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d'autres décisions (Req., 12 août 1834; 20 avril 1837) (1). | pal, n'a pas l'effet de la chose jugée à l'égard de la pièce arguée de faux (ni même à l'égard du prévenu, s'il survient des charges De même l'arrêt de non-lieu, sur une poursuite de faux princi

vérification provoquée par elle, il a été statué qu'il n'y avait lieu à con-
linuer de poursuivre sur le faux principal, sauf aux parties toutes actions
Pourvoi pour violation de l'art. 214 c.
civiles contre lesdits actes. » —
Arrêt.
pr., et de la maxime non bis in idem.
LA COUR;
Attendu que l'arrêt attaqué fait mention, et qu'il n'est
pas contesté que les pièces qui ont fait l'objet de la demande en faux incident
dont la cour de Riom a été saisie, avaient été vérifiées avec Anglade sur
la plainte en faux principal, rendue par lui antérieurement contre les
mêmes pièces et actes; qu'ainsi il ne pouvait y avoir ouverture au faux
Attendu, d'ailleurs, qu'en ma-
incident, d'après l'art. 214 c. pr.;
tière de faux incident, les cours, en appréciant les faits et les circon-
stances qui servent de base à cette réclamation incidente, usent d'un pou-
voir qui est spécialement dans leurs attributions; qu'ainsi l'arrêt attaqué,
en rejetant la demande en faux incident, formée par Anglade, n'est con-
trevenu à aucune loi; Rejette, etc.

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Du 4 mars 1817.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Dunoyer, rap. 3o Espèce :- (Glassier C. Bonniol.)- Le 8 juin 1807, jugement du tribunal de commerce de Montpellier, qui condamne Roux à payer à Glassier 1,500 fr., montant d'une lettre de change souscrite le 1er déc. 1806. Glassier En vertu de ce jugement, passé en force de chose jugée, prend inscription sur les biens de Roux. Celui-ci décède; ses biens sont vendus judiciairement, et un ordre s'ouvre entre ses créanciers pour la distribution du prix. Un jugement du 10 février 1815 colloque Bonniol, Glassier au quatrième rang pour le montant de sa créance. l'un des créanciers inscrits qui ne venait pas en rang utile, interjette appel de ce jugement. Il prétend que la lettre de change que Glassier présente comme ayant été l'objet de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Montpellier le 8 juin 1807, n'est pas celle qui avait véritablement servi de base à cette condamnation; que cette lettre de change avait eu primitivement la date du 1er janvier 1807 et l'échéance de sept mois, et que, pour l'approprier à l'inscription prise en vertu de l'autre, on en avait effacé la date et l'échéance à l'aide de procédés chimiques, pour y substituer la date du 1er déc. 1806 et l'échéance de six mois. On surseoit au jugement de la cause sur le réquisitoire du procureur général, et une instruction criminelle est commencée contre Glassier, pour crime de faux en écriture privée. La chambre du conseil juge qu'il y a lieu à prévention; mais la chambre de mise en accusation annule l'ordonnance de prise de corps, et ordonne la mise en liberté du prévenu. L'instance civile est alors reprise; et, par arrêt du 5 février 1817, la cour de Montpellier, considérant que les experts ont positivement déclaré qu'à l'aide de procédés chimiques, il a été commis, sur la lettre de change présentée, des altérations qui en ont changé la date et l'époque de l'exigibilité; que, si Glassier a été déchargé de toute prévention à raison de ces altérations, il n'en est pas moins vrai qu'elles sont l'ouvrage Pourde tout autre, rejette la lettre de change de l'ordre, et ordonne que la collocation du sieur Glassier sera considérée comme non avenue. voi de la part de Glassier, pour violation des art. 1550, 1551 et 2134 c. civ. - Arrêt. LA COUR; Vu les art. 1350, 1351 et 2134 c. civ.; - Attendu qu'il est constant que, par jugement du tribunal de commerce de Montpellier, du 8 juin 1807, qui a acquis l'autorité de la chose jugée, le sieur Glassier fut déclaré créancier du sieur Roux pour une somme de 1,500 fr., et, qu'en vertu de ce jugement, Glassier prit sur les biens de Roux une inscription hypothécaire qui n'a pas été attaquée dans sa forme ;—Attendu qu'il n'est point établi, et que l'arrêt dénoncé ne dit même pas que cette créance ait été payée; - Attendu que l'autorité de la chose jugée ne permet pas de soumettre à une nouvelle discussion les titres qui ont servi de base aux jugements qui ont acquis cette autorité; que d'ailleurs l'accusation de faux dirigée contre Glassier, à raison de la lettre de change qu'il présente comme le titre de sa créance, a été rejetée par arrêt de la cour royale de Montpellier, chambre des mises en accusation, du 7 janv. 1817; que, dès lors il n'existait aucun motif légitime pour annuler l'inscription hypothécaire du sieur Glassier, et qu'en prononçant cette annulation, l'arrêt dénoncé a violé l'autorité de la chose jugée et les dispositions du code civil sur le rang que les créanciers hypothécaires doivent avoir Casse.

entre eux;

Du 21 avril 1819.-C. C., sect. civ.-MM. Desèze, 1" pr.-Trinquelague, rap.-Joubert, av. gén., c. conf.-Barrot et de Neufvillette, av.

(1) 1 Espèce :-(Lecomte C. Baussan, etc.)-Le 30 nov. 1825, testament reçu par le notaire Fremont, par lequel la de Dujuglart institue pour son légataire universel Lecomte, qui était du nombre des héritiers légitimes de la testatrice.-En 1827, décès de la testatrice. Alors, demande par les sieurs de Maupas et Baussan, en nullité du testament, comme fait par Le tribunal de Blois, devant lequel une personne non saine d'esprit. les parties avaient été renvoyées par la cour d'Orléans, après une déclaration d'incompétence du tribunal de Tours, allait juger la cause, lorsque les demandeurs s'inscrivirent en faux contre le testament.-Intervention du notaire Fremont, qui voit dans cette inscription une atteinte à son

honneur. Et, bientôt après, sur la réquisition du procureur du roi, que ce magistrat allait diriger contre le notaire, eût été appréciée. — Le jugement qui surseoit à statuer jusqu'à ce que la plainte en faux principal 21 fév. 1832, arrêt de la chambre des mises en accusation qui renvoie le notaire de cette plainte : :- « Attendu que la demoiselle Dujuglart était, lors de son testament, saine d'esprit; que le testament a été écrit conformément à la volonté de la testatrice, qui a été sainement manifestée (les adversaires avaient, en effet, proposé comme moyen de faux la circonstance que la dictée du testament n'avait pas été faite par la testatrice); qu'il ne résulte de la procédure aucun élément qui puisse faire considérer que le notaire instrumentaire eût dénaturé ou cherché à dénaturer la volonté de la testatrice pour la disposition de ses biens. >>

La cause revint devant le tribunal de Blois. Le sieur Lecomte ajouta à ses conclusions premières une fin de non-recevoir, tirée de l'autorité de la chose jugée. -Jugement qui rejette cette fin de non-recevoir, par le motif que les sieurs Maupas et Baussan n'étaient point partie dans l'instance Rejette la demande en inscription de faux incident. en faux principal; - Appel des sieurs Maupas et Baussan, et le 20 fév. 1833, arrêt de la cour d'Orléans, qui, quant à la fin de non-recevoir, tirée de l'autorité de la chose jugée, confirme par le motif qu'il résulte de la combinaison des art. 5 c. inst. crim., 239 et 240 c. pr. civ., que l'exercice de l'action civile peut être repris lorsqu'il a été statué au criminel; que les arrêts de non-lieu rendus par la chambre des mises en accusation n'ont point le caractère immuable d'arrêts définitifs, puisqu'aux termes de l'art. 246 c. inst. crim., ils tombent devant la production de nouvelles charges. Au fond, la cour infirme.

