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lettres à Charles de Montalembert et à tant d'autres, ainsi que les articles multipliés qui fécondèrent alors le Correspondant, car les prémices de la journée apportaient avec elles un esprit net et fort que le sommeil avait retrempé.

« Au coup de six heures sonnant à la pendule, Théophile déposait un moment cette plume qu'il agitait dans ses doigts crispés depuis de si longs moments, faisait tourner le lourd fauteuil à vis, quittait la table, et, le bougeoir à la main, allait éveiller ses filles.

A sept heures, le potage est bu plutôt que mangé, et la leçon de ces demoiselles commence, que ce soit le latin, l'histoire ou la littérature; le latin, seulement assez pour comprendre l'office sacrẻ.

« Neuf heures sonnent, la consigne est levée; Madeleine peut introduire les visiteurs. M. Foisset se mêlait à tant de choses que quantité de gens avaient affaire à lui..... Que de curés se succédaient dans ce bienheureux cabinet, toujours encouragés, toujours bien reçus, toujours aimés. Ils s'ouvraient de leurs ennuis, venus d'un instituteur ou d'un maire. Enfin, les oisifs venaient là se faire secouer rudement et amicalement par le plus pétulant et le plus cordialement impatient des interlocuteurs.....

Dix heures étaient le signal du déjeuner, parce que onze heures étaient celui de l'audience. Celle-ci se prolongeait longtemps dans la soirée, et si ce n'était l'audience, c'était la séance au cabinet d'instruction.....

« Il fallait alors marcher et, comme on dit, prendre l'air. Pour M. Foisset, la ressource était simple; de chez lui, traverser la rue, monter l'escalier de son visà-vis, et le voilà sur le rempart, plantation fraîche, aérée, solitaire. Trois points importants, le dernier

surtout.....

«Y avait-il une veillée chez les Foisset? En hiver, vraiment non. En été, la promenade était remise après le dîner...

<< Mais pour Théophile Foisset, l'heure de la retraite souvent devançait les neuf heures du soir et ne les

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dépassait jamais. Il fallait dormir assez pour se lever à trois heures le lendemain. »>

Ce tableau, mieux que toutes les paroles, fait connaître l'emploi de la vie de M. Foisset.

La part faite à ses devoirs de famille, à ses occupations professionnelles, à ses travaux intellectuels, à ses relations si passionnément affectueuses avec des amis de tout rang, de toute situation, de tout âge, tout est résumé dans cette page qui nous retrace le programme auquel il fut, pendant vingt ans, invariablement fidèle. Qu'il nous soit permis d'ajouter quelques mots pour le peindre tout entier.

M. Foisset, comme toutes les natures ardentes, généreuses et convaincues, a beaucoup souffert.

Ses amitiés même, à côté des jouissances dont elles étaient pour lui la source, lui ont apporté souvent de secrètes tristesses.

Il souffrait notamment, lui si profondément, si sincèrement chrétien, lui qui aurait voulu faire partager à tous ceux qu'il aimait ses croyances religieuses, de voir tant d'âmes qui lui étaient chères, rester sous l'influence des doctrines philosophiques du XVIII° siècle qui exerçaient encore, il y a soixante ans, une domination si absolue sur les plus brillantes intelligences.

Il souffrait aussi de « l'impopularité », c'est le mot dont il se sert dans une de ses lettres, que lui avait attirée l'ardeur de son prosélytisme, de la part d'esprits superficiels ou malveillants, ne comprenant pas que les explosions parfois si vives de ses sentiments n'étaient que la révélation de la générosité et de la tendresse de

son cœur.

D'autres douleurs vinrent successivement l'atteindre. En 1861, le P. Lacordaire avait quitté ce monde.

En 1867, la perte de la sainte et digne compagne de sa vie lui inspirait ces touchantes paroles: «Depuis que « j'ai perdu la meilleure des femmes, je vis dans l'espoir « de la rejoindre au sein de Dieu, et tout ce qui ne <«m'achemine pas là me semble du temps mal employė. » Le 10 mars 1870, une lettre de M. Cochin lui appre

nait la mort de M. de Montalembert. On n'entendra pas sans émotion le cri douloureux que lui arrachait cette fatale nouvelle, et qu'il exhalait dans une lettre à l'un de ses jeunes correspondants.

« Vous me voyez atterré encore de ce coup de foudre. O mon Dieu! mon Dieu!

