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est effrayante: De 1831 à 1895, le nombre des affaires. dont le parquet a été saisi a quadruplé, mais celui des affaires qu'il a classées sans suite a grandi beaucoup plus vite encore.

Ne condamnons pas cependant la science moderne et son œuvre. Il faut déplorer plutôt l'absence des progrès judiciaires que l'outillage plus perfectionné du crime rendrait nécessaires. Et, après avoir avec l'auteur porté en finissant notre attention sur une nouvelle face de la question l'impunité des crimes collectifs, crimes professionnels, crimes de partis, crimes politiques et crimes nationaux, qui celle-là grandit dans des proportions vraiment stupéfiantes, craignons que « la pénalité évanouissante ne soit résorbée par l'impunité grandissante». C'est bien de compter sur le « développement de la mutuelle sympathie » pour contenir le courant débordant de la criminalité. Encore faudrait-il savoir à quel foyer s'allume cette charité que l'on n'ose nommer et si notre société n'est pas précisément en train d'éteindre le foyer. On s'expliquerait alors, plus clairement que ne le fait l'auteur, pourquoi « cette vertu antiseptique de la civilisation grandit moins vite que ne décroit la pénalité ».

P. M.

BIBLIOGRAPHIE

La morale stoïcienne en face de la morale chré. tienne, par M. l'abbé CHOLLET, docteur en théologie, professeur à l'Université catholique de Lille. - Paris, Lethielleux, x11-284; prix: 3 fr. 50.

Un légiste étroit ne verrait point comment l'annonce d'un tel livre peut lui importer; mais les lecteurs de la Revue catholique des Institutions et du Droit ont plus de clairvoyance. Le droit romain dont, au XIIIe siècle, les papes Honorius III et Innocent IV interdirent l'enseignement en France et en d'autres pays, dans une large mesure, a une parenté proche avec le stoïcisme. Les principaux maîtres de l'un furent des adeptes de l'autre. Dès lors, les erreurs, les défectuosités du second aident à apercevoir celles du premier. Quand on s'est arrêté sur les idées suivantes : « Le stoïcisme n'aime pas l'homme parce qu'il n'aime pas le pauvre, le malheureux, l'infirme, l'ouvrier, l'esclave, l'enfant » (Mgr Baunard cité par M. Chollet, p. 281), on ouvre les yeux sur l'inintelligence de toutes les institutions sociales qui frappe dans le droit romain familial, économique, public et privé. A notre époque où il est revenu, de pr la volonté de Louis XIV et aussi des gouvernements révolutionnaires, s'imposer aux esprits de la jeunesse des écoles ridiques, cette vue claire, détaillée, de sa malfaisance n'importe-t-elle pas? Elle n'empêche point de rendre hommage au développement technique, à l'esprit de déduction et à la sobriété de termes d'Ulpien et de ses émules.

Parmi les hommes qui, directement ou d'une façon lointaine, coopèrent à la rédaction des lois, il en est beaucoup qui rêvent d'une société sans christianisme, réglée seulement d'après la morale indépendante. Qu'ils lisent le travail de M. Chollet et ils verront, par l'impuissance du stoïcisme, celle de leur conception qui simplement le rajeunit.

Nous n'avons pas à apprécier l'oeuvre que nous signalons. Elle a été hautement louée par Mgr Baunard qui l'a analysée dans une préface aussi agréable pour le lecteur qu'élogieuse pour l'écrivain.

T. R.

Le Gérant: X. JEVAIN.

Lyon. Imp. X. Jevain, r. François Dauphin, 18.

DES INSTITUTIONS ET DU DROIT

(XXVII ANNÉE)

INSAISISSABILITÉ ET TRANSMISSION HÉRÉDITAIRE

DES HABITATIONS A BON MARCHÉ

La première pensée de celui qui devient propriétaire de son habitation est pour les siens, tout autant que pour soi-même. Il ne lui suffit pas d'être le maître de sa maison; il veut être assuré de pouvoir la transmettre à ceux qu'il aura choisis pour continuer son œuvre.

Il n'est pas d'ambition plus légitime, ni de plus sûre garantie de la paix sociale.

En effet, la propriété n'est pas un droit viager; elle est perpétuelle (autant du moins que peuvent l'être les choses de ce monde), et ne reçoit son plein développement que du principe de survivance qui est en elle.

:

Propriété stable, propriété facilement transmissible aux héritiers tel est le double caractère auquel on reconnaît que le foyer domestique est fondé comme il doit l'être'.

