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est maintenu comme nécessaire, comportera l'obligation pour les protecteurs de favoriser la civilisation du pays, au double point de vue matériel et moral; en d'autres termes, on appliquerait les règles du contrat de protectorat, qui impose à l'Etat tuteur des devoirs en échange des avantages que lui procure à lui-même le pays protégé.

Enfin, si les Etats intéressés, éclairés par l'expérience, jugeaient impraticable ou trop dangereux pour la paix l'exercice du protectorat à trois, tel qu'il résulte des traités actuels, ils auraient à établir, par de nouveaux arrangements respectant la nationalité samoane, certaines compensations à la charge de celui des trois Etats qui resterait protecteur exclusif. Ce serait alors comme un échange de droits souverains, échange portant sur d'autres possessions, et, de préférence, sur des régions à civiliser; mais limité, relativement à Samoa, aux droits nécessaires pour remplir le rôle de protecteur vis-à-vis d'un Etat faible, encore imparfaitement civilisé.

Ce ne serait pas un simple marché de terres et de populations, dont, de part et d'autre, on disposerait en maître absolu et par le seul droit du plus fort.

Il y aurait sans doute quelque naïveté à croire que, dans des questions, chaque jour envenimées par les convoitises et les querelles d'amour-propre nationales, les hommes d'Etat iront jusqu'à sacrifier les ambitions politiques de leur patrie au triomphe des principes universels de fraternité et de justice; mais, cependant, on ne doit pas désespérer de voir ces mêmes principes, à mesure qu'ils seront davantage étudiés, développés par les publicistes et, ainsi vulgarisés, agir peu à peu sur l'opinion, et obtenir de ces satisfactions partielles qu'il faut savoir apprécier dans le présent, en attendant plus et mieux de l'avenir.

François GAIRAL,

Docteur en droit, avocat à la Cour d'appel.

LE CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES

DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS, A TOULOUSE, EN 1899

SECTION DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Le Congrès des sociétés savantes de Paris et des départements s'est ouvert le mardi 4 avril, à Toulouse, sous la présidence de M. Héron de Villefosse, membre ` de l'Institut.

La section des sciences économiques et sociales avait à l'ordre du jour de sa première séance, cette question : « Y a-t-il lieu de modifier les dispositions du Code civil et des lois fiscales qui gênent la liberté de la composition des lots dans les partages? »

M. Edouard Charlemagne, ancien magistrat à Châteauroux, étudie les dispositions de l'article 832 du Code civil et montre l'impossibilité de concilier dans. la pratique l'ensemble de ses prescriptions.

L'article 832, qui, d'une part, recommande d'éviter le morcellement des héritages et, de l'autre, prescrit de faire entrer dans chaque lot, autant que possible, la même quantité d'immeubles, de meubles, de droits et de créances, renferme deux dispositions souvent inconciliables, aboutissant en pratique à l'impossibilité du partage en nature, et par conséquent à la vente du bien de famille. Comment, en effet, ne pas morceler les exploitations et cependant attribuer à chacun la même quantité de bois, prés, vignes, meubles meublants, et valeurs mobilières? Il faut supposer que le père de femille, constamment occupé de sa fin prochaine, ce qui est noble et rare, libre aussi de réaliser tous ses projets, ce qui est plus rare encore, compose sa fortune en vue d'en faciliter le partage.

Le résultat est tantôt le morcellement excessif du sol, tantôt la licitation. On voit chaque jour deux enfants d'un ouvrier, propriétaires indivis d'un champ de

50 ares et d'un livret dé 500 francs à la Caisse d'épar gne, se partager l'argent et découper le terrain en deux figures géométriques destinées à se subdiviser encore après une autre génération, quoique la région ne se prête nullement à la toute petite culture, et alors qu'il vaudrait mieux attribuer à l'un la terre et à l'autre l'argent. Mais non, le principe exige qu'un champ qui est divisible soit divisé. Si l'héritage se compose d'un bien impartageable en nature, on le licitera. Certains estiment que l'aliénation d'un bien de famille est indifférent à l'intérêt général. Mais beaucoup pensent, au contraire, que l'espoir de transmettre aux descendants le produit du travail est le stimulant de la vie, qu'une propriété précaire n'invite jamais à de grands efforts, enfin qu'une vente forcée à un moment inopportun est une cause de ruine pour les cohéritiers et ne profitera même pas longtemps à l'acquéreur, puisque son patrimoine subira le même sort.

