Page images
PDF
EPUB

dans la nuit du 30 au 31 octobre dernier, et au droit de l'ouvrage le niveau atteint à 9 heures du matin dépassait de plus de 1 mètre le niveau de la plus forte crue (1897) observée jusque-là, contre le mur de tête amont de l'ouvrage, côté rive droite.

La situation était la suivante :

La travée côté Constantine (rive droite) coulée depuis 2 mois, était encore sur étais; mais afin de dégager le lit, on avait enlevé le moisage inférieur, et seuls, les poteaux porteurs, avec leurs liens d'assemblage, restaient en place.

La travée du milieu était sur étais complets et les bowstrings avaient encore leurs coffrages, ayant été coulés depuis sept jours seulement.

La travée côté Alger (rive gauche) comportait tout l'étayage et les coffrages prêts à recevoir les barres métalliques et le béton.

A 3 heures du matin l'eau atteignait la cote (6,00) environ, soit 1,30 en contrebas du couronnement des culées nouvelles. Elle montait depuis 1 heure du matin d'environ 50 c/m par heure. A 6 h. 1/2, la rivière atteignait la hauteur des appareils de dilatation de la culée rive droite (7,53). La première grande travée de la charpente médiane contre la pile rive gauche cédait, ainsi que la fausse travée lui faisant suite, laissant ainsi une ouverture libre de 8,75: presque au même moment, dans la travée côté Constantine, toute la partie comprise entre l'ancienne culée et la nouvelle pile droite, cédait également.

A 7 h. 1/2 l'eau atteignait la cote (8,00). A 8 heures la charpente de la travée médiane, cédant sous l'effort des eaux, partait également. Les deux travées neuves en béton fretté étaient ainsi entièrement dégagées et se maintenaient par leurs propres

moyens.

A cet instant, on vint avertir le Chef de Chantier que l'Harrach débordait par l'amont du chantier et l'inviter à se sauver pour ne pas être bloqué dans les magasins où l'eau a ensuite atteint 1 mètre. de hauteur. A 9 heures, de chez lui, d'où l'on découvre le chantier, il vit la charpente de la travée rive gauche partir aussi; cette charpente avait résisté jusqu'à ce moment à cause du peu de courant qu'a la rivière dans cette partie. Les eaux achevaient de monter peu

après. A midi, les eaux qui baissaient depuis plus d'une heure. déversaient encore à travers la première rangée des losanges du treillis de la poutre aval de la passerelle métallique, à 60 c/m environ au-dessus de la semelle inférieure, soit à la cote (8,60).

A la vérification, il fut reconnu que les eaux avaient submergé l'about du bowstring de rive (côté Constantine) jusqu'à la cote (9,40) et baigné les abouts du bowstring central sur 58 c/m (côté Constantine) et 0,34 c/m (côté Alger); que sauf quelques fiches laissées aux abords de l'ancienne pile et au-dessus de l'ancienne culée Constantine, toute la charpente d'étayage des 3 travées avait disparu. Le nivellement ne révéla aucun mouvement dans la partie centrale dont les bowstrings étaient, nous le répétons, coulés depuis sept jours seulement.

La travée côté Constantine avait légèrement bougé; un affaissement de 8 c/m environ s'était produit à l'appui amont de la culée, provenant de ce que les eaux avaient vidé la boîte à sable de l'appui (les travées sont supportées par l'intermédiaire de boîtes à sable avec dispositifs de dilatation). Le tablier en béton armé avait d'ailleurs subi un ripage horizontal angulaire d'environ 11 c/m mesuré sur la culée en pivotant sur l'appui aval de la pile droite, appui qui n'avait pas sensiblement bougé.

Les étais qui venaient de subir la chaleur de l'été étaient très secs, et l'imbibition les avait dilatés fortement; à cause du poids supporté -380 ceux de ces étais qui reposaient sur des parties faibles du radier se sont enfoncés par suite de leur augmentation de longueur et ont fini par être emportés. Les étais qui prenaient appui sur des parties plus résistantes du radier ont supporté une charge de plus en plus grande et la travée se soulevant a pu être ripée légèrement sans que ses appuis fussent endommagés.

Remise en place de la travée neuve côté Constantine. La remise en place de cette travée comportait :

1o le relevage et le remplissage de la boîte à sable vidée ;

2o le ripage angulaire vers l'amont sur la culée. L'opération a été facile à l'aide de 2 vérins hydrauliques de 150 et 200 et elle a été exécutée en quelques heures malgré le poids de la travée, les 8 et 9 novembre.

Cette opération étant devenue courante pour le personnel du chantier qui s'était déjà fait la main au ripage de l'ancien tablier métallique, n'a consisté, du reste, qu'à relever la travée dérangée, å poser 6 rouleaux d'acier sur la culée préalablement recouverte de courtes semelles en bois coiffées de plaques en acier de 40 m/m qui avaient servi de lits de pose sur pile à l'ancien tablier, à faire reposer le tablier en béton armé sur les rouleaux, à le rouler à son emplacement normal au moyen des vérins arc-boutés d'une part sur les maçonneries de l'ancienne culée, d'autre part, sur une poutre fixée sous le tablier à mouvoir, à souffler à nouveau le tablier pour dégager les rouleaux et enfin à le descendre doucement sur les boîtes à sable préalablement vérifiées et bien remplies.

