Page images
PDF
EPUB

probablement l'action au quadruple. On ne déclarait pas l'acte nul, comme l'eût fait une lex perfecta; mais on arrivait au même but en punissant de la peine du quadruple le créancier qui n'avait pas tenu compte de cette disposition. Gaïus est le seul auteur qui nous indique cette procédure sans être affirmatif, il est vrai, au sujet de l'action tendant à la peine du quadruple (1). Mais de graves présomptions portent à penser que cette sanction existait ; en effet, une corrélation intime rattache cette disposition à la loi Furia testamentaria prohibant les legs et autres mortis causa capiones excédant mille as (2).

Ces deux lois portant le même nom, étant inspirées par le même esprit, il est permis de penser que leur rogation fut concomitante, formant deux chapitres d'une même loi. D'autres exemples de lois traitant des matières différentes, reliées entre elles par une idée commune, peuvent d'ailleurs être citées; c'est ainsi que la loi Aquilia s'occupait, dans les chapitres premier et troisième, de celui qui a tué soit un esclave, soit un quadrupède allant en troupeau ou vivant isolé; dans un chapitre second cette même loi donnait une action contre l'adstipulator qui avait fait remise de la dette au débiteur, au lieu d'exiger de lui l'exécution de son engagement (3). Aussi nous paraît-il naturel, d'appliquer à la loi Furia de sponsu la peine du

1. Gaïus, Inst. C. IV, § 22.

2. Ihering. Esprit du droit roman, tome IV, page 113. Traduct. de M. de Meulenære.

3. Gaïus. Inst. C. 3, §§ 210, 217.

quadruple, qui était la sanction de la loi Furia testamentaria, au dire d'Ulpien : « quæ plus quam mille assium legatum mortisve causa prohibet capere præter exceptas • personas, et adversus eum qui plus ceperit quadrupli • pænam constituit (1).

C'était donc une action pénale de procédure. Tandis qu'à l'aide d'une exception, on eût pu arriver directement au but, en déclarant nul l'acte juridique, on le laissait subsister, mais on condamnait à la peine du quadruple le plaideur qui tentait de lui faire sortir son effet. C'est ce qu'Ulpien exprime en termes excellents, en parlant de la loi Furia testamentaria: Minus quam perfecta lex est • quæ vetat aliquid fieri, et si factum sit, non rescindit ‹ sed pænam injungit ei qui contra legem fecit (2).

>

D'ailleurs, quelques années après l'époque où furent rendues les lois Furia, cette procédure de la manus injectio perdit de son ancienne rudesse; une loi, qui paraît porter le nom de Vallia (3), vint, en effet (4) effacer, sauf pour deux hypothèses très favorables, toute différence existant auparavant entre la manus injectio pro judicato, cas dans lequel l'apprehendé ne pouvait se défendre que s'il trouvait un vindex offrant des sûretés suffisantes, voulant se charger de ce soin sous sa responsabilité, et la manus injectio pura, cas dans lequel le défendeur était admis à

1. Ulpien. Règles præm, 8 2.

2. Ulpien. Regulæ præ, § 2.

3. Gaïus, C. IV, § 25. Maynz, Cours de droit romain, tome I, page 496.

1

4. Quand il y avait chose jugée, ou bien quand le sponsor attaquait directement le débiteur principal.

présenter sa défense lui-même. Aux termes de cette loi Vallia, cette dernière procédure moins rigoureuse, fut seule maintenue.

Ainsi peu à peu, la manus injectio était devenue, en

procédure, une sorte de forme symbolique applicable à des procès privés; à partir de cette époque, il ne fut pour ainsi dire plus question d'être emmené dans la maison du créancier et d'y être attaché (domum duci et vinciri) (1). Pour intenter l'action tendant au quadruple, la caution n'eut même plus besoin d'avoir réellement payé au créancier plus que sa part virile; il suffisait que la demande ait été formée contre elle par le créancier, en dehors des prescriptions de la loi Furia; les deux procès suivaient alors une marche parallèle et recevaient une solution simultanée (2).

