Page images
PDF
EPUB

sont devenus constitutionnels, du moins en apparence, depuis qu'ils craignent le retour des comités révolutionnaires; Babeuf et les Patriotes de 89 ont opéré des conversions, sans s'en douter; et l'on aime encore mieux le Directoire que les bonnets rouges.

Rassemblement derrière le théâtre des Italiens, maison du traiteur. On a vù s'y rendre beaucoup de jeunes gens avant et après le spectacle; mais la porte n'en est ouverte qu'aux initiés. Ce rassemblement est très-suspect; la police pourrait faire cerner le local, pour savoir ce qui s'y passe.

Esprit public. La discussion orageuse dans le Conseil des 500 relativement à Goupilleau de Montégu [Montaigu] a été regardée dans plusieurs cafés comme le signal donné pour décimer le corps législatif, chasser le nouveau tiers, et commencer le massacre projeté par les terroristes, dans leur conciliabules de L'estrapade et du café Chrétien.1...

Les membres des anciens comités de gouvernement toujours accusés d'avoir, à prix d'argent, fait rayer de la liste des émigrés même des individus connus pour avoir porté les armes contre la république....

Dans tous les lieux publics, dans toutes les sociétés, partout enfin, on voit les royalistes prédominer sur toutes les opinions. L'on manifeste une haine inexorable contre les députés de la législature; il semble que l'on désire qu'ils soient exterminés; l'on s'agite de manière que chacun semble disposé à courir contre eux les armes à la main.

L'on ne peut trop redire que le désir de la paix est dans tous les cœurs.

L'on craint que le Directoire ne soit la victime de la grande protection qu'il accorde aux Jacobins.

Le commandant en chef de la force armée de Paris ne jouit pas de la confiance publique. . . .

L'on remarque des chansonniers qui insinuent, les uns le patriotisme le plus éxalté, les autres le royalisme.

Jeunes gens. Quoique le foyer du Vaudeville soit fermé, cela n'empêche pas les jeunes gens d'aristocratiser; ils se retirent dans les corridors et à l'orchestre; ils se répandent en injures contre le Directoire qui a donné l'ordre de les faire partir tous, indistinctement, même les infirmés, même Messieurs Gavaudan et Ellevion.2<<

1 Voir le rapport qui suit.

2 Artistes du théâtre Favart (des Italiens). V. les rapp. des 2 et 3

nivose.

»Bureau central de la Commune de Paris. Au ministre de l'Intérieur.

1 nivose an 4.

Le rassemblement, à la sortie des spectacles, au salon ci-devant dit des Princes, Boulevard des Italiens, que l'on vous a annoncé comme le rendez-vous des Coryphées de l'aristocratie, même des condamnés pour cause de la révolte du 13 vendémiaire dernier, est une société pour la table et les jeux. ... L'on n'y entre que par abonnement, et pour y être admis il faut y être présenté par un ancien abonné.... Il ne paraît pas que cette société soit aussi dangereuse que vous le pensiez....

Les commissaires du bureau central.

Cousin.<<

» 2 nivose an 4.1 Quoique Paris ait présenté hier l'aspect de la tranquillité, néanmoins nous devons observer qu'elle nous semble plutôt apparente que réelle.

La fermentation des esprits, dit un inspecteur, continue de toutes parts; on dit hautement qu'on ne peut rester plus longtemps dans une position semblable qui réduit les citoyens à manquer de tout et à mourir de faim. Il ajoute que l'on disait encore qu'il faut que cela finisse, et que presque partout, notamment dans les fbs., les malintentionnés sans doute faisaient courir le bruit, qu'avant peu nous aurons un roi, et que les départements, qui ne veulent plus reconnaître la république, n'exécutent pas les lois qui leur sont envoyées.