La passerelle et ses appuis protégés par la pile et les anciennes culées n'ont pas subi d'avaries graves; la circulation a pu être rétablie après le retrait des eaux et les travaux ont repris leur cours normal.

[ocr errors]

Essais réglementaires du pont. La dernière travée (rive gauche) a été coulée fin décembre 1911; aux termes de la soumission un délai de trois mois était accordé avant les essais réglementaires. Ceux-ci ont eu lieu le 4 avril 1912, en exécution des dispositions de la circulaire de 1891. L'application stricte des termes de la circulaire n'a pas été possible à cause de la difficulté de se procurer des véhicules à un seul essieu de 6 tonnes; d'autre part, la réalisation de la surcharge en poids mort sur toute l'étendue du pont aurait. exigé la confection et la mise en place d'environ sept mille sacs de sable de 59 kgs., d'où une dépense considérable pour l'entrepreneur et une perte de temps inopportune, étant donnée l'insistance avec laquelle la population demandait que le pont fût livré à la circulation.

Les épreuves ont porté principalement sur la travée centrale (32 mètres de portée) qui est la plus importante et on a commencé par charger les trottoirs à 400 kgs par mètre carré. Puis on a fait passer sur le pont un cylindre compresseur de 14 tonnes (11 tonnes pour l'essieu arrière, 3 tonnes pour l'essieu avant). Les flèches ont été mesurées au milieu de la travée en trois points: au-dessous de

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1912-IV.

11

chacun des longerons sous bordure et sur l'axe au milieu d'une pièce transversale. Les flèches ont été de 2"/5, 2/6 et 2/5, réduites à 2m/m après le passage.

On a chargé ensuite la moitié de la chaussée côté amont au poids mort de 400 kgs. par mètre carré, les flèches ont été :

[blocks in formation]

Enfin on a fait circuler sur la demi-chaussée restée libre un train composé de 3 wagons chargés, à 2 essieux de 6 tonnes espacés de 2,50, les wagons se succédant à des intervalles de 8 mètres. Ce train était halé de la culée rive gauche par un treuil de labourage à vapeur; on a relevé les flèches suivantes au passage du train:

[blocks in formation]

après le passage du convoi les flèches se sont réduites comme suit:

[blocks in formation]

Le lendemain le tablier étant débarrassé, on a constaté que la travée présentait encore les flèches suivantes :

[blocks in formation]

aucune trace de détérioration n'a été constatée dans la travée centrale ni dans les autres. Au nivellement aucun mouvement des appuis n'a été relevé. Le pont a été livré à la circulation le 6 avril.

L'épure des moments fléchissants dus à la charge d'essai donne une courbe située légèrement en-dessous (environ 5%) de celle qui résulterait de l'application stricte de la circulaire de 1891; il importait de s'en tenir là car les pièces transversales du pont travaillent plus avec des véhicules à 2 essieux de 6 tonnes espacés de 2,50 qu'avec les véhicules à essieu isolé de 6 tonnes prévus à la circulaire.

CHRONIQUE

N° 46

SUR LES GRUES A VAPEUR employées dans les Accidents de Chemins de fer.

Dès les premiers temps de l'exploitation des chemins de fer, les services de traction, qui ont généralement à relever le matériel déraillé ou avarié dans les accidents, ont dû se munir, à cet effet, d'un outillage de secours comportant avec les wagons, des vérins, des crics mus à bras, etc., dont le rendement n'était pas toujours suffisant pour rétablir rapidement la circulation sur les voies ferrées.

L'intensité croissante du trafic et l'augmentation presque continue des dimensions et du poids du matériel ont fini par imposer l'adoption d'engins beaucoup plus puissants pour résoudre ce problème qui, malgré tous les efforts pour garantir la sécurité, se pose sur les grands réseaux avec assez de fréquence. Une solution efficace a été trouvée dans l'emploi de grues roulantes à vapeur circulant sur les voies exploitées.

Il semble que la Compagnie du Canal de Panama ait songé la première à employer pour le relevage du matériel déraillé, les grues à vapeur de ses chantiers, mais dès le commencement du siècle, la réalisation courante de ce mode de secours était envisagée et poursuivie par les Anglais et surtout les Américains. Parmi les premiers articles publiés à ce sujet dans leurs journaux techniques nous pouvons citer une note de Mc Adam sur la stabilité des grues-locomotives parue dans le Mechanical World de 1901. T. 29, page 254; puis dans l'Engineering News de la même année (T. 72, page 661), une description de la grue-locomotive à vapeur de Wilson et Co (force 20 t.) qui paraît avoir été reprise par la Revue Industrielle de 1902, T. 35.

« PreviousContinue »