suffirait d'ailleurs à surprendre et à motiver une protestation; c'est la conséquence d'une exclusion voulue qui accuse gravement ceux à qui elle est imputable. Le czar, à ce qu'on assure, et nous le

croyons sans peine, n'a aucune responsabilité directe en ceci. Quelque ombrage que lui porte, comme président du Saint-Synode, la souveraineté spirituelle du Chef d'une Eglise qu'il juge moins « orthodoxe » que la sienne, Nicolas II a, par l'idée même de la conférence présente, trop montré la hauteur de ses vues pour avoir écarté, de propos délibéré, une puissance aussi essemtiellement pacificatrice que celle du Saint-Siège; le vœu personnel du czar, auquel lui-même ne pensait point que personne pût contredire, était donc que la conférence comptât un représentant de l'Eglise romaine, un délégué de ce Léon XIII dont les gouvernements les plus divers célèbrent à l'envi la haute sagesse et la prudence consommée.

Mais il est arrivé que le soin de convoquer les plénipotentiaires des divers Etats a été laissé au ministre des affaires étrangères du gouvernement de la Haye. Et ce ministre, M. de Beaufort, par un scrupule formaliste, ou peut-être par un calcul que lui suggérait son protestantisme très accusé, a disposé que, parmi les puissances, celles-là seules seraient conviées à la Haye dont toutes les autres accepteraient la présence. L'Italie n'en demandait pas davantage pour mettre son veto à l'invitation qui devait être adressée au Saint-Siège.

De la part du Quirinal, ce veto n'est pas seulement une atteinte injurieuse à l'autorité pontificale et aux droits des peuples catholiques. Il constitue encore un aveu pitoyable de la conscience très nette qu'a l'Italie révolutionnaire de l'irrégularité de son état civil, et de la crainte perpétuelle qu'elle éprouve de se voir conviée à le régulariser. Et puis, comment la croire désormais quand il lui arrive de prétendre qu'en s'installant à Rome elle n'a point lésé l'autorité spirituelle de l'Eglise, puisqu'elle empêche l'exercice de cette autorité dans une de ses plus immédiates et bienfaisantes manifestations, à savoir l'affermissement de la paix entre les hommes ? L'Italie expiera tôt ou tard cette erreur et cette maladresse, et l'Europe non plus ne gagnera guère à s'en être accommodée.

Il eût été digne de la France d'empêcher, d'accord avec la «< nation amie et alliée », qu'on ne montrât un pareil dédain pour le successeur de Pie IX, du seul souverain qui, au début de l'année terrible, nous tendit une main secourable en priant le roi Guillaume de nous épargner... Ce qui est sûr, c'est qu'une conférence ouverte ainsi par une lésion manifeste à la majesté du Droit, se trouve en quelque sorte caduque, et qu'on ne devra pas être surpris si elle aboutit, soit au néant, soit à un résultat précisément contraire à celui qu'elle prétendait atteindre.

Pour l'instant, et par une protestation déjà éloquente, Mgr Tarnassi, le distingué prélat qui occupe à la Haye le poste d'internonce, a reçu de la secrétairerie d'Etat l'ordre de quitter cette résidence pendant la durée des délibérations internationales, et de se rendre à Luxembourg, où il est d'ailleurs également accrédité auprès du gouvernement grand-ducal.

La semaine qui finit nous apporte l'arrêt de la Cour de Cassation, toutes Chambres réunies, sur la demande en revision du procès Dreyfus. Mais où est le soupir de soulagement qu'on espérait pouvoir pousser à la lecture de cet arrêt? Dès la première audience, tenue le lundi 29 mai, il a été facile de prévoir que M. Ballot-Beaupré, successeur de M. Quesnay de Beaurepaire dans la présidence de la Chambre civile, et chargé du rapport, conclurait à la revision de la sentence du 22 décembre 1894. Ce faisant, le rapporteur n'a pas seulement déçu les bons esprits qui avaient cru à l'efficacité de la loi de dessaisissement, il est allé au-delà de ce qu'espéraient les révisionnistes eux-mêmes. Au vrai, il a justifié l'opinion qu'ont de l'ensemble de la magistrature ceux qui se rappellent l'épuration d'il y a dix-sept ans. L'on n'attend pas de nous que nous discutions en détail l'œuvre de M. Ballot-Beaupré. Cui bono, désormais? Il suffit d'indiquer que ce magistrat croit avoir découvert le « fait nouveau » indispensable pour étayer la légiti

mité de la revision, mais que, pour l'établir, il a recours à deux arguments : l'un consiste à opposer aux expertises du « bordereau » qui furent faites en 1894 telles autres expertises postérieures qui lui paraissent plus probantes, comme si une expertise liait jamais le juge, et pouvait être autre chose qu'un moyen de le renseigner, utilisable ou négligeable au gré de sa conscience; l'autre détruit ni plus ni moins l'autorité de la chose jugée, sur un point qui n'était pas soumis à revision, à savoir la sentence du Conseil de guerre qui acquitta Esterhazy en 1898.

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D'ailleurs, de « fait nouveau proprement dit, le rapporteur n'en précise aucun, et, somme toute, il en vient à ébranler pour l'avenir l'autorité de tous les jugements possibles, puisqu'il fait état des contestations élevées en si grand nombre contre la condamnation de Dreyfus, pour admettre, « en son âme et conscience! »>, l'innocence de ce condamné si puissamment appuyé par de riches coreligionnaires. N'est-ce pas une prime aux futurs entrepreneurs de revision? N'est-ce pas la porte ouverte à d'incessantes revendications, subversives de toute institution judiciaire?

Telle a été l'impression causée par le rapport de M. Ballot-Beaupré, que c'est à peine si l'on a pris garde ensuite au réquisitoire du procureur général Manau, où les « faits nouveaux », cette fois, pullulaient sans mesure, et surtout à la plaidoirie de Me Mornard, avocat de Mme Dreyfus, qui désormais jouait, peut-on dire, <«< sur le velours », attendu que sa thèse venait corroborer, avec une superfluité fastidieuse, celle qu'avaient amplement soutenue, sinon justifiée, les deux magistrats préopinants.

Après une délibération qui n'était plus qu'une formalité de protocole, la Cour a rendu, le samedi 3 juin, à 3 h. 1/2, l'arrêt que voici :

La Cour,

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens;

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