Dans les groupes et rassemblements qui se font autour de marchands de pain les esprits paraissaient hier fort agités; les plaintes contre le gouvernement n'étaient pas épargnées. Dans quelques-uns de ces groupes on allait jusqu'à dire que le gouvernement ne se souciait guère de la république, vu que lui-même la laissait tous les jours aller en décadence, et se faisait un jeu de tromper le peuple par des promesses illusoires.

Dans les halles et places publiques les murmures sont toujours les mêmes. On s'y est permis les propos suivants: „Bientôt il faudra vivre sans vêtements, à la manière des sauvages, et se procurer lå nourriture comme ils le font."

1 Dès ce jour les trois membres du bureau central sont Houdeyer, Hannocque et Guérin.

Un inspecteur rapporte formellement qu'il entend dire fréquemment que,,nous étions plus heureux, lorsque nous avions un roi;" il cite à cet égard un gendarme, qu'il n'a pu signaler, dont les propos peu mesurés sur cet objet ont été entendus hier au Jardin Égalité.

Beaucoup de jeunes gens, ajoute le même inspecteur, disent qu'ils ne veulent pas partir, que les Capucins de la Convention ne leur en aient donné l'exemple. C'est une épithète que l'on donne aux gendarmes et à la légion de la police.

Agiot. Continuité de trafic de la part des agioteurs dont les manœuvres et le nombre, croissant tous les jours, discréditent à chaque instant l'assignat et font augmenter à vue d'œil le prix des marchandises d'une manière effrayante.

Dans les cafés chacun parle des subsistances, s'effraye de la dépense qu'on est obligé de faire, et témoigne ses inquiétudes sur l'avenir. L'agence des subsistances est mal vue du public, qui la regarde comme composée, presqu'en entier, de banqueroutiers.

Le bruit se répandait hier dans quelques cafés, que trois bataillons de la légion de police devaient partir ce matin pour la Vendée. Un inspecteur annonce d'avoir entendu dire que les Jacobins s'accordent avec les Royalistes, commencent à lever la tête et se rassemblent secrètement, mais qu'on ignore encore le lieu où ils se réunissent.

La dénonciation faite au conseil des 500 contre Jobaimé1 est, disait-on hier dans plusieurs cafés, mise en avant pour semer la division. On jetait la plus grande défaveur sur le citoyen Goupilleau qui en est l'auteur; on le peignait comme un homme digne du plus grand mépris, et on ajoutait que sa dénonciation n'était que le prélude d'un coup adroitement combiné, qui doit éclater sous 15 jours.

La société dite de la Réunion a été avant-hier très-nombreuse; on y a agité les mêmes questions que les jours précédents, rappelées dans notre rapport du 28 frimaire dernier. On y a beaucoup parlé des fortunes immenses de différents individus, qui ont aujourd'hui de bonnes voitures à leurs ordres, tandis que, il y a 18 mois, ils étaient réduits à loger au 4ème étage.

La société s'est principalement occupée de l'adresse présentée par Fesel, calquée sur le rapport et la justification de Mariette et

1 Jean-Jacques A y mé, connu sous le nom de Job, fut accusé d'avoir été un des principaux compagnons de Jésus; en effet, le 14 nivose, le conseil des Cinq-cents le suspendit de ses fonctions de député, ce qui fut approuvé le 18 par le conseil des Anciens.

de Cadroy. Ce sociétaire a joint plusieurs pièces à l'appui, notamment les procès-verbaux qu'il a fait venir de Toulon, rédigés dans différentes sections, et notamment dans celle où il fut fait une adresse à Louis 18.

Hannocque. Guérin. «

»2 nivose an 4. Bureau central du Canton de Paris.

Surveillance extraordinaire de Mathieu de Montmorency. Surveillé: la maison de la comtesse d'Albert, l'ambassadeur de Suède, la baronne de Staël.

Les commissaires du bureau central.

Houdeyer..<<

» 2 nivose an 4.

Madame de Staël est partie le 30 frimaire soir, pour aller en Suisse. Mathieu Montmorency, qu'elle recélait, devait lui-même partir.... Il n'est pas peu vraisemblable que le lieu de Dampierre 1 ne soit celui de sa retraite.

