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J'AI voulu profiter de l'année où j'étais Bâtonnier de l'Ordre des Avocats, pour donner cette nouvelle édition. J'ai été invité à terminer ce travail entrepris depuis long-temps, par l'espèce de loisir que m'a procuré la prorogation des Chambres après notre Adresse; n'ayant eu, dans cet intervalle, à m'occuper, ni des affaires privées dont j'avais évité de me charger en vue des affaires publiques, ni de celles-ci, puisqu'elles se trouvaient ajournées.

Déjà l'édition que j'ai publiée en 1818 était double de la précédente. J'ai encore augmenté celle-ci, et je me suis efforcé de la rendre complète, afin qu'elle devînt, pour ainsi dire, le Code de la profession d'Avocat.

J'y ai fait entrer tout ce qui intéresse notre histoire, nos études, nos usages et nos maximes; voulant, après bientôt trente ans d'exercice de ma Profession laisser ce monument de mon amour pour elle, de mon affection pour les Anciens dont l'exemple m'a soutenu, pour les contemporains dont les talens et les succès ont stimulé mes efforts, et pour les plus jeunes dont la naissante émulation m'a paru mériter que je leur rendisse les encouragemens que j'avais reçus.

M'adressant à tous, je leur dis, comme Loysel, aux avocats de son temps:

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O vos! ó Socii! Prima utque novissima nostri

Nomina Collegil discite, et historias.

Ce volume est vraiment un ouvrage de famille, une œuvre de communauté. Ce n'est point un livre à moi ; c'est un recueil où chacun aura fourni son contingent. L'antiquité s'y trouve concourir avec les temps modernes ; les auteurs morts avec les auteurs vivans: mais c'est toujours la profession d'avocat, immuable dans ces vieilles maximes d'honneur au sein desquelles elle est née, et hors desquelles il ne serait plus possible de la concevoir.

En tête du second volume, je rendrai compte du travail qu'a exigé la Bibliotheque des livres de droit.

Pour celui-ci, je me bornerai à donner une idée des pièces qu'il renferme, dans l'ordre où j'ai cru le plus convenable de les disposer.

PREMIÈRE DIVISION.

I. J'ai placé en tête le Discours d'ouverture des Conférences de la Bibliotheque

1.

TOME I.

des Avocats, que j'ai prononcé le 1er décembre 1829. L'approbation avec laquelle il a été entendu par mes confrères, m'a fait espérer qu'ils le reliront avec le même sentiment de bienveillance. Par la généralité même des aperçus qu'il renferme, il devient une sorte d'introduction pour le reste de l'ouvrage.

II. Histoire abrégée de l'Ordre des avocats, par M. Boucher d'Argis (1).

Cette histoire n'est point parfaite; elle est même assez mal écrite, quoique l'auteur appartienne aux temps modernes ; mais au mérite de l'exactitude elle réunit celui de la brièveté (2). La table des chapitres indique assez le nombre et la variété des faits qui y sont rapportés.

III. Appendice. L'histoire de Boucher d'Argis est antérieure à la révolution. C'est, à proprement parler, l'histoire ancienne de notre Ordre. Pour y suppléer autant qu'il était en moi, j'ai ajouté quelques pages où je rends compte de la suppression des avocats en 1790, de leur rétablissement sous l'empire, du décret impérial de 1810, de l'ordonnance du 20 novembre 1822, et des espérances que l'Ordre a conçues d'obtenir un régime qui s'accorde mieux avec ses anciennes traditions.

J'ai consacré un chapitre particulier à la Bibliothéque des avocats, pour expliquer son origine, ses accroissemens, sa suppression, son rétablissement dû au legs de M. Ferey, et les développemens qu'elle reçoit chaque jour.

IV. Dialogue des Avocats de Loysel.

De tout ce que j'appelle nos titres, dit Camus, je n'en connais point de plus beau que le Dialogue des Avocats de Loysel.

Les principaux interlocuteurs de ce dialogue sont Loysel, Pasquier, Pithou et quelques jeunes avocats.

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Chacun selon son âge, son humeur et le caractère qui s'attache à son nom expose et raconte tout ce qui tient aux mœurs, aux usages et à l'histoire de la profession. C'est une biographie piquante de tous les avocats antérieurs à l'année 1602. Il n'y a pas d'écrit sur la profession d'avocat qui renferme autant de traits saillans, de mots heureux et d'exhortations utiles.

