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été le résultat d'une discussion, dont chacun eût profité pour se faire remarquer.

Les ci-devant émigrés lui reprochent de consacrer l'irrévocabilité des ventes nationales, et l'aptitude à tous les emplois pour tous les Français.

Quelques membres du clergé catholique se plaignent d'une reconnaissance aussi solennelle de la protection accordée à tous les cultes.

Des protestants demandent, pourquoi leurs ministres ne sont pas payés comme les prêtres catholiques.

Mais, à travers les petits froissements d'intérêts particuliers, une imposante majorité se réunit de cœur et d'intentions au Roi, et convient de la nécessité de se rallier plus que jamais autour de lui, en défendant la nouvelle charte.

Un officier, nommé Leduc, était dénoncé pour avoir tenu des propos très-coupables; on a su qu'il est parti depuis le 4 pour rejoindre le 9me régiment d'infanterie légère à Longwi. On a écrit dans cette ville pour le faire surveiller. Une dénonciation a été remise à son Excellence le ministre de la guerre, contre un gardemagasin d'effets militaires; une enquête a été faite par des officiers de l'État-major et du ministère, et a mis au jour la régularité du garde-magasin et l'infamie de cette dénonciation anonyme.<<

»Vis-à-vis la caserne du Montblanc, où sont désignés les militaires isolés et blessés, trois femmes étaient hier à midi à se répandre en murmures: ,,Est-il possible, disait l'une d'elles, de ne point avoir plus d'égards pour des hommes, auxquels on ne donne pas même de paillasse pour se coucher. On n'a jamais vu une pareille inhumanité; il faut mettre la garde nationale à l'eau, et le Roi à la guillotine." Un particulier en passant a entendu ces propos, ainsi que deux autres ouvriers qui se sont arrêtés en levant les épaules. Ces femmes ont paru être des habituées de ce quartier, et marchandes des rues. Il y avait devant la porte quelques militaires.

Instruit de ce qui s'était passé, on s'est rendu dans cet endroit pour tâcher de reconnaître ces femmes et les signaler; mais elles étaient parties.

L'on doit informer que, devant cette caserne, il y a toute la journée des femmes qui se rassemblent le long des murs, sous prétexte d'y vendre aux soldats. Il serait essentiel de ne laisser per

sonne stationner dans cet endroit. (Les alentours des casernes sont l'objet d'une surveillance particulière.)

On rencontre peu de militaires mendiants; cependant un dragon, vêtu d'un uniforme et ayant une jambe de bois, se promenait hier dans le jardin du palais Royal en demandant l'aumône.

L'on ne rencontre que des militaires pensionnés qui ne donnent lieu à aucunes inquiétudes.

Dans le nombre des militaires qui sont réformés pour cause d'indemnité, il s'en trouve beaucoup qui, ayant servi quelques années, et fait des campagnes, se plaignent d'être envoyés sans aucun traitement, ni gratification, ce qui fait murmurer. «

>> Paris jouit de la plus grande tranquillité; les militaires français se conduisent bien. Il en existe très-peu d'isolés. Les ateliers des faubourgs sont en activité, suffisamment, pour employer et faire vivre des ouvriers. Il est essentiel qu'on ne laisse point manquer d'ouvrage les journaliers. L'on fait entendre que certains ateliers publics de maçonnerie et autres vont cesser, ce qui donne lieu à des propos et des menaces de demandes en masse d'ouvriers, et que la malveillance ne négligera rien pour troubler l'ordre et faire agir les mécontents. L'on annonce une réforme considérable d'employés dans les bureaux des divers ministères et administrations. Cette classe d'oisifs demandera à être surveillée de très-près. L'on rencontre encore des militaires qui mendient, quand ils croient pouvoir échapper à la surveillance qu'on exerce contre eux. Ils sont presque tous Bretons.

Le départ, des troupes alliées1 fait le plus grand plaisir. Le commerce en détail va être en stagnation pendant quelques jours. On était habitué depuis leur arrivée à leur vendre, ce qui a contenté les habitants qui recevaient leur argent. Il est peu question de dettes qu'ils [elles] laissent dans cette ville. Personne ne réclame pour le présent.

Deux rapports ont été faits cette semaine pour prévenir, que l'on parlait du départ des troupes ennemies, et des allées et venues de divers vagabonds auprès des casernes occupées par eux [elles], pour en connaître les issues et profiter des mouvements du départ pour voler. Les mesures ont été prises pour éviter le désordre. Ce service a été fait avec exactitude par la gendarmerie. Il y a cependant encore eu du pillage à l'école militaire; des auteurs de

1 Dès le 1 juin.

ce délit ont été reconnus pour être des coureurs et habitués du faubourg St. Marceau et du gros caillou. Beaucoup ont été arrêtés.

L'on dit qu'il y a eu du refus de passage et de séjour à des corps d'ennemis à Rheims, et qu'une action s'est engagée entre les habitants de cette ville avec des soldats d'un corps qui est stationné et fait garnison. Les ennemis ont perdu beaucoup de monde et n'y sont pas entrés; ils ont été contraints d'aller camper ailleurs.

L'on ne peut garantir l'opinion des militaires des divers régiments qui doivent venir à Paris, sous peu. On ne les croit pas trop décidés à être calmes, surtout ceux qui viennent des départements du Calvados, de l'Eure, et de la Seine inférieure, Rouen et Saumur. Les chefs ne sont point sans inquiétudes et n'oseraient pas en répondre, surtout ceux de la garde impériale; ils ne seront pas difficiles à émouvoir, s'ils y sont excités. L'on doit s'attendre qu'ils parleront souvent de Buonaparte avec emphase, et qu'il y aura des voies de fait.

