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toutes les avances qu'il fait tant que subsiste la consignation: qu'on voudrait en vain le restreindre aux avances faites spécialement sur telles marchandises, en sorte que les avances une fois remboursées, les marchandises demeurées en la possession du commissionnaire ne doivent plus répondre des avances postérieurement faites (Douai, 5 janv. 1844, aff. Lecomte, V. n° 208).

139. On doit encore entendre par avances même les sommes que te commissionnaire a été obligé de restituer par suite de l'annulation de la vente qu'il avait consentie à un tiers qui, avant ré

sa demie dans les bois du chargement d'aller, dont le prix a été employé a former le chargement de retour; que, s'il est juste que Séris soit payé sur les traites des fournitures qu'il a faites pour la cargaison de retour, il P'est aussi que les héritiers Chazal le soient après lui sur les mêmes traites, mais avant les fournitures que Séris peut avoir faites à tout autre titre que de consignataire; - Par ces motifs, la cour condamne Seris à payer à Delalande, en déduction de la traite dont il est porteur, 3,143 fr. 7 c.» Pourvoi de Séris, pour violation, entre autres, de l'art. 93 c. com.; il invoque l'arrêt du 23 juin 1830, et l'avis de MM. Pardessus et Locré. Arrêt (après délib. en ch. du cons.). LA COUR; Vu l'art. 93 c. com. :Considérant que l'arrêt attaqué reconnait, en droit, que le demandeur, en sa qualité de commissionnaire, avait un privilége sur les valeurs provenant des traites à lui adressées par ses commettants pour le couvrir des avances qu'il avait faites pour leur compte; mais qu'il juge ensuite, en adoptant une distinction qui n'est pas dans la loi, que des fournitures particulières, personnelles aux commettants, que le commissionnaire leur a faites, même en étant déjà nanti des valeurs qui lui étaient remises pour le couvrir, ne participaient pas du privilége qui lui était acquis, lequel ne pouvait dépasser les avances faites pour le seul chargement de retour du navire qui lui avait été consigné; Attendu que l'art. 93 ci-dessus se sert du terme générique d'avances, lequel comprend toutes les sommes, tous les objets, toutes les valeurs quelconques qui sont sorties des mains du commissionnaire et qui ont profité au commettant; Attendu que l'arrêt attaqué ne conteste ni l'existence ni la légitimité des fournitures particulières au mandant par le mandataire déja nanti des valeurs qui lui servaient de gage; qu'il ne constate pas non plus qu il soit intervenu entre les parties aucune convention par laquelle elles auraient renoncé au bénéfice de l'art. 93; d'où il suit qu'en refusant d'en faire l'application à la cause et en ordonnant que des fournitures faites de bonne foi, sans fraude, seraient retranchées du compte courant du demandeur avec ses commettants, au profit d'un autre créancier dudit commettant, l'arrèt attaqué a formellement violé ledit art. 93, lequel n'établit pas de distinction entre les diverses avances qu'un commissionnaire nanti a faites à son commettant; - Casse, etc.

Du 29 avril 1833.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Legonidec, rap.-De Gartempe, av. gén., c. conf.-Lanvin et Godard, av.

(1) Espèce: (Bonnaric C. Morel.) - Des marchandises, d'une valeur de plus de 5,000 fr., sont expédiées à Dunkerque par la maison Bonnaric, de Cette, de l'ordre et pour le compte de Godefroy, de Lille.

Avant leur arrivée, ces marchandises sont en partie vendues au sieur Saint-Hilaire, sur facture et connaissement, par le sieur Morel, de Dunkerque, qui avait été chargé par Godefroy de les recevoir et de les vendre. - Morel remet à ce dernier le prix de la vente, montant à 3,000 fr., et lui avance, en outre, 2,000 fr. sur les mêmes marchandises. Plus tard, faillite de Godefroy. — La maison Bonnaric revendique les marchandises avant leur arrivée à Dunkerque. -Saint-Hilaire fait résoudre la vente, et s'en fait rembourser le prix par Morel. Ce dernier prétend alors que le montant de ce prix et les 2,000 fr. par lui avancés à Godefroy, doivent lui être remboursés par la maison Bonnaric, avant que celle-ci puisse exercer l'action en revendication. — Jugement qui le décide ainsi, Appel par la maison Bonnaric. Elle soutient que l'exercice de la revendication ne soumet le revendiquant qu'à la charge de rendre l'actif du failli indemne de toute avance (c. com. 579); que le privilége éventuel du commissionnaire sur les marchandises s'éteint en cas de revendication, comme les droits de l'acheteur à défaut de payement; qu'aux termes de l'art. 93. c. com., le commissionnaire n'a privilége que sur les marchandises à lui expédiées, et seulement pour le remboursement de ses avances, et que, dans l'espèce, ce n'est point au commissionnaire, mais à l'acheteur, que les marchandises ont été adressées, et enfin, que l'on ne peut considérer comme des avances les 3,000 fr. remboursés par Morel à SaintHilaire.

2 avril 1828, arrêt confirmatif de la cour de Douai en ces termes :Considérant que la maison Bonnaric, Lafon et Bourbon a droit de revendiquer les marchandises dont il s'agit; qu'en effet, d'une part, elles étaient encore en route; que la vente qui en avait été consentie, le 31 octobre, au sieur de Saint-Hilaire, n'avait été faite que sur connaissement et facture, et que, d'ailleurs, cette vente a été résolue; que, d'un autre côté,

ception des marchandises, avait donné des à-compte sur le prix (Req., 8 juin 1829)(1).

