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Néanmoins, S. Exc. le ministre de la justice, dans une lettre écrite à son Exc. le ministre des finances, le 9 août 1808, pense que jusqu'au jugement de condamnation le prévenu conservant l'exercice de ses droits civils et la capacité de disposer de ses biens, il avoit pu valablement les aliéner; que, d'un autre côté, les actes translatifs de propriété, suivis de transcription transmettent à l'acquéreur les biens libres et exempts de toutes hypothèques autres que celles qui se trouveroient inscrites lors de la transcription ou dans la quinzaine suivante; et que, comme le trésor public n'avoit de titre hypothécaire que par le jugement, et ne pouvoit conséquemment former inscription auparavant, il s'ensuivoit qu'il ne pouvoit exercer de privilége ni d'hypothèque sur les biens qui avoient été antérieurement aliénés.

S. Exc. ajoute que, dans ce cas, le fisc peut, comme les autres créanciers, provoquer la rescision des aliénations antérieures simulées, ou qui seroient faites en fraude de ses droits;

Qu'à cet égard il y a une différence à faire entre les aliénations à titre onéreux et les dispositions gratuites; que celles-ci sont plus facilement révoquées que les autres, parce qu'il suffit de prouver la fraude de la part de celui qui a disposé; tandis que, pour les aliénations à titre onéreux, il faut encore prouver la participation · de l'acquéreur à cette fraude.

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Enfin, S. Exc. pense que ces principes reçoivent un ⚫ nouveau degré de force par la qualité des personnes en faveur desquelles peuvent être faites les donations. En effet, il est bien plus aisé de présumer la fraude lorsque les donations sont faites aux ascendans, descendans, ou autres proches parens du prévenu.

XIII. La loi du 5 septembre ne s'explique pas non plus sur le sort des actes faits avant le mandat d'arrêt ou avant le jugement de condamnation; cependant il peut arriver que des hommes dont le délit est déconvert fassent avant cette époque des actes frauduleux et rendent ainsi inutile le privilége du trésor. Mais, comme l'observe fort bien l'orateur du gouvernement, dans les motifs de la loi, il n'étoit pas besoin de disposition particulière à cet égard : le privilége du trésor n'existant que du jour du mandat ou du jugement, c'est à lui à faire rescinder les actes frauduleux antérieurs à cette époque, qui lui occasionneroient quelque préjudice.

XIV. Le trésor public jouit encore de quelques priviléges tant pour le recouvrement des contributions directes que pour celles indirectes. Sous la loi de brumaire an 7 il avoit privilége sur les biens des redevables pour une année échue et celle courante de la contribution foncière, et lors de la rédaction du Code Napoléon on avoit proposé de laisser subsister ce privilége et d'en créer un pour les droits de mutation dus par décès. Mais cette opinion ne fut pas adoptée, et les choses restèrent aux termes du droit commun. D'après cela on peut se demander quels sont maintenant les droits du fisc pour s'assurer le paiement de ces diverses contributions? La loi du 22. frimaire an 7 relative aux droits d'enregistrement, semble fixer la nature des droits dus à la régie pour les mutations par décès. L'ar- ticle XXXII porte: «Les droits de déclarations des >> mutations par décès seront payés par les héritiers, » donataires et légataires. . . . et la nation aura ac» tion sur les revenus des biens à déclarer en quelques

On ne peut guères, ce

» mains qu'ils se trouvent. » semble, établir en termes plus exprès l'existence du privilége. Le droit qu'a le fisc de suivre les fruits en quelques mains qu'ils se trouvent est même une de ces prérogatives qui n'est attachée qu'à un privilége extraordinaire ou exorbitant; et la circonstance que le Code Napoléon n'a pas parlé des droits dus par décès ne peut être d'un grand poids, puisqu'après avoir en général établi en principe que le trésor public avoit un privilége, il renvoie à des lois particulières pour l'organiser et en fixer les effets. C'est, du reste, dans ce sens que l'a décidé le Grand-Juge le 23 nivose an 12. Nous allons rapporter les termes mêmes de sa décision parce qu'ils servent à fixer irrévocablement les principes à suivre en cette matière.

