Page images
PDF
EPUB

ne lui auraient pas été payées, et que le commettant serait tombé en faillite (Bruxelles, 13 nov. 1818, aff. Thuret, V. n° 169; Rouen, 18 juill. 1827, aff. Sauvajol, V. n° 165; Req., 8 juin 1829, aff. Bonnaric, V. no 139; Req., 8 juin 1829, aff. Auriol, no 170; Aix, 25 août 1831, aff. Arata, V. no 174; Paris, 31 juill. 1855, aff. Lecercler, V. no 171; Rouen, 29 nov. 1838, aff. Sarran, V. no 136; Douai, 29 nov. 1843, aff. Carlié, V. no 157).

205. Mais si cette proposition est évidente, il n'en est pas de même de la question de savoir si l'endossement doit être régulier. Et, d'abord, il faut distinguer le cas où les marchandises sont expédiées directement au commissionnaire, de celui où elles sont remises à un tiers; car, lorsque les marchandises sont expédiées directement et mises ainsi à la disposition du commission

(1) (Syndics Lecomte C. Cavrois.) — LA COUR; En ce qui touche les deux cents sacs de café: - Attendu qu'il est justifié dans la cause :1° Que lesdits cafés ont été expédiés d'une autre place à Dunkerque, par Lecomte à Cavrois, son commissionnaire, chargé de les vendre pour le compte du commettant; - 2o Que Cavrois a fait à ce dernier des avances sur lesdites marchandises, postérieurement à la réception du connaissement aujourd'hui non représenté, mais que les parties reconnaissent lui avoir été envoyé le 17 janv. 1843, et antérieurement à la faillite dudit Lecomte ; Attendu que le privilége réclamé par Cavrois, pour raison desdites avances, n'est contesté par la masse créancière que parce que l'endos apposé par Lecomte sur le connaissement, n'aurait pas contenu la mention d'une valeur fournie; d'où ladite masse créancière conclut que l'endossement était irrégulier, et que l'irrégularité faisait obstacle à l'acquisition du privilége; - Attendu qu'à supposer que la preuve de l'expédition faite au commissionnaire, dans le cas de l'art. 93 c. com., ne puisse résulter légalement que d'un connaissement ou d'une lettre de voiture, c'est à tort que la masse créancière conteste l'existence de cette preuve, sous le prétexte de l'irrégularité prétendue de l'endos du connaissement dont il s'agit; Attendu, en effet, que, pour juger de la validité d'un contrat et du titre qui le constate, il faut considérer quelle est la nature de ce contrat; Attendu qu'il s'agit, dans la cause, non d'une convention de vente ou de cession, mais d'un contrat de mandat ou de commission; - Que, par ce contrat, Lecomte n'a transmis à Cavrois aucun droit de propriété sur les marchandises à lui expédiées; qu'il l'a seulement chargé de recevoir et de vendre, pour son compte, lesdites marchandises sur lesquelles il lui a demandé des avances; - Que, relativement à un tel contrat, il n'a été, ni pu être question entre les parties, ni de prix de vente, ni de valeur fournie en retour d'une chose qui ne passait pas dans le domaine du commissionnaire;-Attendu que l'endossement n'est autre chose qu'un écrit destiné à constater le contrat intervenu entre l'endosseur et le porteur; - Que si le contrat est translatif de propriété, comme il arrive le plus souvent en fait de lettres de change, de billets à brdre et de contrats à la grosse (art. 136, 187, 313 c. com.), l'endossement doit énoncer le prix de vente, c'est-à-dire la valeur fournie par le cessionnaire au cédant (art. 157); mais que, par la nature même des choses, il en est autrement si la propriété reste à l'endosseur et n'est pas transmise au porteur; - Que la loi elle-même consacre ces principes par l'art. 138, qui n'annule pas l'endossement qui ne renferme pas toutes les énonciations de l'article précédent, mais qui lui imprime seulement le caractère d'une procuration; Attendu que la transmission d'un connaissement par un commettant à son commissionnaire, dans le cas des art. 91 et suivants c. com. (cet endossement n'étant qu'un mandat), ne doit pas, pour être valable, exprimer une valeur fournie;

naire, la lettre de voiture n'est plus entre ses mains que la preuve de son droit, qui résulte de ce que ces marchandises sont en son pouvoir en ce cas, il peut réclamer le privilége de l'art. 93, bien qu'il ait négligé de faire passer le connaissement à son ordre par un endossement régulier (Douai, 5 janv. 1844) (1).

206. En l'absence de cette circonstance, la question devient plus difficile, parce que, ainsi que nous l'expliquerons vo Effets de commerce, l'endossement irrégulier ne transporte pas à celui au profit duquel il est fait, la propriété de l'effet de commerce ainsi endossé. Dès lors, il a pu être jugé que le commissionnaire à l'ordre duquel un connaissement ou une lettre de voiture a été passé sans indiquer que la valeur a été fournie, ne lui donnait pas le droit de réclamer un privilége (Cass., 1er mars 1843; Amiens, 29 juill. 1843) (2).

[ocr errors]

sionnaire, de telle sorte qu'une avance couverte, soit d'une manière
spéciale, soit par le rapprochement des éléments du compte courant, peut
être utilement remplacée par une autre avance faite sur les marchandises,
aussi longtemps que la consignation subsiste, sans que le privilége du
commissionnaire puisse être contesté; Attendu 2° que les acceptations
pour lesquelles Cavrois réclame privilége sont toutes postérieures à la ré-
ception des marchandises, et que toutes ont eu lieu pendant que lesdites
marchandises étaient à la disposition dudit Cavrois; Que la masse
créancière n'établit pas que ces acceptations ne soient que le simple re-
nouvellement d'acceptations antérieures, ou une simple prorogation de
terme accordée au commettant pour dettes antérieures à la consignation;
- Qu'il résulte, au contraire, de tous les éléments de la cause, que lors
de la souscription desdites acceptations, les parties ont entendu éteindro
les acceptations précédentes et les obligations qui en résultaient; - Que
de fait elles les ont anéanties, et qu'elles y ont substitué les acceptations
nouvelles, avec intention, manifestée par les faits et par les actes, d'o-
pérer la novation prévue par le n° 1 de l'art. 1271 c. civ.;
-Que, par
suite, et moyennant l'acquittement desdites acceptations opéré par Ca-
vrois, celui-ci a eu droit au privilége par lui réclamé; - Par ces mo-
tifs, etc., etc.

Du 5 janv. 1844.-C. de Douai, 2o ch.-M. Durand d'Élecourt, pr.