La veille au soir, il était plein de vie, plus animé, plus brillant en conversation que jamais. Il avait lu jusqu'à minuit et il s'était endormi d'un sommeil paisible qui a duré jusqu'à 7 heures du matin.

«A 8 heures, il se sent pris d'une douleur poignante. Il pousse un cri, la sœur de Bon Secours voit la mort sur son visage. Monsieur le comte, voici la fin, récitez avec moi un acte de contrition! Elle commence, le malade répète avec elle. Mais avant que l'acte ne soit achevé, il perd connaissance. Il n'a pu recevoir l'Extrême-Onction. Il était prêt, car il comptait communier ce jour-là.

« Vous ne verrez plus des hommes de cette taille mon cher ami, Ozanam est mort, Lacordaire est mort, Montalembert est mort. Je puis dire, comme le dernier des Machabées Perierunt fratres mei omnes pugnando pro Israël et relictus sum ego solus!

« Il n'est pas gai de vieillir. »

La vieillesse hélas! ne devait guère se prolonger pour M. Foisset. Trois ans à peine après M. de Montalembert, le 28 février 1873, il remettait à Dieu son âme brisée par les douleurs et les angoisses qui l'avaient assaillie pendant ses dernières années.

Il mourait plein d'anxiété sur le sort réservé à son bien-aimé pays, après l'avoir vu pour la troisième fois, envahi et démembré et avoir assisté, le cœur gonflé d'indignation et d'amertume, à l'attaque furieuse dirigée contre toutes les grandes et saintes causes à la défense desquelles il avait consacré ses forces.

Mais il emportait en mourant, comme une consolation suprême, la conscience de l'inviolable fidélité gardée aux convictions qui, dès sa jeunesse, avaient éclairé et dirigé sa vie.

Au lendemain de 1830, M. Foisset écrivait : « Je me suis tourné tout entier vers la religion, cause malheureuse aussi, cause mal défendue, mais aussi cause qui ne périt pas et qui ne passera pas. C'est pour la servir que je suis resté magistrat. »

Trente ans plus tard, en 1861, il pouvait dire sans craindre un démenti : « J'ai été, je suis resté catholique avant tout, dans toute la portée du terme. »

Quelques mois avant sa mort, dans une conversation avec un ami des anciens jours qui était venu le visiter à Dijon, il exprimait le même sentiment dans ces nobles et simples paroles par lesquelles nous ne pouvons mieux faire que de terminer cette étude : « Mon ami, disait-il à M. de Carné, nous ne nous reverrons probablement jamais dans le monde; mais en le quittant, nous pourrons, je crois, nous rendre devant Dieu le témoignage que nous avons toujours l'un et l'autre recherché la vérité avec désintéressement et sans aucun parti pris. »

J. DE SAINT-Loup,

ancien magistrat.

DES PERQUISITIONS ET DES SAISIES

OPÉRÉES PAR LES PRÉFETS

On me pose la question suivante est-il donc vrai que les préfets ont le droit de perquisitionner, de saisir, d'arrêter à leur guise? La solution n'est pas difficile à trouver dans les traités spéciaux. Je l'indique ici pour ceux qui n'ont pas le loisir de l'y aller chercher.

Oui, il y a dans notre Code d'Instruction Criminelle, un article 10, inséré à la demande de Napoléon, qui, au moins d'après l'interprétation donnée par la jurisprudence, confère aux préfets de police à Paris, aux préfets dans les départements des droits très étendus. Cet article est ainsi conçu :

Les préfets des départements, et le préfet de police à Paris, pourront faire personnellement ou requérir les officiers de police judiciaire, chacun en ce qui le concerne, de faire tous actes nécessaires à l'effet de constater les crimes, délits et contraventions, et d'en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir, conformément à l'art. 8 ci-dessus.

La doctrine et la Cour de Cassation ont tout d'abord donné à ce texte une interprétation restrictive, et un arrêt de la Chambre Criminelle du 23 juillet 1853 (D. 53, 1,223) a jugé que si, malgré le principe de l'inviolabilité des lettres, la justice a le droit de faire saisir et ouvrir, même dans les bureaux de poste, les lettres et paquets qui peuvent contenir des papiers utiles à la manifestation de la vérité, ce droit n'appartient qu'au juge d'instruction, qu'il n'est pas compris au nombre des droits conférés par l'art. 10 au préfet de police à Paris, aux préfets dans les départements. (En ce sens Faustin Hélie, Traité d'Inst. Crim. III, p. 115 et suiv., et beaucoup d'autres auteurs.)

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