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SECTION IX.- J'y ai joint mes propres réflexions sur l'étude du droit constitutionnel français. Si cette partie de l'ouvrage n'eût pas déjà été imprimée, j'aurais complété le tableau de nos libertés par l'histoire des derniers changemens qui viennent de s'opérer sous nos yeux. J'ai le plaisir, du moins, en relisant ce chapitre, écrit et imprimé sous l'odieux ministère du 8 août, de voir que j'ai parlé alors aussi librement qu'aujourd'hui.

SECTION X.-M. de Cormenin est le père du droit administratif : de règles éparses il a fait un corps de doctrine; de faits isolés, il a déduit des règles fixes. Ses ouvrages sur le droit administratif, avec ceux de M. Macarel, sont les premiers où l'on ait pu prendre avec exactitude quelques notions de ce droit. Son amitié pour moi n'a pas dédaigné la demande que je lui ai faite de tracer quelques pages sur ce sujet, et j'en ai enrichi mon recueil, en faisant toutefois observer, qu'il est quelques points sur lesquels mon avis n'est pas tout-à-fait conforme au sien, en ce qui touche le conseil d'Etat et les appels comme d'abus. J'aurais pu mieux constater cette opposition en insérant, à la suite, mon discours sur le conseil d'État, prononcé à la séance du 10 avril 1828; mais c'eût été consacrer trop de pages au même sujet. Il me suffit de consigner ici mes réserves.

SECTION XI. Lors de l'édition de 1818, M. Pardessus m'avait donné une lettre sur l'Etude du droit commercial. La différence qui sépare nos opinions politiques n'était pas un motif pour ne pas conserver une rédaction qui ne touche qu'au droit privé. L'auteur a pris lui-même le soin de la revoir et de la retoucher.

SECTION XII. - M. Carré de Rennes, habile professeur dans une ville où l'amour de la science et la sympathie de la liberté m'ont donné d'excellens amis, s'est associé à mes désirs en me donnant une lettre sur l'Etude de la procédure, sur laquelle ce laborieux auteur a publié des ouvrages justement estimés.

SECTION XIII. - La restauration a entraîné tant d'accusations politiques, que le Droit criminel a pris parmi nous une importance qu'il n'avait pas dans des temps plus calmes et sous un gouvernement moins vindicatif. Imbu des idées constitutionnelles qui sont pour nous une religion de famille, exercé dans la défense de ces nobles causes, mon jeune frère a payé sa dette au barreau, en traçant avec la fermeté qui le distingue, des règles sur l'étude et l'application du droit criminel.

SECTION XIV. J'y ai joint les réflexions sur la libre défense des accusés, que j'ai publiées en 1815, à la veille des cruelles accusations qui n'ont pas tardé à peser sur les têtes les plus illustres J'étais alors avocat de M. le maréchal Ney, dont la défense ne fut ni libre ni entière ! Ce qui, dans mon esprit, a toujours frappé sa condamnation d'irrégularité. (Voyez la note p. 45).

SECTION XV.M. A. Séguier, qui à l'étude des lois joint l'amour des sciences. qu'il cultive avec distinction, m'a remis une note fort intéressante sur l'utilité des sciences physiques dans l'exercice de la profession d'avocat. J'ai désiré fortifier mon livre par l'autorité d'un nom qui honore également et le barreau auquel il doit sa première illustration, et la magistrature sur laquelle il répand un si grand lustre. SECTION XVI. L'étude isolée ne suffit pas; il faut aussi se communiquer aux autres, afin d'éprouver sa propre science dans le choc des discussions. De l'utilité des Conférences, surtout dans la profession d'avocat, où, non content d'être savant pour soi, il faut surtout l'être au bénéfice d'autrui, et s'exercer de bonne heure au grand art de la parole.

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SECTION XVII. - Après avoir parcouru ce cercle d'études et de travaux, on est en état de faire la profession d'avocat. Cette section traite de la manière de l'exercer. Plaidoiries, mémoires, consultations, arbitrages, tout ce qui compose le labeur d'un avocat, a ses règles propres qu'il importe de distinguer. On ne doit pas abuser des citations. Ce sujet, traité à la fin de cette section, l'est aussi dans la dixhuitième. J'y discute la question de savoir « s'il est vrai qu'on ne doive pas citer les » auteurs vivans. »

SECTION XIX. Enfin, cette partie se termine par un fragment de M. Berville sur l'eloquence du barreau comparée à celle de la tribune; genres semblables à quelques égards, mais pourtant fort différens, à en juger par les orateurs qui ayant réussi dans l'un ont échoué dans l'autre.

TROISIÈME DIVISION.