(2) Espèce : (Muller C. Tissot, etc.) Le 10 mai 1836, le sieur Muller, du Havre, expédia sur le navire le Saint-Jacques, aux sieurs Brame, Chevalier et comp., 49 barriques de sucre brut, en charge pour Dunkerque. Il adressa facture de ces marchandises, portant vente à Brame, Chevalier et comp., à Lille et connaissement signé du capitaine Vivien à Brame, Chevalier et comp., à Paris. Ce connaissement était à ordre, et le 14 mai, il fut endosse par le sieur Villiet, fondé de procuration de la maison Brame, Chevalier et comp., de Lille, au profit des sieurs Tissot et Prévost, auxquels il fut remis par un endossement conçu en ces termes : « Passé à l'ordre de MM. Tissot et Prévost, Lille, le 14 mai 1836. » Il a été allégué et reconnu que cet endossement a été fait à Paris par le sieur Villiet, qui s'y trouvait au jour de l'endos. Les sieurs Tissot et Prévost firent alors des avances à la maison Brame, pour 15,000 fr. environ, soit en argent, soit en acceptations; ce connaissement fut par eux transmis au sieur Duponchel, de Dunkerque, pour qu'il réclamât les sucres à leur arrivée et les leur envoyât à Paris. Mais le sieur Muller, ayant conçu des doutes sur la solvabilité de ses acheteurs, forma, le 8 juin, opposition à la remise des sucres, entre les mains du capitaine du navire auquel il offrit de payer son fret; le même jour, le sieur Duponchel fit sommation au capitaine de lui délivrer les mêmes sucres, et lui offrit pareillement le montant du fret. Le débat ayant été porté devant le tribunal de Dunkerque, un premier jugement du 11 juin ordonna, avant dire droit, qu'un cautionnement serait fourni par le sieur Duponchel, et par second jugement du 15 du même mois, autorisa le sieur Muller à prendre inscription sur un immeuble désigné par le sieur Duponchel. Les sucres furent expédiés à Paris.

A l'arrivée de ces sucres à l'entrepôt des Marais, le sieur Muller fit si gnifier au directeur qu il était propriétaire de ces sucres, et s'opposait, en conséquence, à ce qu'on en disposât à son préjudice. — Les parties étant revenues devant le tribunal de commerce de Dunkerque, un jugement du 13 juill. 1836 autorisa le sieur Muller à faire preuve que l'endossement du connaissement exprimé fait à Lille, avait réellement été fait à Paris, et que par conséquent il n'y a pas eu transmission du connaissement de place en place, mais bien d'une maison de Paris sur une autre maison de la même place; ce jugement fut confirmé sur appel. Cette preuve ayant été

Que la nature de la convention est même exclusive de la possibilité d'une telle mention; Que l'expression d'une valeur fournie ferait dégénérer en un autre contrat la convention réellement intervenue entre les parties;-Que le commettant doit et peut même d'autant moins exprimer une telle valeur, que l'endossement a lieu le plus souvent hors la présence du commissionnaire, même à son insu, et à l'occasion d'un conrat qui ne reçoit sa perfection que postérieurement et par l'acceptation du Commissionnaire; — De tout quoi il suit que l'endossement appose par Lecomte au connaissement dont il s'agit était régulier, et que, dès lors, le privilége réclamé par Cavrois lui est bien et légitimement acquis; Que ces principes, vrais et applicables dans tous les cas, le sont surtout lorsque, comme ici, la contestation a lieu, non entre un tiers prétendant droit à la propriété ou à d'autres droits réels sur la chose, et le commissionnaire, mais entre ce dernier et les créanciers ordinaires du commettant; En ce qui touche les autres marchandises:— Attendu 1° que la dis-fournie, un jugement du tribunal de commerce de Dunkerque, du 30 août position de l'art. 93 c. com., est générale; - Qu'elle accorde un privilége au commissionnaire pour toutes les avances qu'il fait au commettant pendant tout le temps qu'il est nanti des marchandises; - Que la loi ne limite pas le privilége aux avances spéciales relatives à certaines marchandises, comme elle ne le limite pas aux avances primitivement faites sur ces marchandises; - Que tout, au contraire, se lie et se combine dans les opérations qui interviennent entre le commettant et le commis

1837, déclara les sieurs Tissot et Prévost, sans droit à la propriété des 49 barriques de sucre, sans privilége sur le prix de ces marchandises, sans qualité pour en réclamer la délivrance et pour s'opposer à leur remise è mains de qui il peut appartenir.

Appel de ce jugement par les sieurs Duponchel, Tissot et Prévost. Devant la cour, le sieur Muller oppose encore contre le privilége réclamé par les commissionnaires, que l'endossement du connaissement n'exprimant

207. Quoique, dans l'usage, les lettres de voitures ne soient pas à ordre, elles n'en sont pas moins transmissibles par la voie de l'endossement. C'est ce qui résulte de l'attestation de tous les commerçants qui assimilent la lettre de voiture à une lettre de change, qu'elle soit ou non à ordre. Mais le code de commerce n'a pas dit qu'on pût transporter un acte non à ordre par un simple endossement, de sorte que la rigidité de la loi se trouve en présence d'un usage certain. Cependant, il nous semble que, dans l'état actuel des choses, lorsque la marchandise sera remise entre les mains du commissionnaire, il ne faudra plus s'inquiéter du mérite de la lettre de voiture, car cette pièce n'est que la représentation fictive de la marchandise.

208. Des lettres de voiture ou connaissements ne peuvent être régulièrement négociés par voie d'endossement, que lorsqu'ils sont à ordre. Hors ce cas, la transmission qui en est faite ne constitue qu'un transport ordinaire, qui ne confère au cessionnaire que les droits qu'avait le cédant. En conséquence,

