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ration de pain à ce peuple vraiment malheureux, les bénédictions succéderaient aux murmures.

Des cit. venant de Marseille, et autres villes du midi, se plaignent amèrement des horreurs commises dernièrement sur les patriotes de ces contrées, et en accusaient Cadroy et ChaudronRousseau.

L'on est scandalisé en traversant les Tuileries le soir, du côté de l'eau, du libertinage et de la licence qui y règnent entre les soldats et les filles publiques.

Tous les soirs grand rassemblement d'agioteurs au café Vacelet, rue Montmartre; les propos les plus séditieux, les intentions les plus contrerévolutionnaires.

Le ministre Charles Delacroix est devenu, dit-on, un royaliste outré; on va le destituer pour mettre à sa place un terroriste. Le Louis, ce matin 4,200 lv., est ce soir à 5,400.

Le nommé Boquillon1 est un des 12 commissaires que le pouvoir exécutif a nommés pour surveiller Paris; il est chargé des sections du Roule, des Champs-Elysées, des Tuileries et des Gardesfrançaises. Beauvallon, ancien garde-du-corps, qui jadis a été arrêté par le Comité de sûr. gén. pour fait de royalisme et pour l'avoir prêché ouvertement dans les cafés, est son secrétaire.

Bruit que les jeues gens se rassemblent dans la vallée de Montmorency; personne n'y veut croire.<<

Extrait d'un rapport du même jour. »Cette nuit 2 les patrouilles très-fréquentes, des rondes de police multipliées; aucune église n'a été ouverte; quelques femmes se sont présentées dans divers endroits aux portes des églises, croyant qu'on y célébrerait la messe de minuit; la plupart se retiraient paisiblement, voyant les portes fermées; on n'a remarqué de rassemblement et de mécontentement qu'à la porte de l'église Ste. Marguerite, où les femmes se plaignaient qu'on empêchât l'exercice de leur culte.

Houdeyer.<<

Extrait d'un rapport du même jour. »On crie beaucoup contre les fournisseurs; on leur reproche des dépenses scandaleuses,

1 V. ci-dessus le rapp. du 16 frimaire.

2 La veille de Noël.

notamment au juif Mayer qui, dit-on, donne souvent à manger à des députés et à des ministres. On dit qu'un repas donné par lui à dix personnes, il y a quelques jours, a coûté 300,0001v..

Houdeyer.<<

» Paris le 5 nivose l'an 4 de la république française.

Esprit public. Pendant la journée d'hier, la tranquillité de Paris n'a été troublée par aucun évènement digne de remarque. Les rapports de la surveillance de ce jour nous donnent à connaître que l'esprit public s'attiédit.

Les causes que tout homme raisonnable peut assigner à cette oscillation populaire, sont toujours les mêmes que celles consignées depuis longtemps dans notre rapport journalier, telles que: Les promesses toujours illusoires d'un soulagement prochain, la durée d'une guerre sanglante et interminable, la prolongation d'une misère qui n'a point d'exemple, le renchérissement excessif de toutes choses, la presque nullité du papier-monnaie, la cupidité mercantile, et enfin le brigandage des affameurs du peuple connus sous le nom d'agioteurs, qui jouent d'une manière aussi scandaleuse qu'indécente, à la hausse et à la baisse, la fortune et la vie même de leurs semblables.

1

Tous ces fléaux accumulés fatiguent le peuple à l'excès, lui font perdre tout à la fois patience, courage et confiance, et provoquent 1 sespla intes, ainsi que ses murmures.

En ajoutant à des circonstances aussi difficiles les intentions perfides des malveillants de toute espèce, toujours habiles à profiter des occasions favorables à leur système désorganisateur, on aura la juste mesure du mal présent, et du remède efficace et prompt, nécessité par l'urgence des conjonctures.

Du pain, plus d'aisance: voilà les moyens qu'il faut mettre en œuvre pour consolider la république, contribuer au bonheur du peuple, ressusciter ses heureuses dispositions, et les seuls propres à anéantir sans retour tout projet liberticide.