1

Houdeyer.<<

»Rapport au ministre de l'Intérieur. 2 nivose an 4.

Café Chrétien. On y espère que Lebois viendra à bout de poursuivre légalement Cadroy, Chambon et Mariette, comme chefs d'égorgeurs dans le Midi. On s'y est échauffé sur la dénonciation faite au Conseil des 500 contre Jo bay mé, qu'ils ont traité de Chouan, ainsi que la majorité du Conseil. Verdière,2 président dans l'affaire de Cormartin, autrefois arrêté par les ordres d'Henriot, a été appelé intrigant et royaliste décidé. Enfin on y a lu des lettres, de divers départements, annonçant l'établissement de plusieurs sociétés de patriotes.

Les patriotes de 89 ont fait placarder aujourd'hui une affiche uniquement dirigée contre le représentant Cadroy. Elle a été lue

1 Seine-et-Oise, 9 lieues de Paris.

2 Adjudant-général, plus tard commandant temporaire de Paris et général de division.

avec avidité et accueillie du public. Le parti de ces hommes se grossit considérablement; les ouvriers surtout l'embrassent avec avidité; on dit tout haut que le moment de se montrer est arrivé. Ils reprochent au corps législatif de n'être composé que de royalistes. Il est certain que les chefs de ce parti ont envoyé des émissaires dans divers départements, et l'on voit depuis peu dans Paris de nouvelles figures révolutionnaires, entre autres Jourdan le coupe-tête; il se promène dans les rues avec St. Huruge.

Jeunes gens. D'après plusieurs renseignements assez précis, il y a lieu de croire qu'ils feront du bruit ce soir au théâtre des Italiens, à l'occasion du départ des acteurs Gavaudan et Ellevion; ils doivent s'y porter en foule pour empêcher le départ non seulement de ces deux acteurs, mais encore celui des autres jeunes gens. Le mouvement, imprimé d'abord à ce théâtre, doit se communiquer aux cafés du palais Égalité, et se propager de là dans tout Paris. Si ce projet vient à échouer, il est question de se rassembler à quelques lieues de Paris, de gagner la troupe, de cerner le Directoire, de mettre en arrestation le corps législatif, à l'exception du nouveau tiers et de quelques anciens tels que Boissy d'Anglas, Henri Larivière, Lanjuinais etc.... On dit qu'ils ont formé des rassemblements considérables dans les différentes villes où ils ont passé, et ont refusé de rejoindre l'armée. Quelques-uns d'entre eux ont repris la natte et le costume qu'ils avaient en vendémiaire, et se promènent avec un air d'audace, armés de cannes à sabres.

Hier au soir quelques-uns se sont attroupés près du café des Bains-Chinois, y sont entrés, ont insulté la maîtresse et les personnes qui s'y trouvaient. Quelques-uns des habitués du café Chrétien, sur l'avis qu'on leur en a donné, sont venus disperser ces aggresseurs, qui de là se sont portés au café Chrétien, où ils ont cassé quelques carreaux. Ils y sont revenus de nouveau ce soir, et y ont insulté quelques individus; cependant l'affaire a été assoupie, mais les habitués de ce café se proposent d'en tirer vengeance.

Esprit public. Parmi les fortunes monstrueuses qui se sont élevées depuis la révolution, l'on cite celle des cit. Pyot et Conceil (jeunes gens, dit-on, de la première réquisition), rue de Cléry, qui, dans l'espace de 18 mois, ont acquis 2 maisons dans Paris, 100 arpents de terre à Courbevoie, une maison à Passy, “une dans le fb. du Roule dite la Chartreuse, du prix de 17 millions 200 mille livres; ils ont beaucoup de numéraire, des magasins d'épiceries à Marseille, Bordeaux etc.

Les meneurs de sections sont rentrés dans Paris, et si le gouvernement n'y prend garde, bientôt le royalisme relèvera la tête...

« PreviousContinue »