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qu'il a désignés. Ainsi, par exemple, le commissionnaire auquel on a demandé des vins de Bordeaux n'aurait pas rempli la commission s'il achetait des vins de Marennes coupés avec des vins de l'ile de Ré (Bordeaux, 3 fruct. an 8) (1). Dans ce cas le commettant ne peut être obligé de prendre livraison des marchandises; elles restent au compte du commissionnaire.- V. no 269. 252. Quand un commissionnaire possède des marchandises de la nature de celles qui lui sont demandées par le commettant, il peut écrire à ce dernier pour l'informer de cette circonstance. Il ne serait point en faute pour les avoir expédiées aux prix fixés par la commission, si ce prix n'était pas supérieur à celui du cours de la place. Car sa double qualité de vendeur et d'acheteur l'oblige à agir avec la plus grande circonspection. Ainsi, pour la qualité des marchandises, il doit bien faire attention, dans cette circonstance, à suivre en tout point les instructions qui lui sont données. Toutefois, si un délai suffisant lui était accordé, il devrait attendre la réponse de son commettant à l'avis qu'il lui aurait donné de ce qu'il avait lui-même à vendre les marchandises qu'on le priait d'acheter. Lorsqu'il agit sous son propre nom, et non en celui du commettant, il importe peu qu'il livre ses marchandises ou d'autres qu'il a achetées, pourvu qu'il les vende à un prix qui ne soit pas supérieur à celui coté sur la place, et qu'en outre la qualité soit convenable. Quant au droit de commission qui lui est accordé pour l'exécution du mandat, il doit s'en expliquer dans sa correspondance, car, à défaut de consentement exprès du commettant, cette commission ne lui serait pas due, puisqu'en réalité il aurait fait sa propre affaire (V., en ce sens, MM. Persil et Croissant, p. 49).—V. no 55. 253. On ne peut pas faire de doute aussi que le commis

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(1) Espèce. (Delaitre C. Dufresne.) Delaitre, de Brest, charge Dufresne, de Bordeaux, de l'achat d'une certaine quantité de vin de la dernière récolte, bien logé, bien couvert et droit de goût. Le 14 prair. an 6, le commissionnaire adresse à son commettant le connaissement de huit tonneaux trois quarts de vins, déposés, le 7 du même mois, sur le bateau la Rosalie, capitaine Rousseau, directement destiné pour Brest. Le bateau fut obligé de relâcher à Quimper. Delaitre eut connaissance de cet événement. Dans une réponse qu'il fit à Dufresne, qui lui avait fait des reproches de ce qu'il n'avait pas accusé réception de la facture, il déclara positivement qu'il ne prendrait pas livraison des vins, s'ils étaient de la même qualité que douze tonneaux qui lui avaient été précédemment envoyés.— An 7, le capitaine Rousseau, qui était resté à Quimper, assigne Guerin, commissionnaire de Delaitre, devant le tribunal de commerce, pour le faire condamner à prendre livraison des huit tonneaux, et à lui payer le montant du fret. Guerin demande la vérification des vins. Cette vérification est ordonnée par jugement du 12 vend. an 7. Les experts y procèDelaitre, ne dent et déclarent que les vins sont de mauvaise qualité. pouvant recevoir ces vins, en fait ordonner l'entrepôt pour le compte de qui il appartiendra, et assigne Dufresne devant le tribunal de commerce de Bordeaux, pour faire déclarer que le vin entreposé restera pour son compte, et le faire condamner à lui rembourser le coût et le montant de la facture. Dufresne soutient que le procès-verbal de visite n'ayant été fait que quatre mois après l'arrivée des vins, il ne peut être responsable pendant un aussi long espace de temps. Le 28 therm. an 7, jugement qui accueille ce moyen. Appel. Jugement.

LE TRIBUNAL; Considérant que, lorsque le sieur Delaitre chargeait un négociant de Bordeaux de lui envoyer des vins de la dernière récolte, dont il désigne les qualités qui se rapprochent le plus de celles qui appartiennent aux vins communs, sous la dénomination générale de vins de Bordeaux; lorsqu'il lui désignait un prix qui convenait à cette qualité de vin, et qu'il lui remettait des fonds proportionnés au montant des vins qu'il demandait, on ne peut pas supposer que le sieur Delaitre entendit qu'on lui envoyât des vins de la qualité la plus inférieure, et totalement étrangers à ce qu'on appelle vins de Bordeaux; qu'il est établi par le rapport des experts que c'était du vin de Marennes, coupé avec du vin de l'ile de Ré; que les futailles qui contenaient ce vin étaient absolument différentes de celles que l'on fabriquait à Bordeaux; que toutes ces circonstances forment autant de preuves que le sieur Dufresne n'avait fidèlement exécuté le mandat que le sieur Delaitre lui avait donné; que celui-ci avait été fondé à refuser de recevoir les vins, et à lui demander la remise des fonds qu'il lui avait confiés; Reçoit le sieur Dufresne opposant envers le jugement par défaut rendu par le tribunal de la Gironde; remet les parties au même et semblable état qu'elles étaient auparavant; et, faisant droit de l'appel interjeté par le sieur Delaitre du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux, du 28 therm. an 7, quant au chef qui concerne ledit vin; émendant, déclare que les huit tonneaux trois quarts de vin dont s'agit restent aux périls et risques et pour le compte du sieur Dufresne; en conséquence, le condamne par corps, conformément à l'art. 4

pas

sionnaire ne soit tenu d'accomplir le mandat dans le délai qui luf est imparti. Si le commettant indique qu'il veut que la commission soit exécutée tout de suite, ces mots doivent être entendus d'un délai moral suffisant pour que le commissionnaire puisse se conformer aux intentions de son mandant. Ainsi le commettant qui a donné un pareil ordre ne peut refuser les marchandises à lui expédiées sous le seul prétexte que le commissionnaire aur ait pu charger la marchandise sur des navires qui ont quitté le li eu d'expédition depuis le moment où la commission a été reçu e, si les retards ne peuvent être imputés au commissionnair e (Bruxelles, 20 juin 1819, aff. Garonne, V. no 255).

254. C'est ainsi qu'il a été jugé que le commettant qui' demandait des marchandises au cours de la réception de la lettre qui contient cette demande, peut refuser les marchandises si elles ne lui sont pas expédiées immédiatement (Rennes, 18 janv. 1815) (2). C'est là une affaire d'interprétation.