Jobay mé trouve beaucoup de partisans; on dit que le conseil des 500 se conduit, on ne peut plus mal, envers le nouveau tiers qui ne tardera pas à être mis dans les fers. On s'attend toujours à une secousse.

Un Nantois assurait, au café Italien, que c'était Santerre.

1 Autre rapport: » sans relâche.<<

qui avait fait passer des armes aux rebelles de la Vendée, et que l'on ne concevait pas, dans ce pays, comment on avait pu remettre cet homme en liberté.

On espère les plus heureux effets de l'emprunt forcé; mais, après son recouvrement, on voudrait, que l'on rapportât le décret qui déclare l'argent marchandise, et qu'on ne laissât en circulation que les assignats de 25 jusqu'à 500 liv.. Ce sont surtout les fermiers que l'on voudrait voir fortement imposés.

Le bruit court, que le général Pichegru est dans ce moment à Paris incognito, et qu'il y est venu demander au directoire cinquante mille hommes et cent millions en numéraire.

L'on prétend que les agioteurs de Paris ont envoyé dans les principales villes de commerce, des hommes pour y faire monter le louis à 10000 liv..

Le louis s'est couché à 5600liv.. Les vols se multiplient d'une manière effrayante; la maison du ministre des Etats-unis, à la barrière de Clichy, vient d'être pillée.

Malgré les recherches des agents chargés de reconnaître les jeunes gens, il en échappe beaucoup à leur surveillance. Plusieurs d'entre eux se procurent des assignats des Chouans, à tout prix, pour se jeter chez eux, lorsqu'ils sortiront de Paris. Quelques-uns se trouvant à l'opéra, où il est survenu une dispute, et croyant que ce spectacle était cerné, ont employé tout leur courage à chercher les moyens de se cacher sous les banquettes et dans les loges. On dit que leur départ occasionne beaucoup de fermentation dans la séance, et que l'on y force de partir jusqu'à des hommes mariés de 35 à 40 ans.

Culte catholique. Hier (Fête de Noël) il y a eu grande affluence de monde dans les édifices déstinés au culte, dont les cérémonies se sont faites avec décence; il ne s'y est rien passé de contraire aux principes adoptés par le gouvernement.

Un inspecteur rapporte que beaucoup de jeunes gens cherchent à se soustraire à la réquisition et persistent à ne point partir.

Un autre déclare que l'opinion royaliste gagne dans les halles et marchés jusqu'aux femmes, qui ne ménagent pas les épithètes les plus sanglantes contre le gouvernement actuel, en affectant de le confondre avec celui de la Convention.

Un troisième expose qu'il lui arrive de rencontrer très-fréquemment une assez grande quantité d'hommes, dont les principes politiques lui ont toujours paru suspects; couverts d'une houppelande sur les épaules, à laquelle se trouve un petit liséré blanc. Il ajoute qu'il ne fait cette observation que parce que, jusqu'alors, il n'en a encore vu qu'à ces sortes d'individus.

Cafés. Il n'était bruit hier que de l'affaire importante que l'on assure s'être passée sur les bords du Rhin. Tous les bons patriotes, en vue d'une paix tant désirée, désirent que cette nouvelle heureuse des avantages obtenus par les armes de la république puisse se confirmer; mais le public s'étonne, que le directoire exécutif n'en ait pas encore fait part officielle. Ce retard jette des doutes sur cette victoire qui, dit-on, si elle a eu lieu, doit avoir été très-meurtrière.

Dans plusieurs cafés, Corraza [Corazza], du Caveau et Conti, quantité d'individus qui, par leurs discours, paraissaient être amis du gouvernement, se plaignaient du peu de lumière dont l'administration de police est entourée. Si, disaient-ils, un nombre infini d'émigrés restent dans Paris, c'est par sa facilité à accorder des visa de passeports, et par son insouciance à faire feuilleter les registres des teneurs de maisons garnies. Cette administration fait beaucoup de poussière, croit en savoir autant que Sartines, mais elle est bien loin d'avoir son génie; Sartines n'eût pas laissé échapper trois émigrés qui, il y a quelques jours, sont descendus dans la rue St. Dominique, et sont partis après avoir ramassé tout ce qu'il y avait d'or sur la place, et du nombre desquels était un nommé Thibaudière.