Pourvoi. -1° Violation de l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d'Angers, de la maxime non bis in idem, et de l'art. 214 c. pr., et fausse application des art. 3 c. inst. crim., 239 et 240 c. pr. civ., en ce que la cour d'Orléans, après l'arrêt de non-lieu de la chambre des mises en accusation d'Angers, avait cependant annulé, comme contenant une fausse mention de dictée, le testament de la demoiselle Dujuglart. En effet, cette prétendue fausse énonciation était l'un des moyens de faux proposés. Or, la chambre des mises en accusation, en rejetant l'accusation de faux principal pour le tout, y a nécessairement compris ce qui concernait la dictée. — La cour d'Orléans a donc contredit cette décision; c'est cette contradiction qu'a voulu prévenir la loi, en faisant surseoir à l'action civile jusque après le jugement sur l'action publique. L'action civile ne peut reprendre son tous les cas, les juges du civil auraient toujours à statuer sur les dépens, cours, si le faux a été reconnu et signalé par les juges du criminel;-Dans ce qu'ils ne peuvent faire tant que l'action publique n'a pas été vidée; Mais, dit la cour, les arrêts de non-lieu ne sont pas définitifs. S'il en était art. 3 c. inst. crim. et 240 c. pr. civ., et il n'y aurait jamais de décision ainsi, l'action civile ne pourrait jamais être reprise contrairement aux définitive toutes les fois qu'une pièce serait reconnue véritable. Arrêt. LA COUR; - Sur le premier moyen tiré de l'exception de la chose jugée, et de la violation de l'art. 214 c. proc. civ. :-Attendu que, dans le procès extraordinaire sur la plainte en faux principal par le ministère pucet officier ministériel, tandis que, dans l'instance jugée par l'arrêt attablic, contre le notaire Fremont, il ne s'agissait que de la culpabilité de qué, il s'agissait d'une inscription de faux incident, contre la pièce produite dans un procès civil; qu'ainsi, dans le premier procès c'etait la personne qui était compromise, tandis que, dans le second, il s'agissait de la fausseté de la pièce; d'où il suit que le renvoi de l'accusation prononcé en faveur du notaire ne faisait aucunement obstacle, après ce renvoi, qu'il fût statué sur la vérité ou fausseté matérielle des énonciations contenues dans le testament de la demoiselle Dujuglart, pour en prononcer la nullité ou le maintien par suite de l'inscription de faux incident, suivant qu'elle serait ou non justifiée; - Rejette. Du 12 août 1834.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Garlempe, r. 2o Espèce: · (C....... C. hérit. Babin.) — 12 avril 1825, acte public reçu par Me Ferbos, notaire à Saint-Macaire, par lequel le sieur Babin se reconnaît débiteur envers le sieur C..., notaire à Caudrot, d'une somme de 17,639 fr. En 1829, C... veut poursuivre l'exécution de son obligation; mais Babin s'inscrit en faux. Il soutient que la signature de l'acte de 1823 lui a été surprise par fraude; qu'il n'a pas cru souscrire une ob'igation personnelle, mais prêter simplement sa signature comme témoin instrumentaire; que jamais il ne lui a été donné connaissance du contenu Par jugement du 25 de l'acte, lequel avait été rédigé en son absence. août 1832, le tribunal de la Réole déclare ces faits non pertinents et inadSur l'appel, la cour royale de les constatations d'un acte authentique. les missibles, et en rejette la preuve offerte, attendu qu'ils sont démentis par Bordeaux, par arrêt infirmatif du 6 juill. 1835, juge, au contraire, mêmes faits de nature à démontrer la fausseté de l'obligation s'ils étaient justifiés; en conséquence, elle ordonne la preuve.

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L'enquête et la contre-enquête ont lieu. Avant de prononcer sur leur mérite, la cour de Bordeaux rend, le 16 août 1834, un arrêt de sursis

nouvelles) et n'empêche pas qu'il soit décidé au civil, sur une inscription de faux incident, que la pièce est fausse ou altérée, même contrairement aux motifs de l'arrêt de non-lieu. Peu importe que le demandeur en faux incident fùt l'objet de la poursuite criminelle et que le défendeur se fùt constitué partie civile (Req., 17 juin 1841) (1).

590. Lorsque, contrairement à l'usage, une chambre du conseil ou d'accusation s'explique d'une manière précise sur le fait, et déclare positivement qu'il n'existe pas, ou que le prévenu n'en est aucunement l'auteur, ce jugement, quoique ne présentant ni vague ni incertitude, ne doit néanmoins exercer aucune influence sur l'action civile, par la raison décisive que les ordonnances et arrêts des chambres d'instruction n'ont point le caraclère d'irrévocabilité qui est l'un des éléments constitutifs de la chose jugée. Il est certain, en effet, que ces chambres sont dans l'impuissance légale et perpétuelle de juger l'existence du fait et même la culpabilité, puisque leurs arrêts ne font pas obstacle à une seconde poursuite, si l'on vient à découvrir des charges nouvelles. Ainsi, de quelque manière que leurs décisions soient motivées, dans quelques termes qu'elles soient conçues, elles se réduisent essentiellement à ce point, que les charges produites