255. On a dit que, même au cas où le commissionnaire dépassait le prix qui était fixé par le commettant, ce dernier devait être contraint de recevoir les marchandises qui lui seraient expédiées, si celui-là offrait de payer la différence entre le prix réel et le prix déterminé. Cette décision, toute d'équité, doit être suivie dans la pratique (M. Pardessus, t. 2, no 572). – De telle sorte que si un commissionnaire chargé d'acheter des marchandises à un prix déterminé, et de convenir des frais de transport également à un prix determiné, dépassait le prix fixé pour le transport, le mandat ne serait pas, par cela seul, réputé non avenu; le commissionnaire serait tenu de l'excédant de la limite du prix du transport (Bruxelles, 20 juin 1819) (3).

256. Mais si le prix des marchandises et le prix du transport

du tit. 6 de la loi du 15 germ. an 6, à rembourser au sieur Delaitre la somme de 4,948 liv. 12 s., prix de la facture dudit vin et accessoires, avec les intérêts légitimes.

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Du 3 fruct. an 8.-Trib. d'appel de Bordeaux.

(2) (Coutancin, etc. C. Boileau.) - LA COUR; Considérant que

tout mandataire est tenu de se conformer exactement aux intentions du mandant, telles qu'elles résultent des termes dans lesquels est conçu le mandat; Que, par sa lettre du 28 avril dernier, Boileau prescrivait à Coutancin et Collet de charger pour son compte des esprits de vin au cours de la réception de sa lettre, et de lui répondre par le retour du courrier; Que les expressions de cette lettre, « chargez-moi six tierçons d'esprit trois-six au cours de la réception de ma lettre », équivalent implicitement à l'ordre précis d'expédier immédiatement après cet ordre reçu; -Que les appelants, loin d'exécuter ponctuellement ce mandat, n'ont fait charger les tierçons d'esprit de vin que le 2 juin suivant, c'est-à-dire vingthuit jours après avoir reçu la commission d'acheter et d'envoyer de suite; Que ce retardement dans l'expédition doit d'autant mieux leur être imputé, qu'ils auraient pu faire partir les pièces d'esprit de vin au moins les 13 ou 14 mai, puisque, suivant la lettre du 5 du même mois, ces esprits ont dû être livrés à cette époque, et que d'ailleurs ils ne pouvaient ignorer alors le reproche de lenteur et de négligence que leur avait fait leur commettant par sa lettre du 9 qu'ils déclarèrent avoir reçue le 12; — Dit qu'il a été bien jugé, etc.

Du 18 janv. 1815.-C. de Rennes.

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(3) Espèce (Garonne C. N...)- Le 10 sept. 1818, le sieur Garonne, négociant-commissionnaire à Marseille, fut commis par une maison de commerce d'Anvers d'acheter deux cents sacs de riz de Piémont, au prix de 24 fr., fret de 55 à 60 fr., avec ordre d'expédier de suite. Il répondit, le 26 septembre, qu'il s'était assuré place pour eux sur le navire américain l'Eugène. Le 28, il leur annonça l'achat de deux cents sacs de riz qu'il avait obtenus à 25 fr. 50 c.; mais quant au fret, il l'avait stipulé à 75 florins par 2000 kilogr. Enfin, le 1er oct., il envoya à ses commettants le connaissement de ces deux cents sacs de riz, ainsi que sa fac ture montant à 8,404 fr. 50 c. - Les négociants d'Anvers répondirent à leur commissionnaire que, puisqu'il avait outre-passé leur limite, ils laissaient l'expédition pour son compte. Le sieur Garonne les assigna de vant le tribunal de commerce, qui rendit, le 10 déc. 1818, le jugement suivant: «Considérant qu'il résulte du procès que les défendeurs ont donné au demandeur l'ordre d'acheter pour leur compte deux cents sacs de riz, sous les restrictions et réserves de ne pas outre-passer le prix de 24 fr. le quintal; de ne le mettre à bord qu'au prix de 60 florins par laste, et de faire l'expédition de suite et sans retard; Que le demandeur n'a pas dénié d'avoir été, sur ce pied, revêtu du mandat dont il s'agit, et qu'il est convenu que le navire à bord duquel il avait fait transporter et charger ledit riz, le 28 septembre dernier, n'était parti que le 1er nov.; ce qui porte évidemment atteinte à la condition d'expédier sur-le-champ les marchandises, et par conséquent au mandat, étant prouvé que plu-.

-

étaient déterminés séparément, devrait-on combiner les deux prix et dire que, dans le cas où la somme pour laquelle le commissionnaire a traité ne dépasse pas la somme totale qui résulte de cette combinaison, ce commissionnaire n'a pas excédé les bornes de son mandat? Il a été décidé qu'il y avait en ce cas deux opérations distinctes, et que, dès lors, si le prix d'achat des marchandises était inférieur au prix fixé par le commettant, c'était un bénéfice acquis à ce dernier, et que, par conséquent, le commissionnaire, ayant dù se conformer à ses instructions pour le transport, était passible de l'excédant de prix (Bruxelles, 20 juin 1819, aff. Garonne, no 255). Néanmoins, dans cette espèce, les circonstances ont eu une large part d'influence sur la décision des magistrats. Nous n'admettrions pas comme règle absolue la solution qu'ils ont donnée à la question, car il est au contraire de principe constant que le mandat peut être rempli par des équivalents. C'est ce que Voët exprimait ainsi : « Mandati autem fines excessisse non videbitur qui mandatum implevit per equivalens, quoties non interest man

sieurs navires qu'on aurait pu affréter pour le transport du même riz étaient dans cet intervalle en partance au port de Marseille; qu'ils ont mis à la voile après ledit jour 28 septembre, et bien avant le 1er novembre, et qu'ils sont depuis quelque temps arrivés au port d'Anvers; Qu'une seconde atteinte portée aux lois du mandat, c'est qu'au lieu de charger le riz au prix limité du mandat, le demandeur l'a charge à 73 florins, plus 10 pour 100 d'avarie et chapeau, et 3 florins de gratification par laste de 200 kilogr.; que la compensation que le demandeur prétend faire du prix d'achat des marchandises, qui a eu lieu au-dessous des limites, et le prix du fret qui les dépasse de beaucoup, est inadmissible, par la raison qu'il ne lui était pas loisible de changer les lois du mandat, étant obligé de s'y conformer strictement, d'après l'art. 1989 c. civ.; Par ces motifs, le tribunal dit pour droit que les défendeurs ne sont point, dans les circonstances, tenus d'aucun chef dudit mandat. »— Appel par Garonue. — Arrêt.