140. C'est cn conséquence de ce principe que le commettant ne peut retirer les marchandises qu'il a consignées sans rembourser au consignataire les sommes que celui-ci a déboursées, qu'il a été jugé que le commissionnaire qui a accepté des traites tirées. sur lui par le commettant, est censé lui avoir fait des avances qui empêchent la revendication de ce dernier. On ne tiendrait même pas compte de la circonstance que, depuis l'acceptation de ces traites, le commissionnaire est tombé en faillite du moment où

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les traites revêtues de l'acceptation de Godefroy de Villers n'ont été prises en payement, par ladite maison, que sauf encaissement; qu'elles ont été protestées faute de payement à leur échéance, et qu'enfin le sieur Godefroy de Villers a été declaré failli par jugement du 29 sept. 1827, qui a reporté l'ouverture de la faillite au 12 février précédent; Considérant néanmoins que cette revendication ne peut être exercée au préjudice des droits réels que des tiers auraient acquis sur la chose revendiquée; que c'est ce qu'il faut induire de l'art. 578 c. com., qui, en interdisant la revendica→ tion quand les marchandises ont été vendues avant leur arrivée, sans fraude, sur facture et connaissement, ne l'autorise évidemment que, sauf les droits des tiers, quand elles ont été données en gage ou affectées par privilége; qu'en effet, par cela seul que l'acquéreur peut aliéner incommutablement, au préjudice du vendeur primitif, la chose dont il n'a pas payé le prix, il peut l'engager et l'affecter incommutablement au préjudice du même individu; que la maxime resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis, vraie quant aux immeubles, suivant la disposition de l'art. 2125 c. civ., est sans application quant aux meubles, lesquels n'ont pas de suite, et peuvent, aux termes de l'art. 2279, même code, et hors le cas de trouvaille ou de vol, être aliénés, par le simple détenteur, au préjudice du véritable propriétaire, qui ne peut les revendiquer dans les mains du tiers acquéreur; qu'il suit de là que la revendication ne peut paralyser le privilége que l'art. 93 c. com. accorde aux commissionnaires pour le remboursement de leurs avances;

Considérant que ce privilége ne peut être contesté à la maison veuve Dominique Morel et fils; qu'en effet, les marchandises dont il s'agit ont été expédiées à Dunkerque par la maison Bonnaric, Lafon et Bourbon, de Cette, de l'ordre et pour compte de Godefroy de Villers, de Lille; qu'à la demande de ce dernier, Morel et fils, de Dunkerque, les ont fait assurer, et se sont chargés d'en opérer la vente en qualité de commissionnaires qu'à cet effet, le connaissement à ordre, adressé par Bonnaric, Lafon et Bourbon, à Godefroy de Villers, a été passé le 2 novembre, par celui-ci, à l'ordre de Morel et fils, qui ont en effet vendu lesdites marchandises à de Saint-Hilaire; que, dans ces circonstances, il n'est pas douteux que Morel et fils n'aient droit, à raison des avances qu'ils ont faites à Godefroy de Villers, leur commettant, au privilége de l'art. 93; - Qu'il importe peu que les marchandises ne leur aient pas été expédiées directement de Cette; que ce n'est pas l'expédition faite directement au commissionnaire, du point de départ originaire, qui fonde le privilége que la loi lui accorde, mais l'envoi qui lui a été fait de marchandises d'une place autre que celle qu'il habite; que le système contraire conduirait à cette conséquence funeste pour le commerce, que l'acheteur ne pourrait se réserver la faculté de choisir, pendant que les marchandises sont en route, le commissionnaire à qui il voudrait en confier la vente, ni remplacer par un autre celui qu'il avait choisi d'abord, ou que du moins privé, dans l'une et l'autre hypothèse, du privilége de l'art. 93, le commissionnaire à qui les marchandises sont envoyées ne consentirait à faire aucune avance à son commettant;

Considérant que le privilége existe en faveur de la maison Morel et fils, non-seulement à raison des 2,000 fr. qu'elle a avancés à Godefroy de Villers, le 16 novembre 1826, mais encore à raison des 5,000 fr. qu'elle a reçus de Saint-Hilaire, et qu'elle a remis audit Godefroy; qu'en effet elle n'a reçu cette somme qu'à la charge de la restituer dans le cas où la vente viendrait à être résolue; que cette résolution ayant été prononcée, elle s'est vue, en sa qualité de commissionnaire, personnellement obligée envers de Saint-Hilaire au remboursement de cette somme; qu'en la payant elle a acquitté, non la dette de Godefroy de Villers, mais sa dette personnelle, et s'est trouvée dès lors, vis-à-vis dudit Godefroy, dans la même position que si elle lui avait fait l'avance des 3,000 fr. qu'il s'agit; qu'elle a donc droit au privilége de l'art. 93, puisqu'elle n'a fait cette avance qu'à raison des marchandises dont le connaissement avait été passé à son ordre; Confirme, etc.

Pourvoi de Bonnaric: -1° Violation de l'art. 577 c. com., et fausse application de l'art. 579 du même code; - 2o Violation et fausse application des art. 93 et 94 du même code. - Arrêt.

LA COUR;

Sur le premier moyen, résultant d'une prétendue violation de l'article 577 c. com., et d'une fausse application de l'article 579 du même code; - Attendu, en droit, que l'action en revendication est fondée sur un droit purement exceptionnel; qu'elle n'est pas identique avec l'action résolutoire, et ne peut en obtenir les effets;

le commettant veut reprendre les marchandises, il est tenu de rembourser la valeur du montant intégral des lettres de change qui ont été acceptées (Req., 4 juill. 1826) (1).

Ainsi, on entendra par avances, les mandats acquittés, les crédits ouverts, les achats faits au nom du commettant, les payements opérés pour lui, et en un mot tout ce qui lui profite ou vient à sa décharge. V. en ce sens M. Troplong, du Nantiss., no 209 et 210; MM. Delamarre et Le Poitvin, nos 391 et 421.

141. Il importerait peu que le commettant vînt ou ne vînt pas contester l'utilité des dépenses faites pour lui, si ces dépenses étaient utiles et si le commissionnaire prouvait qu'il a agi de bonne foi le refus du commettant ne pourrait priver son mandataire d'un droit qui est accordé par la loi.-V.MM. Persil et Croissant, p. 74. 142. La loi a accordé un privilége au commissionnaire pour ses avances, frais et intérêts; on en a conclu que son droit de préférence ne pouvait pas s'exercer pour le montant de la commission qui lui est due. C'est entendre judaïquement les termes de la loi, car le commissionnaire en accomplissant le mandat qui lui a été donné, fait l'affaire de tous les créanciers du commettant et dès lors ceux-ci sont tenus envers lui. Il est donc juste de que, suivant les conditions imposées par le titre du code de commerce, relatif à la revendication, l'exercice de cette action ne peut faire rentrer les marchandises vendues et non payées, dans les mains du vendeur, libres et franches de toutes les dispositions faites par l'acquéreur pendant sa saisine légale; que ces principes résultent des art. 577, 578, 579 c. com., combinés avec les art. 2219 et 2279 c. civ.; Attendu que l'arrêt attaqué, loin d'avoir méconnu ces principes de droit, en a fait une juste application, en accordant aux demandeurs la faculté de revendiquer, et en la soumettant aux conditions exprimées au titre du code de commerce relatif aux revendications;