aux poursuites de faux incident, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'action criminelle. Par suite, une instruction est dirigée contre C..., devant le tribunal de la Réole; elle se termine par une ordonnance, en date du 14 janv. 1835, qui déclare n'y avoir pas lieu à suivre. On revient alors devant la cour de Bordeaux, qui, par arrêt définitif du 22 août 1855, annule le contrat du 12 avril 1823 comme entaché de faux et comme le résultat des manœuvres frauduleuses du sieur C... : -«Attendu, entre autres motifs, qu'il résulte de l'enquête que C... a présenté l'acte du 12 avril, écrit en entier de sa main et tout prêt au notaire Ferbos qui l'a reçu, sans que le sieur Babin fût présent, sans que ce dernier se soit volontairement obligé en vertu de ce même acte, sans que les conditions essentielles pour la validité des actes notariés aient été remplies; — Attendu que Babin n'a été induit à signer l'acte dont il s'agit que par l'effet des manœuvres que C... a pratiquées...; qu'en un mot les faits, circonstances et preuves que l'information fournit, établissent non-seulement que le caractère d'authenticité n'a pas été donné à l'écrit du 12 avril 1823, mais que cet écrit a été fabriqué par le sieur C..., etc. » Pourvoi de C... pour, 1° violation des art. 1350 et 1351 c. civ.; 2o violation de l'art. 141 c. pr.; 3° violation de l'art. 1519 c. civ., 229 et 233 c. pr. Arrêt. LA COUR; -Sur le premier moyen, tiré de la violation des art. 1550 et 1351 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué a déclaré faux le contrat du 12 avril 1823, souscrit par l'auteur des défendeurs éventuels au profit du demandeur, au mépris de la chose jugée par l'ordonnance de non-lieu qui l'avait relaxé de l'accusation de faux: - Attendu que cette ordonnance, qui, dans un intérêt public et par voie criminelle, n'avait statué que relativement à la personne de C..., n'a pu empêcher d'examiner, dans un intérêt privé, et par la voie civile du faux incident, toutes les questions relatives à la fausseté et à la validité du contrat dont le demandeur prétendait se prévaloir contre les défendeurs éventuels; qu'ainsi, l'ordonnance de Moulins n'a pu être opposée à ceux-ci comme fin de non-recevoir, tirée de la chose jugée, et qu'en le décidant ainsi, l'arrêt n'a pu violer les articles invoqués;-Sur le deuxième moyen, fondé sur le manque de motifs suffisants :

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Attendu que l'arrêt ne s'est pas seulement appuyé sur les faits et circonstances de la cause, mais encore sur les divers éléments de l'enquête, qu'il a pris soin d'énumérer et d'analyser pour en faire résulter la fausseté de l acte attaqué; qu'ainsi, l'arrêt est suffisamment motivé; Sur le troisième moyen, fondé sur la violation des art. 1319 c. civ. et 229, 233 c. pr. civ. Attendu que l'arrêt s'est fondé sur les éléments contenus dans les enquêtes, et n'a violé aucun des articles invoqués; Rejette, etc. Du 20 avril 1837.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Madier de Montjau, rap.-Nicod, av. gén., c. conf.-Nachet, av.

Sur le pre(1) (Mines de Montrelais C. Poulet, etc.) — LA COUR; mier moyen: Attendu que l'arrêt rendu par la chambre des mises en accusation de la cour royale de Rennes, le 20 nov. 1858, se borne dans son dispositif (en confirmant l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de Nantes, du 31 août précédent) à déclarer qu'il n'y avait lieu à suivre contre les prévenus; - Qu'une pareille décision, qui ne s'appliquait qu'aux personnes et qui n'était définitive qu'autant qu'il ne surviendrait pas de charges nouvelles, ne pouvait être un obstacle à ce que le défendeur éventuel attaquât par la voie de faux incident civil la délibération de la compagnie du 15 mars 1829, dont les altérations avaient donné lieu à la susdite poursuite criminelle; D'où il suit que l'arrêt attaqué, en rejetant l'exception de la chose jugée tirée dudit arrêt de la chambre d'accusation du 20 nov. 1838, n'a violé ni l'art. 214 c. pr. civ., ni les art. 1550, 1351 c. civ., ni les autres articles de loi invoqués à l'appui du pourvoi; - Rejette.

Du 17 juin 1841.-C. C., ch. req.-M. Zangiacomi, pr.-Félix Faure, r. TOME VIII.

ne suffisent pas pour autoriser la mise en prévention ou en jugement; il ne peut jamais en résulter un jugement définitif et immuable ni sur la culpabilité ni sur le fait; elles forment bien obstacle à ce que le prévenu, tant qu'il ne sera point survenu de charges nouvelles, puisse être poursuivi de nouveau criminellement, et par suite, à ce que la partie lésée puisse porter devant les tribunaux de répression, une action civile dont ceux-ci ne peuvent jamais connaître que lorsqu'elle est accessoire à l'action publique; mais elles ne sauraient empêcher que la partie lésée ne saisisse de sa demande les tribunaux civils (V. no 583-4o).

591. Il a été jugé, en conséquence, que lorsque, sur une accusation en faux poursuivie contre le notaire rédacteur d'un acte, la chambre d'accusation, sans statuer sur la matérialité du crime, mais au contraire en supposant vrais les faits de faux, a simplement déclaré que le notaire n'avait pas agi frauduleusement, la personne qui se prétend lésée est encore recevable à former, au civil, une inscription de faux incident contre l'acte, quoiqu'elle ait été partie civile au procès criminel (Req., 24 nov. 1824) (2).

592. Pour que les décisions des chambres d'instruction portant qu'il n'y a lieu à suivre parce que le fait n'existe pas ou

(2) Espèce :-(Gorlay C. Fourmentin.)—En 1821, Gorlay meurt célibataire, à Paris, laissant une fortune de 2,400,000 fr., et un testament mystique, du 5 sept. 1821, par lequel il distribuait ses biens par vingtquatrièmes entre ses parents des deux lignes paternelle et maternelle, et nommait, pour exécuteurs testamentaires, Roestiers-de-Montaleau et Bordeaux. - Les exécuteurs testamentaires et les légataires demandent la délivrance des legs. La veuve Fourmentin, parente de Gorlay au degré le plus rapproché dans la ligne paternelle, rendit plainte en faux en écriture authentique contre le notaire, et en même temps contre Bordeaux, Quesneau et la demoiselle Josset, qui étaient au nombre des légataires, et qu'elle accusait de complicité avec le notaire. — Le 11 juin 1822, ordonnance de la chambre du conseil, en ces termes : « En co qui touche le testament, considérant que, quoiqu'il ait été écrit hors la présence du testateur, il ne paraît pas avoir été écrit contre le gré et les intentions du sieur Gorlay, puisque, lors des deux lectures qui en ont été faites par le notaire, le sieur Gorlay, loin de manifester son désaveu, a donné, au contraire, son approbation à chacune des dispositions y contenues; Qu'il n'appartient pas aux juges saisis de la plainte en faux, de statuer sur l'incapacité alléguée, et résultant des art. 978 et 979 c. civ., non plus que sur les autres prétendues irrégularités qui peuvent rendre le testament nul, mais non pas faux ;- En ce qui touche la suscription du 5 sept., considérant que, si le testateur n'a pas prononcé spontanément et textuellement la formule de présentation de son testament, il en a dit la plus essentielle, ceci est mon testament, et satisfait aux autres formalités, en répondant affirmativement ou négativement aux interpellations du notaire; - Que, si le notaire a constaté que le testateur avait présenté un papier, en disant que le contenu en icelui était son testament, en date de ce jour, il n'a fait que revêtir de la forme légale la volonté du testateur, manifestée par les réponses aux questions qu'il lui avait adressées; Que, si cet acte annonce qu'il a été fait de suite et sans divertir à aucun autre acte, rien ne prouve le contraire; que les différentes circonstances qui l'ont précédé y sont entièrement étrangères ; que, d'ailleurs, les juges actuels ne sont pas appelés à décider cette contestation purement civile; Que, dès lors, ni le testament ni l'acte de suscription du 5 déc. 1821, ne présentent les caractères de faux; que, si l'un ou l'autre de ces deux actes présentent des irrégularités ou des nullités, c'est au tribunaux civils à en connaître; Disons qu'il n'y a lieu à suivre, sauf aux parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront. »

