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éclore un très-grand nombre d'amendements (on en a compté plus de cent), et n'occupe pas moins de 165 colonnes du Moniteur;

agitée la question de savoir dans quelles catégories devaient être classés certains faits punissables de leur nature, même en l'absence des arrêtés des préfets. Votre commission a pensé que les infractions aux dispositions des arrêtés des préfets devenaient des infractions aux prohibitions générales de la loi, et c'est en les considérant sous ce point de vue qu'elle les a compris, selon leur gravité, dans les divers paragraphes de l'art. 11.

84. La contravention aux arrêtés des préfets, relatifs à la destruction des animaux malfaisants, est la seule que la commission ait maintenue dans le § 1, en fixant l'amende au chiffre de 16 à 50 fr.

Quant au § 2, la commission a fixé le minimum à 16 fr., tandis que le projet ne proposait que 15 fr. Le motif de ce changement est, que c'est seulement à 16 fr. que commence la compétence des tribunaux correctionnels.

Le maximum de l'amende prononcée par le § 3 a été porté à 100 fr., parce que votre commission a pensé qu'aucun motif ne peut justifier la conduite de celui qui, hors de son domicile, est trouvé porteur de filets ou engins prohibés. Le fait de les porter doit faire présumer l'intention de s'en servir.

C'est dans le § 4 que votre commission a placé les infractions aux arrêtés des préfets, concernant la chasse des oiseaux de passage et celle dans les étangs. C'était le classement adopté par le gouvernement dans son premier projet de loi.

En ce qui concerne le § 5, votre commission y a fait quelques modifications qu'elle doit vous expliquer. Elle a abaissé le minimum de l'amende, c'est la conséquence de sa détermination en ce qui concerne l'art. 463; et elle a, de plus, supprimé le mot ensemencées, parce que ce mot, rapproché de ceux qui le suivent, lui a paru présenter un sens équivoque ou insuffisant. En effet, il résulte des explications échangées devant la chambre des pairs, que la seule circonstance de l'ensemencement n'est pas le cas prévu, et qu'il est indispensable que cet ensemencement ait produit des plantes qui montrent leurs fruits. Si tel est le sens de la loi, le mot ensemencées doit être supprimé, car, autrement, la disposition pénale ne comprendrait que les fruits industriels, et laisserait les fruits naturels, tels que les herbes des prés, sans protection.

85. Ce ne peut être à la loi de déterminer à quelle époque des plantes en croissance peuvent être considérées comme fruits. La loi de 1790 s'était servi de ces mots : entier dépouillement des fruits, et la jurisprudence avait admis que c'était aux tribunaux chargés de l'application de la loi pénale à décider la question de savoir si les plantes qui couvraient la terre devaient être considérées comme fruits. Il ne sera rien innové à cet égard; les tribunaux devront apprécier les faits, et ils ne manqueront pas, en le faisant, de remarquer que, si l'amende peut être portée au double, ce n'est qu'en vue du dommage qui peut être causé au propriétaire par la destruction de ses fruits, et que ce dommage n'est possible qu'autant qu'il y ❘ a des fruits.

86. Enfin le projet s'est servi de ces mots : terrain clos, tandis que, dans l'art. 14, il rappelle la définition de la clôture insérée dans l'art. 2 du projet. Cette différence de diction pouvait faire supposer que le mot clos, dans l'art. 11, avait une signification autre que dans l'art. 2, et c'est pour lever tous doutes que votre commission vous propose de rétablir la définition de la clôture dans la rédaction du § 5.

Il était impossible d'indiquer par énumération, dans l'art. 2, tous les modes adoptés pour faire des clôtures; la loi n'aurait pas tout prévu, et d'ailleurs elle s'attache au résultat plutôt qu'aux moyens employés pour l'obtenir. Pour qu'il y ait clôture, il faut qu'il y ait isolement complet des propriétés voisines, et que la communication avec elle soit empêchée par un obstacle continu. Mais il arrive que des propriétés closes dans ces conditions sont traversées par des chemins, et votre commission a pensé que cette circonstance ne devait pas être considérée comme faisant cesser la continuité de la clôture. C'est l'objet d'un amendement qu'elle propose sur l'art. 2.

87. Le minimum des amendes prononcées par les §§ 6 et 7 a été abaissé; c'est l'équivalent de la possibilité de l'application de l'art. 463. C'est dans le paragraphe 7 qu'ont été prévues les infractions aux arrêtés des préfets concernant la destruction des oiseaux et la chasse en temps de neige.

La chasse avec les chiens levriers, quand elle est poussée jusqu'à l'abus, est le moyen de destruction le plus préjudiciable. Cet abus a été signalé par la presque unanimité des conseils généraux, et il n'est pas douteux que les préfets prendront des arrêtés pour réprimer cette chasse. Mais l'infraction à ces arrêtés devra être sévèrement punie, et c'est par ce motif que votre commission l'a inscrite dans le dernier paragraphe de l'art. 11.

88. Dans le droit commun, les agents chargés de constater les délits encourent le maximum de la peine, lorsqu'ils se rendent coupables d'une infraction de la nature de celles qu'ils sont chargés de constater. Le projet de loi est muet sur cette question, et il serait douteux que la disposition du code pénal pût être invoquée. Votre commission vous propose, par amendement, de reproduire cette disposition à la fin de l'art. 11, en ce qui concerne les gardes. Cette mesure ne paraitra pas trop rigoureuse,

puisque, à cause de la nature de leurs fonctions, ils ne doivent pas se livrer à l'exercice de la chasse.

89. Les art. 12, 13 et 14, et le 1er § de l'art. 15, n'ont été l'objet d'aucune observation, sauf la modification des limites des peines. Mais à l'égard du second paragraphe de l'art. 15, quoique votre commission ait reconnu l'avantage de pouvoir contraindre les délinquants à déposer identiquement les armes ou instruments de chasse, elle a pensé que toutes les fois que les procès-verbaux contiendraient des désignations tellement précises que ces armes ou instruments fussent facilement reconnaissables, le jugement rappellerait ces designations de manière que le délinquant serait forcé de faire identiquement ce dépôt, ou de payer la valeur réglée par le jugement. Elle a pensé que, dans les autres cas, le débat sur l'identité entre la personne chargée de recevoir le dépôt et le délinquant serait fâcheux, et elle vous propose de supprimer le mot identiquement.

90. Aux termes du dernier paragraphe de l'art. 15, les dommages-intérêts ne peuvent être inférieurs à l'amende simple prononcée par le jugement. Votre commission a trouvé que, dans certains cas, cette fixation de minimum serait exagérée, car les dommages-intérêts sont la réparation du préjudice causé à autrui, et ce préjudice résulte d'un fait matériel indépendant de l'appréciation des circonstances qui l'ont accompagné. Si la loi, dans l'intérêt de la vindicte publique, a gradué les peines en raison de ces circonstances, le tort matériel souffert n'en est pas plus grand ; dès lors le chiffre de l'amende ne peut servir de base invariable à celui des dommages-intérêts. Toutefois, il est bon que les dommages-intérêts no soient pas immodérément réduits, et c'est dans l'intention d'atteindre co but que votre commission vous propose d'en fixer le minimum à 25 fr.