Cette action étant pénale, devait être populaire ; c'était d'ailleurs un moyen employé généralement par les législateurs, pour augmenter l'efficacité de ces sortes de dispositions, même dans le droit primitif. Gaïus fait notamment une allusion fort claire à cet usage, dans un passage inséré au Digeste, relatif à la loi des XII Tables (3). Tout citoyen pouvait ainsi intenter l'action pénale quand la partie n'agissait pas, craignant la vengeance d'un créancier influent. En cas de succès, l'amende au lieu d'être attribuée au fisc, était dévolue à celui qui l'avait fait prononcer.

1. Ihering. Esprit du droit romain, tome II, page 156.

2. Ihering. Esprit du droit romain, tome IV, page 116. 3. D. Loi 3, De litigiosis, XLIV, 6.

Il existait même, à Rome, toule une classe d'agents d'affaires vivant de ces bénéfices; on les désignait sous le nom de quadrupletores, à cause de la peine du quadruple qu'ils cherchaient à se faire adjuger. Ils s'étaient même acquis une si triste réputation, que ce nom de quadrupletor était devenu synonyme d'usurier à la chasse aux procès d'autrui (interceptores litis aliena) (1). L'audace de ces procéduriers devint même si grande, qu'il fallut prendre des mesures sévères contre eux, afin de protéger la tranquillité des citoyens honnêtes, qui n'étaient pas toujours à l'abri de leurs poursuites trop zélées (2).

Enfin la loi Cicereia d'après Gaïus (3) vint encore compléter cet ensemble de dispositions favorables aux cautions. Le nom de cette loi est resté longtemps illisible sur le palimpseste. La terminaison eia apparaissant seule, elle fut appelée Pompeia par quelques savants, qui attribuaient sa rogation à Pompéius Rufus, consul avec Sylla en 666. Des réactifs plus puissants, employés récemment par Studemund, sont venus rétablir la vérité en faisant apparaître nettement le véritable nom de cette disposition législative (4).

La date de cette loi est incertaine, mais elle a dû être portée dans l'intervalle des années séparant la loi Apuleia (652) de la loi Cornelia dont nous nous réservons de re

1. Tite-Live. Ilist. Rom. Livre III, Édit Panckoucke, 1re série, tome II, p. 220. 2. Ihering. Tome IV, pages 107 et suiv.

3. Gaïus, C. III, § 123.

4. Revue de législat. franç. et étrang. 1876, page 54. Étude de M. Appleton.

chercher la date; elle vient, en effet, augmenter la rigueur des dispositions contenues dans la loi Furia, en décidant que le créancier, avant l'engagement des sponsores ou des fidepromissores, devait déclarer à haute voix (prædicare palam et declarere), l'objet de l'obligation et le nombre des cautions obligées à la dette. Si cette indication n'avait pas été faite par le créancier, cette loi Cicereia donnait aux adpromettants une action préjudicielle pour se faire décharger de leurs engagements (1).

C'est ainsi qu'insensiblement les tribuns du peuple avaient accumulé les restrictions légales autour de ces divers modes d'engagements accessoires. Le parti du peuple ayant été écrasé par Sylla, un mouvement en sens contraire dans la législation devenait inévitable.

La loi Cornelia applicable aux sponsores aux fidepromissores et aux fidejussores, dont les motifs et les effets ne se détachent pas nettement à la première lecture, peut être considérée comme une loi de réaction. Elle fait partie de cet ensemble de lois, connu sous le nom de législation Cornélienne, édicté sous le premier consulat de Sylla (666) ou sous sa dictature (673) (2).

Aux termes de cette loi, il est interdit, sous peine de nullité de l'engagement accessoire de s'obliger pour le même débiteur envers le même créancier dans la même année pour plus de 20.000 sesterces, soit 3.800 francs de notre monnaie.

1. Gaïus, C. III, § 123. Voir cours spécial de M. Lanusse.

2. Mommsen. Hist. Rom. tome V, page 247, in fine.

« PreviousContinue »