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Sur l'opposition formée à cette ordonnance par la dame Fourmentin, comme partie civile, arrêt confirmatif de la chambre d'accusation, par les motifs suivants : « Attendu qu'en admettant que l'acte de suscription n'énonçât pas très-exactement les faits tels qu'ils se sont passés; il n'en résulterait pas un faux punissable, d'après la loi pénale, si d'ailleurs il était prouvé que l'officier public n'a pas agi frauduleusement; - Que les circonstances dont cette affaire est environnée, et les précautions multipliées employées par le notaire pour s'assurer des intentions du testateur et manifester ses volontés aux témoins, repoussent toute idée de culpabilité; Que, puisqu'il n'y a pas de crime, il ne peut y avoir de complices; au surplus, réserve aux parties le droit de se pourvoir par-devant qui elles aviseront. » - Les exécuteurs testamentaires et les légataires reprennent, devant le tribunal civil, leur demande en délivrance de legs. Alors, la dame Fourmentin leur fait sommation de déclarer s'ils en tendent faire usage du testament et de l'acte de suscription; et, sur leur réponse affirmative, elle s'inscrit en faux incident. Les exécuteurs testamentaires et les légataires soutiennent l'inscription en faux incident non recevable.

Le 15 fév. 1825, jugement du tribunal civil de la Seine, qui le décide

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que le prévenu n'en est pas l'auteur, soient sans influence sur l'action civile, il n'est pas nécessaire que la partie lésée n'ait point figuré comme partie civile dans ces décisions. M. Merlin avait d'abord pensé que si la partie civile avait figuré dans la poursuite, elle ne pouvait ultérieurement exercer ses droits au civil, non pas qu'on pût lui opposer, dans ce cas, l'exception de chose jugée, mais parce qu'ayant le choix entre la voie criminelle et l'action civile, elle avait opté pour la première et s'était fermé la seconde par cette option (Conf., Bruxelles, 29 oct. 1818) (1). Mais la règle qui interdit l'action civile à la partie qui a fait choix de la voie criminelle, suppose que, dans cette dernière poursuite,

ainsi « Attendu que la veuve Fourmentin s'est rendue partie civile sur les plaintes à fin d'inscription de faux principal, tant contre le testament mystique du sieur Gorlay et l'acte de suscription du 5 sept. 1821, que contre les auteurs et complices des faits qui, selon elle, caractérisaient les faux ; et que, sur ces plaintes, suivies d'une instruction très-étendue, dans le cours de laquelle les pièces arguées de faux ont été mises sous les yeux des témoins et des prévenus, il est intervenu en la chambre du conseil, le 11 juin dernier, une ordonnance ainsi conçue, etc.; - Attendu que si la cour royale, en statuant, par son arrêt du 9 juill. dernier, sur l'opposition de la veuve Fourmentin, et en adoptant implicitement les motifs des premiers juges, en a ajouté un autre absolument hypothétique, elle n'en a pas moins confirmé purement et simplement l'ordonnance du 12 juin précédent; en sorte que l'ordonnance et l'arrêt sont tellement identifiés, qu'ils doivent être considérés comme un seul et même jugement, en sorte aussi qu'il demeure pour constant que le procès a été fait simultanément, tant aux pièces arguées de faux qu'aux prétendus auteurs ou complices du crime signalé; et qu'ainsi le cas exceptionnel prévu par l'art. 214 c. pr. civ. est arrivé, c'est-à-dire que les pièces contre lesquelles on propose une inscription de faux incident civil ont été vérifiées à l'occasion d'une inscription de faux principal, et qu'il est intervenu jugement sur le fondement de ces pièces comme véritables; d'où il résulte, ainsi que des faits et circonstances de la cause, qu'on ne peut admettre l'inscription de faux incident civil, proposée par la veuve Fourmantin, sans violer ouvertement les dispositions de l'art. 214 c. pr. civ., ainsi que la maxime non bis in idem, et les principes de droit qui ne permettent pas de reprendre la voie civile, quand on a épuisé la voie criminelle, pour raison du même fait; Le tribunal, sans s'arrêter ni avoir égard à la demande de la veuve Fourmentin, à fin d'inscription de faux incident civil, dans laquelle elle est déclarée non recevable, et sans préjudicier à ses autres moyens, ordonne qu'elle sera tenue de se défendre au fond sur la demande principale. »

Appel par la dame Fourmentin.

Le 4 juill. 1823, arrêt de la cour de Paris qui, considérant qu'il résulte des termes dans lesquels est rendu l'arrêt de la chambre des mises en accusation, que la pièce n'a point été vérifiée, et qu'il n'a été statué que sur la prévention de culpabilité portée contre le notaire et ses coprévenus, admet l'inscription de faux incident.

Pourvoi de la part des exécuteurs testamentaires et des légataires, pour violation de la maxime non bis in idem. L'imputation de faux, ont-ils dit, n'est qu'une exception contre l'action intentée en vertu de la pièce. Le défendeur à l'action peut proposer son exception sous la forme de faux principal ou sous celle de faux incident; il ne peut proposer deux fois la même exception contre la même action. C'est à lui à peser les avantages et les inconvénients de l'une et l'autre marche. Dans la voie de faux principal il trouve l'avantage d'être appuyé par la partie publique qui poursuit l'accusation; mais aussi il rencontre cet inconvénient que l'intérêt que l'on porte à l'accusé, l'effroi qu'inspire la gravité de la peine, les questions d'excuse et d'intention peuvent influer sur la décision. Ceci n'est point à craindre dans le faux incident civil; mais aussi le ministère public n'y intervient pas comme partie poursuivante. Quoi qu'il en soit et lorsqu'une fois celui qui se prétend lésé a fait son choix, il exerce son action tout entière. Il serait intolérable qu'après avoir traîné son adversaire devant l'autorité criminelle, après l'avoir menacé des peines les plus graves et après avoir succombé, il pût le rejeter encore dans les embarras d'une procédure en faux. Les dangers qui en résulteraient sont évidents et nombreux. Aussi l'art. 214 ne permet l'inscription en faux incident, que lorsque la pièce n'a été vérifiée que sur simple dénégation. - Les demandeurs s'appuient de l'opinion de M. Carré, sur l'art. 214, et des arrêts des 19 mess. an 7, et 4 mars 1817 (no 589). Ils repoussent l'application des arréts invoqués par la dame Fourmentin devant la cour royale, en faisant observer qu'il s'agit ici d'un acte authentique, tandis que, dans l'espèce de ces arrêts, il s'agissait d'actes sous seing privé. - Arrêt. LA COUR ; Altendu, en droit, que celui qui prétend qu'une pièce est fausse, peut, s'il y échet, être reçu à s'inscrire en faux, pourvu que cette pièce n'ait pas été vérifiée, soit avec le demandeur, soit avec le défendeur en faux aux fins d'une poursuite de faux principal ou incident (art. 214 c. pr. civ.). Et attendu que la cour royale de Paris, en audience solennelle, a constaté, en fait, que la pièce dont il s'agit n'avait pas été vérifiée lors de la poursuite en faux principal.—Qu'en effet, l'arrêt du 19 juill.1822 de la