LA COUR; Attendu que la quantité de deux cents sacs de riz de Piémont, que les intimés avaient ordonné à l'appelant d'acheter pour leur compte, ne pouvant former le chargement d'un navire, il fallait nécessairement le concours d'autres marchandises pour compléter la totalité de la cargaison; - Atter du qu'il est établi au procès que les intimés ont été informés par l'appelant que les navires manquaient; qu'il était possible que, s'il pouvait offrir une cargaison entière au premier navire qui arrivera, il obtienne le fret de 70 à 75 florins par laste, et que c'est ainsi qu'il pourra les faire participer à une expédition;-D'où il suit que l'expédition de suite, exigée par les intimés comme condition de leur mandat, était, par la nature des choses, subordonnée à un temps moral qu'il fallait aux propriétaires des autres marchandises, ainsi qu'au capitaine, pour procurer la pleine charge du navire; ce qui devait influer sur la diminution du fret, comme cela a eu lieu dans l'espèce, le prix du fret ayant été réduit de 75 à 73 florins par laste; - Attendu qu'il est encore constant dans la cause que, dès le 25 sept. 1818, il a été, par l'appelant, pris place dans la charte-partie pour deux cents sacs de riz ; qu'il a effectivement acheté une telle quantité pour compte et à l'ordre des intimés, laquelle fut immédiatement chargée dans le brick américain l'Eugène, capitaine Desterbicho (le seul navire annoncé sous charge dans le port de Marseille pour Anvers, le 27 sept. 1818, les intimés n'ayant point justifié qu'il y en eût eu d'autres ce jour-là dans ledit port), et que ce fut le 1er octobre que la facture a été transmise aux intimés, accompagnée du connaissement à leur ordre, daté du 28 septembre, ainsi qu'ils l'avaient demandé le 10 septembre precédent; — Attendu que le connaissement à ordre prouve la propriété des marchandises chargées, soit entre le capitaine et le chargeur, soit à l'égard des tiers; et que, dans le commerce maritime, un tel connaissement produit le même effet que des lettres de voiture, des lettres de change, billets à ordre et endossements y apposés, dans le commerce de terre;

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En ce qui touche la hauteur du fret: Attendu que les intimés n'ont point fixé le prix de 60 florins par laste, comme condition suspensive, sans laquelle ne pourrait s'effectuer l'achat du riz fixé à 24 fr. par quintal; que, d'ailleurs, les intimés ne qualifient que de recommandation, dans leur lettre du 12 septembre, ce qu'ils avaient nommé condition deux jours avant, 10 du même mois; Attendu que l'appelant, en acceptant cette commission, se trouvait ainsi investi d'un pouvoir spécial, pour traiter de deux objets distincts et séparés à des prix respectivement relatifs, l'un à la marchandise, l'autre au fret, et sous la dénomination de monnaies différentes, correspondant à chacun de ces deux objets; - Attendu que l'appelant ayant pu acheter les riz à 50 centimes par 100 livres au-dessous du prix qui lui avait été fixé, c'était là un bénéfice acquis à ses commettants, qui ne l'avaient point autorisé à outre-passer le prix du fret restreint à 60 florins par laste, et que, dans les circonstances de la cause, le mandat spécial est de sa nature obstatif à ce qu'il puisse s'accomplir par équipollence ou par compensation des limites; qu'ainsi l'ap

dati an secundùm formam mandato præferitam, an eo quo nunc impletum, modo finis impositus sit » (Ad Pandectas, tit. Man| dati, no 11). Il en résulte qu'il faut considérer si les intentions du commettant ont été pleinement remplies, car, en ce cas, il ne pourra former aucune plainte sous prétexte qu'on ne s'est pas conformé à ses instructions.

257. Lorsqu'une commission a été donnée pour être exécutée dans un certain délai, il peut résulter des circonstances dans lesquelles se trouve le commissionnaire qu'il y a impossibilité pour lui d'exécuter le mandat. Si plus tard les circonstances changent et deviennent favorables à l'accomplissement de la commission, le commissionnaire qui en donne avis à son commettant, semble, dans le silence de ce dernier, être autorisé à faire l'achat dont il a été chargé le commettant est en faute de ne pas lui avoir répondu dans un temps convenable et d'avoir laissé supposer ainsi qu'il acceptait la proposition qui lui était faite : c'est au moins ce qui a été jugé (Liége, 16 mars 1812) (1). — Mais cela est rigoureux lorsque, comme ici, six mois se sont écoulés, et il

pelant est passible de cet excédant de 13 florins par laste; -Attendu que les intimés ne sont pas fondés, à cause de cet excédant qui ne doit pas être alloué à l'appelant, à lui refuser le remboursement des avances et frais d'usage faits par lui pour l'exécution du mandat qu'ils lui ont donné, et qu'il ne leur a pas été permis de renvoyer arbitrairement, le 12 oct. 1818, la facture et le connaissement à ordre qu'ils avaient gardés devers eux pendant deux à trois jours, non plus que de refuser de faire les assurances, comme ils s'y étaient formellement obligés; que, par conséquent, en soignant ces assurances, l'appelant a encore fait une impense nécessaire dont il doit également être tenu indemne; que l'opposition des intimés est d'autant moins raisonnable qu'ils sont en aveu formel que les riz dont il s'agit, loin d'être en baisse à Anvers, pouvaient y être négociés avec bénéfice;

Au surplus, vu la loi du 15 germ. an 6, et attendu qu'il s'agit d'uné affaire de commerce; Met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, condamne les intimés, par corps, à payer à l'appelant, 1° la somme de 8,404 fr. 50 c., en monnaie des Pays-Bas, 3,971 fr. 12 c., montant de deux cents sacs de riz de Piémont (les 2 pour 100 de commission et frais accessoires d'usage compris), desquels les intimés sont tenus de prendre livraison de ladite quantité de deux cents sacs de rız, avec faculté néanmoins de déduire sur ladite somme adjugée celle de 13 florins par laste, formant l'excédant du prix par eux fixé pour le fret; 2o là somme de 229 fr. 50 c., en monnaie des Pays-Bas, 108 fr. 43 c., montant de la prime d'assurance, frais compris, que l'appelant a déboursés; le tout avec les intérêts de 6 pour 100, depuis que lesdites sommes ont été avancées par l'appelant jusqu'à leur remboursement effectif. Du 20 juin 1819.-C. sup. de Bruxelles, 2 ch.

