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dans son indépendance que celui d'un homme qui est toujours agité par les mouvemens empruntés d'une passion étrangère, qui s'apaise et s'irrite au gré de sa partie, et dont l'éloquence est esclave d'une expression satirique, qui le rend toujours odieux et souvent méprisable à ceux mêmes qui lui applaudissent ?

Refusez à vos parties, refusez-vous à vousmêmes l'inhumain plaisir d'une déclamation injurieuse; bien loin de vous servir des armes du mensonge et de la calomnie, que votre délicatesse aille jusqu'à supprimer même les reproches véritables, lorsqu'ils ne font que blesser vos adversaires, sans être utiles à vos parties; et si leur intérêt vous force à les expliquer, que la retenue avec laquelle vous les proposerez soit une preuve de leur vérité, et qu'il paraisse au public que la nécessité de votre devoir vous arrache avec peine ce que la modération de votre esprit souhaiterait de dissimuler.

Ne soyez pas moins éloignés de la basse timidité d'un silence pernicieux à vos parties que de la licence aveugle d'une satire criminelle, votre caractère soit celui d'une généreuse et sage liberté.

que

Que les faibles et les malheureux trouvent dans votre voix un asile assuré contre l'oppression et la violence; et dans ces occasions dangereuses, où la fortune veut éprouver ses forces contre votre vertu, montrez - lui que vous êtes affranchis de son pouvoir et supérieurs à

sa domination.

Quand, après avoir passé par les orages et les agitations du barreau, vous arrivez enfin à ce port heureux, où, supérieurs à l'envie, vous jouissez en sûreté de toute votre réputation, c'est le temps où votre liberté reçoit un nouvel accroissement, et ou vous devez cn faire un nouveau sacrifice au bien public.

Arbitres de toutes les familles, juges volontaires des plus célèbres différens, tremblez à la vue d'un si saint ministère; et craignez de vous en rendre indignes, en conservant encore ce zèle trop ardent, cet esprit de parti, cette prévention autrefois si nécessaire pour la défense de vos cliens.

Laissez, en quittant le barreau, ces armes qui ont remporté tant de victoires dans la carrière de l'éloquence; oubliez cette ardeur qui vous animait, lorsqu'il s'agissait de combattre, et non pas de décider du prix; et quoique votre autorité ne soit fondée que sur un choix purement volontaire, ne croyez pas que votre suffrage soit dû à celui qui vous a choisi, et soyez persuadés que votre ministère n'est distingué de celui des juges, que par le caractère, et non par les obligations.

Sacrifiez à de si nobles fonctions tous les mouvemens de votre vie : vous êtes comptables envers la patrie de tous les talens qu'elle admire en vous, et que vos forces peuvent vous permettre. C'est une espèce d'impiété que de refuser à vos concitoyens un secours aussi utile pour eux, qu'il est glorieux pour vous.

Enfin, si dans une extrême vicillesse votre santé affaiblie par les efforts qu'elle a faits pour le public ne souffre pas que vous lui consacriez le reste de vos jours, vous goûterez alors ce repos durable, cette paix intérieure, qui est la marque de l'innocence, et le prix de

la sagesse.

Vous jouirez de la gloire de l'orateur et de la tranquillité du philosophe; et si vous êtes attentifs à observer les progrès de votre élévation, vous trouverez que l'indépendance de la fortune vous a élevés au-dessus des autres hommes, et que la dépendance de la vertu vous a élevés au-dessus de vous-mêmes.

LETTRE A M***,

OU L'ON EXAMINE SI LES JUGES QUI PRÉSIDENT AUX AUDIENCES PEUVENT LÉGITIMEMENT INTERROMPRE LES AVOCATS LORSQU'ILS PLAIDENT.

Admonere voluimus, non mordere : Prodesse, non lædere. ERASME.

