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qui avait fait passer des armes aux rebelles de la Vendée, et que l'on ne concevait pas, dans ce pays, comment on avait pu remettre cet homme en liberté.

On espère les plus heureux effets de l'emprunt forcé; mais, après son recouvrement, on voudrait, que l'on rapportât le décret qui déclare l'argent marchandise, et qu'on ne laissât en circulation que les assignats de 25 jusqu'à 500. Ce sont surtout les fermiers que l'on voudrait voir fortement imposés.

Le bruit court, que le général Pichegru est dans ce moment à Paris incognito, et qu'il y est venu demander au directoire cinquante mille hommes et cent millions en numéraire.

L'on prétend que les agioteurs de Paris ont envoyé dans les principales villes de commerce, des hommes pour y faire monter le louis à 10000 liv..

Le louis s'est couché à 5600v.. Les vols se multiplient d'une manière effrayante; la maison du ministre des Etats-unis, à la barrière de Clichy, vient d'être pillée.

Malgré les recherches des agents chargés de reconnaître les jeunes gens, il en échappe beaucoup à leur surveillance. Plusieurs d'entre eux se procurent des assignats des Chouans, à tout prix, pour se jeter chez eux, lorsqu'ils sortiront de Paris. Quelques-uns se trouvant à l'opéra, où il est survenu une dispute, et croyant que ce spectacle était cerné, ont employé tout leur courage à chercher les moyens de se cacher sous les banquettes et dans les loges. On dit que leur départ occasionne beaucoup de fermentation dans la séance, et que l'on y force de partir jusqu'à des hommes mariés de 35 à 40 ans.

Culte catholique. Hier (Fête de Noël) il y a eu grande affluence de monde dans les édifices déstinés au culte, dont les cérémonies se sont faites avec décence; il ne s'y est rien passé de contraire aux principes adoptés par le gouvernement.

Un inspecteur rapporte que beaucoup de jeunes gens cherchent à se soustraire à la réquisition et persistent à ne point partir.

Un autre déclare que l'opinion royaliste gagne dans les halles et marchés jusqu'aux femmes, qui ne ménagent pas les épithètes les plus sanglantes contre le gouvernement actuel, en affectant de le confondre avec celui de la Convention.

Un troisième expose qu'il lui arrive de rencontrer très-fréquemment une assez grande quantité d'hommes, dont les principes. politiques lui ont toujours paru suspects; couverts d'une houppelande sur les épaules, à laquelle se trouve un petit liséré blanc. Il ajoute qu'il ne fait cette observation que parce que, jusqu'alors, il n'en a encore vu qu'à ces sortes d'individus.

Cafés. Il n'était bruit hier que de l'affaire importante que l'on assure s'être passée sur les bords du Rhin. Tous les bons patriotes, en vue d'une paix tant désirée, désirent que cette nouvelle heureuse des avantages obtenus par les armes de la république puisse se confirmer; mais le public s'étonne, que le directoire exécutif n'en ait pas encore fait part officielle. Ce retard jette des doutes sur cette victoire qui, dit-on, si elle a eu lieu, doit avoir été très-meurtrière.

Dans plusieurs cafés, Corraza [Corazza], du Caveau et Conti, quantité d'individus qui, par leurs discours, paraissaient être amis du gouvernement, se plaignaient du peu de lumière dont l'administration de police est entourée. Si, disaient-ils, un nombre infini d'émigrés restent dans Paris, c'est par sa facilité à accorder des visa de passeports, et par son insouciance à faire feuilleter les registres des teneurs de maisons garnies. Cette administration fait beaucoup de poussière, croit en savoir autant que Sartines, mais elle est bien loin d'avoir son génie; Sartines n'eût pas laissé échapper trois émigrés qui, il y a quelques jours, sont descendus dans la rue St. Dominique, et sont partis après avoir ramassé tout ce qu'il y avait d'or sur la place, et du nombre desquels était un nommé Thibaudière.

D'après des renseignements qu'on s'est procurés, il y a dans une des maisons garnies de Paris un Anglais qui recrute des jeunes gens pour la Vendée, et auxquels il donne un louis par jour; en parcourant ces maisons, la police peut aisément le decouvrir.