91. L'art. 16 reproduit les dispositions du droit commun, qui veulent que la peine la plus forte soit seule prononcée mais il est utile de faire remarquer qu'il n'est applicable qu'aux délits qui ont été commis avant la déclaration du procès-verbal, et que dès lors ceux qui ont été commis postérieurement doivent être punis. Quant à l'art. 17, votre commission l'approuve, en réduisant à cinq ans le temps pendant lequel les tribunaux pourront priver du droit d'obtenir un permis de chasse.

92. Jusqu'alors les gendarmes et les gardes recevaient une gratification par chacun des procès-verbaux, suivis de condamnation, qu'ils rapportaient en matière de délit de port d'armes de chasse et de pêche. Aux termes de l'art. 10, des ordonnances royales détermineront cette gratification; c'est maintenir le principe sans en régler le chiffre. L'art. 18 veut que le montant de cette gratification soit prélevé sur le produit des amendes; c'est en assurer le payement. Votre commission approuve toutes ces dispositions; mais elle ne peut approuver également l'attribution que le troisième paragraphe de cet article fait aux hospices du département, du tiers du surplus de ces amendes; car il existe des arrondissements dans lesquels on n'a pas créé d'hospices; il en existe dans lesquels les hospices sont simplement communaux; il en existe enfin dans lesquels les hospices reçoivent en même temps, et les habitants de la commune et ceux des communes de l'arrondissement. Quel sera le mode adopté pour déterminer l'attribution? Rigoureusement, ce serait aux seuls hospices de cette dernière catégorie que l'attribution devrait être faite, mais ce cas sera l'exception, car il existe peu d'hospices établis dans ces conditions; et comme les communes rurales, en général ne possèdent pas des excédants de ressources, votre commission vous propose de leur attribuer la totalité du surplus des amendes au lieu des deux tiers que le projet de loi leur accorde.

93. En s'occupant de réglementer ce qui est relatif à la preuve des délits, le projet de loi rappelle dans l'art. 20 les principes du droit commun, quant aux moyens de preuve. Votre commission donne son assentiment à cet article.

Mais dans les art. 21 et 22, les procès-verbaux se trouvent classés en deux catégories, dont les uns feront foi jusqu'à inscription de faux, et les autres jusqu'à preuve contraire seulement. -Votre commission n'a point approuvé en cette partie les idées du projet de loi; car elle verrait une innovation pour un cas spécial, et dans des circonstances qu'aucun fait ne semble justifier. Les fonctionnaires désignés dans l'art. 21 sont ou officiers de police auxiliaires, ou simplement officiers de police; et, dans aucun cas, même lorsqu'il s'agit de faits beaucoup plus graves que ceux relatifs aux délits de chasse, leurs procès-verbaux ne font pas foi jusqu'à inscription de faux: tel est l'état du droit. Quel serait donc le motif de changer cet état de choses? Serait-ce le besoin d'organiser la répression, la nécessité d'enlever à la mauvaise foi les moyens d'échapper à la condamnation par la facilité de combattre les procès-verbaux par des témoignages achetés à l'avance ou récompensés plus tard ? C'est ce que votre commission a dû examiner.

Sans doute, ce besoin, cette nécessité devraient être pris en sérieuse considération, si la répression était insuffisante partout, si les poursuites étaient suivies d'acquittement dans des proportions extraordinaires. Mais quoique votre commission ne conteste pas que, dans certains départements, la répression laisse quelque chose à désirer, elle doit dire que, dans quelques autres, elle est active, et elle en donne comme preuve ce fait établi par les statistiques; c'est que, si en 1856, le nombre des dé

elle fut suivie de l'adoption du projet à une majorité de 251 voix sur

lits de chasse poursuivis n'était que de 6,251, il est progressivement arrivé, en 1841, à 8,093. Elle doit ajouter que les poursuites en matière de délits de chasse sont précisément celles qui présentent le moins d'acquittements. Qu'ainsi, tandis que l'on voit en 1841 le nombre des acquillements sur poursuites pour délits communs s'élever à la proportion de 17 p. 100, on remarque que celui sur poursuites pour délits de chasse n'a pas dépassé celte de 14. Et si l'on poursuit la comparaison en remontant jusqu'à l'année 1836, on trouve que le nombre moyen des acquittements sur poursuites pour délits communs est de 18 p. 100, tandis que celui sur poursuites pour délits de chasse n'est que de 15. La conséquence de ces rapprochements, pour votre commission, a été que s'il est vrai que la crainte des poursuites n'arrête pas les braconniers, parce que les peines ne sont pas assez sévères, il est vrai aussi que la faculté accordée aux inculpés de faire la preuve contraire des faits consignés dans les procès-verbaux, n'a pas une influence exceptionnelle sur le résultat des poursuites. Elle vous propose, par amendement, le retour au droit

commun.

94. L'art. 23 impose aux gendarmes l'obligation d'affirmer leurs procès-verbaux dans les vingt-quatre heures. Cette prescription s'expliquait lorsque, par les dispositions de l'art. 21, leurs procès-verbaux devaient faire foi jusqu'à inscription de faux; mais s'il n'est rien innové à cet égard, il n'y a pas lieu de leur imposer une obligation à laquelle ils ne sont pas soumis en ce moment.

95. Les art. 24, 25, 26, ne présentent aucune disposition nouvelle, et votre commission les approuve. Quant à l'art. 27, votre commission a pensé que la responsabilité civile n'existe que d'après les principes posés et les conditions déterminées dans l'art. 1584 c. civ., pris dans son ensemble; que dès lors c'était à cet article, et non à son dernier paragraphe, que le second paragraphe de l'art. 27 devait renvoyer. Elle vous propose un amendement dans ce sens.

96. Dans l'état du droit, la prescription des délits de chasse a lieu par le laps d'un mois : ce délai est souvent trop court pour la poursuite; l'expérience l'a prouvé. D'un autre côté, l'inculpé ne peut demeurer indéfiniment exposé à une poursuite. Le délai de trois mois proposé dans l'art. 28 concilie tous les intérêts; votre commission l'admet.