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(1) Espèce (Scheibler C. Garcia.) — Au mois d'août 1802, Bernard Scheibler, fabricant de draps à Montjoie, donne commission à un commis voyageur de la maison Garcia, de Séville, en Espagne, de dix pipes d'huile d'olive pour fabrique, à expédier par le premier navire partant de Cadix ou de Séville à la destination d'Anvers ou d'Ostende. Six mois s'écoulent sans que Scheibler reçoive aucune nouvelle de la maison d'Espagne. En février 1803, il reçoit une lettre par laquelle on s'excuse de n'avoir pas fait la commission, en lui annonçant qu'on ne l'a pas perdue de vue. Au mois d'avril, nouvelle lettre qui annonce l'embarquement des dix pipes d'huile à Cadix. Scheibler garde le silence sur ces deux lettres. Un mois après, une troisième lettre prévient du départ du navire, et en transmet le double connaissement. A l'époque de la réception de cette dernière lettre, la guerre était sur le point d'éclater entre l'Angleterre et la France; et Scheibler, prévoyant le sort que le navire pourrait éprouver, rompit le silence, et annonça qu'il n'entendait pas accepter les marchandises.

Le vaisseau fut pris en effet. Une instance s'engagea devant le tribunal de commerce d'Aix-la-Chapelle, pour savoir qui devait supporter la perte des huiles.-Jugement ainsi conçu :-« Attendu qu'il conste, en fait, 1° qu'une commission de dix pipes d'huile a été donnée par le défendeur au voyageur du demandeur; 2° qu'en janvier 1803, le demandeur a écrit au défendeur qu'ayant été empêché par des affaires de famille de mettre plus tôt la main à l'exécution de cette commission, il allait l'expédier au plus tôt; 3° que, ni avant, ni après la réception de cette lettre, le défendeur n'a point écrit au demandeur pour résilier et lui contremander la commission; qu'enfin, il n'a répondu qu'en date du 10 mai 1803, après qu'il avait encore reçu deux autres lettres du demandeur; qu'il avait déjà appris le départ du vaisseau portant la marchandise, et qu'il appréhendait déjà les suites de la guerre, comme il l'annonce dans ladite lettre même; Attendu que le contrat de commission, arrêté entre les parties, n'a donc point été résilié par le défendeur, qui n'a écrit que lorsque la chose n'était plus entière, savoir: après le départ du vaisseau, dont il a été instruit par lettres du demandeur beaucoup antérieures; —

faudrait, suivant nous, que la lettre du commissionnaire fût bien catégorique et qu'elle annonçât d'une manière bien expresse qu'il allait s'occuper, à moins de contre-ordre, de la demande àlui faite, pour que le silence du commettant pût le faire considérer comme tenu de recevoir les marchandises. C'est surtout lorsqu'à raison des circonstances, on doit supposer que la proposition d'envoi a été totalement abandonnée, qu'il serait imprudent de faire l'envoi sur la simple considération que le commettant n'aurait pas répondu à une lettre qui, d'ailleurs, pourrait n'annoncer aucune intention de consommer l'achat, dans le cas où celui-ci omettrait de répondre; le silence devant bien plutôt, en hypothèse pareille, faire considérer la commande comme entièrement abandonnée. Au reste, tout dépend des circonstances qui, ainsi qu'on a pu le voir, jouent un grand rôle dans cette matière.

258. Toutefois, il ne peut pas dépendre du commissionnaire de retarder indéfiniment l'exécution de la commission, ou de l'exécuter après avoir laissé passer le délai déterminé par le commettant. C'est que ce dernier, au cas où la commission n'a pas été exécutée dans le temps imparti, peut s'être pourvu ailleurs, ou bien encore il peut avoir de justes raisons de craindre que l'opération qu'il croyait bonne ne devienne mauvaise. Il a même été jugé que lorsque le commissionnaire chargé d'acheter exécutait le mandat postérieurement au délai fixé et livrait les marchandises au consignataire qui les acceptait, le commettant pouvait refuser de ratifier cette opération et laisser ces marchandises au compte du commissionnaire (Req., 20 fév. 1817) (1). 259. Le commettant qui, après avoir donné un délai pour l'exécution de la commission, viendrait à le prolonger, aurait

Attendu, au surplus, qu'il est homologué par les usages du commerce, que des négociants liés par des relations commerciales, comme c'est le cas dans l'espèce, sont tenus de répondre aux lettres et avis qu'ils s'adressent, et que la non-réponse emporte consentement; - Attendu que ce principe est d'autant plus applicable à l'espèce, qu'autrement le demandeur eût été mis dans la position la plus critique par le fait du défendeur, tandis que celui-ci n'eût couru que des chances favorables, vu qu'en n'expédiant pas, le demandeur, après la lettre du 29 janv. 1803, devait s'attendre à des reproches et à des actions en dommages-intérêts, et qu'en expédiant, il risquait des refus de la part du défendeur, lequel défendeur, au contraire, dans cet état d'incertitude, eût pu attendre l'issue de la chose, et se décider après, pour l'alternative la plus favorable; tendu, par conséquent, que, par la susdite lettre du 29 janv. 1803, et la non-réponse du défendeur, le contrat primitif a été modifié, en ce que le demandeur expédierait au plus tôt la commission, à partir de la date de la susdite lettre; - Attendu qu'il ne conste pas que le demandeur, depuis cette lettre, ait mis de la négligence et du retard dans ladite expédition, ce qui aussi ne lui est pas reproché; le tribunal condamne le défendeur au payement de la somme libellée, ainsi qu'aux frais et dépens, etc. » — Appel par Scheibler; Arrêt.

At

LA COUR; Attendu que, dès qu'il y avait eu une vente consentie entre les parties, celle appelante ne pouvait se dispenser de contremander l'envoi des marchandises, lorsqu'elle fut avertie par la lettre de l'intimé, du 29 janv. 1803, que celui-ci se proposait de les expédier; d'où il résulte que ladite partie appelante, n'ayant point répondu à cette lettre, doit être censée avoir voulu accepter l'envoi, nonobstant le retard; Attendu que ce n'est qu'après avoir plaidé pendant plus de trois ans sur l'appel, que la partie intimée s'est avisée de se plaindre du jugement de première instance, en ce qu'il ne lui avait point adjugé les intérêts; Que, d'ailleurs, il existe, dans la cause, des circonstances qui ont pu déterminer les premiers juges à ne point les adjuger. - Par ces motifs, et on adoptant ceux des premiers juges; Confirme. Du 16 mars 1812.-C. de Liége, 1re ch.

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(1) Espèce: (Possel-Bazile C. Locq.) — Le 7 mars 1814, sur T'appel d'un jugement, arrêt de la cour de Montpellier, qui condamne les sieurs Possel et comp. à rembourser 14,000 fr., montant de trente barriques d'eaux-de-vie déposées pour le compte du sieur Locq, et payées par lui sur lettres de change, par le motif que l'expédition n'en avait pas été faite dans le délai du mandat donné par Locq, et enfin qu'elles n'avaient pas la qualité promise. Pourvoi pour violation de l'art. 105 c. com., en ce que l'arrêt a admis contre le sieur Possel une action en remboursement de marchandises, dont la livraison avait été faite, et le prix de la voiture payé sans réserves, bien que cet article déclare dans ce cas toute action éteinte de la part de l'acquéreur. Arrêt. LA COUR; Attendu que l'art. 105 c. com., applicable seulement aux voituriers se trouve sans application à des commissionnaires expéditeurs qui n'ont pas rempli leur engagement;- Rejette.