pas de valeur fournie, ne pouvait conférer aux parties un droit de privilége, alors que l'action en revendication a été formée pendant que les marchandises étaient en cours de voyage. « Il n'y aurait eu, dit-il, qu'un connaissement régulièrement endossé qui aurait pu produire à l'égard des parties le même effet que si l'expédition leur eût été directement faite. »> Le 11 avril 1838, arrêt infirmatif de la cour de Douai, ainsi conçu : - « Considérant que le commissionnaire, au cas de l'art. 93 c. com., et alors qu'il a fait des avances sur la chose expédiée, n'est point un simple mandataire agissant au nom et pour le compte du mandant, mais un mandataire in rem suam qui poursuit en son nom personnel, et par privilége, le recouvrement de ses déboursés; qu'on ne peut, dès lors, lui opposer et la maxime qu'on ne plaide point en France par procureur, et la révocation du mandat résultant de la faillite; -Qu'on ne saurait conclure non plus de ce que l'endos du connaissement ne porte point l'indication de la valeur fournie, que sa remise n'ait opéré à son égard qu'un simple mandat révocable; -Que, dans ce cas, à la différence de celui de la lettre de change, il n'y a point vente de droits, nécessité dès lors d'une valeur à fournir en échange et par suite de sa mention sur la lettre, comme l'expliquent la position des parties et l'usage en pareille matière; Que les exceptions ci-dessus indiquées sont donc évidemment encore sans application; -Qu'il en est de même de celle résultant de l'endos du connaissement dans les dix jours de la faillite; - Qu'indépendamment de ce que l'art. 443 c. com. n'a trait qu'aux hypothèques et priviléges concédés par le débiteur, et non à ceux attribués par la loi, il faut de plus, en droit, que la transmission du connaissement ait été le résultat de la fraude, ce qui n'est nullement démontré dans la cause, de la part surtout de Tissot el Prévost; Considérant, en outre, qu'il suffit, aux termes de l'art. 93, et pour constituer le privilége du commissionnaire, que les marchandises qu'il est chargé de vendre aient été expédiées d'une autre place que celle habitée par lui et son commettant; qu'il n'est point nécessaire, ainsi qu'on l'a prétendu, qu'il y ait expédition directe au commissionnaire, ni différence de domicile entre le commettant et lui; qu'en fait, les quaranteneuf barriques de sucre, objet de la revendition, ont été expédiées du Havre, et, par conséquent, d'une autre place que celle habitée par le commissionnaire et le commettant; Que, d'ailleurs, l'endos porte transmission du connaissement par la maison Brame, Chevalier, de Lille, et, dès lors, au besoin, même, différence de domicile entre le commettant et le commissionnaire; que l'on a vainement dénié que Tissot et Prevost, chargés de vendre la marchandise expédiée par Muller, aient effectué des avances sur cette consignation, et prétendu qu'il y avait eu concert frauduleux entre eux et Brame, Chevalier; que non-seulement il n'y a pas preuve du fait allégué, mais que les traites acceptées le lendemain de l'endos du connaissement par les commissionnaires, et les sommes par eux avancées pour le compte du commettant, de même que les autres circonstances du procès, justifient de la sincérité de l'expédition, et de la légitimité des droits réclamés par ces derniers; Que l'intimé, par conséquent, est non fondé en ses divers moyens et exceptions; - Considérant que la revendication accordée par les art. 577 et suiv. c. com. au vendeur non payé, ne peut être exercée qu'après acquittement des droits obtenus entre temps sur la chose (art. 579); que son opposition, dès lors, ayant pour conséquence de porter atteinte au droit de rétention et privilége du commissionnaire, ne saurait être valable au cas particulier; qu'il en résulte, en outre, que Muller revendiquant est passible du dommage causé par ladite opposition; Par ces motifs et vu l'art. 130 c. pr., dit que Tissot et Prévost sont en droit de vendre les marchandises, objet du litige, et de prélever sur le prix le montant de leurs avances en principal, intérêts et frais, si mieux n'aime ledit Muller, leur en solder au préalable le montant. »

[blocks in formation]

le commissionnaire qui a fait des avances sur des marchandises qui n'ont pas été directement expédiées, en vertu de la négociation par voie d'endossement à son profit des lettres de voiture ou connaissements, n'acquiert pas sur ces marchandises le privi. lége spécifié par l'art. 93 c. com., lorsque ces lettres de voiture ou connaissements ne sont pas à ordre; il demeure notamment passible de l'action en revendication dirigée contre l'acheteur, par le vendeur non payé (Cass., 12 janv. 1847, aff. syndic Crouzet. D. P. 47. 1. 59).

Il a été jugé de même que le commissionnaire qui dispose des connaissements de marchandises qui lui sont expédiées pour en procurer la vente, ne peut transmettre aucun droit sur ces connaissements au tiers auquel il les donne en garantie, lorsqu'ils ne sont pas au porteur, ou lorsque, étant à ordre, le commissionnaire ne les a pas reçus par voie d'endossement, et surtout lorsque, dans ce cas, les formalités prescrites pour le contrat de nantissement n'ont pas été observées (C. C. de Belgique, 4 juin 1833) (1).

-

LA COUR; - Vu les art. 93, 137, 138, 281, 576, 577 c. com. (ancien texte); Attendu que, suivant l'art. 281 c. com., le connaissement peut être à ordre, ou au porteur, ou à personne dénommée; Attendu qu'il résulte des art. 157 et 158 du même code que, lorsqu'un endossement n'exprime pas la valeur fournie, il n'opère pas de transport et n'est qu'une procuration ; — Attendu que ces articles posent des règles générales en matières d'endossement, et que ces règles s'appliquent nonseulement aux lettres de change et billets à ordre, mais à tous les autres actes faits à ordre et susceptibles, dès lors, de négociation et de transmission par voie d'endossement, tels que les polices d'assurance, les contrats de grosse et les connaissements; Attendu qu'aux termes des art. 576 et 577, le vendeur a le droit, dans le cas de faillite de son acheteur, de revendiquer les marchandises par lui vendues, et dont le prix ne lui à pas été payé, pendant qu'elles sont encore en route, soit par terre, soit par eau, et avant qu'elles soient entrées dans les magasins du failli, ou dans les magasins du commissionnaire chargé de les vendre pour le compte du failli; Attendu que l'art. 95, qui accorde un privilége pour les avances faites par le commissionnaire sur lettre de voiture ou connaissement, suppose que les marchandises lui ont été directement expédiées et que le connaissement ou la lettre de voiture a été fait à son profit de l'une des manières indiquées dans l'art. 281; -Que, hors ce cas, le connaissement à ordre ne peut conférer de privilége au commissionnaire que lorsqu'il lui est transmis régulièrement, c'est-à-dire, au moyen d'un endossement conforme aux prescriptions de l'art. 137;— Attendu que, lorsque Muller a voulu se ressaisir des quarante-neuf barriques de sucre qu'il avait vendues à Brame, Chevalier et compagnie, et dont le prix lui était dù, elles étaient encore en la possession du capitaine Vivien, qui les avait chargées à bord du navire le Saint-Jacques, pour les transporter à Dunkerque, et qu'elles se trouvaient ainsi dans le cas prévu par l'art. 577; Attendu que Tissot et Prévost, qui se sont opposés à la remises de ces barriques de sucre, aux mains de Muller, n'ont représenté aucune vente faite conformément a l'art. 578 c. com., et ne se sont appuyés que sur le connaissement à l'ordre de Brame, Chevalier et comp.; Attendu qu'il

est constant et qu'il résulte, d'ailleurs, en fait, de l'arrêt attaqué que l'endossement de ce connaissement, fait par lesdits Brame, Chevalier et comp., au profit de Tissot et Prevost, n'exprime aucune valeur fournie; -Que, dès lors, ce connaissement n'a pas opéré de transport, et qu'à l'égard de Muller, Tissot et Prevost n'étaient que les mandataires de leurs endosseurs et ne pouvaient réclamer le privilége accordé par l'art. 95 c. com. au commissionnaire qui a fait des avances;-Attendu qu'en jugeant contraire et en accordant, en conséquence, à Tissot et Prévost la délivrance des quarante-neuf barriques de sucre, dont le prix était resté dù à Muller, la cour royale de Douai a faussement interprété et appliqué les art. 93 et 281 c. com. et a expressément violé les art. 137, 138, 576 et 577 c. com.; Par ces motifs; Casse.

