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saient alors l'office de patron n'étaient par état ni orateurs, ni jurisconsultes.

Mais lorsque les rois eurent été chassés de Rome, que la république fut bien affermie, qu'elle eut étendu au loin sa domination, que l'on eut envoyé chercher des lois en Grèce, que le peuple se fut arrogé le droit d'en faire lui-même de nouvelles par l'organe de ses tribuns, alors l'administration de la justice étant devenue plus importante et plus difficile, on y apporta aussi plus d'appareil et de circonspection. On ne se contenta pas d'appeler pour sa défense les patrons ordinaires, qui n'avaient d'autre qualité que celle de protecteur, et dont le talent consistait au plus dans l'éloquence naturelle; on eut recours à des orateurs en titre, dans l'espérance que leur art contribuerait à faire réussir la cause.

L'éloquence des orateurs l'emporta bientôt sur le style vulgaire des anciens patrons; les orateurs eurent seuls toute la clientèle; les rois mêmes et les patrices qui commandaient à des rois, recherchèrent leur appui.

Les premiers orateurs qui furent introduits dans le barreau de Rome n'étaient pas jurisconsultes, non plus que les premiers qui parurent au barreau d'Athènes. La science des lois était devenue d'autant plus difficile qu'elles étaient beaucoup multipliées; l'ancien droit était presqu'entièrement abrogé par le droit prétorien; il fallait concilier ces différentes lois, distinguer celles qui étaient observées de celles qui étaient tombées en non usage. Les orateurs s'étant appliqués à l'étude de la jurisprudence, l'on vit dans la suite les Ælius, les Caton et les Cicéron mériter le double titre d'habiles orateurs et de grands jurisconsultes.

Il ne faut pourtant pas confondre avec ceuxci d'autres jurisconsultes appelés Prudentes, dont l'emploi était différent de celui des orateurs ou patrons. Il ressemblait plutôt à celui de nos anciens avocats consultans, si ce n'est que leur pouvoir était beaucoup plus étendu. Leur fonction était d'interpréter le droit, leurs réponses avaient elles-mêmes force de lois, et les juges étaient obligés de s'y conformer; elles étaient gardées soigneusement par les pontifes avec les autres lois; car toutes les lois étaient alors un mystère pour le peuple, jusqu'à ce que Flavius Scriba les exposa toutes

TOME 1.

en public, afin que chacun pût s'instruire de ses droits.

La fonction des orateurs ou patrons était de défendre leurs cliens de vive voix ou par écrit, dans les tribunaux.

Les Romains eurent toujours attention que cette fonction ne fût exercée que par des personnes choisies et distinguées par les qualités du cœur et de l'esprit, encore plus que par leur naissance.

Romulus avait ordonné que les patrons seraient choisis dans le premier ordre des citoyens, destinés à remplir un jour les fonctions du sacerdoce ou de la magistrature.

La loi des douze Tables adopta ce réglement; et pendant cinq siècles, la fonction de patron ne fut exercée que par des patriciens qui étaient les descendans de ces premiers sénateurs institués par Romulus, et qui formaient le premier ordre des citoyens.

Tant que subsista la république, le barreau fut le degré par lequel on arrivait aux plus grands honneurs. Le sénat et le peuple, chacun selon leur pouvoir, donnaient les dignités au mérite, et elles étaient la récompense de ceux qui s'étaient le plus distingués dans le barreau.

Ce fut ainsi que Caton le grand, le Démosthènes de son siècle, ayant passé du barreau à la magistrature, en remplit successivement tous les degrés, fut élevé à la dignité de consul, et enfin à celle de censeur, après avoir triomphé des ennemis de la république.

De même Cicéron, l'ornement du barreau de Rome, et qui comptait au nombre de ses cliens le roi de Galatie, étant parvenu au consulat, fut honoré de titres encore plus glorieux, je veux dire, ceux de père de la patrie et prince de l'éloquence.

Qui pourrait jamais compter combien de préteurs, de consuls, de patriciens, de dictateurs et de censeurs, le barreau de Rome a fourni à la république? Ces grands hommes, quoique parvenus aux plus éminentes dignités, continuaient à venir prendre place au barreau, et y faire leurs premières fonctions ; en quoi il serait difficile de déterminer lequel acquit par-là plus d'honneur, ou du barreau, par la présence de ces orateurs, ou de ces orateurs en continuant leur emploi au barreau.