MONSIEUR, comme la question sur laquelle vous me faites l'honneur de me demander quelque éclaircissement intéresse également et les juges et l'Ordre des avocats et le public, puisqu'il s'agit de savoir si les juges qui président aux audiences peuvent légitimement interrompre les avocats, lorsqu'ils défendent une partie; trouvez bon, s'il vous plaît, que, pour satisfaire votre curiosité, je ne m'en rapporte pas à mes faibles lumières; je ferai sans doute bien plus d'impression sur votre esprit, en réunissant ici sous un seul point de vue les différens traits qui sont dispersés là-dessus dans plusieurs livres, tant anciens que moderne. Et pour entrer d'abord en matière, Mornac interprétant la loi 9 au Digeste de Of ficio Proconsulis, avoue que si quelque avocat était capable de débiter des faussetés évidentes, ou de choses contraires à l'état, à la religion et aux bonnes mœurs, le juge qui présiderait pourrait l'interrompre, avec dignité néanmoins et bienséance, tamen cum ingenio et servatá semper dignitate judicis.

Mais comme je puis avancer hardiment, à l'honneur de la profession d'avocat, que ceux qui l'exercent n'oublient pas leur devoir jusqu'à ce point, il est inutile de m'étendre davantage sur les interruptions dont je viens de parler; tout mon dessein consiste à vous entretenir de ces interruptions que, dans quel

(1) Dans ses Harangues, tome 2, page xxxiv, vers la fin, édition de Paris, 1708.

que parlement, on fait de temps en temps aux avocats, durant le cours de leur plaidoirie, pour les avertir de finir bientôt ; et principalement de ces interruptions par lesquelles on leur coupe absolument la parole pour aller aux opinions, sans avoir entendu toute la défense des parties. Or, je dis que, par ces deux espèces d'interruptions, le juge qui préside blesse tout à la fois, et les règles de la bienséance, et les devoirs de son état, de sa religion et de la justice.

Il blesse les règles de la bienséance : Quand le judicieux Henrys (1) ne nous en assurerait pas n'est-il pas naturel de penser que la noblesse de la profession d'avocat mérite plus de ménagemens, et que la majesté d'une audience s'accorde mal avec de semblables interruptions, surtout avec celles de la première espèce que j'ai marquées, lesquelles, suivant une note de Bretounier (2), sont très-fächeuses et très-incommodes, fatiguent beaucoup l'avocat, et ne font pas honneur au président

Il blesse les devoirs de son état : Le même Bretonnier, dans ses Observations sur Henrys (3), a pris soin de recueillir divers passages pour prouver que la mode d'interrompre est nouvelle, et qu'on n'en trouve aucun exemple dans l'histoire. Il fait voir qu'à Athènes et à Rome, quoique les présidens fussent des souverains, ils ne se donnaient pourtant pas la

(2) Observations sur Henrys, tome 2, au bas de la page 818. (3) Tome 2, liv. vi, question 20, page 749.

liberté d'interrompre les avocats. Il cite Cicéron, qui, recommandant à son frère Quintus, préfet en Asie, d'écouter patiemment, tâche de l'y engager par l'exemple de C. Octavius, qui avait beaucoup de douceur et de complaisance, qui laissait parler toutes les fois et aussi long-temps qu'on voulait : Adjungenda etiam est facilitas in audiendo..... His rebus nuper C. Octavius jucundissimus fuit: apud quem primus lictor quievit ; tacuit accensus: quoties quisque voluit dixit, et quàm voluit diù (1). Bretonnier ajoute que les empereurs même ne croyaient pas que les interruptions leur fussent permises, et il rapporte à ce sujet un endroit du Panégyrique de Trajan, où Pline le jeune, qui avait été élevé aux plus considérables dignités de l'empire, loue ce prince de ce qu'il ne se servait point de sa puissance pour mettre fin aux discours de ceux qui parlaient devant lui, et qu'il leur laissait la liberté de finir quand ils le jugeaient à propos. Pline le jeune, après cet éloge, n'avait garde de manquer lui-même de patience envers les avocats. Aussi, dans une de ses êpitres (2), assure-t-il que toutes les fois qu'il faisait les fonctions de juge, ce qui arrivait très - souvent (3), il accordait aux avocats, et se croyait obligé de leur accorder autant de temps qu'ils en demandaient.