Sur les deuxième et troisième moyens, fondés l'un et l'autre sur une prétendue violation et fausse application des art. 93 et 94 c. com.; Attendu que l'art. 93 dudit code, dont l'art. 94 n'est qu'une conséquence, exige deux conditions pour l'exercice du privilége qu'il concède au commissionnaire, savoir, des avances sur les marchandises confiées à sa commission, et l'expedition, à lui faite, d'une autre place que celle où il réside; Attendu, en fait, que l'existence des avances spéciales sur les eaux-de-vie, qui font l'objet du procès, est déclarée constante par l'arrêt attaqué; qu'il en est de même pour l'expédition faite d'une autre place au commissionnaire, puisqu'il n'est pas contesté que le connaissement délivré à ordre, conformément à l'art. 281 c. com., avait été passé à l'ordre du commissionnaire, habitant, ainsi que son commettant, dans une place autre que celle de l'expéditeur; qu ainsi, et sous le double rapport indiqué, il a été fait une juste application de l'art. 93 c. com. ;-Rejette, etc. Du 8 juin 1829.-C. C., ch. req.-MM. Favard, pr.-Borel, rap. (1) Espèce:-(Synd. Leseigneur C. synd. Picard.)-La maison Leseigneur-Alexandre frères, du Havre, consigne des marchandises au sieur Picard, de Rouen, et tire sur lui des traites, qui sont acceptées. Avant leur payement, faillite de Picard. Peu de temps après, faillite de Leseigneur. Le 17 nov. 1824, le syndic de la faillite Picard assigne celui de la faillite Leseigneur, devant le tribunal de commerce de Rouen, pour aire ordonner la vente des marchandises consignées. Celui-ci s'oppose à la vente, et revendique les marchandises. Le 3 janv. 1825, jugement qui autorise la vente demandée, jusqu'à concurrence des sommes avancées par la maison Picard.

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Appel; et le 22 mars 1825, arrêt confirmatif de la cour de Rouen en ces termes : « Attendu qu'il résulte, de la combinaison de l'art. 581 avec les art. 93 et 579 c. com., que propriétaire de la marchandise ne peut la revendiquer aux mains du consignataire, qu'à la charge de le rendre indemne des frais, droits et avances par lui faits, ainsi que des actions et répétitions qui pourraient être exercées contre lui à raison de la consignation; · Attendu qu'il est reconnu, entre les parties, que la maison Leseigneur-Alexandre, du Havre, a tiré sur la maison Picard frères, de Rouen, consignataires de marchandises, des traites; que ces traites ont été acceptées par la maison Picard frères, remises à la maison Leseigneur-Alexandre, qui les ont négociées et en ont reçu le montant, par l'effet de ladite négociation, depuis quoi les deux maisons sont tombées en faillite; Attendu que l'obéissance des syndics de la masse Leseigneur-Alexandre, à l'appui de leur revendication, de tenir compte à la masse de Picard frères du dividende que cette dernière masse serait tenue de payer pour cause des acceptations faites par les consignataires, est insuflisante pour leur indemnité complète, puisque Picard frères étant débiteurs solidaires du total des lettres de change acceptées, le payement d'un dividende ne les affranchirait pas, s'ils venaient à meilleure fortune, de la poursuite des tiers-porteurs, pour ce qu'il leur resterait dû au delà des dividendes par eux touchés sur les deux masses; Attendu, d'une autre part, que, par le fait de la négociation des lettres de change acceptées par la maison Picard frères, Leseigneur-Alexandre, ayant reçu des

-

Le contraire a

lui accorder un privilége pour sa commission.. cependant été jugé (Bruxelles, 23 fév.1828) (2). 143. Tous les jurisconsultes sont d'accord pour reconnaître au commissionnaire un privilége sur les marchandises qu'il détient soit réellement, par lui ou ses mandataires, soit fictivement, lorsqu'elles lui sont expédiées et qu'il a reçu le connaissement ou la lettre de voiture. Mais la divergence se manifeste quand il s'agit de sommes qui étaient dues au commissionnaire antérieurement à l'expédition des marchandises. Les uns prétendent que le privilége peut s'exercer dans ce cas comme dans celui où les sommes auraient été déboursées sur les marchandises. Les autres se fondant, au contraire, sur le texte de l'art. 93, refusent ce droit au commissionnaire.-Dans la première opinion, on invoque Valin, qui dit dans son Commentaire sur l'ordonnance de la marine, liv. 2, tit. 10, art. 3: « La faveur du commerce a fait introduire le privilége du nantissement ou de la saisie naturelle, au profit de celui qui, ayant à sa consignation des marchandises appartenant à un négociant dont il est le commissionnaire correspondant, avance des sommes sur le prix de ces marchandises.

Par exemple, un navire est adressé à un négociant pour en faire le désarmement et vendre sa cargaison; il paye avant toute tiers-porteurs le montant intégral desdites traites, leur actif commercia s'est accru d'une valeur égale aux sommes par eux ainsi touchées, et les syndics de leur masse retrouvent dans cet accroissement de l'actif de Leseigneur-Alexandre, le prix des marchandises qui avaient été consignées à Picard frères; - Attendu que si, dans cet état de choses, on admettait la revendication au profit de la masse Leseigneur-Alexandre, cette masse réunirait dans sa maison les marchandises consignées et le prix desdites marchandises, au préjudice de la masse des consignataires faillis, et qu'en pareil cas, la revendication ne serait recevable qu'autant que les demandeurs offriraient de remettre à la masse Picard frères leur acceptation des traites, comme quittes et vides d'effet. »

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Pourvoi des syndics de la faillite Leseigneur: 1° pour fausse application de l'art. 579 c. com., en ce que cet article n'est applicable qu'au cas où les marchandises revendiquées ont été vendues et non payées, et nullement au cas où elles ont été simplement consignées ;-2° Pour violation de l'art. 581 c. com.; -3° Violation des art. 93 et 94 c. com. Arrêt. LA COUR; Considérant, sur le premier moyen, que les art. 576 et suiv. c. com. autorisent la revendication tant dans les cas de vente de marchandises non payées que dans le cas de dépôt et de consignation de marchandises; que ce titre comprend des dispositions communes aux deux espèces de revendication, et des dispositions particulières à chacune d'elles; Que l'on doit nécessairement ranger parmi les premières l'art. 579 qui accorde une indemnité à l'actif du failli pour frets, voiture et avances; Que cet article ne doit pas être restreint au cas de la revendication des choses vendues, mais qu'il doit s'étendre même à la revendication des objets consignés, parce que ces mots, en cas de revendication, qui sont les premiers de l'article, s'appliquent indistinctement aux deux cas; et même au privilege accordé par les art. 93 et 94 précédents; Considérant, sur le deuxième moyen, que la cour royale a jugé, en fait, que la totalité des marchandises consignées était nécessaire pour indemniser les consignataires de leurs frais et avances, et que la revendication exercée par les demandeurs en vertu de l'art. 581 devait être rejetée;