Un nommé Guérin, chirurgien, demeurant rue des Vieux Augustins n. 23, ancien doyen des Jacobins, chargé sous l'ancien Comité de salut public, avant le 9 thermidor, de la police de Paris, 1 se flatte, non seulement que le ministre de Paris, que l'on va nommer, culbutera celui de l'intérieur, mais encore qu'il deviendra possesseur du bureau d'esprit public de ce dernier, ayant envoyé au Directoire un plan que ses employés ont rédigé sous ses yeux.

Café Chrétien. La dénonciation faite contre Rovère par l'Ami du peuple, et le triomphe que ce rédacteur a paru remporter sur Cadroy, donne l'espérance aux habitués de ce café, de voir dénoncer tour à tour les députés qu'ils haïssent (les thérmidoriens) et chasser des deux conseils tous ceux qui ne sont pas de leur clique; alors ils s'attendent à un mouvement qui fera rentrer provisoirement les députés Jacobins expulsés, et cette époque ne leur paraît pas éloignée; s'ils ne parviennent pas à organiser une insur

1 V. sur cet agent de Robespierre T. II. p. 208 et 238.

rection qui puisse tourner sur le champ en leur faveur, ils se proposent de soulever, sous main, les royalistes, afin de profiter alors des mesures que le gouvernement sera forcé de prendre.

On y a lu une lettre d'une commune des environs de Chantilly, qui annonce que les patriotes commencent à y reprendre le dessus, et qu'ils demandent des instructions pour établir une société à l'instar de celle du Panthéon. Cette lettre a causé la joie la plus vive, et a déterminé plusieurs des sociétaires aisés à parcourir les départements pour faire des prosélytes. La femme de Sijas court, s'agite, intrigue, prêche les ouvriers et veut absolument venger la mort de son mari. Les hommes ne cessent de se plaindre de ce que les bureaux du gouvernement ne sont remplis que de sectionnaires royalistes et d'antipatriotes.

Société du Panthéon. On y a adopté un projet d'adresse au peuple qui sera incessamment affichée et qui fera le 9 N° de la Vérité au peuple etc.

On y a lu une lettre, dans laquelle on attribue la victoire remportée en Italie, à la destitution du général Kellermann et à son remplacement par le général Schérer.

Un membre a communiqué un long travail sur le moyen de terminer la guerre de la Vendée, en faisant un appel général à tous les patriotes. Ce travail est terminé par un projet pour remettre toutes les choses de première nécessité au prix de 90.

L'on pense dans le public que cette société ainsi que celle des Quinze-vingts, presque en entier composées d'ouvriers et d'anciens comitaires, sont organisées et animées par celle de l'hôtel de Noailles, à la tête de laquelle sont plusieurs membres des 500 qui se proposent d'anéantir l'autre conseil; que le bal qui se donne chez Cardinaux n'est qu'un prétexte pour attirer du monde et faire des prosélytes; qu'enfin cette société se propose de faire placer dans les départements les patriotes trop connus à Paris, et à Paris ceux trop connus dans les départements.

Pain. Quoique la plus parfaite tranquillité règne toujours aux portes des boulangers, et que leurs distributions se fassent généralement avec ordre, de tous côtés les oreilles sont frappées des plaintes les plus amères. Le peuple accuse le gouvernement d'oublier ses plus pressants besoins, et de voir avec indifférence la misère s'accroître de jour en jour.

Bruits. Le bruit court qu'il va y avoir sous peu une réquisition de tous les citoyens depuis 18 jusqu'à 35 ans. On dit à cette occasion:,,Il faut donc que nos affaires aillent bien mal sur la frontière, puisqu'on en vient à une pareille extrémité."

Agioteurs. Les sages mesures que le gouvernement a prises

contre eux, loin de les déconcerter, n'ont fait qu'augmenter leur audace. Ils sont parvenus à déprécier tellement les assignats, que le prix de l'or et de l'argent est monté depuis deux jours beaucoup plus haut qu'il n'était encore arrivé. Ce qu'il y a de douloureux, c'est que, s'il arrive parfois que le prix de l'or diminue, celui des subsistances demeure en stagnation ou augmente.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Houdeyer.<<

»6 nivose an 4. La plupart des citoyens des deux sexes qui se rassemblent aux portes des boulangers, sur les places et dans les rues, deviennent depuis longtemps très insouciants sur les objets politiques, et se contentent à présent de vaquer à leurs affaires et de chercher en murmurant les soutiens d'une vie languissante.