97. La première partie de l'art. 29, comme disposition réglementaire, ne peut être l'objet d'aucune observation; mais la seconde partie contient, relativement aux délits commis dans les propriétés de la couronne, une dérogation, quant à la pénalité, aux dispositions de l'ordonnance de 1669, qu'il est facile de justifier. Cette ordonnance, depuis longtemps, n'est plus applicable aux délits de chasse commis dans les forêts de l'État, et on se rendrait difficilement compte de ce qu'elle continuerait de l'être aux délits commis dans les forêts de la couronne, surtout lorsqu'une législation nouvelle sur la police de la chasse va être promulguée. Le projet de loi propose de soumettre la poursuite et la répression de ces délits aux règles du droit commun. Votre commission approuve cette proposition.

98. Enfin, la partie réglementaire qui termine l'art. 50, est conçue dans des termes tellement généraux, qu'on aurait pu, peut-être avec quelque fondement, mettre en doute si la loi du 30 avril 1790 se trouvait tout entière comprise dans l'abrogation que cet article prononce. Comme votre commission ne doute pas que cette loi ne subsistera plus dans aucune de ces dispositions, elle vous propose de la désigner d'une manière spéciale.

Telles sont, messieurs, les considérations qui ont déterminé votre commission à vous proposer l'adoption du projet de loi sous les modifications qui viennent d'être indiquées.

(1) Exposé des motifs et projet de loi relatif à la police de la chasse, présenté par M. le garde des sceaux (séance du 4 mars 1844).

99. Messieurs les pairs, nous venons soumettre de nouveau à vos délibérations le projet de loi sur la police de la chasse. La chambre des députés a modifié, sur différents points, les dispositions que vous aviez adoptées à la session dernière; mais les principes qui ont servi de base au projet de loi n'ont été altérés en rien par les changements de détail qu'elle ya,introduits. Nous allons examiner, d'une manière rapide, ceux de ces changements qui méritent plus particulièrement d'être signalés à votre attention.

100. Deux dispositions ont été ajoutées au premier paragraphe de l'art. 4. Cet article avait consacré une innovation qui n'a pas trouvé de contradicteurs, et qui a paru généralement une mesure efficace contre les braconniers, l'interdiction de vendre du gibier pendant le temps où la chasse n'est pas permise. Le gouvernement avait pensé qu'il suffisait d'atteindre le vendeur, et vous aviez partagé son opinion. La chambre des députés est allée plus loin; elle a étendu l'interdiction jusqu'à l'achat du gibier en temps probibé; elle a jugé que, puisqu'on défendait la vente, il était conséquent de défendre aussi l'achat, et que l'acheteur, étant nécessairement le complice du vendeur, devait être puni comme lui.

101. Elle a fait plus encore: elle a interdit le transport du gibier pendant le même temps. Cette interdiction, prononcée d'une manière absolue, est inconciliable avec l'art. 2, qui permet au propriétaire de chasser

397 votants.-Reporté à la chambre des pairs, le 4 mars 1844 (1),

en tout temps sur son terrain clos attenant à une babitation. La prohibition du colportage du gibier était déjà consacrée par l'art. 4; elle était suffisante le mot de colportage indique le transport qui a lieu dans le but de vendre et de favoriser la violation de la loi. C'est le seul qu'on veuille atteindre. Il faut donc s'en tenir au mot de colportage, qui sera sainement appliqué par les tribunaux, et supprimer celui de transport, auquel on pourrait donner un sens que la loi n'a pas entendu lui attribuer. Les nouvelles mesures qui ont été adoptées auraient pu servir de prétexte à des visites domiciliaires et donner lieu à des inquisitions vexatoires. Pour prévenir cet inconvénient, l'art. 4 a reçu un paragraphe additionnel portant que la recherche du gibier ne pourra être faite à domicile que chez les aubergisjes, chez les marchands de comestibles et dans les lieux ouverts au public,

102. L'art. 4 a été encore amendé sur un autre point. Son dernier paragraphe interdisait la mise en vente, la vente et le colportage des œufs et des couvées de faisans, de perdrix.et de cailles. Cette interdiction, qui avait principalement pour objet de protéger la reproduction du gibier, a paru inutile et contraire, dans certains cas, au but que l'on voulait atteindre elle a été supprimée.

103. L'art. 6 a été modifié par un amendement qui a donné lieu à une longue discussion. Cet article conférait aux préfets le pouvoir général, absolu, de refuser le permis de chasse. Ces fonctionnaires, embarrassés d'un droit aussi étendu, auraient craint presque toujours de l'exercer. La chambre des députés l'a restreint d'une manière convenable. D'a près le nouvel art. 6 qu'elle a substitué à l'ancien, les préfets, au lieu d'avoir la faculté générale de refuser des permis, n'auront que le droit limité d'en refuser à certaines catégories de personnes désignées dans les cinq premiers paragraphes de l'article Ces catégories comprennent tous ceux qui, par leur position, doivent appeler l'attention de l'autorité sur le danger qu'il pourrait y avoir à leur accorder des permis. Les préfets ne craindront plus d'user, dans les limites tracées par la loi, du pouvoir qu'elle leur attribue. Le but que le gouvernement s'était proposé se trouve donc atteint plus sûrement par le nouvel art. 6 qu'il ne l'aurait été par l'ancien.

104. L'art. 7 ne désignait comme incapables d'obtenir le permis de chasse que les mineurs âgés de moins de seize ans, et les mineurs de seize à vingt et un ans, privés de l'assistance ou de l'autorisation de leur père ou tuleur. On y a joint les interdits, les gardes champêtres ou forestiers des communes et établissements publics, ainsi que les gardes forestiers de l'État et les gardes-pêche. On a pensé que les devoirs des gardes, la surveillance de tous les instants qui leur est imposée ne pouvaient se concilier avec l'exercice du droit de chasse. Leur position leur donne d'ailleurs trop de facilité pour détruire le gibier, et l'on a craint qu'ils ne cédassent trop souvent à la tentation d'en abuser si la chasse leur était permise.

La chambre des députés a aussi ajouté une nouvelle catégorie aux deux classes de personnes que l'art. 8 déclare indignes d'obtenir un permis de chasse, celle des condamnés placés sous la surveillance de la haute police. Le gouvernement ne peut qu'adhérer à cette addition.

105. L'art. 9 a été amendé sur trois points: -1° A la suite d'un paragraphe relatif aux arrêtés que les préfets sont autorisés à prendre pour déterminer l'époque de la chasse des oiseaux de passage, ainsi que les modes et procédés de cette chasse, la disposition suivante a été insérée La caille ne sera pas considérée comme oiseau de passage. L'usage pratiqué par les habitants du Midi de prendre les cailles avec des filets, à l'époque où elles arrivent dans nos contrées méridionales, après avoir traversé la mer, les a fait disparaitre presque entièrement de la plupart de nos provinces. C'est pour faire droit à une réclamation qui a paru légitime qu'on a excepté les cailles de la disposition relative aux autres oiseaux de passage.