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Considérant, sur le troisième moyen, que la cour royale a jugé également, en fait, qu'il était reconnu par les parties que les traites avaient été acceptées par la maison Picard, et négociées par la maison du Havre; que cette maison en avait encaissé la valeur; qu'elle ne pouvait revendiquer les marchandises dont elle avait touché le prix ; que la cour, partant de ces faits, a déterminé l'indemnité due, et a pu rejeter la revendication comme rendant illusoire le droit qu'avait le consignataire d'être rendu indemne; - Que si les fonds ont été encaissés par suite de l'acceptation faite par la maison Picard, cette maison est censée en avoir fait l'avance et doit profiter du privilége qui lui est garanti par les art. 93, 94 et 579 c. com., pour être indemnisée; - Rejette.

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Du 4 juill. 1826.-C. C., ch. req.-MM. Botton, pr.-Favard, rap.

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(2) (N... C. syndics S...) LA COUR; Attendu que, d'après les dispositions de l'art. 93 c. comm., le commissionnaire n'a de privilége que pour ses avances sur les marchandises, et pour les frais par lui faits à cette occasion;- Que le premier juge, qui a étendu cet article au droit de commission, a infligé grief à l'appelant; car cette extension est contraire tant au texte qu'a l'esprit de cet article, vu que le droit de commission ne peut être compris parmi les avances et frais, ni être rangé sur la même ligne, puisque le droit de commission n'est point une avance, mais bien plutôt un gain, ou au moins un salaire pour l'accomplissement d'un mandat: Par ces motifs, - Met le jugement a quo au néant; Emendant,-Dit que les intimés ne sont pas fondés à prélever par privilége leur commission dans le compte.

Du 23 fév. 1828.-C. sup de Bruxelles, 4o ch.

vente (et par conséquent avant d'avoir en main aucuns deniers appartenant à son commettant) les gages de l'équipage, les primes d'assurance, les sommes empruntées à la grosse; il acquitte de plus, ou il accepte des lettres de change que son commettant lire sur lui. Nul doute que, pour son remboursement, il n'ait droit de retenir par ses mains, par voie de compensation, avec privilége exclusif à tous autres créanciers, toutes les sommes qu'il a ainsi avancées... Cela est si naturel et si juste qu'il est étonnant qu'il se soit rencontré des gens assez chicaneurs pour disputer la compensation en pareil cas, de même qu'en tous autres où le négociant se trouve nanti, soit avant, soit après ses avances, sans avoir les mains liées par aucune saisie. Aussi ont-ils successivement succombé autant de fois qu'ils ont eu la témérité d'élever la question. Il est même des pays, comme en Hollande, où, pour la preuve du nantissement, il suffit de représenter la clef du magasin où sont les marchandises, tant les opérations qui produisent la circulation vive du commerce sont favorables et méritent d'être protégées. »

On fait remarquer que l'usage du commerce, attesté par Valin, 'est d'accorder un privilége pour les sommes dues au commissionnaire, qu'elles aient été avancées avant qu'il fût nanti ou qu'elles l'aient été après son nantissement. On ajoute que l'on ne peut invoquer l'art. 2074 c. civ., puisque l'art. 2084 a déclaré que les formalités établies par ce code pour la constitution du gage ne s'appliquent pas aux matières de commerce; qu'au surplus l'art. 8, tit. 6, de l'ordonn. de 1675, portait qu'aucuns prêts sur gage n'étaient valables s'ils n'étaient prouvés par un acte par-devant notaire, et que Jousse, sur cet article, a constaté, d'après Lecamus, qu'il ne s'appliquait que contre les usuriers et ceux dont la mauvaise foi était prouvée ou du moins violemment présumée; que le code civil, en déclarant qu'il laissait en dehors les matières du commerce, doit être entendu dans le sens de l'usage attesté par Valin et par Jousse.-M. Pardessus, t. 4, p. 378, a adopté le sentiment de ces jurisconsultes, car il dit : « Le privilége existe du jour de la sortie des marchandises des magasins de l'expéditeur, si le prêt est antérieur. »

Telle est encore la pratique de tous les peuples. Ainsi Paley, l'oracle de la jurisprudence consulaire en Angleterre, a dit : « Ce serait chose évidemment préjudiciable à la circulation du négoce, si les commissionnaires, dont l'emploi est de la faciliter, ne pouvaient se dessaisir de la marchandise qui est entre leurs mains, sans perdre la garantie la plus certaine de leurs avances; ce qui aurait lieu, si le droit de rétention se bornait à la marchandise objet de ces avances » (V. aussi MM. Delamarre et Le Poitvin, 1. 2, no 392, p. 712.) De même, en Hollande, lorsqu'il s'agit de marchandises expédiées de l'extérieur, le privilége du commissionnaire s'étend aux obligations courantes que le commissionnaire a contractées pour le commettant. On avoue cependant que, dans cette contrée, le privilége du commissionnaire sur les marchandises expédiées de l'intérieur est restreint aux avances faites par rapport aux marchandises ou effets sur lesquels il veut exercer son privilége (V. c. holl., art. 80, T. de M. V. Foucher). Mais il n'est pas moins certain que les Français, détenant à titre de commissionnaires des marchandises appartenant à des Hollandais n'ayant pas de privilége pour leurs avances antérieures à la détention de ces marchandises, seraient moins bien traités que les commissionnaires qui, en Hollande, détiendraient des marchandises appartenant à des Français.

A l'appui de cette thèse, on a essayé de démontrer que le droit du commissionnaire n'était pas un privilege; que ce nom, désignant une création juridique spéciale et restreinte dans les termes de la loi qui l'établit, devait être repoussé. Ainsi MM. Delamarre et Le Poitvin ont remplacé le mot privilege par celui de rétention. Le droit de rétention qu'ils accordent au commettant est, d'après eux, bien supérieur à un simple privilége; d'abord en ce qu'il a toujours la priorité, jamais de concurrence; ensuite en ce que le privilége dérive de la loi, ne tire que d'elle toute son efficacité, et n'existerait pas si la loi ne l'avait pas établi. Au contraire, le droit de rétention ne dérive pas autant de la convention que de l'équité, ni de la loi civile que de la loi naturelle (t. 2, n° 587). Ce droit diffère d'ailleurs du gage, en ce qu'il faut une convention spéciale pour constituer un nantissement, au lieu que le droit de rétention a lieu sans aucune convention (t. 2, no 589).