Il ne suffirait pas de connaître les règles de sa profession, il faut l'aimer et savoir l'exercer avec une noble indépendance. Pour inspirer ce sentiment, j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de donner deux des mercuriales de d'Aguesseau, l'une sur l'amour de son état, l'autre sur l'indépendance de l'avocat. Là se trouve le plus bel éloge que l'on ait fait de notre profession :

« Dans cet assujettissement presque général de toutes les conditions, dit d'Agues» seau, un Ordre aussi ancien que la magistrature, aussi noble que la vertu, aussi » nécessaire que la justice, se distingue par un caractère qui lui est propre ; et, seul >> entre tous les états, il se maintient toujours dans l'heureuse et paisible possession » de son indépendance.

» Libre, sans être inutile à sa patrie, il se consacre au public sans en être es» clave; et, condamnant l'indifférence d'un philosophe qui cherche l'indépendance » dans l'oisiveté, il plaint le malheur de ceux qui n'entrent dans les fonctions pu» bliques que par la perte de leur liberté. »

Cet illustre chancelier nous félicite « d'être dans un état où faire sa fortune et >> faire son devoir ne sont qu'une même chose; ou le mérite et la gloire sont insé» parables; où l'homme, unique auteur de son élévation, tient tous les autres » hommes dans la dépendance de ses lumières, et les force de rendre hommage à la » seule supériorité de son génie. »>

Cependant si la profession d'avocat a ses honneurs, elle a aussi ses désagrémens. Le plus sensible, celui contre lequel les avocats de tous les temps se sont le plus récriés, et qui a parfois excité leur rancune et leur animosité contre les magistrats, c'est d'être interrompus mal à propos et rabroués à l'audience sans l'avoir mérité. Ces interruptions sont d'autant plus fâcheuses, qu'elles amènent quelquefois entre l'avocat et le juge, ou le ministère public, des altercations au milieu desquelles l'amour-propre joue, de part et d'autre, un si grand rôle qu'il est bien difficile que l'un ne manque de mesure en poussant le zèle trop loin ; et que l'autre n'abuse de son droit en devenant juge et vengeur dans sa propre cause.

Elles ont encore un autre inconvénient.

En matière civile, le client dont l'avocat a été interrompu, croit toujours que si on l'avait entendu jusqu'au bout, il aurait gagné son procès, et souvent il n'a pas tort de le penser ainsi.

En matière criminelle, le public entier se soulève contre des interruptions qui tendent à favoriser l'accusation en affaiblissant la défense. Une condamnation, surtout en matière politique, passe toujours pour injuste quand la défense n'a pas été libre ; et l'on se refuse à croire à l'impartialité d'un juge qui n'a pas même eu la pa

tience d'écouter.

Nous avons cru faire plaisir à nos lecteurs, en remettant sous leurs yeux une ancienne lettre (écrite en 1733), où l'on examine si les juges qui président aux audiences peuvent légitimement interrompre les avocats lorsqu'ils plaident.

Elle renferme des anecdotes piquantes qui intéresseront à la fois les avocats, les parties et les bons juges.

Le pouvoir disciplinaire n'est point exactement défini. De là ce conflit entre ceux qui cherchent à l'étendre outre mesure, et ceux qui s'efforcent de le réduire à rien. Une consultation donnée par Me Dupin jeune, dans laquelle les règles avaient été posées avec sagesse et netteté, m'a paru très-propre à fixer sur ce point les idées de tous ceux qui ne cherchent que la vérité; j'en ai donné un assez long extrait.

Le siége du pouvoir disciplinaire actuel se trouve dans le décret impérial de 1810, et dans l'ordonnance de 1822; j'ai joint à ces actes quelques notes historiques, pour montrer dans quel esprit ennemi de l'indépendance des avocats ils ont été faits, et en quoi ils blessent les maximes de la profession et la juste susceptibilité de ceux qui l'exercent.

Mais c'est surtout dans le commentaire de M. Daviel, docte et habile avocat du barreau de Rouen, qu'il faut chercher la douloureuse interprétation de plusieurs dispositions de ces actes secondaires de la législation dans ce qu'ils ont d'hostile contre les libertés du barreau.

Mais nous vivons sous un prince qui a promis de ne gouverner que par les lois et selon les lois; sous un roi qui trouve dans son cœur l'inspiration de toutes les idées nobles et généreuses; Dupont de l'Eure et Mérilhou sont au ministère de la justice; Barthe, Bernard et Berville sont à la tête du ministère public; j'ai la certitude que l'espérance, tant de fois déçue, d'obtenir un réglement plus équitable que ceux qui nous régissent ne sera plus trompée.

A la fin du volume, j'ai rejeté, sous le titre de Mélanges et arrêts divers, plusieurs fragmens, arrêts et décisions que j'ai rangés par ordre alphabétique.