106. 2o Le paragraphe qui a pour objet les arrêtés par lesquels les préfets détermineront les espèces d'animaux malfaisants que le propriétaire, possesseur ou fermier pourra détruire sur ses terres, ainsi que les conditions de l'exercice de ce droit, a été complété par une disposition additionnelle ainsi conçue: « Sans préjudice du droit appartenant au propriétaire ou fermier de repousser ou de détruire, même avec des armes à feu, les bêtes fauves qui porteront dommage à ses propriétés. »-Le motif de cette disposition est de faire cesser le reproche, qui était adressé à cette partie du projet de loi, d'entraver le droit naturel et légitime appartenant à tout individu, de protéger sa propriété contre les ravages des bêtes fauves. La manière dont l'ensemble du paragraphe est rédigé laisse quelque chose à désirer. Une légère modification dans ses termes sera nécessaire.

107. 3° Le paragraphe qui prévoit la chasse aux chiens lévriers donnait aux préfets la faculté d'en interdir l'emploi, ce qui supposait que l'on pouvait s'en servir, lorsqu'un arrêté spécial ne l'avait pas défendu. La nouvelle disposition substituée à l'ancienne porte que les préfets pourront autoriser l'emploi des chiens lévriers pour la destruction des animaux nuisibles. Par là il a été reconnu que l'usage des lévriers est interdit s'il n'existe pas un arrêté préfectoral qui l'autorise, et cet arrêté

le projet fut renvoyé à la commission précédemment nommée; puis,

ne pourra le permettre que pour la destruction des animaux nuisibles. 108. Les articles qui règlent les pénalité sont ceux qui ont subi les modifications les plus nombreuses et les plus importantes. L'ordre et l'économie de ces articles ont été changés. Des peines différentes y ont été portées. Le minimum des amendes a été généralement abaissé. L'emprisonnement facultatif a été prononcé plus souvent. Les amendements qui ont été adoptés ont pour but d'atteindre les braconniers d'une manière plus sûre et plus efficace, et de permettre aux magistrats de n'infliger que des peines légères aux personnes qui commettront accidentellement des infractions sans gravité.

109. L'art. 11 du projet, composé de huit paragraphes, déterminait les peines applicables à tous les délits de chasse, à l'exception d'un seul, le délit commis dans un enclos attenant à ung habitation, qui, par son importance, a paru mériter d'être préva par une disposition à part. Il a été divisé en deux articles qui ont pris les numéros 11 et 12. Au moyen de cette division, les délits op de partages en deux grandes classes principales, dont chacune renferme le faits qui, par leur nature, se rapprochent le plus les uns des autres, et ont paru susceptibles d'être soumis à la même peine.

110. La première classe, qui forme le nouvel art. 11, comprend, dans cinq paragraphes, tous les délits passibles d'une amende de 16 fr. au moins et de 100 fr. au plus. Ces délits sont : « La chasse sans permis; celle sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire; les infractions aux divers arrêtés des préfets; les contraventions commises par ies fermiers de la chasse aux conditions de leur cahier de charges, et la destruction ou la soustraction des œufs ou couvées de faisans, de perdrix et de cailles sur le terrain d'autrui. » L'analogie qui existe entre ces diverses infractions, le degré à peu près égal de culpabilité qu'elles supposent, ont permis de les ranger dans une seule et même catégorie. La latitude laissée entre le minimum et le maximum de l'amende donnera d'ailleurs aux magistrats la faculté de graduer les peines, suivant le plus ou moins de gravité de l'action qu'ils auront à punir. L'art. 11 ne prononce pas l'emprisonnement pour les délits qu'il prévoit. Cette peine ne leur deviendra applicable que dans un cas déterminé par le dernier paragraphe de l'art. 14. Il faudra que le délinquant soit en récidive et n'ait pas satisfait à des condamnations précédemment encourues.

Il a paru utile d'expliquer, dans l'un des paragraphes de l'art. 11, que le passage des chiens courants sur le terrain d'autrui pourrait, dans certains cas déterminés par ce paragraphe, n'être pas considéré comme un délit de chasse. C'est une simple indication qui ne liera pas les juges et qui devra seulement les guider dans l'appréciation des faits soumis à leur examen. 111. La seconde classe des délits de chasse passibles d'une amende obligatoire de 50 à 200 fr. et d'un emprisonnement facultatif de six jours à deux mois, forme le nouvel art. 12. — « La chasse en temps prohibé, la chasse de nuit ou par des moyens non autorisés, l'emploi où le simple port, hors de son domicile, des filets, engins ou autres instruments de chasse défendus, la mise en vente, la vente, l'achat, le transport ou le colportage du gibier en temps prohibé, l'emploi des drogues ou appâts qui sont de nature à enivrer le gibier ou à le détruire, » sont les délits qui, par leur importance, ont paru mériter d'être rangés dans la catégorie de ceux que la loi punit plus sévèrement que les infractions de la première classe.

112. L'article qui prévoit et punit les délits de chasse commis sur la propriété d'autrui close et attenant à une habitation, ne distinguait pas ceux de ces délits qui seraient commis pendant le jour d'avec ceux qui auraient lieu la nuit. Il punissait également ces deux genres de délits, dont les uns sont beaucoup plus graves que les autres, de 200 fr. à 1,000 fr. d'amende, et d'un emprisonnement facultatif d'un an à cinq. L'article amendé par la chambre des députés établit une juste distinction entre les délits de jour et ceux de nuit. Il prononce, contre les premiers, une amende obligatoire de 50 à 300 fr., et un emprisonnement facultatif de six jours à trois mois. Il frappe les autres d'une amende de 100 fr. à 1,000 fr. et d'un emprisonnement facultatif de trois mois à deux ans. La proportion entre la gravité des peines et celle des infractions se trouve ainsi mieux observée. L'abaissement du minimum de l'emprisonnement permettra d'appliquer cette peine dans un plus grand nombre de cas. Si l'article n'eût pas été modifié, le minimum d'un an d'emprisonnement aurait paru souvent trop rigoureux, et ce n'est que dans des circonstances très-rares que les tribunaux auraient prononcé l'emprisonnement.

Le système général de la pénalité nous paraft avoir été sensiblement amélioré par la chambre des députés. La nouvelle classification des délits et des peines qui a été adoptée est plus simple, plus méthodique, et sera, pour les magistrats, d'une application plus facile que celle qui avait été d'abord proposée.