Partant de là, ces auteurs décident donc que ce droit de rétention « s'exerce non-seulement sur la marchandise à l'occasion de laquelle le commissionnaire a fait des déboursés, des frais, des payements ou des avances, mais encore pour le solde général de son compte sur toutes celles dont il a la détention, quelque étrangères qu'elles soient au résultat de ce compte » (t. 2, no 392).

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M. Troplong a soutenu que le droit de préférence accordé au commissionnaire provenait de ce qu'un gage lui était donné (du Nantissement, n° 42). Mais il soutient que le gage commercial ne doit pas être prouvé comme le gage civil. Il n'y a d'exception à cette règle que dans les cas où le code de commerce a exigé ce genre de preuve, c'est-à-dire, aux termes de l'art. 95 c. comm., quand le débiteur et le créancier habitent la même ville (n° 126). Mais comme il faut qu'une convention expresse ou tacite scit intervenue pour constituer le gage du commissiounaire, M. Troplong enseigne qu'il faut distinguer entre le cas où la marchandise a été affectée au payement d'avances faites par ce dernier avant la détention du commissionnaire et l'hypothèse où cette affectation spéciale n'a pas été consentie (n° 217). Ainsi, dans son opinion, quand il existe une convention entre les parties, l'avance est privilégiée, quand même le prêteur aurait fait son découvert avant d'avoir le gage entre ses mains. La réalisation du gage a un effet rétroactif et opère comme si le gage avait été fourni ab initio (nos 242 et 249). Il suppose, du reste, une convention tacite entre les parties, lorsqu'elles sont en compte courant, en vertu de laquelle les dernières marchandises sont affectées par privilége aux avances faites sur les premières (no 256). Mais il n'hésite pas à décider qu'en l'absence de toute convention expresse ou tacite, le commissionnaire n'est pas privilégié pour les avances qui n'ont point été faites sur la marchandise expédiée (no 212). Ainsi, cette opinion est moins favorable au commissionnaire que celle de MM. Pardessus, Delamarre et Le Poitvin, qui ne distinguent pas entre les deux hypothèses posées par M. Troplong. Relativement aux raisons tirées de l'ancien usage attesté par Vatin et par Jousse, il importe de se fixer sur leur portée. D'abord, il faut remarquer que cet usage était contraire à l'ord. de 1673, tit. 8, art. 6, qui exigeait un acte par-devant notaire, « pour prévenir les fraudes et recelés qui peuvent arriver fréquemment de la part des marchands et négociants, en exigeant de leurs debiteurs des gages ou nantissements, lorsque ceux-ci viennent à faire faillite » (Jousse, ibid.). Ensuite, on ne peut nier que cet article n'ait du s'appliquer aux matières commerciales, puisque l'ord. de 1673 tout entière était relative au commerce. Lors donc que l'art. 2084 c. civ. a déclaré que les règles établies par l'art. 2074, pour la validité d'une constitution de gage, n'étaient point applicables aux matières de commerce, on doit croire qu'il n'a ainsi disposé que par cette considération que l'ordonnance de 1673 existait encore, et qu'elle avait régié les formes du gage entre commerçants; mais il y a plus, et à supposer, ainsi que cela peut être facilement admis, que le legislateur du code civil, incertain sur ce qui serait réglementé en matière de nantissement commercial, par le code de commerce dont il allait bientôt avoir à s'occuper, à supposer, disons-nous, que dans l'incertitude des dispositions qui seraient adoptées, il ait entendu réserver l'avenir, on devrait toujours conclure du silence qu'il a gardé, touchant ce contrat dans le code de commerce, qu'il a entendu se référer aux art. 2074 et suiv. c. civ., pour tous les cas que le code de 1807 n'a point prévus. Comment concevoir, en effet, qu'il ait entendu affranchir de toutes formes impératives, le contrat de gage si important dans les usages du commerce, si éminemment propre à masquer des fraudes que la mauvaise foi ou l'amour du gain peuvent inventer? Et c'est surtout quand il s'agit du privilege qui est accordé au commissionnaire pour ses avances par l'art. 95 c. com.. que cette interprétation doit être accueillie, puisque ce privilége échappe, comme on a eu plusieurs fois occasion de le rappeler, à l'action en nullité de l'art. 446, relatif aux actes faits dans les dix jours qui ont précédé la faillite.

Cependant, on invoque le droit des gens, l'usage de l'Angle-. terre, par exemple, où le commissionnaire est privilégié pour ses avances même antérieures, celui de la Hollande, qui est défavorable aux négociants français qui ne peuvent réclamer une juste réciprocité.

On peut répondre, d'une part, que ces raisons, bonnes en

théorie, n'offrent que des considérations extralégales que le législateur peut seul apprécier le magistrat n'a point à s'en préoccuper ; il n'a qu'un guide, c'est la loi; il ne peut se permettre de créer des systèmes lorsque le pouvoir législatif a statué. D'autre part, et à supposer que le droit des gens soit invoqué sur ce point, et que conformément à la doctrine de Valin, l'usage dont parle cet auteur soit encore admis dans les relations maritimes, toujours est-il qu'il faudrait le restreindre aux opérations du commerce extérieur, et qu'il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à l'étendre au commerce interne de la France.

MM. Delamarre et Le Poitvin soutiennent qu'il n'y a, dans le droit que l'usage a reconnu au profit du commissionnaire, ni privilége ni gage, mais bien un droit de rétention établi par la loi naturelle, et ces jurisconsultes rejettent ainsi toutes les règles écrites. Ce système tient à une théorie que nous ne partageons pas, d'après laquelle le code civil ne s'applique jamais aux matières commerciales, qui sont réglées par l'usage d'abord et par le code de commerce ensuite; mais ce n'est pas le lieu de nous en préoccuper (V. Nantissement). Toutefois, il convient de faire remarquer que les relations commerciales sont régies par le code civil combiné avec le code de commerce, comme les dispositions que renferme ce code ont leur appendice naturel dans le code de procédure.-V. le rapport de Regnaud de SaintJean-d'Angély, vo Arbitrage, no 39; V. aussi M. Troplong, du Nantissement, préf., p. 6 et suiv., no 121; Revue de Législ., t. 16, p. 47; M. Alauzet, eod., t. 21, p. 325 et suiv.