Du 20 fév. 1817.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Vallée, rap.

à s'imputer toutes ies conséquences fâcheuses qui pourraient résulter de cette prolongation. Ainsi, il a été jugé que si un commissionnaire a été chargé d'acheter cinquante pièces d'eau-de-vie, à raison de 290 fr. la pièce, livrables à une certaine époque, et que le commettant refuse de prendre livraison de vingt-cinq de ces pièces et obtienne un délai pour les recevoir, ce dernier doit supporter l'augmentation de valeur qui serait survenue, dans l'intervalle, sur ces marchandises (Req., 5 fév. 1817) (2).

260. Aussitôt que le mandat est exécuté et que les marchandises sont achetées, elles sont au risque du commettant. Tant que le commissionnaire les détient, il est chargé de les conserver. On a même décidé que, dans le cas où le commettant renvoyait les marchandises au commissionnaire sur le motif qu'il ne Jui avait pas donné commission, ce dernier était tenu, s'il ne voulait pas les recevoir, de faire faire le dépôt des marchandises en se conformant à l'art. 106 c. com., sous peine d'être déclaré responsable de la perte des objets (Req., 11 août 1818) (3). On a dit que le commissionnaire était soumis pour leur conservation à la même responsabilité que le dépositaire jusqu'à ce qu'il les eût expédiées. Cette assimilation n'est pas exacte, parce que le dépôt est un contrat gratuit, tandis que la commission est un contrat salarié. De sorte que la responsabilité du commissionnaire est plus rigoureuse que celle d'un simple dépositaire (Contrà, M. Pardessus, t. 2, no 573). — Du reste, il est tenu de les expédier en temps convenable, et sa responsabilité cesse du moment où il les a confiées aux personnes chargées de les faire transporter, à moins qu'il ne soit lui-même commissionnaire de transport, cas auquel sa

son.

(2) Espèce: (Rodrigues, etc., C. Dupin.) — Le 7 sept. 1815, les sieurs Rodrigues et Patto achètent du sieur Dupin cinquante pièces d'eaude-vie à 290 fr. la pièce, livrables le 28 fév. suivant. - A l'échéance vingt-cinq pièces sont livrées, quant aux vingt-cinq restant, après avoir obtenu un délai pour recevoir, les sieurs Rodrigues refusent de payer la différence dans la valeur du prix, date du 28 fév. et de celle de la livrai- Le sieur Dupin objecte que les eaux-de-vie ont successivement augmenté de valeur, et qu'il a été obligé par suite de l'inexécution du marché du 7 sept. de payer une différence pour pouvoir faire la livraison. - Jugement qui met la différence à la charge du sieur Dupin par le motif que la remise de la livraison a eu lieu en sa faveur. Appel. - Le 20 av. 1815, arrêt de la cour de Paris qui infirme et met la difference à la charge des sieurs Rodrigues: - Attendu que Dupin a été obligé pour livrer de payer une différence assez grande;- Que le délai par lui accordé n'a pu lui faire changer sa qualité de créancier en celle de débiteur; - Entin que le défaut de livraison vient des sieurs Rodrigues. - Pourvoi pour violation de l'art. 1165 c. civ., en ce que la cour cour s'est fondée sur les conventions des tiers pour ordonner l'indemnité différentielle, tandis que les obligations n'ont d'effet qu'entre les parties qui les ont signées. -Arrêt. LA COUR; Attendu que l'arrêt attaqué ne s'est aucunement déterminé par l'influence d'un marché étranger aux demandeurs en cassation; qu'il a dû en réglant les effets du marché par eux souscrit, ordonner les garanties et recours légaux résultant de l'inexécution dudit marché, et qu'en le faisant il n'a aucunement violé l'art. 1165 c. civ. ; — Rejette. Du 5 fev. 1817.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Borel, rap.

(3) Espèce (Delaye C. veuve Guillemin.) Les sieurs Delaye, expéditeurs, prétendaient qu'ils ne pouvaient être condamnés à représenter le ballot de marchandises qu'ils avaient expédié ou à en payer la valeur, car la commission étant constante, la vente s'était consommée. Les marchandises, aux termes de l'art. 100 c. com., étaient aux risques de l'acheteur.- Ce système a été rejeté par le tribunal de Vouziers, en date du 20 mars 1817, attendu que le ballot a été renvoyé ou reporté à l'expé diteur qui en est convenu, en prétendant n'avoir pas voulu le recevoir; que ledit ballot est ou doit être nécessairement dans ses mains, et qu'il serait injuste qu'il profitât des marchandises lorsqu'il avoue en avoir reçu le prix.

- Arrêt.

Pourvoi pour violation des art. 1136, 1137, 1138 c. civ. et 100 c. com. LA COUR; Attendu que les demandeurs en cassation Delaye sont convenus que le ballot dont il s'agit leur a été rapporté par les messagers ou porteurs par eux commis, d'après les contestations survenues; que les demandeurs Delaye auraient donc dû en surveiller la conservation ou faire faire le dépôt ordonné par l'art. 106 c. com., puisqu'aux termes des art. 97, 98 et 99 du même code, ils en étaient garants; qu'ainsi les violations ou fausses applications des articles cités du code civil et 100 c. com. n'existent point au cas présent; Rejette. Du 11 août 1818.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Sieyès, rap.

responsabilité est engagée jusqu'à la réception des marchandises par le commettant.-V. no 331 et suiv.

261. Quand le commissionnaire a reçu des fonds de son commettant afin de les employer à des achats, il n'en doit les intérêts qu'à partir du jour où il les a employés à son profit, ou de celui où il a été mis en demeure. Du reste, les usages sont à considérer ici dans le cas où les parties n'ont rien réglé sur ce point. Mais si le commissionnaire gardait longtemps les fonds avant d'exécuter la commission, il faudrait rechercher si le retard provient d'événements imprévus; car si l'on peut imputer quelque faute au commissionnaire, il pourra être condamné à des dommages-intérêts, pour n'avoir pas exécuté le mandat qu'il a accepté, et ces dommages-intérêts pourront, suivant les circonstances, comprendre les intérêts des sommes qui lui auront été remises (M. Pardessus, t. 2, no 573).—V. no 247. 262. Le commissionnaire doit expédier la marchandise aussitôt qu'il l'a achetée, et dans les délais qui lui sont fixés. Cette expédition le libère entièrement de toute responsabilité, car son mandat est accompli par ce fait, s'il a chargé le voiturier de remettre la chose dans le délai fixé par la commission (Metz, 16 février 1816) (1).