Du 1er mars 1843.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.. Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Delaborde et Chevrier, av.

Sur le renvoi, la cour d'Amiens, par arrêt du 29 juill. 1843, s'est prononcée dans le sens de l'arrêt de la cour de cassation.

(1) Espèce : (Assur. d'Anvers C. Carasco.) En 1830, Carasco et fils, de Séville, expédient cent cinquante-huit balles de laine à la consignation de Dep... et comp., commissionnaires à Anvers. Ce chargement fit l'objet de trois connaissements, qui furent envoyés à ces commissionnaires, mais non passés à leur ordre, avec invitation de vendre les laines. Le 6 nov. 1850, Dep... et comp. présentent à négocier une traite de 900 liv. stert.; ils offrent pour garantie les trois connaissements. Le comptoir d'assurances accueille la proposition. La lettre de change ayant ensuite été protestée à défaut d'acceptation, le comptoir continue à conserver les connaissements dont il ne consent à se dessaisir qu'après qu'il sera payé de l'avance des 900 liv. sterl. Entre temps Dep... et comp. avaient fait faillite. Le 4 décembre, Carasco et fils assignent le comptoir

209. Ainsi, lorsque le commissionnaire se présentera porteur d'un connaissement, pour réclamer son privilége sur des marchandises en cours d'expédition, la question à juger sera celle de savoir si la propriété de ce connaissement a été valablement transférée. Cette précaution a pour but d'empêcher la fraude des débiteurs insolvables. Les livres des commerçants qui font foi en Justice ne pourront pas remplacer le transport régulier de la lettre de voiture. Il a été jugé qu'à défaut de ce transport régulier le commissionnaire porteur d'un connaissement n'était que le mandataire du destinataire (Req., 28 juin 1826 (1); Rouen, 15 Juin 1825, aff. Mousset, V. no 201). Du reste, telle est aussi P'opinion qu'adopte M. Troplong dans son Traité du nantissement 554. Ce savant magistrat considère que celui qui est saisi par un endossement irrégulier ne doit être envisagé que comme le mandataire de celui au nom duquel le connaissement ou la lettre de voiture a été fait.-V. en ce sens, Cass., 12 janv. 1847, aff. Syndics-Crouzet, D. P. 47. 1. 59.

[ocr errors]

210. Ainsi que nous l'avons dit, il résulte de l'art. 93 c. com. que le privilége du commissionnaire existe non-sculement quand les marchandises sont à sa disposition dans ses magasins ou dans un dépôt public, mais encore lorsque, avant leur arrivée, il peut constater, par un connaissement ou une lettre de voiture, que l'expédition lui en a été faite. Nous avons vu qu'avant le code de commerce la possession du connaissement n'était pas un titre suffisant pour établir ce privilége (Req., 3 brum. an 12, aff.

[blocks in formation]

LA COUR; Vu les art. 2074, 2279 et 2280 c. civ., 91 et 92 c. com.; -Attendu que le principe consacré par l'art. 2279 c. civ., qu'en fait de meubles la possession vaut titre, ne peut évidemment s'appliquer qu'aux meubles corporels, et non aux titres d'où résultent des droits ou qui conslatent des obligations; qu'en effet la simple détention d'un titre par un tiers, sans preuve ou présomption légale quelconque de transmission on de cession à son profit, ne peut aucunement l'autoriser à s'en prévaloir; - Attendu que l'arrêt attaqué reconnait, en fait, que le demandeur n'a point allégué que les connaissements dont s'agit fussent au porteur, ou qu'étant à ordre, ils lui auraient été transmis par endossement régulier; que, d'ailleurs, l'arrêt constate également que le demandeur a reconnu n'être propriétaire ni des connaissements ni de la marchandise, et qu'en décidant, d'après les circonstances, que l'art. 2279 ne peut s'appliquer à une possession reconnue purement précaire par le demandeur lui-même, l'arrêt n'a pu violer ni cet article, ni l'art. 2280; Attendu que les défendeurs ont revendiqué les connaissements comme propriétaires; qu'ils sont entièrement étrangers à l'opération que le demandeur soutient avoir eu lieu entre lui et Dep..; que l'arrêt constate, en fait, que cette négociation, n'a, dans tous les cas, point été faite pour leur compte, et qu'elle n'a point tourné à leur profit; qu'ils doivent donc être considérés comme liers à son égard; qu'en conséquence, l'arrêt a fait une juste application de l'art. 2074 c. civ., en décidant que le demandeur ne pouvait se prévaloir d'un droit de gage sur ces connaissements, puisqu'il ne justifiait pas d'avoir rempli toutes les formalités exigées par cet article; -Attendu que l'arrêt n'a point décidé que le commissionnaire ne peut pas traiter en son propre nom, qu'ainsi il n'a pu violer l'art. 91 c. com.; - Qu'il n'a pas violé davantage l'art. 92 même code, puisque, loin de reconnaître que Dep... et comp. auraient agi comme mandataires des défendeurs, l'arrêt décide, au contraire, en fait, que le commissionnaire a agi pour son propre compte; Rejette, etc.

[ocr errors]

Du 4 juin 1833.-C. C. de Belgique, cb. civ.-M. de Sauvage, pr.

(1) Espèce (Brindeau etc. C. faill. Leseigneur.) - La maison Leseigneur et comp., du Havre, propose à la maison Brindeau et comp., de Paris, d'accepici, par intervention, des traites tirées par un sieur de Cailleux; elle donne en garantic un connaissement constatant le chargement de soixante-sept barriques de sucre brut, non encore arrivées. La maison Brindeau accepte, le 19 juillet 1824. Le 20 du même mois, suspension de payement, et puis faillite de Leseigneur. Le 11 août, arrivée, au Havre, du navire portant les sucres. Les sicurs Martin Foache et fils, en vertu du connaissement à eux envoyé par la maison Brindeau, font transporter les soixante-sept barriques dans leurs magasins. — Le 10 septembre, exploit, à la requête des syndics de la faillite Leseigneur, portant défense de disposer de ces sucres.-Assignation par Martin Foache, au nom de la maison Brindeau, en mainlevée de cette défense. Le 22 septembre, jugement du tribunal de commerce du Havre, qui rejette celle demande et déclare nul et de nul effet le transport du connaissement. Appel, ct, le 23 mars 1825, arrêt de la cour de Rouen qui confirme

TOME IX.