Relativement à M. Troplong, cet auteur enseigne que le privilége du commissionnaire dérive d'un droit de gage, et qu'en matière de commerce, le gage peut se constituer sans l'observation des règles du droit civil. La base de cette opinion est le résultat de l'explication que ce magistrat donne de l'art. 2084, qui, d'après lui, serait général pour toutes les matières de commerce et ne recevrait d'exception que celle introduite par le législateur dans l'art. 95, thèse qui sera l'objet d'un examen particulier v Nantissement, et à laquelle répond suffisamment l'obervation que nous avons faite sur l'art. 2084. — On invoque aussi l'intérêt du commerce et la nécessité qu'il y a de favoriser l'arrivée des capitaux aux mains des producteurs. Cela est sans doute considérable, mais l'art. 93 n'a-t-il pas assez fait en faveur des négociants? Nous le pensons et c'est là, au surplus, une question d'économie sociale qu'une loi nouvelle peut résoudre; les magistrals n'en ont pas le pouvoir. Quel est d'ailleurs le moyen accordé aux négociants et aux commissionnaires de se mettre en règle? C'est de faire des actes publics ou sous seings privés constatant la dation d'un gage. Qu’y a-t-il donc ici de si grave? Les droits d'enregistrement sont trop forts, dit-on.— C'est une erreur ; la loi du 8 sept. 1830 dispose que les actes de prêt sur dépôts ou consignations de marchandises, etc., dans les cas prévus par l'art. 93 c. com., seront admis à l'enregistrement moyennant un simple droit fixe de 2 francs; et il est reconnu que cette loi s'applique à tous les dépôts commerciaux (V. vo Enreg. et M. Championnière, Droit d'enregist., t. 4, nos 3773 et 3774). Ainsi, deux simples feuilles de papier de 35 c., un droit d'enregistrement de 2 fr. 20 c., décime compris, cela n'a rien de bien effrayant lorsque le gage est sérieux et que la fraude ne trouve pas à se mettre à couvert sous les formes d'un contrat légitime. Le privilége, d'ailleurs, n'est guère nécessaire que quand le

(1) Espèce: (Syndics Happey C. Chauvet.) La maison HombergStolteno et comp., qui possédait une manufacture de draps à Eupen, près Viviers, avait, à Paris, chez le sieur Happey, un dépôt de ses produits, que celui-ci était chargé de vendre pour le compte de ses commeltants; il acceptait en retour les traites qu'ils tiraient sur lui. - Le sieur Chauvet, propriétaire à Paris, fournissait à Happey, sous le cautionnement solidaire de la maison d'Eupen, les fonds nécessaires pour faire honneur à ces traites. Il était déjà, au commencement de 1811, créancier pour une somme de 100,000 fr., lorsqu'il consentit à faire encore une avance de 40,000 fr., mais à condition qu'il recevrait en consignation des marchandises qui seraient vendues pour le compte de la maison d'Eupen, et dont le produit serait affecté au payement de sa créance personnelle. - La condition fut acceptée, le 15 janvier 1811, par une lettre du sieur Homberg, alors à Paris, et signée, Z. Homberg, chef de la maison Homberg-Stoltenoff et comp. à Eupen. La consignation cut licu en conséquence. Peu après, Happey et la maison d'Eupen tombèrent en faillite,

TOME IX.

débiteur est en faillite. Or, à ce moment la règle est que les créanciers sont égaux entre eux. Pour sortir de cette égalité il faut un texte précis, et l'on n'en peut invoquer en faveur des com missionnaires en dehors de l'art. 93. Grâce pourtant, à la manière large dont on entend cet article, le failli aurait toutes faci-, lités de dissiper son actif et en disposer en faveur des créan ciers qu'il voudrait avantager. L'intérêt de la masse exige bien aussi quelques égards. Par conséquent, on se trouve en face de deux systèmes fort respectables, entre lesquels il ne peut y avoir qu'une seule voie, celle qui résulte d'un texte précis. Ainsi l'art. 93 décide que le droit du créancier est un privilége, que ce privilége est donné pour les avances faites sur les marchandises expédiées: il n'y a donc pas lieu à équivoque; le privilége de cet article ne peut s'étendre au delà, car les priviléges sont de droit étroit, comme cela a été jugé, contre l'ouvrier qui, recevant des marchandises pour les façonner ou les améliorer par son travail, les remet au fabricant au fur et à mesure des livraisons, mais en retient toujours en quantité suffisante pour être payé de ses façons: il a été déclaré mal fondé à prétendre faire porter sur elles le salaire qui lui était dù pour les marchandises qu'il avait rendues, encore bien que travaillant sur une grande échelle, son entreprise ait un caractère commercial. V. notamment les arrêts du 12 brum. an 11, rej., aff. Mejat; 17 mars 1829, aff. Pastor; V. aussi v° Privilége et M. A. Dalloz, D. G., vo Privilége, no 153 et suiv.

Au surplus, le privilége dérive de la cause de la créance. Il ne peut donc être transporté d'une créance à une autre. A plus forte raison ne peut-on pas l'étendre et l'élargir au point de lui faire garantir d'autres créances encore, et pour des sommes plus considérables que celles pour lesquelles le privilége est réclamé. La cause qui établit la préférence dont s'occupe l'art. 93 c. com., c'est que des sommes auront été déboursées sur les marchandises; hors de là, on reste dans le droit commun.-On voit donc, en s'en tenant au texte de la loi, que le droit du commissionnaire est un privilége, que ce privilége est accordé, comme tous les autres, à cause de l'origine de la créance, et que, par conséquent, il est inutile de chercher d'autres noms que celui qui est employé par le législateur.

Ainsi, en restreignant le privilége du commissionnaire aux avances faites sur la chose expédiée, nous restons dans les termes de la loi. Seulement ces avances doivent, comme on l'a dit plus haut, être précédées ou accompagnées de la détention soit réelle, soit fictive, des objets expédiés. Que s'il s'agit de somhics déboursées antérieurement, alors il faudra un acte écrit; autrement, on méconnaitrait les principes en matière de privilége, et l'on renverserait l'art. 2074 c. civ.; mais s'il y a un acte régulier, alors le gage sera valablement constitué, car il peut être donné pour une créance née avant comme depuis la convention. Et sive in præsenti contractu sive etiam præcedebat (L. 5, ff., De pign. et hyp.; M. Troplong, du Nantissement, no 217).