113. L'art. 16 contient diverses modifications à l'ancien art. 15 qu'il remplace. Il a limité aux cas où le délinquant aurait chassé en temps probibé ou sans permis de chasse, la confiscation des armes qui devait être prononcée pour tous les délits. Cette restriction a principalement pour but de n'atteindre, par la confiscation, que les véritables braconniers; car ce sont eux surtout qui chassent en temps prohibé et sans permis.

| après un second rapport de M. Franck-Carré, du 23 mars (1)

Le dernier paragraphe décide que la quotité des dommages-intérêts mis à la charge du délinquant sera laissée à l'appréciation des tribunaux tandis que le projet fixait, pour les dommages-intérêts, un minimum qui ne pouvait être inférieur à l'amende simple prononcée par le jugement. Le motif qui a dicté cet amendement est la crainte que beaucoup de propriétaires, déterminés par la certitude d'obtenir toujours une somme assez considérable, à raison de l'élévation des amendes, ne multipliassent les procès contre les chasseurs. Il a paru convenable de s'en rapporter à la sagesse des tribunaux sur la quotité des dommages-intérêts qui seraient réellement dus, cette quotité pouvant varier à l'infini suivant les cir constances.

114. Les art. 22 et 23 qui règlent la foi due aux procès-verbaux constatant les délits de chasse, disposent que les procès-verbaux des maires et adjoints, commissaires de police, officiers, maréchaux des logis, brigadiers de gendarmerie, gendarmes, gardes champêtres ou gardes assermentés des particuliers, feront foi jusqu'à la preuve contraire, et qu'il n'est point dérogé aux dispositions des art. 176 et 177 c. forestier, 53 et 54 c. de la pêche fluviale, pour la foi due aux procès-verbaux rédigés par les agents et préposés de l'administration forestière. - Ces articles different des art. 21 et 22 auxquels ils ont été substitués, en ce que ceux-ci voulaient que les procès-verbaux des maires, adjoints, commissaires de police, ofliciers, maréchaux des logis ou brigadiers de gendarmerie, fissent foi jusqu'à inscription de faux, et non jusqu'à la preuve contraire seulement. La modification adoptée par la chambre des députés est un retour à la législation actuelle, relativement aux procès-verbaux rédigés par ces fonctionnaires. Le gouvernement n'a pas cru devoir s'y opposer.

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115. Il nous est impossible de donner la même adhésion à l'amendement qui a supprimé l'ancien art. 29 du projet, d'après lequel l'exercice du droit de chasse sur les propriétés de la couronne devait continuer à être régi par la législation actuelle. L'article qui a été retranché avait été dicté par un motif de haute convenance qui vous déterminera sans aucun doute à en rétablir le principe.

Nous avons passé sous silence quelques autres modifications qui sont sans importance. Il suffit de les lire pour en apprécier les motifs.

Les discussions approfondies qui ont eu lieu dans les deux chambres ont éclairci les questions que vous avez à examiner, et simplifié la tâche qui vous reste à remplir. Nous sommes convaincus, messieurs les pairs que le projet de loi, tel qu'il sortira de vos nouvelles délibérations, satisfera complétement au vou et au besoin du pays.

(1) Rapport fait à la chambre des pairs par M. Franck-Carré, sur le projet de loi relatif à la police de la chasse (séance du 23 mars 1814). 116. Messieurs, la commission que vous avez honorée de vos suffrages en lui confiant le soin de vous rendre compte du projet de loi relatif à la police de la chasse, s'est livrée à un examen sérieux de ce projet. Le premier résultat de son travail a été de constater que le projet de loi vous revient aujourd'hui notablement amélioré par les modifications qu'il a reçues après de longues discussions dans l'autre chambre. Il reste maintenant bien peu de chose à faire pour donner au pays une bonne loi sur l'une des matières les plus difficiles à réglementer. Votre commission vous propose, messieurs, d'adopter presque tous les amendements votés par la chambre des députés; elle vous demande en outre quelques dispositions additionnelles, dans le but, soit d'assurer plus complétement l'exécution de la loi, soit de réparer quelques omissions de nature à entrainer de graves abus; nous devons, messieurs, vous faire connaitre les motifs qui ont dicté l'appréciation que nous avons faite du projet soumis à vos délibérations. Nous croyons pouvoir nous dispenser de vous rendre compte des amendements qui ne portent que sur les termes des dispositions par Vous votées dans la dernière session. Nous négligerons également, et avec plus de motifs encore, de vous entretenir des dispositions du projet de loi qui, après avoir reçu votre assentiment, ont obtenu celui de l'autre chambre, sans être modifiées ni dans le fond ni dans la forme.

117. L'art. 4 du projet que vous avez voté interdisait, pendant le temps prohibé, la vente, la mise en vente et le colportage du gibier, ainsi que des œufs et convées de faisans, de perdrix et de cailles. Deux modifications graves ont été apportées à cette disposition par la chambre des députés, l'interdiction a été supprimée en tant qu'elle s'appliquait aux œufs et couvées; elle a été étendue à l'achat et au transport en tant qu'elle s'appliquait au gibier. Votre commission, après une discussion approfondie, a donné son assentiment aux deux changements apportés à l'art. 4 du projet de loi elle a considéré qu'au point de vue de la conservation et de la reproduction du gibier, l'interdiction absolue de la vente des œufs de faisans, de perdrix et de cailles, était une mesure d'une utilité contestable; que dès lors il était essentiel, mais qu'il suffisait de donner par la loi une garantie à la propriété en interdisant de prendre ou de détruire des couvées sur le terrain d'autrui.

118. Examinant ensuite l'extension donnée au premier paragraphe de l'art. 4, elle a pensé, à la majorité de six voix contre une, que l'interdic tion de l'achat et du transport était une conséquence logique du principe

il fut discuté de nouveau,

les 27, 28 et 29 du même mois, et | adopté par 105 votants sur 150. Revenu ensuite à la chambre

de l'interdiction de la chasse et de la vente, et que l'interdiction du transport en particulier était le seul moyen de prévenir ou d'atténuer la fraude: n'est-il pas évident, en effet, que le colportage interdit se cacherait toujours sous les dehors trompeurs du transport permis? n'est-il pas certain que le colportage continuerait à se faire par les messagistes, par les conducteurs, par les coquetiers, et qu'il suflirait, pour le faire impunément, d'indiquer un faux nom, un ami d'emprunt, une adresse supposée ? Supprimez l'interdiction du transport, et vous effacez l'art. 4 tout entier; vous empêcherez la vente en public, mais vous permettrez par le fait, sinon par le droit, la vente en secret. L'utilité de cette disposition nous a donc paru incontestable. Mais votre commission, messieurs, a dù examiner si cette interdiction n'était point en contradiction avec les termes de l'art. 2 du projet de loi. Nous ne l'avons point pensé, et nous devons vous rendre compte des principaux motifs qui ont déterminé sur ce point notre ferme conviction.