Pobecheim, V. no 128).—Aujourd'hui la question ne peut plus faire de doute. C'est que les marchandises sont livrées fictivement au commissionnaire nanti du connaissement ou de la lettre de voiture, Le voiturier ne peut plus les remettre qu'en retirant sa lettre de voiture, qui les représente et constitue sur elles un droit réel pour le porteur légalement nanti de ce titre.-Tenons donc, et il a, du reste, été jugé que pour que le commissionnaire qui a fait des avances sur des marchandises expédiées d'une autre place, jouisse du privilége de l'art. 93 c. com., il n'est pas nécessaire qu'elles lui soient adressées directement; il suffit que lors des avances, il ait été porteur du connaissement régulièrement endossé à son profit (Rouen, 29 nov. 1838, aff. Sarran, V. n° 136).

211. On s'est demandé si le connaissement ou la lettre de voiture ne pouvaient pas être suppléés par un autre genre de preuve. Il a été jugé que la condition qu'un connaissement ou une lettre de voiture avait été remise au commissionnaire n'était pas exclusive de tout autre genre de preuve pour établir un privilége (Douai, 17 mai 1820, aff. Vandale, V. no 323). Mais on a décidé aussi le contraire sur ce fondement que le législateur a proscrit toute autre manière de prouver le contrat de commission dans l'intention d'empêcher la fraude et la collusion entre le commissionnaire et le commettant (Bruxelles, 15 mars 1821) (2).

212. Il n'y a pas de termes sacramentels pour le connaissement ou la lettre de voiture qui constatent l'envoi des maren ces termes : « Attendu que les priviléges ne peuvent être étendus, et que celui réclamé par Brindeau et Fievet ne repose sur aucun texte de loi; qu'ils ne sont point commissionnaires, ayant privilége, dans le sens de l'art. 93 c. com., puisque les marchandises ne leur étaient pas expédiées à Paris; que le connaissement même porte qu'elles devaient être délivrées à la maison Leseigneur, au Havre. Qu'ainsi, l'expédition n'ayant point été faite par la maison Leseigneur à Brindeau et Fievet, ceux-ci ne peuvent réclamer un privilége, en vertu du connaissement dont ils sont porteurs;—Qu'à la vérité, d'après l'art. 281 du même code, un connaissement peut être à ordre et négocié; mais que la négociation d'un connaissement ne peut, pas plus que celle d'un effet de commerce, donner un privilége à celui qui en est saisi; - Que le porteur d'un connaissement, qui lui a été transmis par la voie de l'ordre, n'est que le mandataire du propriétaire de la marchandise; - Que l'art. 95 lui accorde bien le droit de la vendre pour le comple du commettant; mais qu'il n'a de privilége qu'autant que ce commettant a fait au mandataire lui-même l'expédition des objets énoncés dans le connaissement qui a été adressé ou négocié à ce dernier. »

[ocr errors]

Pourvoi de Brindeau et comp. 1° Violation des art. 2084, 2073, 2102, § 4; -2° Violation de l'art. 281 c. com., en ce que la propriété d'un connaissement. comme d'une lettre de change, est transférée par l'endossement; ce que l'arrêt attaqué a refusé de reconnaitre - Arrêt. LA COUR; Attendu que, dans le concours de créanciers, on ne peut admettre de privilége que lorsqu'il est établi par la loi ; - Que, si l'art. 281 c. com. dispose que le connaissement peut être à ordre ou au porteur, il n'en résulte pas qu'il confère au porteur un privilége sur les marchandises mentionnées en ce connaissement; que sa remise entre ses mains l'autorise sculement à poursuivre la vente de ces marchandises, s'il est nécessaire; Que l'art. 95 c. com., par exception aux règles générales, établit bien un privilége, mais il ne concerne que le commissionnaire qui a fait des avances sur la marchandise à lui expédiée d'une autre place, pour être vendue au compte du commettant, et encore faut-il qu'elle soit à la disposition de ce commissionnaire, dans ses magasins ou dans un dépôt public, ou que l'expédition lui en ait été faite, ce qui ne se rencontre point dans la cause;-Que l'art. 93, en parlant des prêts et avances sar marchandises déposées dans le lieu du domicile du commissionnaire déclare qu'il ne donne privilége au commissionnaire ou dépositaire qu'autant qu'il s'est conformé aux dispositions du code civil, titre des prêts sur gage ou nantissement, et que rien dans la cause ne constate qu'il y ait cu contrat ainsi formalisé, et pareille qualité des demandeurs, d'où résulte que l'arrêt attaqué, en refusant le privilége par cux réclamé, loin de contrevenir aux lois, n'a fait que s'y conformer; - Rejette.

Du 28 juin 1826.-C. C., sect. req.-MM. Botton, pr.-Rousseau, rap. (2) Espèce : (Reyniers-Vrancken C. synd. Weverberg.) — Le 13 mai 1820, une maison de Rotterdam expédia au sieur Weverberg, négociant à Bruxelles, dix-neuf lastes graines de colza. Cette marchandise, arrivée à Bruxelles le 25 mai, fut réexpédiée le lendemain pour Anvers. Le 29, les graines furent déchargées en ce dernier port, et placées dans le magasin d'un sieur Ignace Vrancken. Weverberg tomba en faillite; l'ouverture en fut fixée au 27 mai 1820. Les syndics voulurent retirer les graines de colza; mais un sieur Reyniers-Vrancken, gendre de celui ches qui se trouvaient les marchandises, s'y opposa, et prétendit avoir un privilége pour avances considérables qu'il avait faites au failli sur ces may

[ocr errors]

chandises au commissionnaire. Ainsi, l'usage a admis que les bulletins de chargement de marchandises tiennent lieu de lettre de voiture, bien que ces bulletins ne soient pas entièrement conformes à ce que l'on entendait autrefois sous cette dénomination de lettre de voiture, mais sous la condition qu'ils en contiennent tous les éléments. Ces bulletins sont ordinairement délivrés à l'expéditeur, qui les remet au destinataire, purement et simplement avec autorisation de retirer les marchandises. On

chandises. Il produisait une lettre du failli, datée du 19 mai 1820, par laquelle celui-ci reconnaissait avoir reçu de Reyniers-Vrancken diverses sommes, à titre d'avances sur les graines de colza qu'il attendait de Hollande, et dont il lui annonçait le prochain envoi. Il produisait encore le connaissement relatif à l'expédition faite de Rotterdam à Weverberg; mais ce connaissement ne portait point d'endossement au profit de Reyniers. Enfin, il ajoutait que, si les marchandises avaient été placées dans le magasin de son beau-père, c'est que ce magasin était à son usage. -Pour les syndics, on répondait que la lettre du 19 mai 1820 n'avait pas de date certaine avant la faillite; qu'à l'époque des avances prétendues, les marchandises n'étaient pas à la disposition de Reyniers, ni dans ses magasins, ni dans un dépôt public; qu'elles ne lui avaient pas même été expédiées par Weverberg, puisque les graines n'étaient arrivées à Bruxelles que le 25 mai; que, par conséquent, il ne pouvait invoquer la disposition de l'art. 93 c. com.