V. Appendice au dialogue. J'appelle ainsi le fragment d'un discours de M. de Lacroix-Frainville, notre vénérable doyen, qui, sans remonter au temps où finit le Dialogue de Loysel, renferme une brillante énumération des avocats qui ont illustré la fin du dernier siècle et le commencement de celui-ci.

DEUXIÈME DIVISION.

Tout ce qui précède est historique. Une seconde partie est consacrée à ce qui concerne les études nécessaires à l'exercice de la profession d'avocat. Cette seconde division est partagée en sections, sous lesquelles se trouvent rangées les différentes parties de la science.

Les sept premières sections contiennent les anciennes lettres de Camus.

Ire. LETTRE. — On y traite de la profession d'avocat. Les qualités qu'elle exige,

(1) Antoine-Gaspard Boucher d'Argis, avocat, naquit à Paris, le 3 avril 1708; il y est mort le 26 janvier 1791. Il était fort laborieux, et on lui doit plusieurs bons ouvrages de jurisprudence, qui sont indiqués dans la Bibliothèque des livres de droit.

(2) In historiá illustri, nihil est brevitate dulciùs. Cican. de claris orator.

les devoirs qu'elle impose, l'honneur dont son exercice est accompagné : tels sont les objets par lesquels l'auteur entre en matière.

2o. LETTRE.-Sur les études en général qui sont nécessaires à la profession d'avocat. Humanités, littérature, histoire, droit, pratique, aucun genre d'étude et de science ne doit être étranger à l'avocat ; il faut qu'il ait ce que Cicéron appelle : omnium rerum magnarum atque artium scientiam.

Mais ces études générales ne suffiraient pas ; il faut surtout étudier à fond les diverses parties du droit.

3e. LETTRE. Étude du droit naturel et public, et du droit romain. Le droit naturel est la source de tous les autres ; il faut donc commencer par celui-là. Cicéron, dans son Traité des Offices, Platon, dans sa République, tels sont les ouvrages dont un avocat doit d'abord se pénétrer. Sur le droit public, il lira Grotius, Puffendorf, Cumberland, Montesquieu. En abordant le droit romain, le cercle de ses études s'agrandira; les in-folio ne lui manqueront pas : la Glose, Cujas, Pothier, Voët, Heinneccius, Godefroy, lui révéleront les principes de ce droit que tous les peuples civilisés ont salué du titre de raison écrite.

4e. LETTRE.-M. Camus trace ensuite un plan pour l'étude du droit français. Il s'agissait de l'ancien droit, de ce droit incohérent et versatile qui, au dire de M. d'Aguesseau, « consistait plus en usages et décisions particulières, que dans » des principes immuables, ou dans des conséquences directement tirées des règles » de la justice naturelle» (tom. 1er, p. 395). Aussi M. Camus renvoie son jeune confrère à l'étude des arrêts, des ordonnances et des coutumes; sur quoi il est bon de rappeler qu'il y avait en France deux cent quarante coutumes générales, non compris les coutumes locales.

J'ai joint à cette lettre un post-scriptum pour expliquer comment on doit étudier aujourd'hui le droit français. Cette étude est plus simple qu'autrefois. Les cinq Codes renferment sur chaque matière un corps de principes qui ne dispensent pas sans doute de recourir aux sources; mais à des sources claires telles que le droit romain, et non à des ouvrages demi-barbares, enfantés au milieu des ténèbres de la féodalité, et où l'on rencontre à chaque page la prééminence des terres, la servitude des personnes et l'inégalité des conditions.

5o. LETTRE. Droit ecclésiastique. Ce droit semblait tout-à-fait hors d'usage à l'époque où fut publiée la troisième édition (1805); mais M. Camus avait été avocat du clergé; il était savant canoniste, il n'avait garde d'omettre un pareil sujet; et il ne faut pas lui savoir mauvais gré d'avoir tracé le plan d'une science qu'il possédait avec tant de supériorité.

D'ailleurs les temps sont changés, et, comme nous avons vu récemment les prétentions ultramontaines se réveiller avec une nouvelle énergie, il est de la plus haute importance de se remettre sur la voie des maximes à l'aide desquelles nos pères ont préservé la France des invasions de la cour de Rome.