119. En déclarant dans l'art. 2 du projet de loi que le propriétaire ou possesseur peut chasser ou faire chasser en tout temps, sans permis de chasse, dans ses possessions attenant à une habitation et entourées d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins, le gouvernement et les chambres n'ont assurément pas voulu conférer un privilége aux propriétaires de parcs. Les propriétés closes ne sont pas d'une autre nature que les propriétés dont l'accès est ouvert; il n'y a pas en France deux sortes de propriétés privées, dont les unes puissent avoir des prérogatives, des faveurs, des priviléges, en un mot, qui n'appartiendraient point aux autres. Aussi, messieurs, l'art. 2 du projet de loi ne fait-il que reconnaître et constater un fait sans créer un droit; il place, si l'on veut, l'exception à côte de la règle, mais à condition que cette exception sera renfermée dans ses termes, et non étendue au delà. Son but est de ne point permettre des recherches, des investigations, qui seraient toujours vexatoires et souvent illicites. C'est la continuation du domicile, ou plutôt c'est le domicile lui-même qui est protégé par ses dispositions. Voilà pourquoi il ne s'applique qu'aux propriétés attenant à une habitation et entourées d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins. Il y a là une sorte de huis clos impénétrable, dont, en matière de chasse, la loi pouvait concéder le bénéfice au propriétaire, mais rien de plus. On ne peut donc être admis à réclamer la faculté du transport comme conséquence d'un droit qui n'est point reconnu, d'un privilége qui n'est point consacré par la loi; mais d'une exception commandée par la force des choses, et par la nécessité d'assurer à la répression un caractère de modération et de prudence, de discrétion et de réserve. Ainsi, on peut sans doute chasser dans les conditions de l'art. 2 du projet de loi, parce qu'en réalité on est alors dans son domicile, et qu'en toutes matières qui n'intéressent point directement l'ordre public, le domicile est inviolable; mais lorsqu'on quitte le terrain clos, lorsqu'on sort de l'habitation, c'est-à-dire lorsqu'on sort de l'exception, on est placé sous l'empire de la règle générale, sous le coup de l'interdiction absolue.

120. Qu'on le remarque bien d'ailleurs, il s'agit là d'un autre délit que du délit de chasse; le nantissement du gibier ne sera donc pas, dans ce cas, considéré comme une preuve du fait de chasse, mais comme un délit propre, comme une contravention sui generis, punissable sans doute, mais non par la même disposition de la loi. Cela suflirait pour faire tomber le reproche immérité de contradiction, car on ne peut assurément prétendre que l'exception posée dans l'art. 2 soit de telle nature qu'elle doive effacer et détruire toutes les autres interdictions que la loi fait résulter du temps prohibé. Et cependant, si l'on réclame comme conséquence du fait licite de la chasse à huis clos la faculté de transporter au dehors, il faut, au même titre, demander la faculté de mettre en vente, de colporter et de vendre; la raison de décider est évidemment la même. En effet, messieurs, le principe de l'argumentation que nous combattons est qu'il n'y a pas de temps prohibé pour les enclos attenant à une habitation, et dès lors, on réclame comme conséquence du droit de chasser en tout temps, le droit de transporter en tout temps aussi le produit d'une chasse légitime. Mais alors, encore une fois, si l'argument a de la valeur, il emporte avec lui la faculté de colporter, de mettre en vente et de vendre. Et pourtant, messieurs, personne ne songe à réclamer une telle extension des dispositions de l'art. 2 du projet de loi, parce qu'en réalité, aux yeux de tous, l'art. 2 ne confère pas aux propriétaires de parcs un droit qui serait un privilége, mais qu'il consacre au profit des enclos attenant à une habitation une inviolabilité légale contre la poursuite. C'est le parc et non le propriétaire qui est en dehors du droit commun, ou plutôt l'immunité s'applique à l'enclos, non au propriétaire de l'enclos; voila pourquoi elle couvre le fait de chasse qui se passe dans le lieu clos, et pourquoi elle ne peut s'étendre au transport, au colportage, à la vente, qui s'accomplisSent nécessairement en dehors du lieu clos, en public. Ainsi l'exception nalt de la clôture et du domicile, elle est nécessairement limitée par les deux circonstances qui la produisent.

121. Telles sont, messieurs, les principales considérations qui ont déterminé votre commission à donner son plein assentiment aux modifications apportées par la chambre des députés à l'art. 4 du projet de loi.

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Nous avons également approuvé la disposition nouvelle de cet article, qui déclare que la recherche du gibier ne pourra être faite à domicile que chez les aubergistes, chez les marchands de comestibles, et dans les lieux ouverts au public. Cette disposition nous a paru être le corollaire, ou, si l'on veut même, le correctif indispensable de l'extension donnée au § 1. Mais, en même temps, messieurs, nous avons pensé qu'il ne suffisait pas d'écrire l'interdiction dans la loi, mais qu'il convenait d'en assurer l'exécution dans la pratique; nous vous proposons donc une disposition nouvelle qui a pour but de donner aux employés des contributions indirectes, chargés par leur profession de surveiller et de visiter certains établissements ouverts au public, et aux employés des octrois préposés à la surveillance des transports, le droit de rechercher et de constater les contraventions aux dispositions de l'art. 4. Par là, mais par là seulement, vous assurerez l'exécution de l'une des dispositions fondamentales du projet; vous le ferez, messieurs, sans qu'il en résulte des charges pour personne, car il ne s'agit pas de soumettre le domicile privé à des perquisitions, d'ouvrir aux agents du fisc des lieux qui leur auraient été fermés jusque-là; il ne s'agit pas même de leur imposer de nouveaux devoirs et de soumettre, par suite, certaines professions à des perquisitions nouvelles; il s'agit de donner à des employés le droit de constater un délit, lorsque, dans l'exercice ordinaire de leurs fonctions, l'existence de co délit leur sera démontrée.

122. L'art. 6 du projet de loi, relatif à la délivrance des permis de chasse, soulevait la question de savoir si, en cette matière, il convenait d'attribuer aux préfets des départements un pouvoir discrétionnaire, ou s'il valait mieux écrire dans la loi la nomenclature des exclusions-forcées ou facultatives. Vous aviez pensé, messieurs, que l'attribution aux préfets d'un pouvoir discrétionnaire était préférable; mais, depuis la dernière session, la question a changé de face, car le gouvernement vous déclare que les préfets, embarrassés d'un droit aussi étendu, auraient craint presque toujours de l'exercer; d'un autre côté, la chambre des députés, en formulant et distinguant, dans les art. 6, 7 et 8 du projet, les cas assez nombreux où le préfet devra ou pourra refuser les permis de chasse, a donné satisfaction à tous les intérêts légitimes qui se trouvaient engagés dans cette question: votre commission, d'accord avec le gouvernement, n'hésite donc pas à vous proposer l'adoption de ces dispositions.

123. L'art. 9, qui détermine les modes de chasse licites et prohibés, a reçu dans sa rédaction quelques changements sans importance; il a été également modifié sur trois points qui touchent au fond de ces dispositions. Après avoir placé la chasse des oiseaux de passage en dehors des règles générales, l'un des paragraphes de cet article admet une exception à l'égard de la caille. Nous vous proposons de consacrer aussi cette exception et de la rendre plus formelle par un simple changement de rédaction.