Jugement du tribunal de commerce de Bruxelles, qui rejeta la demande de Reyniers. Appel. Il a soutenu : 1° qu'il suffisait, pour que le commissionnaire eùt un privilége, aux termes de l'art. 93, que les marchandises fussent en sa possession au moment où il réclamait son privilége; 2° que le privilége du commissionnaire existait non-seulement sur les marchandises qui lui étaient expédiées directement, mais encore sur celles qui, étant adressées à son commettant, étaient par lui immédiatement expédiées au commissionnaire; que c'est en ce sens que l'expression expédition de l'art. 93 devait être entendue. -- Arrêt.

LA COUR ; Vu l'art. 93 c. com., et attendu que l'esprit dans lequel cet article a été rédigé concourt avec le texte pour ne faire admettre le privilége en faveur du commissionnaire autrement que dans le cas où les avances ont été faites à une époque à laquelle les marchandises qui avaient été expédiées au commissionnaire, avaient atteint le lieu de leur destination, et se trouvaient réellement et matériellement à sa disposition, soit dans ses magasins, soit dans un dépôt public, ou bien dans le cas où les avances ont été faites avant l'arrivée des marchandises, mais à une époque à laquelle elles avaient déjà été expédiées au commissionnaire, et ainsi mises à sa disposition, et que celui-ci peut faire conster de cette expédition, au moyen de l'un des documents requis par l'article cité, c'est-à-dire d'un connaissement ou d'une lettre de voiture; Que le législateur, tout en accordant le privilége mentionné dans le même article au commissionnaire qui agit loyalement et de bonne foi, a eu également en vue d'empêcher tout ce qui pourrait faciliter la fraude et la collusion entre le commissionnaire et le commettant, au détriment de la masse créancière de ce dernier; que les dispositions de l'article cité, prises dans le sens sus-énoncé, remplissent parfaitement ce double objet; mais qu'il n'en serait pas de même si, en cas de réclamation du chef d'avances faites sur des marchandises non arrivées, l'on pouvait faire résulter la preuve de l'expédition d'autres pièces que de celles que la loi requiert nominativement; Attendu que les circonstances de la cause ne représentent aucun des cas pour lesquels la loi a établi le privilége en faveur du commissionnaire, puisqu'il est en aveu entre les parties, qu'à l'époque des prétendues avances, la partie des graines de colza, dont il s'agit au procès, ne se trouvait ni dans les magasins de Reyniers-Vrancken ni dans un dépôt public; et que, pour établir que l'expédition lui en avait été faite, et qu'ainsi il aurait droit au privilége, l'appelant n'a produit autre chose qu'un connaissement qui lui est totalement étranger, et la lettre signée Weverberg et portant la date du 19 mai 1820; documents qui ne peuvent suppléer au défaut de ceux auxquels la loi a exclusivement attribué la qualité de pièce probante en cette matière ;—Met l'appel au néant. Du 15 mars 1821.-C. sup. de Bruxelles, 4° ch.

[ocr errors]

(1) Espèce: (Synd. Voog C. Gaillard et compag.) - Pendant les mois de déc. 1840, janv. et fév. 1841, les sieurs Voog raffineurs à Valenciennes, expédièrent par les voitures d'eau des sieurs Motte et comp., aux sieurs Gaillard et comp., négociants à Paris, diverses quantités de sucre indigène, avec commission de vendre pour leur compte. A chaque expédition, les sieurs Voog demandaient des avances à leurs consignataires, qui étaient à découvert de 187,923 fr., lorsque, le 18 fév. 1841, la faillite des sieurs Voog fut déclarée par le tribunal de commerce de Valenciennes, qui en fixa l'ouverture au 15 du même mois. Les syndics firent opposition entre les mains des sieurs Motte à ce qu'ils se dessaisissent des sucres que ceux-ci pouvaient être chargés de transporter pour le compte des sieurs Voog. Les sieurs Gaillard déclarèrent aux syndics que les sucres saisis arrêtés entre les mains des sieurs Motte, leur avaient été régulièrement expédiés, qu'ils avaient fait des avances considérables,

y insère la nature et le poids des marchandises à transporter, le délai du transport, le nom du destinataire, le nom et le domicile du voiturier, le prix de la voiture, les marques et numéros des objets à transporter, toutes les énonciations, en un mot, qui suffisent, comme nous le verrons plus bas, pour établir une lettre de voiture régulière. En conséquence, la remise d'un semblable bulletin aux mains du commissionnaire suffit évidemment pour luf donner le droit de réclamer un privilége (Rej., 31 juill. 1844) (1).

qu'ils étaient autorisés à vendre les marchandises, et avaient droit à être payés par privilége sur le prix de cette vente. Les sieurs Gaillard ne jus.. tifiaient pas de l'expédition au moyen d'une lettre de voiture formulée suivant les usages ordinaires, et qui leur eût été directement adressée; mais ils produisaient comme constituant une lettre de voiture, des bulletins, détachés du registre à souche du voiturier, signés par celui-ci et par l'expéditeur, et exprimant: 1o la nature et le poids des objets à transporter; 2o le délai dans lequel le transport devait être effectué, et qui était fixé à dix-sept jours; 3° le nom de celui à qui la marchandise était adressée, cette lettre autorisant le sieur L. Motte à faire la remise des sucres à MM. Gaillard et comp.; 4° le nom et le domicile du voiturier, puisqu'elle indiquait l'entreprise de transport des sieurs Motte et comp.; 5° le prix de la voiture; 6° enfin, les marques et numéros, en marge, des objets à transporter. Les syndics refusèrent de voir dans ce bulletin les lettres de voiture désignées par l'art. 102 c. com., et den. l'exhibition est nécessaire, aux termes de l'art. 93 c. com., pour que le consignataire puisse justifier que l'expédition des marchandises lui a été faite et réclamer le privilége accordé par cet article.