263. Mais, dans la pratique, il arrive souvent que le commissionnaire se trouve très-embarrassé pour expédier les marchandises qui lui ont été demandées. Les tribunaux devront apprécier les faits et les circonstances, et considérer si le mandat a été fidèlement accompli. C'est pourquoi il a été jugé qu'il pouvait ne pas y avoir faute de la part du commissionnaire qui laissait partir plusieurs navires sans y charger la marchandise qu'il devait expédier de suite, et qu'il n'était pas en faute, en ce qu'il les avait chargées à des conditions plus lourdes que celles indiquées par le commettant (Bruxelles, 20 juin 1819, aff. Garonne, V. n° 255).

264. Nous rappellerons ici ce que nous avons déjà dit, que le commissionnaire ne peut coter les marchandises qu'il achète à un prix plus haut que celui qu'il a réellement payé.-V. n° 63.

265. Le commissionnaire pour acheter est, comme tout mandataire salarié, tenu de ses fautes, et il ne peut se décharger qu'en prouvant la force majeure (V. no 65). Mais il est en faute toutes les fois qu'il pouvait éviter l'accident qui a fait périr les choses qu'il avait achetées pour son commettant, comme si, par exemple, une voiture étant prête à une heure où les troupes nationales sont encore dans la ville (six heures du matin), le commissionnaire ne les fait partir qu'après qu'elles se sont retirées en présence de l'ennemi (dix heures); ce qui a été cause qu'elles ont été pillées en route par ce dernier (La Haye, 27 janv. 1816) (2). 266. Le commissionnaire qui a fait l'avance du prix des marchandises doit en être remboursé. Ordinairement les parties conviennent du mode de remboursement. Dans le cas où elles

(1) (Desrues.) LA COUR; Considérant que Génot ayant, par sa missive du 1er avril dernier, fait à la maison Van Recum et Arnold une commande d'un tonneau de mille livres pesant de sucre, pour lui être expédié dans le plus court délai possible; cette maison lui ayant fait l'expédition dès le 5 du même mois, ainsi que cela est constaté par la lettre de voiture remise au commissionnaire Desrues et avoué par Génot lui-même, a en résulte que la maison Van Recum a pleinement satisfait à la demandé de Génot; qu'aucun retard dans l'envoi de la marchandise ne peut être imputé à cette maison; que, conséquemment, Génot ne peut se dispenser à l'égard de la maison Van Recum de prendre livraison dudit tonneau de sucre, et d'en acquitter le montant au prix convenu par la commande; Considérant que le commissionnaire Desrues ayant reçu de la maison Van Recum le tonneau de sucre dont il s'agit, le 5 avril, et s'étant obligé par la bonne lettre de voiture qui lui a été remise le même jour, à en effectuer le transport dans la huitaine, c'est-à-dire pour le 13 dudit mois d'avril, le retard apporté dans cette expédition ne peut concerner que la maison Desrues; celle-ci seule a à s'imputer le dommage dont se plaint François Génot, par la baisse survenue dans le prix des sucres sur la place de Metz depuis ledit jour 13 avril.

Du 16 fév. 1816.-C. de Metz.

-

(2) Espèce (K... C. L...) — Le 8 déc. 1813, L... confia à K..., expéditeur à Bréda, trois caisses et quatre paquets qui devaient être transportés à Malines. La voiture chargée de ces colis était prète le 10 déc., à six heures du matin. Les troupes françaises sortirent de la ville de Bréda le même jour après six heures du matin; mais L... ne fit partir la Voiture que vers dix heures du matin : elle fut pillée en route par les co

TOME IX.

n'ont pas fait de convention à cet égard, l'usage dolt leur servir de règle. Que si l'usage local n'était pas suffisant pour déterminer la marche qu'elles devraient suivre, le commissionnaire pourrait se rembourser par une traite sur le commettant. Dans ce cas, les pertes de change, frais de négociation, et autres accessoires, augmentent d'autant la dette du commettant. On a dit qu'en règle générale, ce dernier devait faire des envois de fonds effectifs ou par remise à son commissionnaire; que ce dernier ne pourrait être obligé de faire traite, en ce que, dans le cas où la traite ne serait pas acquittée, le tireur serait obligé de la rembourser, et que les négociants voient avec défaveur les personnes qui leur remettent des traites qui leur reviennent impayées. Cependant le commettant ne paraît pas fondé à se plaindre d'un tel procédé : il n'y a que le commissionnaire qui peut le trouver onéreux; car, d'une part, il peut craindre de laisser courir sa signature et de voir revenir l'effet impayé; d'autre part, en agissant ainsi, il renonce au droit de se faire payer à son domicile, droit qui, à défaut de stipulation contraire, lui appartient dans le plus grand nombre des cas, et lorsque, par exemple, la convention est passée et le contrat exécuté dans le lieu où il demeure.

267. Quand le commissionnaire est engagé vis-à-vis du vendeur, et qu'il paye les marchandises qu'il a achetées pour le commettant, il est subrogé de plein droit aux lieu et place du vendeur: dans cette circonstance il a non-seulement le droit d'exercer lo privilége que lui accorde l'art. 93, mais encore, ainsi que cela a été jugé, il peut revendiquer les marchandises qu'il a expédiées, et qui ne sont pas encore arrivées dans les magasins du destinataire (Cass., 14 nov. 1810, aff. Calliano, V. no 49; Rouen, 4 janv. 1825, aff. Fort, eod.).

268. L'art. 106 c. com. porte « qu'en cas de refus ou contestation pour la réception des objets transportés, leur état est vérifié et constaté par des experts nommés par le président du tribunal de commerce, ou, à son défaut, par le juge de paix, et par ordonnance au pied d'une requête. » Cet article ajoute, en outre, que le dépôt ou séquestre, et ensuite le transport des marchandises dans un dépôt public, peut être ordonné, et que la vente peut en être faite jusqu'à concurrence du montant de la lettre de voiture. Il paraît résulter de ces dispositions que l'article a été rédigé dans la vue d'une contestation entre l'expéditeur et le destinataire, tout aussi bien que dans celle d'une difficulté entre ce destinataire et le voiturier. Dès lors on a soutenu plusieurs fois que le destinataire qui négligeait de faire constater le refus des marchandises dans les formes que nous venons d'indiquer, perdait tout recours contre le commissionnaire. Le texte de la loi paraît, au premier aspect, conforme à cette interprétation, car il est impératif et semble ne pas devoir admettre d'exception.