Dans la suite, on fit d'un procédé si honnête, si sage, si utile, si nécessaire, une obligation encore plus expresse aux juges, par la loi 9, §. 1, de Officio proconsulis, qui porte que les proconsuls doivent écouter les avocats avec patience, circa advocatos patientem esse proconsulem oportet. Cette loi mérite d'autant plus l'attention des juges qui tiennent les audiences, qu'Ulpien, qui l'a faite, était lui-même un grand magistrat, puisqu'il était président du conseil de l'empereur Alexandre Sévère, et préfet du prétoire (4).

Et il ne faut pas s'imaginer que, du temps des Romains, les avocats apportassent dans leur plaidoirie plus de brièveté qu'on ne fait

à présent; car il est certain, au contraire, que les juges souffraient sans peine des discours d'une longueur si excessive, qu'à en croire Quintilien (5), c'était une espèce de gloire à un avocat d'avoir parlé toute la journée pour une seule partie. Bien plus, la même partie employait quelquefois, pour la défense d'une seule cause, le ministère de plusieurs avocats; témoin la cause de Balbus, concernant le droit de bourgeoisie, que Cicéron, que Crassus, que Pompée plaidèrent alternativement; témoin la cause de Muréna, qui, accusé d'avoir corrompu les suffrages dans la poursuite du consulat, confia le soin de sa défense à Crassus à Hortensius, à Cicéron; témoin encore la cause de Volusenus Catulus, qui fut défendue, et par Domitius Afer, et par Crispus Passienus, et par Decimus Lelius (6).

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La patience envers les avocats n'est pas seulement pour les juges un devoir de bienséance et d'état, elle est encore un devoir essentiel de religion et de justice: Præsertim cùm primùm religioni suæ patientiam debeat (Judex ) quæ magna pars justitiæ est (7). Si la force de la vérité a fait sortir cette belle maxime de la plume d'un juge paien, que n'eût-il point dit, s'il eût été éclairé des lumières du christianisme, comme quelques-uns l'ont cru sans fondement légitime (8)? La pensée de ce juge, aussi recommandable par sa probité que par ses talens, a été adoptée par Henrys (9), dont le mérite et la droiture ne sont pas moins universellement reconnus.

Et quelle bonne idée le public peut-il avoir de certains juges qui, bien loin de garder une oreille pour l'avocat de l'intimé, lui donnent quelquefois à peine le temps de dire à quoi tendent ses conclusions? Qui par les interruptions qu'ils font à l'avocat même de l'appelant pour le presser de finir, le réduisent souvent à la nécessité de laisser en arrière ses meilleurs moyens? Quel juste sujet de mécontentement et de murmure pour de misérables parties, à qui l'on ravit en les condamnant si brusque

1) Cicéron, épist. 1, liv. 1, ad Quintum fratrem. (2) Pline, liv. 6, ép. 2.

(3, Liv. 1, ép. 20.

(4) Dion et Lampride, in Alexand. Sever. Fischard, in vil. Jurisc.

(5) Dialog de l'Orat.

(6) Quintil, Inst. de Orat., lib. 9, cap. 1. (7) Pline le jeune, liv. 6, ép. 2.

18) Voyez François Bivarius.

(9) Dans ses Barangues, page 34, toine 2.

ment la faible consolation de penser que du moins on ne les a pas condamnées sans les entendre?

Ne jugez point sans ouïr l'une et l'autre parties: Ce sont les paroles d'un autre païen de l'ancienne Grèce (1), paroles dont Aristophane, tout satirique outré, tout impie qu'il était, n'a pas laissé de relever la sagesse aussi bien que celle de l'auteur; paroles dont Solon et la plupart des législateurs ont fait une loi précise, et que les juges d'Athènes promettaient par un serment solennel d'observer inviolablement. C'est pour cela que Démosthène, s'adressant à eux dans une de ses harangues (2), avec la liberté convenable à son ministère. « Je de» mande aux dieux, dit-il, que, sur la ma» nière dont vous devez m'entendre, ils vous » fixent dans la résolution de consulter, non >> pas mon accusateur (car vous ne le pourriez >> faire sans une partialité criante), mais nos >> lois et votre serment, dont la formule, en» tre autres termes, tous dictés par la justice, >> renferme ceux-ci : Écoutez également les » deux parties. Ce qui vous impose l'obliga» tion, non seulement d'apporter au tribunal » un esprit et un cœur neutres, mais encore » de permettre qu'à son choix et à son gré >> chacune des deux parties puisse librement » arranger ses raisons et ses preuves. » Ce serment était sans doute fondé sur ce principe de morale, remarqué par M. de Tourreil (3), de qui j'ai emprunté la traduction ci-dessus du passage de Démosthène, savoir: que quiconque juge après n'avoir entendu qu'une partie, quand même il jugerait bien, ne laisse pas de commettre une sorte d'injustice.

