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qu'il déployât la même énergie pour assurer le crédit des mandats et faire rouvrir les ateliers, en ranimant le commerce.

Aujourd'hui 28, on a encore trouvé dans les halles des affiches intitulées Doctrine de Babœuf. L'inspecteur en a averti le commissaire de police qui les a fait disparaître.

Cafés. Dans ceux du jardin Égalité on applaudissait aux mesures décrétées, et l'on en désirait l'exécution. Il n'en était pas de même à celui des Bains Chinois; on appelait la loi tyrannie, et l'on parlait encore avec feu de la constitution de 93. On continuera de surveiller cet endroit.

Spectacles. On a vu avec peine que la représentation indiquée pour les pauvres, à l'Opéra, n'avait pas attiré 400 spectateurs. Est-ce inanition de la part de la classe aisée, ou mauvais choix des pièces annoncées. La tragédie de Caton d'Utique a été jouée hier avec succès au théâtre de la République; elle a donné lieu à plusieurs applications que chacun saisissait dans son sens.

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Les commissaires du bureau central.
Maisoncelle.<<

» 29 germ. an 4. Esprit public. On applaudit généralement à la sage énergie du gouvernement. Ceux qui le calomniaient ces jours derniers, gardent aujourd'hui le silence. Cependant, quelques hommes murmurent relativement à la peine de mort prononcée contre ceux qui se rassemblent, et disent que la loi martiale est à l'ordre du jour.

La loi contre les royalistes et les anarchistes a produit le meilleur effet, et les ouvriers qui se trouvaient hier sur le nouveau boulevard disaient:,,Il y aura beau à voir des affaires, nous resterons tranquilles chez nous, et nous ne ferons pas la même sottise qu'en vendémiaire."

Groupes. Il y a encore eu quelques groupes au pont NotreDame, au Pont-neuf, au Pont-au-change, et au fb. Antoine; mais les esprits n'y étaient point exaspérés. Ces groupes étaient principalement composés d'ouvriers, et la circonstance du Dimanche paraît avoir beaucoup contribué à les former; de fréquentes patrouilles les ont facilement dispersés.

Le bureau central, en prenant des mesures pour que de fortes patrouilles dissipassent ces rassemblements, avait en même temps chargé des inspecteurs secrets de s'y introduire et d'éclaircir le peuple, dans le cas où il aurait tenu des discours tendants à avilir

le gouvernement. Ces précautions ont entretenu le calme, et tout, pour ce jour, annonce la plus grande tranquillité.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.

Maisoncelle.<<

»30 germ. an 4. Groupes. Depuis les nouvelles mesures du gouvernement, les groupes ne sont ni si nombreux ni si agités; on n'y entend plus ces diatribes amères, autant qu'injustes, contre le gouvernement; les turbulents orateurs n'y enflamment plus les esprits, et les entretiens ne roulent plus que sur les agioteurs et les mandats.

Rien de particulier au fb. Antoine, sinon que des ouvriers se plaignent de manquer d'ouvrage, et de ne pouvoir atteindre au prix des denrées; mais ils espèrent une amélioration prochaine dans leur état par l'exécution rigoureuse des lois concernant les mandats.

Rapport de Marie et de Duval. Les gens des marchés se plaignent de l'opiniâtreté des gens de campagne à refuser les mandats on prétend que la loi demeurera sans effet, tant qu'on ne taxera pas les marchandises. Les propos suivants, que tiennent certains spéculateurs aux citoyens peu fortunés, sont bien propres à donner de l'inquiétude aux esprits crédules et faciles à égarer. „Ça vous est bien égal, leur disent-ils, à vous qui n'avez rien à perdre, de prendre du papier ou autre chose; mais le marchand qui calcule toutes les dépenses du gouvernement, qui excèdent de beaucoup ses revenues, pourra-t-il consentir à échanger ses marchandises contre du papier dont le remboursement lui paraîtra impossible?" C'est ainsi que raisonnent l'égoïsme et la perfidie.

La manière dont on a dissipé les groupes du Pont-au-change, a produit un très-mauvais effet, puisqu'elle a servi à aigrir davantage les esprits. Les cavaliers ont fondu au galop et le sabre nu sur le rassemblement; les individus fuyaient de toutes parts; les cavaliers, montant sur les trottoirs et allant toujours au galop, les ont poursuivis jusqu'à la moitié du pont, ce qui a occasionné des huées et des imprécations contre eux. Plusieurs ouvriers mécontents disaient que, si l'on continuait d'agir ainsi, ils apporteraient leurs outils tranchants et éventreraient les chevaux. L'on avait tellement outré ce que cette conduite pouvait avoir de repréhensible, que, suivant le rapport d'un de nos préposés, l'on disait dans la rue Jacques, que l'on sabrait au Pont-au-change.

On a remarqué que la ci-devant rue des Cordeliers porte le

nom de Marat, et que la petite place qui est devant la maison des ci-devant Cordeliers porte le nom de place de l'Ami du peuple. Le bureau central va écrire sur cet objet à la municipalité de cet arrondissement.

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Les commissaires du bureau central.
Maisoncelle.<<

V. Tableau de floréal an 4. Conjuration de Babœuf.

(N. 302) » BUREAU CENTRAL DU CANTON DE PARIS.

Rapports généraux de la Surveillance pendant le mois floréal an 4 de la république française [20 avril-19 mai 1796].«

Extraits.

» 1er floréal an 4. Esprit public. On ne remarque plus de groupes dans les endroits où ils se formaient. La loi sur les rassemblements a neutralisé le sermon qui pouvait les rendre dangereux à la tranquillité publique.

La taxe du pain et de la viande excite des murmures et des plaintes, on la trouve excessive; la valeur des assignats étant à 30 capitaux pour un', la livre de pain, disait-on, ne devrait coûter que 4 liv. 10 8.