D'un rapport remis sous nos yeux il résulte, que le bruit court que la séance du 3, au conseil des 500, avait été très-orageuse, et qu'on n'espérait pas mieux de ce conseil que de la Convention; qu'on louait la fermeté du directoire et l'activité des ministres.

Cafés. On disait dans un café que le gouvernement n'avait fait donner l'alerte à la bourse que pour tâter les gens qui s'y rassemblent et en tirer parti; on y accusait les membres du directoire exécutif d'avoir les plus grandes craintes, et de faire paraître beaucoup d'inquiétude par la manière dont ils mettent leur palais en état de défense. Ce bruit est sans doute répandu par la malveillance, à l'effet de jeter un vernis odieux sur le compte des gouvernants dans l'esprit d'un peuple crédule et facile à séduire.

L'incertitude de la nouvelle d'une victoire signalée remportée par les Français sur les Autrichiens, répandue ces jours derniers avec éclat, attristait hier les bons citoyens et leur donnait beaucoup d'humeur contre les journalistes qui, dans leurs feuilles, accréditent ces bruits plutôt nuisibles, quand ils sont controuvés, qu'avantageux à la chose publique. Ces mêmes patriotes prétendaient qu'en pareil cas on devait rendre les imprimeurs responsables.

L'emprunt forcé faisait aussi la matière des entretiens, mais toujours avec beaucoup de dissentiment d'opinion; quoiqu'il en soit, il paraît que les mesures prises par le gouvernement sont approuvées par le plus grand nombre des habitués des cafés; on manifeste à cet égard le plus vif désir sur la nécessité du moyen à prendre pour atteindre les millionnaires de fraîche date, ainsi que les agioteurs qui pullulent plus que jamais au jardin Egalité.

Spectacles. Ont été tranquilles; les filles publiques et les filous s'y portent toujours avec la plus grande affluence.<<

»6 nivose an 4. Café Chrétien. C'est là que débarquent tous les Patriotes qui arrivent des départements; le nombre en était hier très-considérable. On a parlé de l'émeute arrivée à Bordeaux, dans laquelle on a assassiné 9 ou 10 agioteurs, et l'on a fait entrevoir qu'il en arriverait bientôt autant à Paris; du moins on doit tenter d'y engager le peuple. On s'est entretenu de l'arrestation du marquis de Boisgelin; mais, a-t-on dit, il en sera comme de cet autre marquis émigré, arrêté à Lyon, transféré à Paris et dont on n'a plus entendu parler.... Vadier, Defresse, Rossignol, Javocque [Javogues] etc. témoignent depuis quelques jours la plus vive satisfaction et ne cessent de répéter que tout va bien, et que sous peu tout ira mieux. Maignet et Jourdan ont juré sur leurs sabres de venger la mort de Robespierre, et leur serment a été répété par un grand nombre des sociétaires; leur but est d'exciter une révolte pour culbuter le conseil des 250 et réformer celui des 500. Le portrait de Marat doit leur servir de signe de ralliement en cas de tumulte.

Jeunes gens. Plusieurs d'entre eux se plaignaient hier au théâtre de la République de ce que la protection accordait des congés de réformes; ils ont cité Madame de Thélusson comme en ayant fait obtenir un, par le ministre de la guerre, à un jeune homme trèsfrais, très-vigoureux, bien portant, d'une charmante figure et d'une aimable tournure. Cette Mde. de Thélusson a fait de son frère, simple soldat, un aide de camp. On appelle maintenant partout le ministre de la guerre le ministre des jolies femmes.<

Rapport sans date, évidemment du 6 nivose. 1 >> Esprit des Journaux. S'il faut en croire le Gardien de la Constitution (nouveau journal par Jollivet), les Clubistes du Panthéon ont fixé le lieu de leurs séances dans le souterrain même qui servait de refuge à Marat; ils ont élu Duhem pour leur président, et celuici est actuellement en mission pour affaires de la société souterraine. 2 Le Postillon des armées. Il est question d'un com

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1 Il est annexé aux actes de ce jour.

2 V. le rapport qui suit.

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