Néanmoins, il faut remarquer que cet article est placé dans la section 3 du titre des commissionnaires, qui traite du voiturier. saques. Le 29 juin 1814, jugement du tribunal de commerce de Bréda, qui condamne K... envers L... à 1,872 fl. de dommages-intérêts.-Appel. - Arrêt interlocutoire qui ordonne une preuve que l'arrêt définitif fait suffisamment connaître. L'appelant se fondait sur la circonstance de force majeure.

· Arrêt. LA COUR;

Attendu que s'il est établi d'un côté qu'à raison des circonstances de l'époque et de la pénurie des moyens de transports, l'appelant s'est trouvé dans l'impossibilité d'expédier, avant le 10 déc. 1813, les objets dont il s'agit au procès, il est démontré d'un autre côté que la voiture destinée à les transporter était chargée et prête à partir ce jour dès six heures du matin; Attendu que la garnison française a abandonné la ville de Bréda après six heures de la même matinée; que cette circonstance aurait dû avertir l'appelant que le transport devenait plus dangereux, et que pour l'effectuer il ne pouvait, dans l'état des choses, trouver une occasion plus favorable que de faire marcher la voiture chargée d'effets, appartenant à des Français, à la suite et sous la protection de la garnison française; Attendu que l'appelant, loin de prendre ses mesures à cet effet, a laissé échapper cette occasion, et a retenu la voiture en ville, longtemps après le départ de la garnison, jusqu'à dix heures du matin, lorsque les cosaques, qui étaient déjà en ville, ont arrêté et pillé cette voiture; Attendu que l'appelant est dès lors responsable pour no pas avoir profité d'une circonstance favorable, et d'avoir au contraire choisi, dans l'état des choses, le moment où le pillage était le plus à craindre, ce qu'il aurait pu éviter en employant d'autres mesures; que par une conséquence ultérieure il est tenu de réparer le dommage éprouvé par l'intimé; Met l'appel à néant, etc.

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Du 27 janv. 1816.-C. de La Haye, 3 ch.

10

Il a donc été fait dans le but d'assurer le recours de l'expéditeur ou de l'expéditionnaire contre lui, de même qu'il a voulu assurer au voiturier, en cas de refus de réception des marchandises, le remboursement de sa lettre de voiture; car il aurait pu arriver que, par un refus illégitime, le destinataire l'exposât à perdre le prix du transport qui lui serait dû. Puis, il faut bien se rendre compte de la manière dont les commerçants opèrent en général. Lorsque des ballots ou des caisses de marchandises leur arrivent, ils supposent d'ordinaire que l'envoi est conforme à leur demande; le plus souvent ils n'ont pas le temps de vérifier si ces marchandises remplissent bien toutes les conditions qu'ils ont imposées à leur commissionnaire. Ils se contentent d'une inspection superficielle, qui ne porte que sur l'extérieur des ballots.Ils font entrer la marchandise dans leurs magasins, et, plus tard, ils s'occupent de la déballer pour lui donner place dans les lieux où ils mettent les choses de même espèce. Ce n'est qu'à ce moment qu'ils procèdent à la vérification des marchandises en elles-mêmes. Dès lors, il semble trop rigoureux de leur appliquer l'art. 106 précité, relatif aux droits de l'expéditeur et du voiturier dont il régit les rapports. Les marchandises expédiées par un négociant sont du reste faciles à connaître in specie. En général, elles sont divisées par parties ayant une marque distinctive, d'où il résulte qu'elles ne peuvent pas se confondre. Par

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(1) Espèce (Ferrand-Comte C. Garcin.) — Le 10 août 1821, Ferrand-Comte, négociant à Grasse, donna à la maison Victor Garcin, de Lyon, une commission, composée de divers articles de draperies. Ces marchandises, expédiées en deux ballots, arrivèrent à Grasse, vers la fin du mois de septembre suivant. Elles furent reçues par Ferrand-Comte, qui acquitta le prix de la voiture, sans aucune vérification préalable. Mais lorsqu'elles furent déballées, il reconnut qu'elles n'étaient pas conformes à sa commission, ni aux factures qu'on lui avait adressées. Le 30 septembre, il écrivit à la maison Garcin qu'il refusait et laissait à sa disposition la partie de l'envoi qui différait de la commission qu'il avait donnée. Cette lettre et une seconde du 3 novembre suivant restèrent sans réponse. Le 20 du même mois, Victor Garcin assigna Ferrand devant le tribunal de commerce de Lyon, pour le faire contraindre à garder les marchandises. Aussitôt ce dernier s'empressa de les faire vérifier par experts nommés par le président du tribunal de Grasse; le lendemain, 21 novembre, ces experts dressèrent un procès-verbal constatant les différences dont il se plaignait.

Devant le tribunal de commerce, Garcin soutint que le procès-verbal n'était pas valable, parce qu'il avait été tardivement fait. Jugement qui le décide ainsi. Appel par Ferrand. En parcourant le code de commerce, a-t-il dit, on ne trouve que l'art. 106 qui exige, en cas de contestation lors de la réception des marchandises, la formalité d'une vérification par experts. Mais cet article n'est fait que pour le cas d'avarie; et il est seulement applicable aux contestations qui s'élèvent entre le voiturier et celui auquel est adressée la marchandise. Il ne doit donc exercer aucune influence relativement aux difficultés qui naissent entre l'expéditeur et le commettant. C'est ce que prouve le rapprochement de cet article avec les art. 103 et 105.- D'ailleurs, il y a une différence très-grande entre le cas pour lequel est faite la disposition dont il s'agit et celui de l'espèce. Dans le cas de simple avarie, les objets expédiés, en portant extérieurement les indices, et avertissant par là même le destinataire, il doit, surle-champ, prendre ses précautions. Mais quand le vice de la commission est inhérent à la chose elle-même ; quand, pour le reconnaître, il faut la déballer, alors on ne peut exiger la rédaction subite d'un procès-verbal.

Les termes de l'art. 106 sont généraux, a répondu Garcin; ils ne s'appliquent pas seulement aux cas d'avaries, mais à tous ceux où une contestation sur la réception peut s'élever. Il faut donc dire qu'un procèsverbal est toujours nécessaire, lorsque l'expédition n'est pas acceptée. Ce procès-verbal doit être fait, au moment même de l'arrivée, avant le Dayement de la voiture et avant la réception des objets. Arrêt.