Les recherches sont facilitées par une table des matières fort détaillée, que j'ai faite moi-même avec le plus grand soin.

Tel est le premier volume; le second contiendra la Bibliothèque des livres de droit.

J'aurai ainsi payé le tribut à ma profession, à une époque où le travail des sessions législatives me laissait déjà peu de place pour l'exercer, et où les circonstances politiques qui viennent de se déclarer me forcent d'interrompre mes travaux habituels et mes études de prédilection, pour donner tout mon temps aux affaires de l'État.

Mais mon cœur et mes plus chers souvenirs me rappelleront toujours au barreau; je ne cesserai jamais de faire des vœux pour sa gloire, et d'encourager tous ceux qui voudront s'y dévouer.

Une belle et vaste carrière s'ouvre devant le jeune barreau! au moment où la nécessité des affaires publiques enlève partout les plus célèbres à leur profession;

quand nous voyons Berville, Barthe et Bernard, illustrer le parquet, lorsque de telles places restent vacantes au palais! Jeunes avocats précipitez-vous sur leurs traces pour remplir les vides que ces orateurs laissent dans vos rangs. Au lieu de vous jeter prématurément dans les sollicitations, pour obtenir des emplois précaires où plusieurs risqueraient de n'apporter encore que de l'inexpérience, travaillez, prenez de la peine, c'est le fond qui manque le moins ; il n'y a pas de place plus inamovible qu'un état honorable exercé honorablement. Efforcez-vous de former dans notre Ordre de nouvelles célébrités, de vous créer des titres à l'estime et à la confiance de vos concitoyens ; et, après avoir été long-temps les conseils et les défenseurs des intérêts privés, vous deviendrez l'organe des intérêts publics. C'est l'encouragement qu'adresse aussi Justinien aux légistes, lorsqu'il leur dit au commencement de ses Institutes : Summá itaque ope, et alacri studio, has leges nostras accipite: et vosmetipsos sic eruditos ostendite, ut spes vos pulcherrima faveat, posse etiam nostram Rempublicam in partibus ejus vobis credendis gubernari.

15 août 1830.

PRONONCÉ LE 1er DÉCEMBRE 1829

A L'OUVERTURE DES CONFÉRENCES

DE LA BIBLIOTHÈQUE DES AVOCATS,

PAR

M. DUPIN AINÉ,

BATONNIER DE L'ORDRE.

Tout droit blessé trouvera parmi nous des défenseurs.

MESSIEURS ET CHERS CONFRÈRES,

Mox premier besoin, comme mon premier devoir, en ouvrant cette séance, est de renouveler ici l'expression de ma vive reconnais sance pour les anciens de l'Ordre qui m'ont honoré de leurs suffrages en me nommant Bátonnier. Loin de le dissimuler, j'aime à le redire, cet honneur de famille déféré par mes égaux, par ceux au milieu desquels j'ai passé plus de la moitié de ma vie, m'a fait éprouver la joie la plus pure. J'y ai vu la plus belle récompense de mes travaux, le prix de mon attachement inaltérable aux maximes de notre profession, et le couronnement d'une carrière entièrement consacrée, comme le sera la vôtre, à l'étude du droit de tous et à la défense du droit de chacun. Puisse, Messieurs, mon élection trouver sa ratification auprès de vous, et devenir ainsi pour moi le gage le plus éclatant de l'estime et de l'amitié de tous mes confrères.

Messieurs, nous allons reprendre nos Conférences, et je dois en conserver le ton; celui de l'abandon, de la confiance et de la confra

TOME I.

ternité. J'ai à vous entretenir de notre profession, des études qu'elle exige, des devoirs qu'elle impose. Ce sujet a été maintes fois traité par des voix plus éloquentes que la mienne; mais je n'ai point à craindre d'en parler encore en présence d'un Ordre qui s'enrichit sans cesse par l'accession de nouveaux membres auxquels le devoir du bâtonnier est surtout d'expliquer nos usages et de transmettre nos traditions : devoir que mon honorable prédécesseur a su remplir avec tant d'assiduité et de dévouement.

Ce serait une erreur de croire que l'on sort des écoles de droit avec toutes les connaissances nécessaires à l'avocat. Sans doute, on y apprend tous les élémens de la science, et trop d'éloges ne sauraient être accordés aux savans professeurs qui en déduisent les préceptes dans leurs leçons, et qui les fixent dans leurs doctes écrits. Honneur surtout à ceux d'entre eux qui, s'affranchissant d'une marche trop routinière, savent quitter les gloses pour s'attacher aux textes, remonter aux sources, interroger l'histoire,

2.

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