124. En imposant aux préfets le devoir de prendre des arrêtés pour déterminer les espèces d'animaux malfaisants ou nuisibles que le propriétaire, possesseur ou fermier, pourra en tout temps détruire sur ses terres, et, pour régler l'exercice de cette faculté, vous n'aviez point entendu priver le propriétaire ou fermier du droit incontestable de repousser ou de détruire les bêtes fauves qui porteraient dommage à ses propriétés. La chambre des députés a voulu que ce droit fût écrit dans la loi. Nous ne pouvons qu'adopter cette disposition. Ainsi, les animaux nuisibles ou malfaisants ne pourront être détruits que suivant les conditions déterminées par les arrêtés des préfets, sauf le cas où ils porteront dommage aux propriétés. Ce sera donc au propriétaire ou fermier, s'il se place en dehors des conditions de l'arrêté, à prouver le fait du dommage, puisque ce fait seul l'autorise à enfreindre ces conditions.

125. Enfin, messieurs, vous aviez pensé qu'il suffisait de donner aux préfets le droit d'interdire la chasse aux chiens lévriers, pour prévenir les inconvénients de cette chasse destructive. La chambre des députés a cru qu'il convenait de faire de la règle générale l'exception, et de l'exception la règle; le changement qu'elle a apporté à l'un des paragraphes de l'art. 9 prohibe implicitement, mais formellement, la chasse aux chiens lévriers, en donnant aux préfets la faculté d'autoriser l'emploi de ces chiens pour la destruction des animaux malfaisants ou nuisibles. Votre commission approuve également cette disposition.

126. La section 2 du projet de loi, relative aux peines, a reçu d'assez nombreuses modifications: la classification des délits, et par suite l'échelle des peines, ont été en partie changées; le minimum des amendes a été généralement abaissé, et l'emprisonnement a été rendu facultatif. Après un examen attentif de ces nouvelles dispositions, votre commission a reconnu que le résultat en était heureux, puisqu'il doit donner aux magistrats la possibilité de choisir entre une répression énergique que la nalure des faits ou les antécédents du prévenu peuvent rendre nécessaire, et une peine plus douce, qui sera souvent aussi une nécessité de justice. Vous trouverez avec nous, messieurs, nous l'espérons du moins, que l'échelle des peines, telle qu'elle est déterminée dans le projet actuel, per met an juge de réprimer avec la même équité la faute accidentelle et le délit d'habitude, le chasseur en contravention aux dispositions régle

des députés, il fut soumis à l'examen de la même commission

mentaires de la loi et le braconnier dont le délit est devenu la profession. Nous devons, toutefois, vous rendre compte de trois amendements que nous vous proposons d'apporter aux dispositions de la section 2.

127. Et d'abord, à l'art. 11, le projet déclare que le fait du passage des chiens courants sur l'héritage d'autrui pourra ne pas être considéré comme délit de chasse, lorsque ces chiens seront à la suite d'un gibier lancé sur la propriété de leurs maîtres, sauf l'action civile, s'il y a lieu, en cas de dommage. Il résulterait de cette rédaction, messieurs, que le fait spécifié dans cet article serait, en général, un délit, et que les circirconstances, laissées à l'entière appréciation des tribunaux, pourraient seules lui faire perdre ce caractère. Votre commission ne peut approuver une telle disposition, dont le premier inconvénient serait de laisser dans l'incertitude et le vague la nature légale du fait, de ne lui imprimer aucun caractère et d'abandonner aux magistrats la tâche impossible de l'absoudre ou d'en faire un délit à leur gré. En adoptant les dispositions de l'art. 9 du projet de loi, qui considère la chasse à courre comme un exercice légitime du droit de chasse, on a, ce nous semble, résolu la question soulève maintenant l'art. 11, mais qu'il soulève pour la laisser que indécise. Il n'y a pas, en effet, de chasse courre possible, si l'on peut qualifier délit le simple fait du passage des chiens courants sur l'héritage d'autrui chacun sait que le chien courant chasse pour son compte ; qu'il n'est en aucune façon aux ordres de son maître; qu'il suit la piste du gibier partout où elle le mène; que la volonté du chasseur serait impuissante à s'y opposer, et que celui-ci n'est pas plus le maître du chien après l'attaque, que du gibier lancé par le chien. Or, n'est-il pas évident qu'on ne peut raisonnablement punir le chasseur pour un fait qui ne dépend point de lui, alors que ce fait est la conséquence nécessaire de l'un des modes légitimes de l'exercice du droit de chasse?

Vous n'aviez point, messieurs, inséré dans la loi la consécration formelle de ce droit, parce qu'il vous paraissait résulter clairement des dispositions de l'art. 9, et que la jurisprudence d'ailleurs l'a constamment et partout reconnu; mais il devient nécessaire de l'écrire pour éviter la confusion qui pourrait en être faite avec ce qu'on appelle généralement le droit de suite. Cette confusion doit être écartée, messieurs: nous ne vous demandons point de donner au chasseur le droit de suivre ses chiens, c'est-à-dire le droit de chasser sur le terrain d'autrui, mais de décider que le fait seul du passage des chiens courants sur l'héritage d'autrui ne sera point considéré comme délit, sauf, bien entendu, l'action civile, s'il y a lieu, en cas de dommage.

128. Dans la nomenclature établie par l'art. 12, nous avons pensé d'abord qu'il serait utile de comprendre plus explicitement un procédé de braconnage que facilite souvent la chasse à tir, et qui, sous ce rapport, pouvant être considéré comme un mode d'exercice de cette chasse licite, se trouverait ainsi indirectement permis si la loi ne s'en expliquait clairement. Nous voulons parler des appeaux, des appelants et des chanterelles. Par ce procédé, le braconnier ne va point, sans doute, chercher le gibier sur le terrain d'autrui, mais placé sur une route, dans un jardin, derrière une haie ou dans un fossé, il attire le gibier à lui, et exerce ainsi sa coupable industrie avec d'autant plus de succès qu'il est plus sûr de l'impunité. Il y a, messieurs, des contrées entières dont le gibier est détruit par cette sorte de braconnage.

129. Examinant ensuite les dispositions du paragraphe 3 de cet article, et frappés des difficultés extrêmes que présentent la recherche et la constatation du fait qu'il prévoit, nous nous sommes demandé s'il ne serait pas possible de donner aux magistrats le pouvoir d'atteindre le braconnier, alors même qu'il ne serait point saisi en flagrant délit, sans cependant permettre aux agents chargés de rechercher et de constater les délits de chasse, d'envahir le domicile privé et de se livrer à des perquisitions vexatoires. Votre commission, à la simple majorité, à cru qu'en ajoutant le mot détenteurs, aux dispositions de ce paragraphe, on atteindrait le double résultat que nous cherchons : le fait de la détention, en effet, deviendrait un délit, et dès lors le juge d'instruction pourrait rechercher ce délit, c'est-à-dire constater le fait de la détention, lorsque cette mesure lui paraitrait utile d'après les renseignements qu'il aurait recus.