Camus recommande l'étude de l'immortelle déclaration de 1682, de la défense de cette même déclaration par Bossuet et du Traité de l'autorité ecclésiastique et de la puissance temporelle, par Louis-Élie Dupin. Je conseille aussi la lecture de l'excellent ouvrage de M. Grégoire, ancien évêque de Blois, intitulé: Essai historique sur les libertés de l'Église gallicane et des autres Eglises de la catholicité pendant les deux derniers siècles. J'y ajouterai, si l'on veut, le petit volume que j'ai

publié sur les libertés de l'Église gallicane, et qui offre sur ce sujet le résumé de la doctrine parlementaire et canonique; c'est surtout aujourd'hui et pour l'avenir qu'il importe de séculariser la législation et d'affranchir l'ordre civil et politique de toute influence ambitieuse de la part du clergé.

6 LETTRE. Cette lettre traite assez succinctement de l'étude du droit étranger. Les sciences gagnent par les rapprochemens. L'anatomie comparée a conduit à d'importantes découvertes pour l'anatomie de l'homme. Il en est de même du parallèle entre les diverses législations. L'étude du droit étranger agrandit les idées sur la législation de son propre pays. Et puis, à la suite d'une révolution où tous les peuples se sont trouvés mêlés, confondus, et ont changé si souvent de maîtres, par don ou legs, vente, échange ou conquête; les intérêts particuliers, souvent froissés au milieu de ces commotions politiques, donnent sans cesse lieu à des questions mixtes où il ne suffit plus d'interroger la loi d'un seul pays. Deux Belges auront contracté en France, sous l'empire des lois françaises, et l'on doit aujourd'hui les juger en Hollande d'après ces mêmes lois; des Français se sont mariés au-delà du Rhin, en Espagne, en Italie, sur les bords du Nil ou de la Vistule; le débiteur anglais passe la Manche pour fuir son créancier qui vient le réclamer sur le continent: il faut connaître les lois de tous les pays, ou du moins savoir consulter à propos les livres qui les renferment.

7o LETTRE. Cette lettre a été ajoutée par M. Camus lors de sa troisième édition. Les changemens opérés par la révolution, les idées que la tribune avait fait éclore lui avaient révélé qu'il ne suffisait plus à un avocat de se renfermer dans le droit privé, et qu'il devait encore étudier les principes de l'économie sociale, et les bases tant de l'administration intérieure que des relations extérieures. M. Camus avait suivi la révolution de près; il en avait l'expérience; il avait vu l'ancienne monarchie, la monarchie constitutionnelle, l'anarchie révolutionnaire, le despotisme impérial. Écoutons ses leçons sur l'art de gouverner les hommes. «Songez, dit-il, >> que les hommes dont vous demandez le concours, ont leurs volontés aussi, qu'ils »> ne se réuniront avec vous qu'autant que leurs volontés seront conformes à la » vôtre; et qu'ils ont leurs motifs de détermination, comme vous avez les vôtres. "J'ai bien des fois entendu l'amour - propre donner d'autres leçons, dire qu'on » maîtrisait les volontés, qu'un homme habile conduisait les autres où bon lui sem» blait. J'ai vu, en effet, qu'avec de l'adresse on se formait un parti; qu'avec des » crimes on étouffait les plaintes; qu'avec de l'effronterie on obtenait des acclama» tions; mais j'ai vu aussi qu'à la longue tout s'usait, adresse, crimes, terreur, » effronterie, et qu'alors on périssait misérablement, étouffé de remords et chargé » de l'indignation publique. Les événemens m'ont convaincu qu'il n'y avait qu'un » moyen d'administrer, savoir: d'employer les facultés de ceux qu'on gouverne, » ou de ceux avec lesquels on est en relation, telles qu'elles existent, et dans le sens » de leurs intérêts. »

Camus écrivait cela en l'an 12. Ce qui était vrai alors, n'a pas cessé de l'être aujourd'hui.

SECTION VIII. Étude du droit public, par M. Berville. J'ai dû rechercher pour

premier collaborateur mon confrère et mon ami, M. Berville, dont j'estime également le caractère et le talent, et dont les principes politiques éloquemment révélés dans ses belles défenses, annoncent assez dans quel généreux esprit il a conçu l'étude du droit public.

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