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les intérêts civils ont été appréciés et jugés. Dans l'ancien ordre judiciaire, cette maxime recevait toujours son application, parce que, comme on l'a rappelé il n'y a qu'un moment, toujours le juge criminel, en cas d'acquittement comme en cas de condamnation, devait prononcer sur les intérêts civils du plaignant ou les lui réserver. Mais les chambres du conseil du tribunal de première instance et les chambres d'accusation n'ont aucune compétence de cette nature. Comment pourraient-elles statuer sur les intérêts civils, puisqu'elles n'ont pas le pouvoir de porter une décision définitive sur le délit? C'est donc avec raison que M. Merlin a abandonné sa première opinion et qu'il a regardé comme chambre des mises en accusation de la même cour royale de Paris, loin de vérifier la pièce dont s'agit, n'a confirmé l'ordonnance des premiers juges, portant qu'il n'y avait pas lieu à suivre, que, par la raison qu'en admettant que l'acte de suscription du 5 sept. 1821 n'énonçât pas trèsexactement les faits tels qu'ils s'étaient passés, il n'en résultait pas un faux punissable d'après les dispositions de la loi pénale, étant d'ailleurs prouvé que l'officier public n'avait pas agi frauduleusement. En effet, point de peine sans crime, et point de crime sans fraude; — Qu'ainsi, dans l'espèce particulière, c'est l'homme, et l'homme seul, qui a été jugé au criminel, tandis que c'est la pièce et la pièce scule qui doit être jugée au civil, et que, par conséquent, le sujet de la poursuite criminelle étant tout à fait distinct de celui de la poursuite civile, le principe non bis in idem, conservateur de l'autorité de la chose jugée, était aussi tout à fait inapplicable à l'espèce; - Que, dans ces circonstances, en recevant la veuve Fourmentin à s'inscrire en faux incident contre la pièce dont il s'agit, l'arrêt attaqué, loin de violer la disposition de l'art. 214 c. pr. civ., en a fait une juste application; Rejette, etc. Du 24 nov. 1824.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Lasagni, rap. (1) Espèce: (Pardon C. Dansaert.) Le jeune Pardon, étant en pension, lança une flèche qui atteignit le jeune Dansaert et lui creva l'œil. Le père de celui-ci porta plainte contre celui-là, prétendant qu'il y avait eu préméditation, et il se constitua partie civile. — 6 août 1817, ordonnance de la chambre du conseil qui déclare n'y avoir lieu à suivre, attendu que de l'instruction il ne résulte pas que le coup ait été porté par maladresse ou imprudence, mais bien que c'est l'effet d'un simple accident, Dansaert forme opposition; puis il se désiste; et le 23 janv. 1818, il actionne au civil Pardon père et fils en 30,000 fr. de dommages-intérêts, - Le tribunal admet le demandeur à prouver que c'est méchamment et à mauvais dessein que Pardon fils a blessé le jeune Dansaert. — Appel du sieur Pardon, pour violation de la règle non bis in idem. — L'arrêt suivant, sans se prononcer sur ce qu'il y avait d'irrégulier dans le mode de preuves ordonnées par le tribunal et de contraire à la chose jugée par lə chambre d'instruction, s'est borné à déclarer l'action non recevable sur I motif que le sieur Dansaert avait figuré comme partie civile dans l'instruction. Arrêt.

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LA COUR; Sur l'exception de la chose jugée:-Attendu que, par acte du 29 juill. 1817, l'intimé s'était porté partie civile; - Attendu que l'intimé a fondé, devant le premier juge, sa demande en dommages et inté rêts, sur ce que le fils de l'appelant aurait infligé méchamment et à mauvais dessein des blessures au fils de l'intimé; Attendu que, par ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance du 6 août 1817, émanée à la suite d'instruction faite par la partie publique, il a été déclaré qu'il ne résultait pas que ces blessures auraient été portées par maladresse ou imprudence, mais bien par l'effet d'un simple accident, et que partant il n'existait pas de charges suffisantes contre Pardon fils, déclarant en conséquence qu'il n'y avait pas lieu à poursuivre contre lui; qu'ainsi cette ordonnance avait décidé, ce que l'intimé a remis ensuite en question, un point dont le jugement, qui fait l'objet du présent, ordonne la preuve ; - Attendu que l'ordonnance de la chambre du conseil précitée fut signifiée de la part du procureur du roi à l'intimé; que celui-ci s'était rendu appelant de cette ordonnance en temps opportun, mais qu'ensuite il a déclaré se désister de son opposition; - Attendu que l'intimé, en se portant partie civile, s'était soumis, ensemble avec le ministère public, à la décision de la chambre du conseil; Attendu qu'il est de principe constant en jurisprudence que toute action publique intentée avant l'action civile est préjudicielle à cette dernière, et que toute décision ou ordonnance rendue régulièrement et par le juge compétent a, pour ou contre la partie civile, l'autorité de la chose jugée, et qu'elle fait loi pour tout tribunal devant lequel les mêmes questions seraient reportées'; d'où il suit que le jugement dont appel a violé l'autorité de la chose jugée; — Attendu que, dans l'hypothèse même que l'ordonnance dont il s'agit ne devrait pas étre considérée comme un jugement vis-à-vis la partie plaignante, dans celte position même le juge civil doit tenir pour constants les faits et motifs qui ont déterminé le juge en ce qui est relatif au délit (avis du conseil d'État en date du 12 nov. 1806); - Par ces motifs, sans avoir égard à la fin de non-recevoir proposée par l'appelant, dont il est débouté, met le jugement dont appel au néant; émendant, déclare l'intimé non recevable ni fondé dans ses conclusions prises en première instance. Du 29 oct. 1818.-C. de Bruxelles, 1e ch.

lieu, c'est commettre un excès de pouvoir d'autant plus répréhensible que les informations sont vouées par la loi à un secret absolu, tant dans l'intérêt de la société, qui veut que le crime soit puni, si de nouvelles charges surgissent contre l'accusé, que dans l'intérêt de l'accusé lui-même, contre lequel la calomnie se sera plue à entasser les reproches les plus graves et les moins fondés, puisqu'ils ont été repoussés par la sagesse des magistrats.