Je prévois qu'on me dira qu'il y a des avocats qui, n'ayant pas la même éloquence que d'autres, rendent leur plaidoirie moins agréable à entendre; mais, outre que ce frivole prétexte n'est point capable de détruire les réflexions qui viennent d'être faites, je réponds lo que j'ai plusieurs fois remarqué dans quelque parlement, que des présidens interrompaient, et même quelquefois avec aigreur, non-seulement les avocats qui plaident

:

(1) Phocylide, dans son poëme sur les différens devoirs des hommes.

(2) Dans sa Harangue pour Ctesiphon.

avec autant de simplicité qu'on plaidait dans l'aréopage d'Athènes, d'où les ornemens de la rhétorique étaient bannis, mais encore ceux qui, par leur éloquence, s'attirent d'ordinaire l'attention et l'applaudissement du public, et en faveur de qui l'on devrait renouveler ce qui se pratiquait au barreau de Rome, lorsque le sénat, en jugeant une cause, donnait publiquement des louanges à l'avocat qui l'avait bien défendue. C'est l'abus de ces mêmes interruptions que le dernier siècle seulement a vu naitre, qui a donné occasion au fils aîné d'Antoine Loisel de s'écrier, dans le fameux Dialogue des avocats (4), composé par ce dernier : « Où est » l'honneur que j'ai entendu de vous, mon père, » avoir été autrefois au Palais, et la faveur que » messieurs les présidens portaient aux jeunes » avocats de votre temps, les écoutant douce»ment, supportant et excusant leurs fautes, » et leur donnant courage de mieux faire; au >> lieu que maintenant il semble à quelques» uns que nous soyons d'autre bois ou étoffe qu'eux, et quasi des gens de néant, interrompant et rabrouant à tout bout de champ, nous faisant par fois des demandes

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nous

qui ne sont nullement à propos, et non» seulement à nous autres jeunes gens qui le » pourrions avoir quelquefois mérité, mais » bien souvent aux anciens, et à ceux qui en>> tendent si bien leurs causes, que l'on voit » par la fin et la conclusion, que ceux qui » leur avaient fait ces interrogatoires et interruptions avaient eux-mêmes tort, et non » les avocats plaidans, qui se trouvaient n'a» voir rien dit qui ne fût pertinent et néces» saire à leur cause. »

En second lieu, de tout temps et dans tous les sénats, le mérite des avocats n'a pas été égal, et cependant la patience des juges n'en a pas moins été un devoir de bienséance, un devoir d'état, un devoir de religion et de justice. L'on pourrait même soutenir que la patience est, en quelque façon, plus nécessaire aux juges pour écouter les avocats médiocres; les raisons s'en offrent d'elles - mêmes, sans que je m'arrête à les déduire. D'ailleurs, quoi

(3) Remarques sur la Harangue de Démosthène pour Ctesiphon.