4.

Jules-César lui-même, qui soumit peu après tout l'univers, fut du nombre de ceux qui illustrèrent le barreau de Rome.

Mais lorsque le gouvernement de la république eut changé de forme, on vit aussi bientôt un changement dans l'état du barreau. Les empereurs disposant arbitrairement de tous les emplois, et les donnant à la faveur plutôt qu'au mérite, il n'y eut plus la même émulation parmi les patriciens pour se signaler dans la fonction de patron ; ils ne paraissaient plus que rarement au barreau. Leurs enfans s'y faisaient pourtant toujours recevoir mais ce n'était pas, comme autrefois, dans le dessein de s'y attacher; ce n'était plus que pour acquérir le titre de patron, qu'ils regardaient comme une formalité nécessaire pour être en état d'être promus aux honneurs de la magistrature.

Les plébéïens, au contraire, parurent depuis ce temps plus fréquemment au barreau, et l'on en vit souvent servir de patrons aux patriciens mêmes, dont peu auparavant ils se faisaient honneur d'être les cliens.

Ce changement arrivé dans le barreau fut cause que l'éloquence y dégénéra peu après de son premier éclat ; le titre même d'orateur fut presqu'oublié. Ceux qui plaidaient le plus disertement furent appelés causidici, advocati et patroni; on leur donnait indifféremment l'un de ces trois noms. Celui d'advocati, qui est l'origine du titre d'avocat, signifie qu'ils étaient appelés pour la défense des parties.

Malgré le mélange qui se fit des plébéïens avec les patriciens dans le barreau, on ne pensa pas qu'il eût rien perdu de la dignité de ses fonctions, toujours nobles par ellesmêmes, encore plus que par l'illustration personnelle de ceux qui les exercent.

D'ailleurs, si d'un côté l'on vit des plébéïens dans le barreau, on vit aussi les empereurs même l'honorer de leur présence. Dès qu'ils avaient pris la toge virile, ils se présentaient au barreau, comme pour y faire un apprentissage des fonctions d'avocat, et de l'administration de la justice.

Ils y faisaient de même recevoir leurs enfans, et les y conduisaient avec une pompe qui se ressentait de la magnificence des triomphes.

Auguste y vint pour la troisième fois deman

der le consulat, afin d'y conduire lui-même ses enfans en qualité de magistrat ; et Tibère y ayant pareillement conduit Néron et Drusus, fit des libéralités au peuple, afin de rendre le jour de leur réception plus solennel.

Titus, qui réunissait en lui toutes les vertus d'un grand prince, avant d'être empereur, venait quelquefois au barreau pour y prendre la défense de ceux qui étaient opprimés.

L'empereur Alexandre Sévère permit aux affranchis de faire la fonction de patrons, pourvu qu'ils fussent versés dans les lettres; mais il n'est pas certain si cette permission leur fut donnée pour le barreau de Rome. Au surplus il ne serait pas étonnant que ceux qui y étaient déjà admis dans le rang des sénateurs eussent aussi obtenu la faculté de plaider devant le sénat. Et ce qui fait voir que Sévère n'avait rien diminué de la considération que ses prédécesseurs avaient pour le barreau, c'est qu'on rapporte de lui qu'il se plaisait à ententendre répéter des causes qui avaient été autrefois plaidées devant lui ou devant le préfet de Rome. Il accorda même des marques de protection aux avocats qui étaient établis dans les provinces.

Constance ordonna que les pontifes des provinces seraient choisis entre les avocats. Valentinien et Valens déclarèrent expressément par une loi que ceux qui étaient parvenus aux dignités ne dérogeaient point en faisant la fonction d'avocat, et qu'il était aussi honorable d'être debout pour plaider que d'être assis pour juger.

Arcadius et Honorius ordonnèrent que les avocats qui n'étaient pas dans la classe des décuries ne pourraient, même volontairement, être chargés de la collecte des impositions publiques.

Honorius et Théodose accordèrent à ceux qui étaient encore sous la puissance paternelle, le privilége d'acquérir pour eux-mêmes, à titre de pécule quasi-castrense, tout ce qui leur proviendrait par l'exercice de leur profession, ou à son occasion; ce qui fut ainsi établi à l'imitation du pécule castrense, de ceux qui faisaient profession des armes.