Pour cette fois, disait-on aussi, l'agence ou commission des subsistances ne peut nier qu'elle a fait manger au peuple du pain de féveroles, car on vend les restes aux 4-Nations; et cependant on s'est contenté de la supprimer. Le gouvernement est trop doux avec les fripons.

L'affiche de la trésorerie relative au remboursement des petits assignats attire beaucoup de monde.

Au café Conti, on disait que les Anglais avaient fait une descente à Port-Malo.

Au café Coratza, l'on assurait que les anciens membres du comité de sûreté générale avaient dirigé les groupes ces jours derniers; on nommait Vadier.

Dans la nuit du 28 au 29 germinal, on s'est aperçu vers les six heures du matin, qu'on avait voulu couper l'arbre de la liberté, et qu'on en avait détaché des morceaux, lesquels on avait ensuite rattachés au corps de l'arbre avec un ruban noir. Ce délit a été

commis sur la section Fontaine de Grenelle, tout près du corps de garde, où se trouve l'arbre de la liberté. Le commissaire de police de cette section s'y est transporté et a dressé un procès-verbal, dont il a envoyé copie au juge de paix. Nous allons lui écrire pour stimuler son zèle relativement à cette affaire, dont nous avons déjà informé le ministre de la police générale.

Au Pont-au-change quelques groupes s'étaient formés dans le courant de la journée. C'étaient principalement des ouvriers, attirés par les chanteurs et les baladins; on s'y entretenait de la taxe du pain et de la viande, on s'y plaignait aussi de manquer d'ouvrage.

Vers les huit heures du soir ces groupes étaient peu nombreux; ils ont été dissipés, comme la veille, par une patrouille à cheval, qui a monté encore sur les trottoirs et s'est mise à poursuivre les citoyens. Plusieurs marchandes de pommes ont été renversées. Cette conduite des cavaliers a soulevé l'indignation des esprits et l'on a crié à la tyrannie, à l'oppression. Le bureau central va écrire relativement à cet objet au commandant temporaire de la place de Paris.

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Les commissaires du bureau central.
Maisoncelle.<<

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»2 floréal an 4. Esprit public. Les groupes n'existant plus, le rapport sur l'opinion publique se compose de faits et de quelques propos recueillis dans les halles, marchés, places publiques et cafés.

Il paraît, en général, qu'on se plaint de la taxe du pain et de la viande, qu'on trouve excessive. Les ouvriers qui se plaignent de manquer d'ouvrage disent: Nous n'avons plus rien à vendre, comment pourrons-nous vivre? Les assignats étant à 30 capitaux pour un, le pain se trouve porté à plus de vingt sols en promesses de mandats, et la viande à quatre francs la livre. Les agioteurs et les marchands discréditent tous les mandats, leur font perdre déjà 90 pour cent, et on les laisse tranquilles; si l'on ne sévit pas rigoureusement contre les premiers, et si l'on ne met pas une taxe pour arrêter la cupidité des seconds, jamais les mandats ne prendront bien. Tel est à peu près le résultat de presque toutes les conversations sur cet objet.

Tout paraît dans la plus grande tranquillité dans le fb. Antoine. On débitait hier au café Valois, que dans la ci-devant province de Lorraine on avait arboré la cocarde blanche et foulé aux pieds la tricolore.

A. SCHMIDT, Tableaux. III.

11

Rapport de Favrot. Au café Coratza plusieurs personnes ont dit que les soldats du camp de la plaine de Grenelle s'étaient battus, parce qu'on ne veut pas les laisser communiquer avec leurs frères de Paris. D'autres personnes ont demandé, quel jour cela était arrivé. Le jour de la décade, a-t-il été répondu. Le bruit s'est répandu dans Paris. L'on se plaint de la cavalerie, l'on dit que c'est elle qui a commencé à attaquer et que, quand ce seraient des Autrichiens, ils n'agiraient pas avec plus de brutalité.

Dans les groupes formés à la place de Grève pour l'échange des petits assignats, on disait que les nouveaux sols étaient bien reçus, que des marchands de vin donnaient une pinte de vin pour 5 sols, que les boulangers les recevaient aussi.

A la suite d'un repas donné rue Cérutti, l'on a chanté le réveil du peuple. Le bureau central a pris des mesures convenables pour obtenir des renseignements ultérieurs.

Spectacles. L'on a remarqué au théâtre de la Cité beaucoup de femmes sans cocarde. Au spectacle de la rue Feydeau l'on a applaudi avec transport aux mots Tremblez tyrans.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Maisoncelle.»> 1

»3 flor. an 4. Esprit public. Des plaintes et des murmures sur la taxe du pain et de la viande que l'on trouve excessive, des inquiétudes sur le sort des mandats, des imprécations contre les agioteurs, des sentiments de joie à la nouvelle victoire remportée par l'armée d'Italie, tel est le tableau de l'opinion publique que présentent les divers rapports de ce jour.

Dans les groupes qui eurent lieu au Pont-au-change jusque vers les sept heures du soir, des ouvriers, qui se disaient manquer d'ouvrage, se plaignaient amèrement de la taxe du pain et de la viande. Pourquoi, disaient-ils, les assignats étant à 30 capitaux pour un, nous fait-on payer le pain à raison de 23 sols en mandats, et la viande pareillement à plus de quatre francs?" Dans les halles, marchés et places publiques les mêmes plaintes et les mêmes réflexions à cet égard.

1 Voilà le dernier rapport signé par Maisoncelle Dès le jour suivant, les membres du bureau central sont: Bréon et Limodin; le troisième, Cousin, nommé peut-être un peu plus tard, ne reparaît dans nos actes que le 18 messidor.

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