130. Enfin, messieurs, nous avons cru qu'il était indispensable de permettre au juge d'élever au double la peine determinée par cet article, dans le cas où le fait de chasse avec engins ou instruments probibés aurait eu lieu sur le terrain d'autrui et pendant la nuit, si les chasseurs étaient munis d'une arme apparente ou cachée. Il est, en effet, certain que pour cette espèce de chasse, qui est de toutes la plus redoutable, et qui ne s'exerce que par des braconniers de profession, les armes nonseulement sont inutiles, mais deviennent un embarras et une gêne; on ne les y porte donc que pour s'en servir contre les agents de la force publique ou contre les gardes. L'intention qui les a fait prendre peut appeler sur la tête du braconnier une responsabilité plus grande : les tribunaux l'apprécieront.

131. Nous n'avons aucune observation à faire sur les dispositions de la section 3; les modifications qu'elle a reçues ont été consenties par le gouvernement: nous les avons examinées avec soin, et nous avons pensé

qu'en 1843; puis, après avoir été l'objet, le 13 avril (1), d'un

qu'elles n'altéraient en rien la sage économie du projet de loi, qui, sous plusieurs rapports même, s'en trouverait amélioré.

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Mais en portant notre attention sur les dispositions générales de la section 4 et dernière, nous avons été frappés de la suppression de l'art. 29, relatif aux propriétés de la couronne. Après avoir examiné de nouveau la question soulevée par cet amendement, votre commission, messieurs, a persisté dans l'opinion qu'elle avait émise et que votre décision avait consacrée. Elle a pensé que le rejet de l'art. 29 introduirait dans notre législation une innovation fâcheuse à plus d'un titre, et dont il lui a été impossible de trouver une raison satisfaisante; aucun intérêt ne la réclame des considérations puissantes la repoussent. Vous connaissez, messieurs, le caractère unanime des plaintes qui se sont fait entendre contre l'insuffisance de la législation de 1790; vous savez que de toutes parts on demande des mesures qui préviennent la destruction du gibier, qui fassent respecter le droit de propriété dans l'une de ses légitimes conséquences, qui surtout assurent la répression des excès de braconnage! Mais jamais une plainte s'est-elle élevée contre la réglementation et l'exercice du droit de chasse dans les propriétés de la couronne? L'étendue de ces propriétés, le régime particulier auquel elles sont soumises, le nombre des agents chargés de les surveiller, tout les place en dehors de la situation générale, comme la loi les place en dehors du droit commun. Nous avons donc cru qu'en faisant droit aux justes réclamations de la propriété quotidiennement et outrageusement violée, il n'y avait rien à faire, rien à innover, là où aucun désordre ne s'était produit, là où aucun abus n'était signalé, là où aucune plainte ne s'était fait entendre. Nous n'avons pas besoin d'ajouter, messieurs, que les raisons d'un ordre plus élevé qui ont déterminé le législateur de 1790 à consacrer l'exception dont nous persistons à demander le maintien, ont été toutes puissantes sur nos esprits. Mais nous sommes convaincus que cette disposition, qui a été écartée par un vote dont nous n'avons pu connaitre et par conséquent apprécier les motifs, obtiendra l'assentiment de l'autre chambre, quand la discussion en aura mis au grand jour les raisons, le caractère et la portée.

Toutefois, messieurs, en l'absence d'une discussion qui nous eût éclairés sur les motifs qui ont fait rejeter cette disposition par vous introduite dans le projet de loi, nous nous sommes demandé quelles objections elle avait pu rencontrer. Nous n'avons pu croire qu'elle ait succombé sous des raisons du fond il est évident, en effet, qu'elle ne porte aucune atteinte aux intérêts que le projet de loi a pour but de protéger. Le respect de la propriété privée n'en est assurément point ébranlé, et la conservation du gibier n'y est nullement intéressée, car tout le monde sait que dans les propriétés de la couronne le gibier est élevé, entretenu, conservé à grands frais, et que bien loin de nuire à la chasse sur les héritages riverains, le voisinage de ces propriétés lui est profitable sans être jamais nuisible aux récoltes à raison des indemnités annuellement payées par la liste civile. A-t-on pensé que la disposition était inutile parce que la couronne possède un assez grand nombre de propriétés closes, régies par l'art. 2 du projet de loi? Ce serait-là, messieurs, une erreur : les termes de l'art. 2 doivent être et sont en effet restrictifs, et la discussion a prouvé qu'ils ne pouvaient s'appliquer aux propriétés traversées par des routes ou par des chemins. Votre commission a donc pensé que les termes de l'art. 29 avaient pu seuls prêter à la critique; que cette expression : il n'est rien innové, avait pu paraître trop vague, trop générale, et que peut-être on avait craint qu'elle pût servir un jour de prétexte à des prétentions mal fondées. Nous vous proposons donc une rédaction qui exprime clairement que les dispositions de la loi relatives à l'exercice du droit de chasse ne s'appliqueront point aux propriétés de la couronne ; et qui déclare les sections 2 et 3 applicables à ceux qui commettraient des délits dans ces propriétés. Par ces considérations, messieurs, nous avons l'honneur de vous proposer l'adoption du projet de loi sous les modifications ci-dessus indiquées.

(1) Rapport présenté à la chambre des députés par M. Lenoble sur le projet de loi relatif à la police de la chasse (séance du 13 avril 1844).

132. Messieurs, le projet de loi sur la police de la chasse dont l'examen avait été soumis d'abord à la chambre des pairs, et que vous avez voté après y avoir introduit divers amendements, vous est présenté de nouveau. Ce projet vient de recevoir dans l'autre chambre plusieurs modifications auxquelles le gouvernement déclare donner une entière adhésion. Le principe de la loi sur le droit de chasse, la nature des mesures adoptées pour le faire respecter dans les mains de celui auquel il appartient, et pour en concilier, à l'égard de ce dernier, l'exercice avec les besoins de la société, n'ont pas été mis en question. Les amendements faits par la chambre des pairs ne s'appliquent qu'aux moyens d'exécution. Les uns consistent dans un changement de rédaction, la pensée reste la même; les autres ont pour résultat de corroborer et de rendre plus efficaces les dispositions auxquelles ils se réfèrent; d'autres, enfin, ont paru nécessaires pour donner législativement une solution à des questions sur lesquelles il n'était peut-être pas prudent de s'en remettre à l'autorité, toujours variable, de la jurisprudence. Votre commission, en s'abstenant d'attirer votre attention sur les articles que vous avez volés et qui n'ont pas

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