-((

Le 23 mars 1841, jugement du tribunal de commerce de Valenciennes, qui maintient l'opposition et rejette l'action des sieurs Gaillard et comp. Mais le 4 juin 1841, arrêt infirmatif de la cour de Douai, ainsi motivé: Vu l'art. 93 c. com., considérant que la loi, aux termes dudit article, exige, entre autres conditions nécessaires à l'existence du privilége qu'elle accorde, qu'il y ait eu expédition de marchandises au profit du consignataire, et avances faites par ce dermier sur les marchandises à lui expédiées; Considérant, quant à l'expédition, qu'en droit rien ne détermine, même implicitement, dans le texte de l'article précité, la nécessité d'une expédition directe et nominative pour qu'il y ait lieu au privilége reconnu; qu'admettre, ainsi que l'ont fait les premiers juges, cette double condition, comme interprétation et complément nécessaire de l'art. 95, c'est non-seulement ajouter à son texte, mais méconnaître l'esprit et les principes particuliers du contrat de consignation, et contrevenir au but que s'est proposé le législateur en entravant les opérations du commerce et privant l'expéditeur de la faculté d'indiquer à volonté et de changer en route le destinataire de la marchandise; Qu'il est d'usage et de jurisprudence d'ailleurs que l'on se contente, pour constater une expédition, d'un connaissement ou d'une lettre de voiture à ordre; qu'au cas particulier les expéditions faites à la maison Gaillard, dont la bonne foi est reconnue dans la cause, sont constatées par des bulletins particuliers de chargement, des duplicata d'envoi, par la correspondance, les livres des parties et la circonstance enfin que l'on n'a pas même allégué l'existence d'un autre destinataire; que ces bulletins, tels qu'ils ont été délivrés, renferment toutes les conditions voulues par l'art. 102 c. com. pour la validité des lettres de voiture; que, comme il n'est rien de sacramentel dans les expressions de ces sortes de lettres, les actes que l'on représente doivent en avoir l'effet, et suffire nécessairement pour constater les expéditions invoquées par la maison Gaillard; - Considérant, quant aux avances qu'il résulte de divers documents du procès, qu'à raison desdites expéditions, des avances de fonds ont été faites par les appelants aux frères Voog, propriétaires des marchandises; qu'il importe, en l'état de la cause, de renvoyer les parties par-devant un conseiller commissaire pour compter et régler entre elles sur le montant de ces avances et leur application aux marchandises saisies; qu'il convient toutefois pour éviter toute discussion à cet égard, de décider dès à présent que les avances et les expéditions échangées du mois de décembre 1859 au mois de février 1840 inclusivement, entre les maisons Voog et Gaillard, et qui le plus souvent se sont échelonnées, dans ce court intervalle de temps, d'un jour à autre ne forment en résultat qu'un ensemble d'actes qui se complètent tellement l'un par l'autre qu'on doit les considérer comme ne constituant qu'une seule opération. »Pourvoi des syndics. - Arrêt (ap. délib.).

LA COUR; Attendu que l'art. 93 c. com. consacre le privilége du commissionnaire qui a fait des avances sur marchandises à lui expédiées d'une autre place, pour être vendues pour le compte d'un commettant ; que le privilége s'exerce sur la valeur de ces marchandises, si, avant qu'elles soient arrivées, il peut constater par une lettre de voiture l'expédition qui lui en a été faite; Attendu que l'arrêt attaqué déclare, en fait, que les expéditions faites à la maison Gaillard, dont la bonne foi est reconnue dans la cause, sont constatées par les bulletins particuliers de chargement, lesquels, tels qu'ils ont été délivrés, renferment toutes les conditions exigées par l'art. 102 c. com. pour la validité des lettres de voiture; Attendu que le code de commerce n'impose point, à peine de nullité, certaines formes sacramentelle, comme indispensables à la

--

-Quofque ce bulletin indique une autre personne comme destinataire (Cass., 17 mars 1845, aff. Gaillard, D. P. 45. 1. 206).

213. En supposant que de simples bordereaux d'expédition qui s'appliquent à un ensemble de marchandises destinées à díverses personnes, puissent, si ces personnes étaient suffisamment désignées, tenir lieu de la lettre de voiture exigée par l'art. 93, il faut reconnaître que si cette désignation était insuffisante et en quelque sorte contradictoire, les juges pourraient, suivant les circonstances, dire que le commissionnaire ne peut pas réclamer de privilége. Tel est le sens dans lequel paraît devoir être entendu un arrêt qui a refusé, en semblable circonstance, un privilége au commissionnaire (Lyon, 26 juillet 1837) (1).

Ila même été jugé que le privilége de l'art. 93 c. com. pouvait être accordé en l'absence de tout acte écrit (Nancy, 14 déc. 1838, aff. Boulet, V. n° 130). Mais cette décision, dans laquelle les circonstances de la cause ont été de grande considération, est généralement critiquée.

214. 4° Cas où le domicile du commettant et du commissionnaire sont dans le même lieu.-La loi commerciale, ayant eu en vue d'empêcher toute fraude et toute collusion entre le commettant et le commissionnaire, a décidé que le privilége qui est accordé à ce dernier ne le serait qu'à la condition que toutes les formalités voulues pour la constitution d'un gage auraient été suivies dans le cas ou le mandant et le mandataire habiteraient le même lieu. C'est la disposition expresse de l'art. 95 c. com.,

validité des lettres de voiture; qu'il faut, il est vrai, que ces lettres contiennent les conditions essentielles à leur existence; mais qu'en fait, ces conditions ont été remplies dans l'espèce; - D'où il suit que, dans l'état des faits, la cour royale de Douai a pu, sans violer aucune loi, juger que les défendeurs à la cassation avaient droit par privilége au remboursement des avances par eux faites sur la valeur des marchandises à eux expédiées; -- Rejette.

Du 31 juill. 1844.-Č. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Renouard, rap.De Boissieux, av. gén., c. conf.-Letendre de Tourville et Chevrier, av.

(1) Espèce:-(Gandolphi C. Larrat, etc.)-Larrat, Mille et comp., commissionnaires de roulage à Lyon, avaient reçu des frères Sorrézy, de Milan, huit ballots de soie expédiés avec cette destination: Gandolphi et comp. pour Mancel, de Calais. Les commissionnaires font vendre les soies à Lyon et refusent de rendre compte à Gandolphi, sur le fondement qu'ils ont traité pour leur propre compte avec les frères Sorrézy. Gandolphi oppose les termes du bordereau d'expédition, et, prétendant voir dans ce bordereau la lettre de voiture dont parle l'art. 93 c. com., il demande que les sieurs Larrat, Mille et comp. soient condamnés, à son égard, au payement de la somme de 67,372 fr., et, qu'en outre, il soit autorisé à exercer, contre les tiers détenteurs qu'il découvrira, la revendication des marchandises qui lui étaient destinées, et sur lesquelles il avait privilége, conformément à l'art. 93 c. com. - - Jugement qui déclare Gandolphi non recevable en sa demande. Appel. - Arrêt.