144. Il a été jugé contrairement à cette dernière opinion: 1° que le commissionnaire, même non commerçant, a un privilége sur les marchandises qu'il a reçues en consignation de son débiteur pour en faire la vente, et en affecter le prix au payement de sa créance personnelle, soit que cette créance ait précédé, soit qu'elle ait suivi l'expédition et la consignation des marchandises (Rej., 23 avril 1816) (1).

Les syndics Happey assignèrent Chauvet devant le tribunal de commerce de Paris, en restitution des marchandises, par les motifs qu'Happey était le commissionnaire direct de la maison d'Eupen, et qu'il avait un privilége sur les marchandises; que Chauvet ne pouvait les retenir, parce qu'il n'était ni créancier nanti d'Happey, n'ayant aucun acte qui pût établir le contrat; ni son consignataire, dans le sens de l'art. 95 c. com., puisqu'il n'y avait pas eu envoi d'une place à une autre, et que la plus grande partie des avances avaient été faites avant la consignation. Enfin, et subsidiairement, ils soutenaient que la consignation ne devait pas être censée faite par la maison d'Eupen, parce que la lettre du 13 janv. n'avait pas été signée par Homberg, sous la raison sociale.

Le 25 sept. 1811, jugement qui déclare la consignation valable, en ces termes: «Attendu que la maison Homberg-Stoltenoff et comp., propriétaire des marchandises qu'elle avait en dépôt chez le sieur Happey, et en même temps garante solidaire de la dette dudit sieur Happey envers ledit sieur Chauvet, avait bien le droit, pour s'acquitter, de faire remettre à co dernier des marchandises de son dépôt à Paris, de les lui consigner pour

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145. 2° Que les commissionnaires consignataires avaient, quand ils étaient chargés de vendre, un privilége sur les marchandises consignées dans leurs magasins pour toute espèce d'avances, sans distinction, que ces avances aient été faites pour les marchandises consignées ou pour toute autre cause, sous la foi de la consignation (Req., 22 juill. 1817, aff. Hortel, V. n° 154).

146. 3° Que le privilége du commissionnaire s'appliquait même au cas où des avances antérieures qui avaient été faites, l'avaient été sur des objets d'une nature entièrement différente de ceux sur lesquels le commissionnaire voulait être préféré (Bordeaux, 28 janvier 1839) (1).

147. 4° Que celui qui faisait des avances sur l'annonce du connaissement ou de la lettre de voiture, sans que cette lettre de voiture ou ce connaissement fût en ses mains, pouvait réclamer le privilége du commissionnaire, lors même que la faillite du commettant venait à éclater avant que le connaissement, mis à la poste avant la faillite, lui fût arrivé et que

les vendre pour le compte de ladite maison, et de lui dire de s'en appliquer le produit net en déduction de sa créance sur Happey; d'où 11 suit que le sieur Chauvet, qui, outre ce qui lui était dû par le sieur Happey, lui a encore fait de nouvelles avances sous la foi de cette consignation, a bien acquis le privilége accordé par l'art. 93 c. com., à un consignataire qui a reçu des marchandises d'un négociant d'une autre place, pour en faire la vente pour le compte de son commettant : Attendu, enfin, que cette consignation de marchandises a été faite au sieur Chauvet, avant les dix jours qui ont précédé la faillite du sieur Happey et celle de la maison d'Eupen, etc. >>

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Appel. Le 8 avril 1812, arrêt confirmatif de la cour de Paris. Pourvoi en cassation de la part des syndics Happey, 1° pour violation des art. 2074 o. civ. et 93 c. com.; 2° violation de l'art. 22, de ce dernier code. Arrêt.

LA COUR;

Attendu, sur le premier moyen, que, par le jugement du tribunal de commerce de Paris, du 25 septembre 1811, et par l'arrêt de la cour royale du 8 avril 1812, il a été jugé, en fait, que les consignations des 15 et 16 janv. 1811 ont été faites à Chauvet par la maison HombergStoltenoff et comp. de la ville d'Eupen (ci-devant département de l'Ourthe), en vertu d'ordre de Homberg, chef de ladite maison, à l'effet de couvrir ledit Chauvet des avances déjà faites par lui à Happey, avances dont la maison Homberg-Stoltenoff et comp. est garante et solidaire, et que sur la foi de ces consignations, il a été fait encore de nouvelles avances par le même audit Happey, ce qui excluait l'application de l'art. 95 c. com., et par suite des dispositions prescrites par le c. civ., liv. 3, tit. 17, pour les prêts sur gages et nantissements, puisqu'il résulte de ces faits que les marchandises consignées à Chauvet, et sur lesquelles il avait fait des avances, avaient été expédiées d'une autre place, et lui avaient élé remises afin d'être vendues pour le compte des consignataires;

Sur le second moyen, qu'en jugeant, en droit, que la signature d'Homberg, au nom qu'il agissait et telle qu'elle était donnée, engageait solidairement la maison dont il était le chef, et, par suite, que les consignations étaient valables, et que Chauvet avait sur les marchandises consignées le privilége accordé par l'art. 93 c. com., l'arrêt attaqué n'est contrevenu ni à cet article, ni à l'art. 22 du même code......; Rejette, etc.

·

Du 23 avril 1816.-C. C., sect. civ.-MM. Gandon, pr.-Portalis, rap. (1) Espèce (Syn. Bureau C. Foussat.) — En 1828, Foussat fit à Bureau, capitaine du navire la Revanche, une avance de 70,000 fr. environ pour l'armement de ce navire, destiné à un voyage dans les mers du Sud. Il fut convenu verbalement entre les parties que, pour couvrir Foussat de ses avances, les marchandises qui seraient chargées en retour sur le navire lui seraient consignées, et que le prix serait d'abord employé au payement des avances. - A la fin d'octobre 1828, départ de Bureau: sur son ordre Foussat assure le navire pour 45,000 fr., et la cargaison pour 258,500 fr.; Foussat paye, un peu plus tard, les primes de ces assurances. - En février 1829, Bureau écrit à Foussat d'assurer son navire pour le voyage de retour, à raison de 45,000 fr.: celui-ci paye encore les primes. Le navire périt, et Foussat reçoit des assureurs 27,600 fr. Le 5 avril 1830, Bureau donne avis à Foussat du changement qu'il venait de faire à leur adresse, par le navire la Consolation, de 110 surons d'indigo: il lui donne l'ordre de les vendre, de se payer sur le prix, et de compter le surplus à ses créanciers. Le 4 avril 1832, Bureau est déclaré en faillite, et un nouveau jugement fit remonter l'époque de la faillite au 2 janv. 1830. Les syndics demandent à Foussat le compte de ses opérations avec Bureau. Dans ce compte, Foussat imputait le montant des assurances sur corps qu'il avait reçu des assureurs, par suite de la perte du navire la Revanche, ainsi le que produit de la vente qu'il avait faite des 110 surons d'indigo, sur ce qui lui était dû pour les sommes avancées à l'armement du navire, pour les primes d'assurances sur corps et sur marchandises qu'il avait payées pour l'aller et le retour du navire; toutes compensations