indifférente la circonstance de l'intervention ou de la non-cussion d'une information criminelle suivie d'un arrêt de nonIntervention de la partie lésée dans les poursuites (V., dans le même sens, M. Mangin, t. 2, p. 455; Paris, 30 déc. 1836) (1). 593. Lorsque les décisions des chambres d'instruction, au lieu d'être révocables par survenance de charges, revêtent un caractère définitif, comme lorsqu'elles déclarent l'action publique éleinte par prescription, amnistie, etc.; elles exercent alors sur l'action civile la force de la chose jugée. C'est ce qu'on a fait remarquer plus haut, no 883-1°. Peu importe que les parties lésées y aient ou non figuré. Mais il faut prendre garde d'étendre l'effet de ces décisions au delà de ce qu'elles ont formellement résolu. Et, par exemple, elles ne préjugeraient pas l'action civile, par cela seul qu'elles auraient dépouillé le fait de tout caractère de délit, puisque ce fait, quoique n'entraînant aucune peine, peut héanmoins constituer un fait dommageable.-Et, de même, elles peuvent avoir déclaré l'action publique prescrite, sans que cette prescription doive nécessairement s'étendre à l'action civile.

594. Une cour peut-elle ordonner, dans un procès civil, l'apport, à son greffe, des pièces d'une instruction criminelle, sur laquelle est intervenu un arrêt de non-lieu, afin d'éclairer sa religion, et y avoir tel égard que de raison, lors de l'arrêt définitif? L'affirmative a été adoptée par un arrêt de la cour de Rouen, du 12 juill. 1827. Quoique cet arrêt ait été déféré à la cour suprême, celle-ci s'est abstenue de statuer d'une manière formelle sur la question dont il s'agit; on peut cependant induire de quelquesunes des expressions de son arrêt de rejet, qu'elle n'approuvait point la décision de la cour royale, décision que le demandeur en cassation attaquait avec force, comme constituant un excès de pouvoir. La loi, disait-on, élève aujourd'hui un mur de séparation entre la juridiction civile et la juridiction criminelle; elles ne peuvent s'emprunter mutuellement leurs actes. Ordonner, dans un procès purement civil, l'apport, la communication et la dis

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(1) Espèce: (Cailloué C. Magonet, etc.) Cailloué avait porté plainte contre Magonet et autres en abus de confiance et pour habitude d'usure, et il s'était constitué partie civile. Ordonnance et arrêt de non-lieu du 16 juin 1835: -«Attendu que des pièces de l'instruction ne résultent pas des indices suffisants de culpabilité de crime, de délit, ni de contravention. » — Alors Cailloué actionna au civil Magonet et autres en condamnation solidaire à 15,000 fr. de dommages-intérêts. Le tribunal civil déclare cette demande non recevable, attendu qu'il y a chose jugée à l'égard de Cailloué. - Appel par celui-ci. - Arrêt. LA COUR; Considérant que l'arrêt de la chambre des mises en accusation n'a pas, dans l'espèce, l'autorité de la chose jugée dans le sens de Part. 1351 c. civ.; Considérant que si Cailloué avait le choix entre Paction civile et l'action criminelle, dans laquelle il se serait porté partie civile, et si, en prenant cette dernière voie, il s'interdisait la première, c'était à la condition que l'action criminelle et l'action civile jointes auraient été épuisées et qu'il aurait été statué par cette voie sur toutes les demandes que Cailloué aurait portées devant la juridiction criminelle; Mais considérant que, par l'arrêt de la chambre des mises en accusation, il a été décidé qu'il n'y avait lieu à suivre contre les intimés, c'est-à-dire qu'il n'y avait lieu à donner suite à l'action criminelle; que par cette décision l'action civile de Cailloué a été arrêtée dans son principe; qu'il n'a pu faire statuer par la voie criminelle sur ses demandes, puisque la chambre d'accusation n'était pas compétente pour en connaitre; qu'ainsi son droit n'a pas été exercé; qu'il reste dans son entier, et que Cailloué peut dès lors se pourvoir par l'action civile, la seule qui lui reste ouverte; Considérant, au surplus, qu'il n'y a point litispendance, puisque la chambre d'accusation à consommé sa juridiction; - Infirme; Et attendu que l'affaire n'est pas en état, renvoie la cause et les parties devant tel tribunal civil qu'il appartiendra.

Du 30 déc. 1836.-C. de Paris.

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(2) Espèce: (Bourgois C. Gaumont.)- M. Pigny décéda le 6 sept. 1825, laissant un testament authentique, par lequel il instituait les sieur et dame Bourgois ses légataires universels, à la charge de plusieurs legs particuliers. Plus d'une année s'était écoulée, lorsque le sieur Gaumont, et d'autres héritiers naturels du sieur Pigny, formèrent, contre les légataires universels, devant le tribunal de Rouen, une demande en nullité du testament pour cause de captation et de suggestion; mais, quatre mois après, ils formèrent une plainte en faux contre le testament: ainsi la juridiction criminelle se trouva saisie de cette affaire. Après qu'un nombre considérable de témoins eut été entendu, intervint une ordonnance de la chambre du conseil qui déclara n'y avoir lieu à suivre. Opposition à cette ordonnance par les héritiers Pigny, parties civiles; ils demandèrent, en même temps, à la chambre des mises en accusation de la cour de Rouen, la communication des pièces de l'instruction crimi

Les formes tracées par le code de procédure civile pour les enquêtes, sont essentiellement différentes de celles de l'instruction criminelle. Dans un cas, on procède en secret; dans l'autre, les témoins sont entendus en présence de la partie, qui peut toujours contredire, ou faire expliquer leurs dépositions; chaque juridiction doit donc employer les formes qui lui sont propres et qui sont exigées à peine de nullité. Admettre une instruction criminelle dans un procès civil, ce serait faire revivre la civilisation des procès criminels, qui a été proscrite par nos codes. Ainsi que nous venons de le dire, la cour suprême n'a point expressément résolu la question; elle s'est bornée à décider que, quoique l'apport au greffe d'une instruction criminelle, dans laquelle est intervenu un arrêt de non-lieu, ait été ordonné dans un procès civil, contre les conclusions de l'une des parties, si, après avoir reconnu l'insuffisance de cette instruction non contradic toire, la cour royale ordonne une enquête civile sur les faits de fraude allégués, l'arrêt définitif qui, sans prendre aucunement pour base l'instruction criminelle, a annulé l'acte, en se fondant, uniquement, sur l'enquête civile, ne saurait être annulé, encore bien que, dans ses motifs, il aurait déclaré prendre en considération l'ensemble des documents de la cause (Rej., 6 janv. 1850)(2).