LA COUR; Attendu que si, en matière commerciale comme en matière civile, le privilége sur un objet donné s'établit dans les rapports du créancier et du débiteur par des conventions qui leur sont propres, toutefois, il faut reconnaitre que le droit exclusif qui en dérive s'exerce toujours au préjudice des tiers; d'où il suit que la loi, prévoyante et sage, a dû dans l'intérêt de ceux-ci, prévenir, par d'utiles garanties, les abus qu'on pouvait naturellement redouter; Attendu que le privilége conféré sur une chose mobilière n'a d'effet qu'au moment où cette même chose, sortie des mains du propriétaire, est mise, comme gage, à la disposition du créancier sous les conditions de la loi; vérité proclamée par les art. 2074 ei 2076 c. civ., et reproduite avec une égale énergie dans l'art. 95 c. com.; -Attendu que l'art. 93 du même code, qui, dans l'objet de protéger la rapidité si avantageuse et si nécessaire aux opérations commerciales, donne plus d'extension au privilége et plus de facilité pour le constituer, a maintenu le principe de la mise du gage à la disposition du créancier, se bornant à en varier le mode; en effet, il a fixé trois conditions alternatives, dont une seule suffit: 1° les magasins du créancier, alors que les marchandises sont expédiées d'une autre place; 2° un dépôt public; 3o un connaissement ou une lettre de voiture, lorsque les marchandises voyagent Attendu encore, afin de constater que l'expédition lui en a été faite; que le dessaisissement du propriétaire, qui est une nécessité absolue pour la création du privilége, doit être constaté par les preuves que la loi détermine; car, en cette matière, où tout est exceptionnel et de droit rigoureux, il n'est pas possible de se montrer indulgent, même dans les circonstances les plus favorables; - Attendu que de simples bordereaux d'expédition qui embrassent une plus ou moins grande quantité de marchandises pour diverses personnes, et qui contiennent des désignations ou incertaines, ou équivoques, ou contradictoires, adressées à des commis

[ocr errors]

qui porte « Tous prêts, avances ou payements qui pourraient étre faits sur des marchandises déposées ou consignées par un individu résidant dans le lieu du domicile du commissionnaire, ne donnent privilége au commissionnaire ou dépositaire qu'autant qu'il s'est conformé aux dispositions prescrites par le code civ., liv. 3, tit. 17 (2073 à 2084), pour les prêts sur gages ou nantissements. » Ainsi la consignation des marchandises ne donne lieu au privilége du commissionnaire qu'autant qu'il y a un acte pu blic ou sous seing privé, dûment enregistré, contenant la décla ration de la somme due, ainsi que l'espèce et la nature des choses consignées, ou un état annexé de leurs qualités, poids et mesure (2074).—L'article 95 c. comm., est rigoureux dans ses prescriptions, exorbitant du droit commun en matière commerciale; il doit dès lors être restreint au cas qu'il a spécialement prévu. Ainsi, toutes les fois que les deux parties n'habiteront pas la même ville, cet article ne sera pas la règle à suivre.

215. Quand les commerçants résident dans la même ville, il faut nécessairement se plier au texte de la loi qui veut un acte ayant date certaine et la tradition des marchandises. L'une de ces conditions sans l'autre ne suffirait pas. Ainsi la tradition des marchandises ne serait pas assez s'il n'y avait pas un acte présentant les formalités de l'art. 2074 (Aix, 4 juill. 1810) (2).

De même, si un négociant habitant Paris faisait, d'une manufacture située à Alfort, adresser des marchandises en consignation à un autre négociant demeurant aussi à Paris, ce der

sionnaires de roulage placés sur divers points de la route, ne sauraient tenir lieu de connaissement ou de la bonne lettre de voiture, qui, formant le contrat au lieu du départ et pour tout le trajet à parcourir, fait connaître le véritable destinataire, le rend maître de la chose qui voyage à ses périls et risques, et ne permet plus qu'on puisse détourner à son préjudice la marchandise dont les intermédiaires, quelque soit le mandat partiel qu'ils aient reçu, auront tous à lui rendre compte; — Attendu que les appelants ne prouvent point que les ballots de soie dont il s'agit au procès soient entrés dans leurs magasins ou aient été mis pour leur compte dans un dépôt public, et, enfin, qu'ils ne rapportent ni connaissement ni lettre de voiture constatant que cette marchandise ait voyagé pour leur être rendue ou pour rester à leur disposition, conditions alternatives et indispensables, auxquelles l'art. 93 c. com. attache le caractère de l'effica cité du privilége; Confirme.

Du 26 juill. 1837.-C. de Lyon, 4o ch.-M. Acher, pr.

(2) Espèce:

[ocr errors]

(Coullange C. Tronchet.) En 1806, vente à Treille et Isoard par Coullange, bijoutier à Paris, de deux petites caisses de bijouterie. En payement, Coullange reçoit des traites tirées par Treille et acceptées par Isoard. Ce dernier, habitant de Marseille, ayant besoin de fonds, confia les deux boîtes aux sieurs Tronchet et comp., qui se chargèrent de les vendre, et avancèrent sur le produit une certaine somme. Le 30 nov. 1807, jugement consenti, entre Isoard et Tronchet, par lequel celui-ci fut autorisé à vendre les bijoux à son profit. Coullange, dont les traites n'avaient pas été payées, apprenant que les deux cassettes étaient entre les mains de Tronchet, les fit saisir, et forma tierce opposition au jugement du 30 nov. 1807; Tronchet a soutenu que Coullange n'y était pas recevable, parce qu'il avait été représenté par son debiteur. - Au fond, il a prétendu qu'il avait un privilége sur les bijoux, soit comme commissionnaire, soit comme détenteur à titre de gage. Arrêt. LA COUR;Considérant, 1° que, quoique, en thèse ordinaire, l'op position ne compète point au créancier de celui envers lequel le jugement a été rendu, il en est autrement quand il y a eu collusion entre le débiteur et la partie qui a obtenu gain de cause; que la collusion d'Isoard avec les sieurs Tronchet et comp. résulte de leur conduite, de leur défense, des circonstances de la cause, et notamment de la facilité avec laquelle Isoard souscrivit, par-devant le tribunal de commerce, à tout ce que les sieurs Tronchet et comp. demandèrent lors du jugement du 30 nov. 1807. Considérant, 2° que la loi ne donne le droit d'être payé, par privilége et par préférence, sur les objets déposés entre ses mains, qu'au commissionnaire qui a fait des avances sur des marchandises à lui expédiées, et à celui qui a prêté sur nantissement, lorsque ce dernier a fait dresser un acte notarié, constatant les sommes par lui prêtées, et les objets remis en gage; que les sieurs Tronchet et compagnie ne sont ni dans l'un ni dans l'autre cas; ils ne peuvent pas être réputés commissionnaires, puisqu'ils n'ont pas en leur faveur l'expédition de place en place, les cassettes de bijouterie dont il s'agit leur ayant été remises à Marseille, ainsi que la lettre qui leur a été écrite par Isoard de Marseille à Marseille, dont ils ont excipé, en fait foi; et ils ne prouvent pas qu'ils aient rempli les formalités exigées en matière de prêt sur nantissement, pour garantir le tiers de la fraude; Considérant, 3° que ce n'est point à raison d'un privilége sur les objets de bijouterie dont il s'agit, que le sieur Coullange demando la totalité des sommes en provenant; mais que la collusion des sieurs

« PreviousContinue »