Ces mêmes empereurs défendirent à tous juges, même au préfet du prétoire, sous peine d'une amende de cinquante livres d'or, de char

ger les avocats de la ville ou des provinces d'aucune commission, soit pour l'inspection sur les travaux publics, ou pour faire les rôles des impositions, ou pour faire rendre compte à ceux qui en faisaient la recette ; ils exceptèrent seulement les arbitrages, dont les avocats pourraient étre chargés dans le lieu de leur résidence.

Ils étendirent aussi aux avocats de la préfecture d'Illyrie tous les priviléges qui avaient été accordés à ceux de la préfecture d'Orient.

On voit par une autre loi de ces mêmes empereurs, que dans chaque préfecture le nombre des avocats était limité plus ou moins, selon l'étendue du ressort; qu'il ne pouvait être augmenté ni diminué; que dans ce nombre on choisissait les avocats du fisc, dont l'emploi ne durait d'abord qu'un an, et ensuite deux ans ; que ceux qui étaient choisis pour cette fonction devenaient par-là exempts eux et leurs enfans du service des cohortes et des autres emplois inférieurs ; et que les avocats du fisc de la préfecture prétorienne, au bout de leur temps d'exercice, se retiraient de l'ordre des avocats avec la qualité de comtes du consistoire : ce que nous appelons présentement conseillers d'état.

Ce fut sans doute un des motifs pour les quels l'empereur Léon ordonna que personne ne serait reçu avocat qu'il ne fût au moins d'une condition honnête, et non d'un condition vile et ignoble.

Ce même empereur et Anthémius firent encore une autre loi qui est fameuse en cette matière, par laquelle ils déclarèrent que les avocats qui se consacrent à la défense des intérêts du public ou des particuliers, soutiennent les fortunes chancelantes, relèvent celles qui sont tombées, et qu'ils se rendent aussi utiles au public que s'ils défendaient leur patrie et leurs parens au péril de leur vie : cette loi compare leurs fonctions aux exercices militaires, par la raison qu'ils défendent de toutes leurs forces l'honneur et la vie des citoyens.

Anastase accorda aux anciens avocats qui se retiraient le titre de clarissimes, pour récompense de leurs travaux.

Enfin, les empereurs Justin et Justinien confirmèrent les différens priviléges qui avaient été accordés aux avocats par leurs prédéces

seurs, et y en ajoutèrent encore de nouveaux; et ce que l'on peut remarquer de particulier dans les lois faites par Justin à cet égard, c'est qu'en parlant des avocats en nom collectif, il les qualifie d'Ordre, qui est le titre que ceux du parlement de Paris et de plusieurs autres cours ont retenu.

L'énumération qui a été faite de tous les titres d'honneur et priviléges accordés aux avocats fait voir en quelle estime et en quelle considération cette profession était chez les Romains.

La première condition pour être reçu avocat était d'avoir l'âge compétent, qui était de dix-sept ans.

Il fallait avoir étudié le droit pendant cinq

ans.

Le candidat devait être examiné par le gouverneur de la province, ou, en son absence, par le défenseur de la ville, lequel en présence du peuple s'informait de la condition du candidat, de ses mœurs et de sa capacité, qui devait lui être attestée par le témoignage des docteurs en droit.

Les empereurs Théodose et Valentinien défendirent d'admettre les samaritains, les juifs, païens et hérétiques dans aucun office civil: ce qui comprenait la profession d'avocat. Les empereurs Léon et Anthémius déclarèrent expressément que, pour être reçu avocat, il fallait être de la religion catholique, et que si on contrevenait à cette loi, non-seulement l'avocat, mais celui qui l'aurait reçu, seraient punis (1). L'entrée du barreau était aussi interdite à ceux qui étaient notés d'infamie.

Ceux qui par zèle pour le salut public, ou pour faire preuve de leur valeur, avaient entrepris de chasser ou de combattre des bêtes féroces, même dans l'arène, n'étaient pas exclus de la fonction d'avocat; mais ceux qui s'étaient loués comme des mercenaires pour combattre ainsi en public, n'étaient point admis à parler en jugement pour autrui : on leur permettait seulement de parler pour euxmêmes.