Il résulte, on le voit, de cette solution, et dans la supposition même où la procédure criminelle ne pourrait être employée dans l'instance civile, que si cette mesure a été ordonnée, il reste au

nelle; cette demande fut rejetée, par arrêt du 21 avril 1827, contre lequel il y a eu, inutilement, pourvoi en cassation; l'ordonnance de nonlieu à suivre fut aussi confirmée. Cependant, le tribunal de première instance avait, par jugement du 22 janv. 1827, rejeté la demande en nullité du testament, pour cause de captation et de suggestion.

Restait à juger devant la deuxième chambre civile de la cour royale, l'appel interjeté de ce jugement par les héritiers Pigny : ils crurent devoir demander l'apport au greffe des pièces de l'instruction criminelle. Malgré l'opposition des époux Bourgois et les conclusions du ministère public, cette demande fut accueillie par arrêt du 12 juill. 1827, dont voici les termes : « Attendu que l'apport au greffe de la cour des informations et testament énonces dans les conclusions de Gaumont et de la dame Fautrel, et l'examen de ces pièces peuvent éclairer la religion des magistrats qui, sur ce point, et notamment lorsqu'il s'agit d'un testament attaqué pour suggestion et captation, ont un pouvoir discrétionnaire; - Que les choses ne sont plus dans le même état qu'elles étaient lors de l'arrêt de la chambre des mises en accusation, et lorsque ces pièces, dans l'intérêt public, devaient rester secrètes; que ladite chambre a statué sur l'inscription de faux principal, et qu'il ne s'agit plus maintenant que de prononcer sur un procès civil, à raison duquel les magistrats doivent s'environner de tous les documents existants; - Que les pièces déposées au greffe criminel par Me Bourgois doivent lui être remises, après, néanmoins, qu'un etat sommaire desdites pièces aura été dressé par le greffier du tribunal criminel qui en est saisi; Ordonne, avant faire droit, lous moyens et exceptions tenant état, que l'information faite sur la plainte en faux par l'un des juges d'instruction du tribunal de première instance de Rouen, sera apportée au greffe civil de la cour, où les parties pourront en prendre communication; que la minute du testament du sieur Pigny sera apportée au même greffe par le notaire qui en est dépositaire, pour avoir, lors du jugement définitif, tel égard que de raison auxdites informations et testament, etc. »

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Cet arrêt fut déféré immédiatement à la cour de cassation; mais comme l'exécution n'en pouvait être suspendue, l'information criminelle fut expédiée, signifiée, distribuée et devint l'objet des débats des parties. — Le 27 déc. 1827, deuxième arrêt qui ordonne un supplément de preuve, par voie d'enquête civile, et dont voici le motif principal en ce qui touche la question de droit : « Considérant que l'enquête faite dans l'instruction criminelle n'a point été contradictoire, et ne peut, conséquemment, faire preuve suffisante pour apprécier, dans l'instance actuelle, les faits dont l'appointement est conclu, tandis qu'une preuve juridique et contradictoire de ces mêmes faits pourrait suffisamment constater le défaut de liberté du sieur Pigny, l'empire exercé sur sa personne, et la surprise faite à sa volonté, et être de nature à vicier et faire annuler le testament dont il s'agit; Avant faire droit, et seulement pour subjoindre, sans entendre préjudicier aux droits et moyens des parties sur le fond, dans les

tribunal safst un moyen de couvrir l'irrégularité qu'il aurait commise, alors même que les parties ne s'y prêteraient nullement.La circonstance que l'information criminelle serait devenue, comme dans l'espèce, le sujet unique de longs débats pendant plusieurs audiences, ne rendrait pas non plus la nullité irréparable. En vain objecterait-on que ce serait là un moyen indirect de faire renaître l'usage aboli de civiliser les procédures criminelles; que, dans les attaques pour dol et fraude où le sort des procès dépend presque toujours des impressions produites dans la conscience des juges, cette conscience ne doit être soumise à aucune influence illégale; que, de même que le magistrat devient récusable s'il s'est trouvé dans certaines positions où la loi suppose que la liberté de son jugement a pu recevoir quelque atteinte, de même aussi il s'est rendu incapable de porter une décision sur un litige déféré à son appréciation discrétionnaire, si nonobstant l'opposition de l'une des parties, il a voulu consulter des documents qui lui étaient interdits, il suffira que le tribunal ait déclaré depuis qu'il mettait tous ces documents à l'écart, ou même qu'il n'ait point fondé sur eux sa décision définitive, mais qu'il ait pris pour base des éléments de conviction obtenue par une voie légale, pour que cette décision soit mise à l'abri de toute censure.

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quels elles sont expressément réservées, et toutes choses tenant état; C'est -Appointe les appelants à la preuve des faits suivants, etc. » après cette enquête, faite dans les formes civiles, que la cour, en se fondant sur cette enquête et les autres documents du procès, annula le testament du sieur Pigny.

Nouveau pourvoi en cassation par les sieur et dame Bourgois contre ce troisième arrêt. Leur requête a été admise, et les pourvois contre les trois arrêts ont été joints. Ils avaient présenté quatre moyens : le premier, sur lequel ils ont insisté principalement, était fondé sur un excès de pouvoir et la violation des art. 255, 255, 256, 292 et 293 c. pr. civ., combinés avec les art. 302 et 305 c. inst. crim.; en ce que la cour royale avait admis, comme élément de preuve dans un procès civil, les pièces d'une instruction criminelle. Ils produisirent des consultations de MM. Merlin, Toullier, Carré et Lesbaupin.- Le 2 moyen était tiré de la violation des art. 1116, 1341 et 1348 c. civ., en ce que la cour avait admis la preuve testimoniale dans une matière où la loi ne permettait pas de l'admettre. Le troisième résultait de l'art. 1551 c. civ., en ce que le premier arrêt, et par suite les deux autres, avaient violé l'autorité de la chose jugée, en donnant aux défendeurs une communication de pièces, qui leur avait été formellement refusée par un arrêt de la chambre des mises en accusation de la même cour, du 21 avr. 1827, confirmé par arrêt de la cour de cassation, et en rendant, par là, publiques des informations que cet arrêt avait jugé devoir rester secrètes. Le quatrième portait sur une violation de l'art. 22 de la loi du 25 vent. an 11, sur le notariat, en ce que la cour avait ordonné l'apport au greffe d'un acte de notaire, non attaqué pour faux, lorsque la loi ne permet, que dans ce cas, le déplacement des minutes des notaires. Le système de défense est reproduit, en substance, dans l'arrêt de la cour de cassation. - Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.).