Sera-t-il possible de se procurer les noms des officiers, pour être à portée d'établir une surveillance fidèle et active?<<

(N. 403) RAPPORT DU RECTEUR DU LYCÉE A RENNES. »Rennes le 28 juin 1814.

A MM. les membres composant le Conseil académique.

Il est une circonstance majeure que je ne dois point passer sous silence, c'est l'époque où les événements du 1 avril ont été connus à Rennes; c'est celle où le gouvernement légitime a été rétabli, et où la France arrachée à l'usurpateur s'est empressée de reconnaître le sang de ses anciens rois. Le Lycée, à en croire le bruit public, a mis une obstination coupable à manifester son attachement au ci-devant empereur. Il a circulé des détails..... Le dimanche de Pâques, le Domine salvum fac imperatorem fut encore chanté par Mr. l'Aumônier; le lundi, il ne le chanta pas. Les élèves l'entonnèrent au moment où il descendait de l'autel pour rentrer dans la sacristie. Mr. le Censeur et moi nous parvînmes à leur imposer silence, et nous les fîmes sortir de la chapelle; notre messe se dit à 8 heures, et le lundi à cette heure là il n'avait encore été publié rien d'officiel sur l'heureuse révolution qui s'était opérée. Il s'est alors répandu dans le public que, le jour de Pâques, l'Aumônier ayant voulu par trois fois chanter le Domine sal

vum fac regem, il avait toujours été répondu par salvum fac imperatorem; que cet ecclésiastique avait été obligé de descendre de l'autel et de se retirer dans la sacristie; qu'au sortir de la chapelle il avait été sifflé et hué par les élèves. Tout cela est controuvé.... Un élève, à qui je parlais de sa conduite, de celle de ses camarades, [répondit],,Dans d'autres Lycées on a fait bien pis".... C'est de la religion surtout, ce frein si puissant, que nous avons à espérer les plus grands secours. C'est elle qui est la sauve-garde des mœurs; et notre autorité, nos soins le cèdent à l'influence que doit avoir sur l'esprit et le cœur de nos enfants leur père spirituel. Que ne doit-on pas attendre de son zèle, de sa charité, de son affection! Lui seul peut ramener la brebis égarée.«

*ce

(N. 404)

PROTESTE CATHOLIQUE.

>>A son Excellence le ministre de l'intérieur à Paris.

Monseigneur!

Le 29 juin 1814.

C'est avec la plus douloureuse surprise, et la plus profonde indignation, que je viens de lire dans les journaux du 25 l'ordre donné aux juifs et aux protestants de faire des prières en action de grâce du retour de Louis XVIII. Mon sang s'est glacé dans mes veines, en voyant mettre ainsi le mensonge et la vérité sur la même ligne. On ne pouvait choisir un moyen plus sûr pour indisposer tous les catholiques contre le roi. Les murmures éclatent de toute part. On le regarde comme adoptant le système impie du tyran, sans que personne ose ou puisse l'excuser autrement qu'en disant, que c'est l'œuvre de quelque commis de bureau qui, accoutumé au langage naguère à la mode, l'a donné à son insu et au vôtre.

Ce qui surprend le plus, et ce qui fait regarder la religion comme un jeu et une affaire de pure politique par les libertins, c'est de voir que cet ordre soit sorti des bureaux d'un homme revêtu du caractère sacré du sacerdoce, d'un ancien agent du clergé, d'un homme fait pour occuper les premières places de l'église, d'un homme enfin qui doit savoir qu'en matière de religion le recours à toutes les différentes sectes est une preuve d'irreligion, que de leur ordonner de faire des prières, pour quelque cause que ce soit, c'est partager l'exécration que le St. Esprit a prononcé au chap. 28 v. 9

des proverbes contre la prière de ceux qui n'écoutent point la loi. Dira-t-on que les Juifs qui regardent J.-C. comme un imposteur, que les protestants qui nient les principaux mystères, écoutent la loi? Non, sans doute. Que sont donc leurs prières, sinon des insultes faites à Dieu ? Que sont ceux qui les ordonnent? Je vous laisse la conclusion à tirer.

Ah! Monseigneur, notre cœur est sans doute pour le roi, après Dieu. De grâce, veillez sur vos commis, ne permettez pas qu'ils compromettent sa religion et la vôtre, en le faisant marcher sur les traces du tyran impie qui se jouait de toute religion en se reconnaissant aux prières de toutes les sectes.

Agréez le respect et l'estime dont je suis pénétré pour vos vertus; car, je le répète, je suis persuadé qu'on a abusé de votre confiance.

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Je ne suis point homme de lettres, je suis encore moins beau diseur, mais je crois être bon observateur. Je ne me suis point encore trompé dans aucune des circonstances de la révolution ; j'entends par la révolution, depuis l'assemblée des notables jusqu'aujourd'hui. Je ne suis point prophète, mais je vous prédis que, si le Roi ne s'entoure pas mieux qu'il l'est dans ce moment, si la police n'est pas plus surveillante qu'elle l'est, nous essuyerons avant peu une autre révolution.

Voilà deux mois que je suis à Paris. J'ai parcouru successivement les bons et les mauvais restaurateurs. Comme prêtre, je n'ai pas voulu retourner une seconde fois chez le même, de peur de me faire des affaires; car je ne suis pas le maître de moi, lorsque j'entends parler contre le Roi, contre la religion et contre ses ministres. C'est cependant ce qui arrive partout. Pour ne pas abuser de votre patience, Monseigneur, je me résume et je dis que la licence, l'impiété sont à leur comble. Il n'y a pas jusqu'au dernier clerc de procureur qui ne s'avise de pérorer publiquement contre

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