(4) Confér. 1.

que tous les avocats ne soient pas des Le Maître et des Patru, il me semble qu'on devrait, pour se porter plus volontiers à écouter patiemment, faire attention qu'un avocat, avant que de s'exposer à plaider sa cause, a eu luimême une patience infinie; car, selon le précepte de l'orateur romain (1) et du maître de l'éloquence (2), il a fallu qu'il ait donné plusieurs fois audience à un plaideur inquiet et souvent importun; il a fallu entendre beaucoup de choses superflues, dans la crainte d'en ignorer de nécessaires ; il a fallu se mettre sans prévention, tantôt à la place de ce client, tantôt en celle de son adversaire, tantôt en celle des juges; il a fallu enfin employer plusieurs veilles à rechercher, à méditer, à recueillir, à rédiger en secret un très-grand nombre de choses dont cet avocat ne débite néanmoins que le précis en plaidant. L'on devrait encore considérer que si les juges faisaient, ainsi qu'au trefois, les fonctions d'avocat (3), et préféraient, pour user des termes de la loi (4), l'honneur d'être debout au barreau, au droit d'y être assis, il y en a plus d'un qui seraient très-embarrassés, surtout ceux qui, comme dit Cicéron al honores adipiscendos et ad rempublicam gerendam nudi venerunt et inermes, nullá cognitione rerum, nulla scientiá ornati.

Mais, après tout, par quelles raisons celui qui préside pourrait-il justifier ses interruptions? Est-ce parce que croyant saisir par plusieurs moyens proposés, le moyen décisif, les autres lui paraissent peu dignes d'attention? Est-ce parce qu'il s'imagine qu'un avocat est trop long et débite des choses étrangères et superflues?

A cela deux réponses également solides et indépendantes de toutes les observations que j'ai ci-devant faites. Un président doit craindre que le sentiment des autres juges ne se rapporte pas au sien; car il en est des sentimens comme des goûts de ceux qui se trouvent dans un festin,

Poscentes vario multùm diversa palato (5) (1) Cicéron, liv de l'Orateur.

(2) Quintilien, Institut. de l'Orateur, liv. 12, ch. 8. (3) Voyez le Journal du Palais, tome 2, page 966, édition in-fol., et Henrys, dans ses Harangues, tome 2, page 15.

(4) L. quisquis C. de postulando.

TOME I.

il faut qu'il se persuade qu'autant qu'il voit de têtes, autant il peut y avoir d'opinions différentes. En effet, l'usage ne nous apprendil pas que le même motif, que les mêmes preuves ne déterminent pas tous les juges? On ne peut, disait un ancien (6), qui avait une grande expérience des affaires, on ne peut assez s'étonner, soit de la diversité des opinions, soit des fondemens que les juges prennent; car encore qu'ils aient quelquefois le même sentiment, ils ne l'établissent pas sur la même raison: Adjiciam quod me docuit usus magister egregius : frequenter egi. frequenter judicavi, frequenter in Consilio fui; aliud alios movet, ac plerumque parvæ res maximas trahunt; varia sunt hominum ingenią, variæ voluntates; inde qui eamdem causam simul audierunt, sæpè diversum, interdùm idem, sed ex diversis motibus sentiunt. Il faut donc souffrir patiemment que l'avocat expose non-seulement tous ses moyens, mais rapporte encore toutes les raisons sur lesquelles il les fonde, afin que chaque juge saisisse ce qui lui paraîtra de plus plausible, puisqu'une chose qui ne frappe pas l'un peut frapper l'autre.

Il est vrai qu'on peut dire des choses inutiles; mais, remarque Henrys (7), il vaut mieux que le discours ait du superflu, que si, pour être trop court, on omettait ce qui est nécessaire. D'ailleurs, poursuit-il, les juges ne peuvent discerner l'inutile, et séparer l'un de l'autre, s'ils n'écoutent tout, et ne donnent aux avocats l'attention et tout le temps qu'ils désirent. En s'exprimant de la sorte, Henrys ne fait que se conformer à un passage d'un grand homme de l'antiquité (8), que j'ai déjà cité plus d'une fois, et qui avait fait luimême très-souvent les fonctions de juge: ce passage est si beau, si énergique, que je me flatte, monsieur, que vous le lirez avec plaisir. Equidem quoties judico, quantum quis plurimùm postulat, aquæ do (9); etenim temerarium existimo divinare quàm spatiosa sit causa inaudita, tempusque negotio finire cu

(3) Horace.

6, Pline le jeune, liv. 1, épit. 20.

(7) Dans ses Harangues, tome 2, page 34. (8) Pline le jeune, liv. 6, épit. 2.

(9) Le temps de l'audience se réglait par des horloges

d'eau.

37.

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