Les sourds étaient exclus du barreau, à

(1) Si un empereur paien avait décidé qu'on ne pour rait recevoir avocat que des païens, les catholiques exlus par cette loi l'auraient proclamée absurde et tyrannique

cause des inconvéniens qui pouvaient arriver de ce qu'ils ne pouvaient entendre les décrets

du préteur.

Les aveugles pouvaient être juges, mais ils ne pouvaient être avocats, ce qui fut ainsi ordonné, à cause de la risée qu'excita un certain Publius, qui était aveugle, lequel continua de plaider, quoique le juge eût levé le siége. On a cependant vu de nos jours un aveugle plaider avec applaudissement dans plusieurs des tribunaux de Paris.

La fonction d'avocat était chez les Romains un office viril, de même que chez les Grecs.

On vit cependant avec admiration à Rome deux femmes généreuses Amasie et Hortensie, s'acquitter avec éloges de cette fonction: mais une troisième nommée Afranie, qui plaidait continuellement pour elle-même, scandalisa tellement les juges par sa loquacité, son effronterie et ses emportemens, qu'il lui fut fait défenses de plus parler en public : et cette défense fut étendue à toutes les femmes en général, ce qui fut néanmoins modifié par une loi du Code Théodosien, qui permit aux femmes de parler en justice, mais seulement pour elles, et non pour autrui.

nom

Les jeunes gens que l'on voulait faire recevoir au barreau y étaient conduits par leur père naturel ou adoptif, ou par quelqu'un qui leur en tenait lieu, avec le cortège le plus nor breux qu'il pouvait rassembler. Il présentait le récipiendaire au sénat qui l'admettait au nombre des jeunes avocats pour assister aux audiences, et s'instruire dans la science du barreau, afin de se rendre capable d'en remplir un jour les fonctions.

Les avocats ne prêtaient point de serment lors de leur réception; mais à chaque cause qu'ils plaidaient ils étaient obligés, en commençant, de prêter, de même que les juges, le serment que l'on appelait Juramentum calumniæ, ou serment de dire la vérité.

Le nom de ceux qui étaient reçus était écrit dans la matricule ou tableau, et l'on y marquait le jour de leur réception.

Le nombre des avocats était fixé dans chaque tribunal; on n'en recevait de nouveaux que quand il y avait quelque place vacante, et les fils des avocats étaient préférés aux autres surnuméraires.

Les cliens avaient d'abord le choix de leurs défenseurs ; mais comme les talens ne sont pas donnés à tous également, et que chaque client voulait avoir pour lui tous les plus habiles avocats, ne laissant à son adversaire que des défenseurs dont les forces n'étaient point égales, les empereurs Valentinien, Valens et Gratien jugèrent à propos d'ordonner que les avocats seraient distribués aux parties avec égalité; que ceux qui seraient nommés ne pourraient refuser de se charger de la cause, à moins qu'ils n'eussent quelque excuse légitime, et que les cliens qui auraient fait quelque manœuvre pour empêcher leur adversaire d'avoir un défenseur d'égale capacité, seraient présumés avoir la mauvaise cause.

Les Romains, suivant la coutume des anciens, avaient quelquefois plusieurs avocats pour une même cause, surtout dans les affaires importantes. Avant la guerre civile de César, on ne trouve guères d'exemple que quelqu'un eût plus de quatre avocats; depuis les guerres civiles jusqu'à la loi Julia. il fut permis d'en avoir jusqu'à douze; il n'y en avait néanmoins qu'un seul qui portait la parole pendant tout le cours de la cause; les autres assistaient à l'audience pour l'aider de leurs conseils.

Il était aussi d'usage anciennement, dans les causes capitales, que l'accusé amenât avec lui à l'audience, outre ses avocats, au moins dix personnes pour faire son apologie cet usage ridicule et incommode fut aboli par Pompée.

Les anciens orateurs romains avaient coutume d'invoquer les dieux au commencement de leurs discours; mais cet usage ne s'observait déjà plus du temps de Cicéron.

Le temps que chaque orateur ou avocat devait parler n'était point d'abord limité. Quelques avocats abusant de cette liberté, Pompéc régla que dorénavant l'accusateur ne pourrait parler que pendant deux heures, et l'accusé pendant trois heures; on leur permettait cependant quelquefois de parler plus long-temps, lorsque l'étendue de la cause paraissait le demander.