LA COUR; En ce qui concerne les pièces ratines dont il s'agit; Attendu que la commission constante entre les parties ne justifie point que les ratines commises ne fussent pas dites de Vienne, et que de la vérification qui en a été faite, il ne résulte pas non plus que les ratines expédiées soient de mauvaise qualité; - En ce qui touche les pièces de drap bleu-flore et drap savoyard; - Attendu que les deux pièces commises étaient en drap bleu de roi et drap marron, et qu'ainsi les pièces expédiées ne sont pas conformes à la commission; Met l'appellation et ce dont est appel au néant.

Du 9 avril 1823.-C. de Lyon, 2 ch.-M. de Montviol, pr.

(2) 1 Espèce :-(Bahuaud C. Cellier.)- En 1817, Babuaud, de Nantes, vend à Cellier, de Sablé, trois pièces d'eau-de-vie pour 1,255 fr.L'expédition a lieu. A l'arrivée des eaux-de-vie, Cellier s'aperçoit qu'elles exhalent une mauvaise odeur; il fait dresser procès-verbal par le juge de

suite, il serait injuste de priver, d'une manière absolue, le destinataire du droit d'exercer un recours contre l'expéditeur. Lors donc qu'il sera aisé de reconnaître si les marchandises expédiées sont bien celles que le destinataire représente, on devra examiner ces marchandises en elles-mêmes, et décider, après vérification, si elles remplissent bien les conditions qu'elles doivent avoir. Cette question, qui s'est présentée entre un commissionnaire et un commettant, a été résolue en ce sens (Aix, 15 juillet 1825, aff. Arnal, V. no 475; Paris, 1er mars 1834, aff. Rossignol, V. no 273).

269. Ainsi, il a été jugé que lorsque des marchandises expédiées par un commissionnaire à son commettant, ne se trouvent pas conformes à la commission, celui-ci peut les refuser, lors même qu'il n'a pas fait dresser procès-verbal de cette différence, avant de payer les frais de voiture et au moment de la réception des marchandises (Lyon, 9 avr. 1823) (1).

Des décisions semblables ont été rendues dans des espèces où le négociant destinataire prétendait que les marchandises étaient défectueuses en elles-mêmes et où il s'était fondé sur ce motif pour les refuser, bien qu'il n'eût pas fait dresser procès-verbal au moment de la réception (Req., 24 juill. 1821; Lyon, 20 déc. 1826; Bruxelles, 30 mars 1827) (2). — Ces arrêts se sont fondés sur ce que l'art. 106 n'était applicable qu'aux rapports des

paix, et le lendemain il écrit à Bahuaud pour lui annoncer son refus de prendre les eaux-de-vie et le prévenir qu'il les garde en dépôt à sa disposition. Celui-ci écrit, à ce qu'il paraît, à un tiers de terminer l'affaire à l'amiable avec Cellier, et à défaut, de vendre les eaux-de-vie à d'autres pour son compte. Depuis il en réclame le payement. — Cellier conclut à la nullité de la vente, attendu la mauvaise qualité des eaux-de-vie.— Bahuaud le soutient non recevable, en ce qu'avant de les recevoir il n'a pas fait constater leur état par des experts (c. com. 106). — 8 sept. 1818, le tribunal de La Flèche, sans avoir égard à cette exception, nomme trois experts pour vérifier les eaux-de-vie. - Appel par les deux parties: de Babuaud, en ce que l'on a écarté la fin de non-recevoir; de Cellier, en ce qu'on n'a pas de plano annulé la vente.

10 mars 1819, arrêt de la cour d'Angers, qui infirme et déclare la vente nulle; il porte: - << Attendu que Cellier, qui a reçu les marchandises le 20 janv. 1818, a témoigné, par sa lettre du lendemain 21, qu'il ne voulait pas les recevoir; que cette lettre doit être assimilée aux protestations exigées par l'art. 456 c. com.; que le sieur Bahuaud avait écrit à un tiers de terminer cette affaire avec le sieur Cellier, et, s'il ne pouvait pas y réussir, de vendre à d'autres, pour son compte, ces mêmes eaux-de-vie; que cela résulte d'une déclaration fournie par le sieur Vieille, qui déclare en même temps que Bahuaud avait retiré de ses mains la lettre qu'il avait écrite à ce sujet; que cette déclaration donnée par le sieur Vieille mérite d'autant plus confiance que c'est un tiers négociant qui n'a aucun intérêt dans l'affaire ; que le sieur Bahuaud, présent à l'audience, n'a point offert de représenter cette lettre; qu'au contraire, Cellier en a offert la preuve, en cas de désaveu ; que de cette conduite de Bahuaud il résulte qu'il est non recevable a laisser pour le compte de Cellier les eaux-de-vie qu'il lui avait envoyées, et que ce dernier n'avait pas voulu recevoir. >>

Pourvoi de Bahuaud. 1° Violation des art. 100, 103 et 106, en ce que, à défaut de constatation par les experts lors de la réception des marchandises, le vice tiré de leur défectuosité n'était plus proposable; -2° Contravention aux art. 1163 et 2003, en ce que l'arrêt s'était prévalu à tort d'une correspondance étrangère au sieur Cellier, dont celui-ci ne pouvait profiter, et qui en tout cas ne pouvait produire l'effet qu'on lui a attribué. 3° Violation de l'art. 436, en ce que l'arrêt avait invoqué à tort cet article qui était inapplicable à l'espèce. - Arrêt. LA COUR; Sur les moyens tirés de la contravention aux art. 100, 103 et 106 c. com. : - Attendu qu'il s'agissait, dans l'instance sur la quelle a statué l'arrêt attaqué, d'une demande en payement de marchandises faite par un marchand à un autre marchand, et de la défense de co dernier, tirée de la défectuosité des marchandises vendues et livrées; Attendu que les articles cités du code de commerce concernent exclusivement les difficultés relatives aux avaries ou pertes de marchandises et effets dans les transports par terre et par eau, et ne pouvaient régler le sort de la contestation dont il s'agit;-Sur le moyen tiré d'une fausse application de de l'art. 456 c. com.:Attendu que, ,s'il est vrai que cet article était en effet étranger à la contestation et applicable seulement aux capitaines, assureurs, affréteurs, en cas de dommages, avaries causés par leur fait, cas qui ne se rencontrent pas ici, il est vrai aussi que l'énonciation d'un motif erronné ne peut donner ouverture à la cassation d'un arrêt qui se soutient d'ailleurs par d'autres motifs conformes à la loi ; Enfin, sur le moyen tiré d'une prétendue fausse application des art. 1165 c. civ. et 2003, relatif au mandat; - Attendu que, dans une instance commerciale, la cour dont l'arrêt est attaqué a pu, sans violer aucune loi

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