Aussi par crainte des difficultés inhérentes au partage d'immeubles, beaucoup de familles s'éloignent de la propriété foncière, qui n'avait pas besoin de cette nouvelle cause de défaveur. D'autres, rivées au sol, évitent le partage judiciaire à l'aide d'expédients, tels que la transaction simulée, illégale, mais admise par la pratique. Un texte est condamné lorsque les honnêtes gens sont contraints de le violer.

Pourquoi le législateur tient-il autant à la composition de lots en biens de même nature? Craint-il la prépondérance de la propriété immobilière? Notre société n'est-elle pas assez nivelée depuis un siècle qu'on la défend contre des inégalités qui ne renaîtront jamais?

Assurément les dangers des exigences de la loi n'apparaissent guère dans les partages amiables. Mais les héritiers majeurs et d'accord entre eux qui font un partage conventionnel peuvent payer cher leurs convenances, le fisc percevant le droit de vente sur la soulte qui sort de la bourse d'un copartageant.

Deux réformes s'imposent. D'abord tout acte ayant pour effet la cessation totale ou partielle de l'indivi

sion, soit qu'un copartageant acquitte la soulte de ses propres deniers, soit même qu'avant le partage il achète la portion indivise d'un cohéritier, ne doit plus être soumis au droit de vente. Ainsi, les conventions seront plus faciles la soulte qui ne sera qu'un appoint dans le partage judiciaire, puisque nul ne peut être forcé de donner ce qu'il n'a pas, sera, dans le partage amiable, ce que permettront les circonstances et ce que décideront les intéressés; forte ou faible, payable immédiatement ou à terme. Nous restituerons au partage son caractère de contrat familial très distinct de la spéculation.

Ensuite, en cas de partage judiciaire, il convient de subordonner le principe de la similitude des lots à l'intérêt agricole, industriel ou commercial, en modifiant les textes de la manière suivante: « Art. 832. Dans la formation et la composition des lots, on doit éviter, autant que possible, de morceler les héritages, de diviser les exploitations et de les liciter on doit d'abord considérer l'intérêt des établissements et des exploitations, sans être tenu de faire entrer dans chaque lot la même quantité de meubles, d'immeubles, de droits et de créances ». « Art. 826. Chacun des cohéritiers peut demander sa part en nature des biens de la succession...», le mot biens remplaçant dans le texte les mots meubles et immeubles.

Sur la même question, M. Raoul de la Grasserie, membre de la société de législation comparée, s'élève contre les entraves que la loi actuelle apporte aux dispositions et aux contrats à propos des partages, et cela au préjudice de l'intérêt privé et de l'intérêt social. S'inspirant de l'exemple de plusieurs législations étrangères, il voudrait qu'il fut permis, dans tout partage, de composer les lots avec une entière liberté, sous la seule condition de respecter la réserve ; que l'on puisse maintenir l'indivision jusqu'à la majorité d'un cohéritier mineur, ou entre cohéritiers majeurs pour la période de temps qu'ils auraient fixée; que les ventes et les licitations dans les partages soient affranchies de

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toute autre formalité que l'homologation du tribunal, enfin que les partages et les licitations soient exemptés de tous droits à payer au fisc.

M. Pascaud, de la société de législation comparée, parle dans le même sens et formule contre la loi les mêmes critiques en y associant la jurisprudence qu'il accuse d'avoir renchéri encore sur les prescriptions légales. Il croit qu'il est temps d'obvier au morcellement indéfini de la propriété immobilière, et à l'instabilité de l'établissement industriel ou familial. Pour cela il faut donner plus de liberté pour faire des partages d'attribution même dans les successions où sont intéressés des mineurs ou des interdits, sans supprimer toutes les garanties protectrices de leurs intérêts. Il suffirait d'imiter en cela la législation de la Belgique et de la Hollande.

Au point de vue fiscal, les soultes à payer par les copartageants ne doivent pas être soumises au droit de vente, mais au simple droit de quittance, puisque le partage déclaratif de propriété ne produit pas les effets de la vente. Le mieux pour ne pas gêner la liberté des parties dans la composition des lots serait d'affranchir les soultes de tous droits à payer au fisc.

La section s'est ensuite occupée de cette autre question du programme: « Etudier en elle-même et dans les applications législatives et pratiques qui en ont été faites en France et à l'étranger, la question du warrantage des récoltes. »

MM. de la Grasserie et Pascaud, membres de la Société de législation comparée, critiquent successivement certaines dépositions de la loi du 18 juillet 1898 qui a introduit chez nous, sous la forme du warrant agricole, la possibilité du prêt sur gage sans dessaisissement, et constaté par un titre négociable qu'on appelle le warrant. Ils s'accordent pour trouver insuffisantes les garanties accordées au bailleur dans le cas où l'emprunteur qui warrante sa récolte, pour se faire du crédit, est un fer

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