« Le régime hypothécaire, (dit son Exc.,) n'a été » établi que pour régler les droits respectifs des créan»ciers sur les biens des débiteurs, et pour fixer l'ordre dans lequel ils doivent être payés. Il ne peut donc > concerner la nation que lorsqu'elle se présente comme » créancière, et pour les droits résultans seulement de >> ses propriétés ou domaines particuliers.

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Mais il ne doit plus en être de même pour ceux » dérivant des contributions publiques, qui sont d'une » nature toute différente des propriétés privées. Tel est > entr'autres le droit de mutation qui se perçoit dans » les successions. La nation ne réclame pas comme » créancière, mais plutôt comme portionnaire d'une partie de cette succession. C'est un prélèvement que » la loi lui adjuge dans cette circonstance; et suivant >> l'article XV de la loi du 22 frimaire an 7, ce prélève» ment doit se faire sur le produit des biens sans dis

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» traction des charges, c'est-à-dire que, pour fixer le » droit de mutation, on évalue la succession sans faire » la distraction des dettes.

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» Or, si la loi soumettoit un pareil droit au régime hypothécaire, ou, ce qui revient au même, si elle exigeoit une inscription pour en assurer le recouvre»ment, il y auroit tout-à-la-fois inconséquence et con» tradiction dans ses dispositions; inconséquence, en » ce que, après avoir dit que le droit sera perçu par

prélèvement, sans distraction des charges, et sans » concours par conséquent avec les créanciers, elle » établiroit ce concours en exigeant une inscription, >> puisque, comme je l'ai déjà remarqué, les inscrip» tions n'ont d'autre objet que de fixer l'ordre dans » lequel les créanciers doivent être payés.

» Il y auroit encore contradiction dans la loi, parce » que, d'un côté, elle auroit voulu exempter le droit » de mutation du régime hypothécaire, et qu'elle l'y >> soumettroit de l'autre.

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» Ce droit est donc une créance privilégiée, un pré» lèvement en faveur de la nation, qui doit être payé, >> soit qu'il y ait des dettes dans la succession, soit » qu'il n'y en ait pas,, et qui, par conséquent, ne peut » être mis sur la ligne d'aucune créance privée, etc. »> Après avoir ainsi démontré que le fisc a un le fisc a un privilége pour les droits de mutation dus par décès, S. Exc. prouve qu'il ne s'éteint pas par l'aliénation des immeubles de la succession; que par conséquent l'acquéreur est responsable des sommes dues; qu'à la vérité on ne peut exécuter le privilége que sur le produit des biens, ainsi que le porte l'article XXXII de la loi du 22 frimaire an 7.

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Du reste, la cour de cassation, par son arrêt du avril 1807, a aussi fait une juste application de ces principes, en décidant que les revenus des immeubles de la succession restoient affectés aux droits de mu> tation, lorsque l'acquéreur n'avoit pas purgé (1) (L'arrêt est rapporté au Répertoire de Jurisprudenc v. Enregistrement, §. 40.)

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XV. Quant aux contributions directes, le privilége du trésor public se trouve définitivement fixé par la loi du 12 novembre 1808, ainsi conçue :

Art. 1er. « Le privilége du trésor public, pour le >> recouvrement des contributions directes, est réglé » ainsi qu'il suit, et s'exerce avant tout autre ;

» 1°. Pour la contribution foncière de l'année échue et » de l'année courante, sur les récoltes, fruits, loyers et >> revenus des biens immeubles sujets à la contribution;

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» 2°. Pour l'année échue et l'année courante des >> contributions mobilières, des portes et fenêtres > de's patentes, et toute autre contribution directe et » personnelle, sur tous les meubles et autres effets mo→ »biliers appartenant aux redevables, en quelque lieu » qu'ils se trouvent.

2. >> Tous fermiers, locataires, receveurs, écono »mes, notaires, commissaires-priseurs et autres dépo » sitaires et débiteurs de deniers provenant du chef des » redevables, et affectés au privilége du trésor public, → seront tenus, sur la demande qui leur en sera faite,

(1) Il en seroit sans doute de même, si le tiers-acquéreur s'étoit borné à faire transcrire son contrat sans faire les notifications prescrites pour purger; car, aux termes de l'article 2182, la transcription seule ne purge pas.

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