Nous avons à nous demander si le législateur belge et le législateur français, dans les lois spéciales qu'ils ont édictées en faveur des habitations à bon marché, ont

'Telle est du moins notre conception traditionnelle du foyer familial, celle où domine l'amour du clocher. On sait que l'Américain n'a pas les mêmes goûts. L'Yankee, disait Michel Chevalier, n'est pas seulement travailleur, c'est un travailleur ambulant. Il n'a point de racine dans le sol, il est étranger au culte de la terre natale et de la maison paternelle; il est toujours en humeur d'émigrer, toujours prêt à partir avec le premier bateau à vapeur qui passera... »

M. Claudio Jannet nous a apporté le même témoignage : « La plupart des occupants actuels du Texas Ouest ont vendu le home qu'ils avaient autrefois à l'Est; il n'en est pas un seul qui, pour un bénéfice de quelques dollars par acre, au-dessus du prix courant, ne soit prêt à vendre sa farm pour aller s'établir plus loin. C'est le trait caractéristique de l'Américain, et c'est par là qu'il pousse toujours sa fortune plus en avant. »

27 ANN. 1er SEM. 30 LIV. MARS 1899.

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donné satisfaction suffisante à ces principes si, poussant à la diffusion de la petite propriété, dont le maintien paraît nécessaire à l'ordre social, ils ont assuré comme il convenait sa tranquillité, son avenir.

M. Van der Bruggen disait à ce sujet, avec une pointe d'exagération : « En ce qui concerne l'acquisition, tout est fait; quant à la conservation, tout est à faire. »

Nous ne sommes pas persuadé que tout soit à faire, au moins dans le sens où l'entendent certains novateurs, dont les projets ne vont à rien moins qu'à mutiler la propriété ; mais nous reconnaissons qu'il y a beaucoup à faire.

Beaucoup à faire !... Voyons de quelle manière et selon quelle orientation. Ceci veut être examiné de près.

Bien qu'il paraisse plus logique de considérer d'abord la propriété dans les mains de son propriétaire actuel, pour étudier ensuite comment elle passe à ses héritiers, nous croyons préférable de suivre l'ordre inverse et de rechercher en premier lieu quelles sont les meilleures dispositions à établir en matière de succession et de partage.

§ 1er. DU RÉGIME SUCCESSORAL DES PETITS HERITAGES.

Il n'y a pas à parler, cela va de soi, du cas où le propriétaire n'a qu'un successeur unique, seul ayant droit à tout le patrimoine. L'hypothèse du célibataire qui prend un neveu pour légataire universel est, naturellement, très facile à régler. A tous égards, au point de vue juridique comme au point de vue social, elle est médiocrement intéressante. Elle n'a de charme que... pour le neveu !

Prenons pour type le cas normal : L'héritage est celui d'une famille; le père et la mère étaient mariés sous le régime de la communauté; nous avons à nous occuper à la fois du conjoint survivant et des enfants.

Que disent ici le Code civil et le Code de procédure ?

Un premier principe, dont la formule est classique et universellement connue, domine la matière : « Nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision, et le partage peut toujours être provoqué nonobstant prohibitions et conventions contraires. » (Art. 815 du Code civil.) On peut cependant, continue le texte, convenir de suspendre le partage pendant un temps limité. Cette convention n'est obligatoire que pour cinq ans ; elle peut seulement se renouveler par périodes successives.

La disposition est absolue; il n'est pas nécessaire de justifier d'un intérêt plus ou moins sérieux pour s'en prévaloir. Alors même qu'il serait avantageux pour tous les héritiers d'ajourner le partage, on n'a rien à objecter à celui qui veut y procéder immédiatement. Et parfois, c'est un caprice, c'est le mauvais vouloir d'un enfant que l'autorité paternelle n'a pas pu maintenir dans le devoir qui empêche les autres membres de la famille, restés unis et groupés, de prolonger l'indivision, fût-ce d'une année seulement.

Quelle est la raison d'être d'une prohibition si rigoureuse? C'est que, suivant un ancien adage, l'indivision nourrit les chicanes et les dissensions: Communio mater rixarum. Les économistes y ajoutent cette observation que l'indivision forcée n'est pas favorable au développement de la propriété.

Il faut convenir qu'il y a dans ces deux considérations une très large part de vérité expérimentale. Lorsque les mœurs, les bonnes mœurs, n'ont pas fait pénétrer jusque dans le cœur des enfants l'esprit de famille, l'indivision forcée est pleine de périls. Cependant, il est des cas où la prolongation de l'indivision, même contrainte, peut procurer de réels avantages et n'entraîner que de moindres inconvénients. C'est une question de mesure.

Le second principe avec lequel nous avons à compter est celui de l'égalité entre cohéritiers. Sauf attribution

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