D'après des renseignements qu'on s'est procurés, il y a dans une des maisons garnies de Paris un Anglais qui recrute des jeunes gens pour la Vendée, et auxquels il donne un louis par jour; en parcourant ces maisons, la police peut aisément le decouvrir.

Un nommé Guérin, chirurgien, demeurant rue des Vieux Augustins n. 23, ancien doyen des Jacobins, chargé sous l'ancien Comité de salut public, avant le 9 thermidor, de la police de Paris, 1 se flatte, non seulement que le ministre de Paris, que l'on va nommer, culbutera celui de l'intérieur, mais encore qu'il deviendra possesseur du bureau d'esprit public de ce dernier, ayant envoyé au Directoire un plan que ses employés ont rédigé sous ses yeux.

Café Chrétien. La dénonciation faite contre Rovère par l'Ami du peuple, et le triomphe que ce rédacteur a paru remporter sur Cadroy, donne l'espérance aux habitués de ce café, de voir dénoncer tour à tour les députés qu'ils haïssent (les thérmidoriens) et chasser des deux conseils tous ceux qui ne sont pas de leur clique; alors ils s'attendent à un mouvement qui fera rentrer provisoirement les députés Jacobins expulsés, et cette époque ne leur paraît pas éloignée; s'ils ne parviennent pas à organiser une insur

1 V. sur cet agent de Robespierre T. II. p. 208 et 238.

rection qui puisse tourner sur le champ en leur faveur, ils se proposent de soulever, sous main, les royalistes, afin de profiter alors des mesures que le gouvernement sera forcé de prendre.

On y a lu une lettre d'une commune des environs de Chantilly, qui annonce que les patriotes commencent à y reprendre le dessus, et qu'ils demandent des instructions pour établir une société à l'instar de celle du Panthéon. Cette lettre a causé la joie la plus vive, et a déterminé plusieurs des sociétaires aisés à parcourir les départements pour faire des prosélytes. La femme de Sijas court, s'agite, intrigue, prêche les ouvriers et veut absolument venger la mort de son mari. Les hommes ne cessent de se plaindre de ce que les bureaux du gouvernement ne sont remplis que de sectionnaires royalistes et d'antipatriotes.

Société du Panthéon. On y a adopté un projet d'adresse au peuple qui sera incessamment affichée et qui fera le 9° N° de la Vérité au peuple etc.

On y a lu une lettre, dans laquelle on attribue la victoire remportée en Italie, à la destitution du général Kellermann et à son remplacement par le général Schérer.

Un membre a communiqué un long travail sur le moyen de terminer la guerre de la Vendée, en faisant un appel général à tous les patriotes. Ce travail est terminé par un projet pour remettre toutes les choses de première nécessité au prix de 90.

L'on pense dans le public que cette société ainsi que celle des Quinze-vingts, presque en entier composées d'ouvriers et d'anciens comitaires, sont organisées et animées par celle de l'hôtel de Noailles, à la tête de laquelle sont plusieurs membres des 500 qui se proposent d'anéantir l'autre conseil; que le bal qui se donne chez Cardinaux n'est qu'un prétexte pour attirer du monde et faire des prosélytes; qu'enfin cette société se propose de faire placer dans les départements les patriotes trop connus à Paris, et à Paris ceux trop connus dans les départements.

Pain. Quoique la plus parfaite tranquillité règne toujours aux portes des boulangers, et que leurs distributions se fassent généralement avec ordre, de tous côtés les oreilles sont frappées des plaintes les plus amères. Le peuple accuse le gouvernement d'oublier ses plus pressants besoins, et de voir avec indifférence la misère s'accroître de jour en jour.

Bruits. Le bruit court qu'il va y avoir sous peu une réquisition de tous les citoyens depuis 18 jusqu'à 35 ans. On dit à cette occasion:,,Il faut donc que nos affaires aillent bien mal sur la frontière, puisqu'on en vient à une pareille extrémité."

Agioteurs. Les sages mesures que le gouvernement a prises

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