Les empereurs Valentinien et Valens ordonnèrent que les avocats se tiendraient debout pendant tout le temps qu'ils parleraient; ils leur défendirent de proférer aucunes injures,

de se livrer à des déclamations malignes contre leurs adversaires, et d'employer aucun détour pour prolonger la cause.

Lorsque l'avocat s'était acquitté dignement de son ministère, le sénat lui donnait quelquefois des éloges dans l'audience même, ou après. Ceux, au contraire, qui plaidaient en style bas et rampant, qui se répandaient en invectives contre les parties, ou contre leurs confrères qui fatiguaient les juges par des clameurs indécentes; enfin, qui ne se conduisaient pas avec l'honneur qui convient à cette profession, tombaient dans l'avilissement et le mépris; on leur donnait dans le monde divers surnoms et épithètes ironiques.

les

Le ministère des patrons ou avocats était d'abord purement gratuit; mais comme il devint plus difficile et plus onéreux, à mesure que lois et les affaires se multiplièrent, les cliens s'accoutumèrent à faire des présens à leurs patrons, afin de les engager à se charger de leur défense.

Dans la suite, cet usage fut regardé comme un abus, et le tribun Cincius fit une loi qui fut appelée de son nom Cincia, par laquelle il défendit à tout patron ou orateur de recevoir de l'argent ni autre présent pour aucune cause.

Cette même loi cassait aussi les donations qui étaient faites aux patrons par les cliens.

Mais, comme elle ne prononçait aucune peine contre ceux qui y contreviendraient, elle fut mal observée, surtout depuis que les dignités, qui étaient ordinairement la récompense de ceux qui s'étaient distingués au barreau, furent données arbitrairement par les empereurs, sans avoir égard au mérite : il était juste que les avocats eussent quelque autre récompense de leur travail; c'est pourquoi ils acceptèrent les présens que leur faisaient leurs cliens.

Cependant Auguste renouvela la disposition de la loi Cincia, et y ajouta une peine contre les contrevenans. Mais Silius, qui fut désigné consul vers la fin de son règne autorisa les avocats à recevoir un honoraire de leurs cliens; il défendit même de les inquiéter, sous prétexte qu'ils auraient exigé d'eux des sommes trop fortes.

Tibère ayant donné aux avocats la même liberté, il y en eut quelques-uns qui en abusè

rent au point que l'empereur Claude crut faire beaucoup de les réduire à ne prendre pas plus de dix grandes sesterces: ce que quelques-uns évaluent à dix mille livres de notre monnaie, d'autres seulement à trois ou quatre cents li

vres.

Il y en avait qui se faisaient payer d'avance cette somme, et qui ensuite abandonnaient la cause, à moins qu'on ne leur donnât tout ce qu'ils demandaient.

Ces désordres furent causes que Néron révoqua l'édit de l'empereur Claude.

Trajan révoqua la loi d'Auguste, rétablit celle de Claude, et y ajouta seulement que les avocats ne pourraient exiger les dix sesterces qu'après le jugement de la cause.

Enfin, Justinien supprima cette restriction, et permit aux avocats, comme avait fait l'empereur Claude, de recevoir de leurs cliens dix grandes sesterces pour chaque cause, sans attendre le jugement.

Constantin le Grand défendit aussi aux avocats de faire avec leurs cliens aucune paction de quotá litis; c'est-à-dire, de se faire céder par sa partie aucune portion de ce qui devait lui revenir par l'événement du procès, à peine contre l'avocat d'être privé de son état.

Ces règlemens, et plusieurs autres semblables qui furent faits pour maintenir la pureté que demande cette noble profession, ne diminuaient rien de l'estime et de la considération que les magistrats et les empereurs avaient pour l'ordre des avocats, puisque dans le même temps ils le comblaient d'honneurs et de priviléges.

On doit même dire à la louange des avocats de Rome, qu'il ne se trouve aucun exemple qu'aucun d'entre eux ait été destitué d'une cause pour quelque malversation.

Le plus grand nombre fit toujours profession de se conduire par des principes d'honneur et de vertu. On en vit même plusieurs sacrifier tout intérêt à leur devoir; témoin l'illustre Papinien, qui aima mieux perdre la vie que d'entreprendre de justifier en plein sénat le fratricide détestable commis par Caracalla,

Tels furent les principaux points de la discipline observée chez les Romains, dans le barreau. Il y aurait bien d'autres choses curieuses à rapporter à ce sujet, mais qui nous mène

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