LA COUR;Considérant, sur le premier moyen, que si l'arrêt du 12 juill. 1827 a ordonné l'apport au greffe des informations faites dans l'instruction criminelle, la cour de Rouen, par les arrêts postérieurs, ne s'est plus occupée de ces informations; Considérant que l'arrêt du 27 déc. 1827, en admettant la preuve respective des faits articulés, reconnus admissibles et pertinents, pour établir le dol et la fraude, a déclaré que les informations de l'instruction criminelle n'ayant pas été contradictoires et régulières, n'étaient pas concluantes, et, en ordonnant la preuve, a ajouté que c'était sans entendre préjudicier aux moyens et droits des parties; Considérant que l'arrêt définitif, du 19 juill. 1828, n'a nullement pris pour base l'information apportée au greffe, mais, exclusivement, le contenu aux enquêtes respectives, regulièrement faites et ordonnées; que c'est dans le dispositif même de l'arrêt, que la cour déclare la preuve entreprise par les héritiers Pigny, faite à suffire, et préférable à celle des intimés; - Qu'ainsi, les deux derniers arrêts sont pleinement justifiés, ce qui dispense de s'expliquer sur les vices qui pourraient infecter le premier arrêt;

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Sur le deuxième moyen; Considérant qu'en matière de manœuvres dolosives, existantes dans l'espèce, suivant l'arrêt attaqué, la preuve testimoniale était admissible; Sur le troisième moyen; Considérant qu'il n'y avait pas chose jugée par l'arrêt de la chambre d'accusation, sur une autre question que celle agitée devant les juges civils; - Sur le qua¡rième moyen; Considérant que, d'après l'article même invoqué de la la loi sur le notariat, les juges ont le droit d'ordonner l'apport des minutes d'actes dans les causes où cette inspection peut éclairer leur religion; Rejette.

Du 6 janv. 1830.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Bonnet, rap.Joubert, av. gén., c. conf.-Guillemin et Isambert, av.

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595. Lorsque l'on reproduit devant un tribunal, statuant comme tribunal civil, des faits de dol et de fraude qui ont été précédemment l'objet d'une instruction correctionnelle devant le même tribunal, ce tribunal peut rejeter la preuve de ces fails, s'il reconnaît qu'ils ont été démontrés faux dans l'instruction correctionnelle (Req., 27 janv. 1830) (1).

596. Du reste, à supposer qu'un tribunal ait la faculté, pour éclairer sa religion dans un procès civil, de consulter l'instruction écrite d'un procès criminel antérieur, du moins ce n'est pas là pour lui une obligation; les dispositions recueillies dans cette instruction ne sont point un élément nécessaire du procès civil. Ainsi, par exemple, une cour royale saisie d'une demande en destitution d'un notaire peut interdire la lecture des dépositions de témoins consignées dans les procès-verbaux rédigés par le juge d'instruction dans une poursuite en faux dirigée contre ce notaire (Req., 2 juin 1832, aff. Thévenot, V. Récusation).

597. Néanmoins il a été jugé : 1° que tout en appréciant les enquêtes par eux ordonnées, les juges civils peuvent consulter comme documents les éléments d'une procédure criminelle dirigée contre l'une des parties. Spécialement, sur une demande en révocation de testament pour cause d'ingratitude, fondée sur

(1) Espèce : — ( Pingot C. Roy.) — En 1825, Pingot rend plainte en escroquerie contre Roy et Béchard, auxquels il impute d'avoir soustrait le double d'un marché passé entre eux et lui. -16 juin 1825, jugement correctionnel, qui déclare que, de l'ensemble des faits, il résulte que Béchard, d'accord avec Roy, a eu l'intention de se remettre en possession d'un marché qui pouvait leur être désavantageux, à raison de la hausse du prix des bois; qu'il en résulte une surprise coupable de leur part; mais qu'on ne rencontre, dans l'espèce, aucun des délits caractérisés dans les art. 401, 405 et 408 c. pen.;- Renvoie les parties devant les tribunaux civils.-Il y a eu appel des deux parts, et, en même temps, instance engagée devant le tribunal de commerce de Montargis, sur la validité du marché. — 8 août 1825, arrêt de la cour d'Orléans, qui, sur l'appel du jugement correctionnel, considérant que les faits de la plainte ne peuvent constituer le délit d'escroquerie, et adoptant, quant à ce, les motifs des premiers juges; considérant que les motifs d'un jugement ne peuvent être attaqués par appel, déclare Roy et Béchard non recevables dans leur appel, et met au néant celui de Pingot. 1er sept.jugement du tribunal de commerce, qui, considérant que la vente est parfaite entre les parties, dès qu'on est convenu de la chose et du prix..., que Roy a manqué à son engagement, déclare le marché résolu, et condamne Roy à 1,200 fr. de dommages-intérêts. Appel par Roy. Pingot demande, subsidiairement, à être admis à prouver que Roy a usé de dol et de fraude pour le priver du bénéfice du marché; il articule des faits de dol. 20 juin 1826, arrêt de la cour d'Orléans ainsi conçu: « Attendu qu'il résulte de tous les éléments de la cause qu'il n'y a eu qu'un simple projet de vente; que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré résolu un marché qui n'a jamais existé; qu'il ne peut, dans la cause, y avoir lieu, envers aucune des parties, à une condamnation à des dommages-intérêts.-En ce qui touche les conclusions subsidiaires de Pingot: Attendu que les faits de dol et de fraude qu'il allègue ont été prouvés faux, lors de l'instruction qui a eu lieu en police correctionnelle devant la cour, sur laquelle est intervenu l'arrêt du 8 août 1825, qui a acquitté Roy et Béchard de la plainte en escroquerie intentée contre eux par Pingot; Émendant;-Décharge l'appelant des condamnations prononcées contre lui, etc. >>

Pourvoi de Pingot, pour violation des art. 1341, 1351, 1353 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la preuve du dol, en appliquant, faussement, la chose jugée par l'arrêt correctionnel qui, sans discuter les fails allégués, s'était horné à dire qu'ils ne constituaient pas l'escroquerie, et qui, en tout cas, n'était d'aucune influence sur l'action civile. — Arrêt. LA COUR; Attendu que c'est en interprétant les conventions des parties, que l'arrêt attaqué a reconnu que le marché dont il s'agit n'avait pas été consommé, et que cette reconnaissance, fondée sur l'appréciation de faits et de circonstances qui étaient dans les attributions de la cour royale, ne peut donner ouverture à la cassation; — Attendu, en même temps, quant aux faits de dol et de fraude allégués par Pingot. que l'arrêt n'a pas jugé que les faits avaient été déclarés faux par le ju gement et l'arrêt intervenus sur la plainte en police correctionnelle, dans laquelle Pingot avait déjà succombé; mais qu'ils avaient été prouvés tels dans l'instruction qui avait eu lieu contradictoirement entre les parties sur cette plainte, devant la même chambre qui avait à statuer sur la seconde affaire, et, qu'en rejetant ainsi la preuve offerte par Pingot, l'arrêt attaqué n'a pas confondu, comme on le prétend, les principes qui distinguent la juridiction civile de la juridiction criminelle sainement entendus; Rejette, etc.

Du 27 janv. 1850.-C. C., ch. req.-MM. Favard, pr.-Dunoyer, rap.Laplagne Barris, av. gén., c. conf.-Piet, av.

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