les marchandises fussent en route. Dans cette espèce, le vendeur avait formé une action en revendication de ses marchandises à l'encontre des syndics de la faillite. Ses prétentions furent rejetées par le tribunal de commerce de Nantes. Il forma un appel, mais il fut repoussé par les motifs suivants : >> Considérant que c'est à tort que l'appelant prétend se fonder sur un privilége de propriétaire pour faire restreindre celui de l'intimé; car le vendeur qui livre et se dessaisit sans se faire payer, suit la foi de l'acheteur, fidem habet de pretio; tandis que, nanti par la remise du connaissement dont l'effet rétroagit au jour de la réception de la lettre qui lui en promettait l'envoi, le commissionnaire est censé n'avoir fait des avances qu'à la marchandise; et que, dans un tel conflit de priviléges, où il faut nécessairement que l'une des parties perde, le droit, aussi bien que l'équité et l'intérêt du commerce, commande au juge d'appliquer la règle melior est causa possidentis » (12 juin 1840, C. de Rennes, rapp. par MM. Delamarre et Le Poitvin, t. 2, no 440). 148. 5° Que le privilége pouvait s'exercer sur les mar

valeur du 31 déc. 1833.

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faites, il se constituait créancier pour solde d'une somme de 70,492 fr., Les syndics ont contesté ces imputations; ils ont soutenu que Foussat n'avait aucun privilége pour retenir, au préjudice des autres créanciers, les valeurs qu'il a reçues appartenant au capitaine Bureau; qu'il ne pouvait point se payer par compensation de ce qui lui était dû par le capitaine. Quant aux indigos, disaient-ils, Foussat ne peut prétendre de privilége que du jour de la consignation soit réelle, soit fictive, des marchandises; car l'art. 93 c. com. ne donne de privilége au commissionnaire que pour des avances qu'il a faites sur des marchandises qu'il avait entre ses mains, soit en nature, soit fictivement, au moment où les avances ont été faites. Mais Foussat n'a reçu la consignation de ces indigos que le 9 août 1850, êt, dès lors, son privilége se trouve atteint par la faillite qui remonte au 1er janv. 1830, époque depuis laquelle nul n'a pu acquérir de privilége ou hypothèque sur les biens du failli (c. com. 443). Quant aux assurances de la Revanche, les syndics prétendent que Foussat ne peut réclamer de privilége que pour le remboursement des primes payées pour le dernier voyage, mais que ce privilége n'ayant pu être acquis qu'en sept. 1831, l'événement de la faillite, reportée au 1er janv. 1850, n'en permet pas l'exercice. — A l'égard de la compensation opposée par Foussat, les syndics soutiennent que l'état d'insolvabilité de Bureau, bien connu de son correspondant, s'oppose à cette compensation.

Pour Foussat, on a soutenu, 1° qu'il avait, en temps utile, été investi de la qualité et des droits du commissionnaire, et que c'est avec justice qu'il a exercé le privilége de la consignation; 2° qu'il a pu se payer en temps utile, par la voie de la compensation, qui s'est opérée de bonne foi longtemps avant le jugement déclaratif de la faillite. - Il est de principe que les actes faits de bonne foi par un négociant, dans l'espace de temps qui sépare le jour du jugement déclaratif de la faillite du jour auquel on l'a fait remonter, doivent être exécutés même après le jugement déclaratif de la faillite. Relativement aux assurances sur corps, le privilege de Foussat résulte de l'art. 191 c. com., et c'est à tort que les syndics prétendent conclure de cet article que Foussat n'aurait droit, en tous cas, qu'au payement des primes dues pour le dernier voyage et non aux primes dues pour le voyage entrepris au départ. Le 11 avril 1836, le tribunal de commerce de Bordeaux approuve le compte de Foussat. - Appel. — Arrêt.

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LA COUR; Attendu que Foussat frères ont un privilége pour la somme qu'ils ont avancée pour frais d'armement du navire la Revanche, conformément au n° 8 de l'art. 191 c. com.; Attendu que le navire ayant été condamné, se trouve représenté par les assurances sur corps, recouvrées par Foussat fils et Cie; Attendu qu'il en est ainsi, conformément au n° 10 du même article, pour les primes d'assurances payées par les intimés; - Que, dans l'hypothèse et d'après l'intention des parties, le voyage du navire la Revanche ne se trouvait terminé qu'à l'époque de son retour à Bordeaux, et qu'il est vrai de dire que les primes d'assurances étaien dues pour le dernier voyage; Attendu, quant au privilége sur la valeur de 110 surons d'indigo, et sur le net produit de 5 sacs de café Haiti: que Foussat frères et Cie étaient consignataires; Que cette qualité leur est reconnue par la lettre du 5 avril 1850, et qu'elle a été réalisée, en fait, le 9 août suivant, époque à laquelle la facture et le connaissement des marchandises leur sont parvenus; - Que, d'après l'art. 93 c. com., le consignataire a privilége pour les avances qu'il a faites, et que ce privilége s'étend sur toutes les sommes qui lui étaient dues antérieurement; - Attendu que Foussat frères et Cie ont pu compenser loyalement le produit de 110 surons d'indigo et de 5 sacs de café avec le montant de leurs avances, parce que rien ne constatait pour eux que le capitaine Bureau fut dans un état d'insolvabilité; — Qu'ils étaient fondés à croire, au contraire, que les nouveaux envois annoncés par ce capitaine satisferaient à tous ses engagements; Attendu qu'il n'existe pas de contestation entre les parties sur les autres chefs du jugement dont est appel; Met l'appel au néant. Du 28 janv. 1839.-C. de Bordeaux, 1re cb.-M. Roullet, 1er pr.

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