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privilége se trouve primé par les inscriptions antérieures; mais d'abord il est évident que cet article ne peut s'appliquer au privilége du vendeur., puisqu'il l'excepte expres sément; en second lieu, la généralité des expressions de notre article 2108 ne permet point de douter que le privilége du vendeur ne se régisse comme les autres priviléges, et qu'il ne remonte par conséquent à sa cause; le vendeur privilégié, dit cet article, conserve son privilége, etc. Or, on ne conserve que ce que l'on a déjà, et si l'on eût voulu ne donner de force au privilége que du jour de la transcription, on n'auroit pas dit: le vendeur privilégié conserve son privilége, mais rend utile son privilége, ou tout autre expression équivalente. Du reste, on peut se convaincre par la lecture de tous les articles de la section IV des Priviléges, que le mot conserver est pris dans l'acception que nous venons de lui donner. Ainsi par exemple, on voit, à l'article 2109, que le co-partageant conserve son privilége par l'inscription; à l'article 2111, que les créanciers et légataires du défunt conservent aussi leur privilége par l'inscription; et cependant, dans tous ces cas, on ne doutera pas que le privilége remonte à sa cause et non au jour de l'inscription. D'ailleurs, qu'on y prenne garde : si l'on admettoit, malgré ces raisons, que le privilége du vendeur n'a de rang que du jour de la transcription, il arriveroit: 1°. qu'on transformeroit en simple hypothèque légale le privilége du vendeur; 2°. qu'on feroit presque toujours dépendre de la volonté de l'acquéreur

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rang du privilége du vendeur, parce que le plus ordinairement ce n'est pas le vendeur qui fait transcrire mais bien l'acquéreur. Or, ce ne peut pas être là l'intention de la loi, elle a donné un privilége au vendeur

et non une hypothèque; elle lui a assuré par l'article 2095 une préférence sur les créanciers même hypothécaires, et elle n'a pu vouloir qu'il dépendît de l'acquéreur d'anéantir ou de réduire cette préférence. Je sais qu'on opposera qu'il résulte de cette opinion un grave inconvénient, et on aura raison; mais on m'accordera aussi qu'il est plutôt dans la loi dans que notre décision. Le vendeur pourra, à la vérité, par une transcription tardive faite dix, vingt ans après la vente, enlever le gage des créanciers qui ont contracté avec l'acquéreur et pris inscription sur un immeuble qu'ils croyoient libre; mais tout cela vient de ce que, dans l'article 2108, on n'a pas, comme dans les suivans donné au vendeur un délai pour faire transcrire. Si on avoit dit, par exemple, comme on l'a fait pour les cohéritiers, les légataires, les créanciers d'une succession, le vendeur conservera son privilége par la transcription du contrat, faite au plus tard dans les deux mois à partir de sa date, il n'y auroit eu nul inconvénient, et tous les principes consacrés par les articles précédens auroient été en harmonie avec celui-ci. Mais reste d'après ce que nous avons dit, que le privilége du vendeur remonte à sa cause, quelle que soit l'époque de la transcription, pourvu qu'elle ne soit pas faite dans les dix jours qui précèdent la faillite du débiteur (1), qu'il prime par conséquent toutes les hypothèques que l'acquéreur auroit établies sur le fonds acquis.

Cependant l'article 834 du Code de Procédure doit faire induire une limitation au droit qu'a le vendeur

(1) Voyez Code de Commerce, liv. III, art. 7, et ce que nous dirons sur l'art. 2146 du Code Napoléon.

de pouvoir toujours requérir la transcription; il porte en effet que les créanciers hypothécaires et privilégiés n'ont le droit de requérir la mise aux enchères, et par conséquent de conserver leurs privilége et hypothèque sur les immeubles aliénés, qu'autant qu'ils ont pris inscription dans la quinzaine de la transcription. A la vérité, le même article ajoute: sans préjudice des autres droits résultans, au vendeur et aux co-héritiers, des articles 2108 et 2109 du Code Civil; mais ces droits ne peuvent pas s'entendre de la faculté qu'a le vendeur de requérir en tout temps la transcription, parce qu'autrement le second acquéreur ne pourroit jamais purger le privilége et qu'en réclamant après la transcription le certificat des inscriptions, il n'y trouveroit pas le vendeur originaire, et seroit dans l'impossibilité de lui faire les notifications prescrites par l'article 2183.

Art. 2109. Le co-héritier ou co-partageant conserve son privilége sur les biens de chaque lot ou sur le bien licité, pour les soulte et retour de lots, ou pour le prix de la licitation, par l'inscription faite à sa diligence, dans soixante jours à dater de l'acte de partage ou de l'adjudication par licitation; durant lequel temps aucune hypothèque ne peut avoir lieu sur le bien chargé de soulte ou adjugé par licitation, au préjudice du créancier de la soulte ou du prix.

I. Pour se faire une idée juste sur la disposition de cet article, il faut examiner séparément le cas où il y a eu partage, et celui où on a licité l'immeuble qui

étoit indivis. Lorsque les co-héritiers ou tous autres copartageans se sont divisé entr'eux les immeubles qui étoient en commun, leurs priviléges respectifs, tels que nous les avons désignés sur l'article 2103, se conservent par une inscription, encore que l'acte de partage ait été fait sous signature privée. C'est ce qu'on doit induire du silence de la loi et de la règle générale ci-dessus établie, que dans le nouveau régime on peut, pour la conservation des priviléges, inscrire et transcrire des actes sous signature privée.

Cette inscription est, suivant notre article, la seule manière de conserver utilement le privilége des co-héritiers ou co-partageans, et il ne paroît point qu'elle pûs être remplacée par la transcription de l'acte de partage. Autrement il faudroit, comme pour le contrat de vente, obliger le conservateur à faire une inscription d'office et certes, leurs fonctions et leur responsabilité sont parlà trop exposées, pour pouvoir arbitrairement ajouter à

la loi.

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II. Lorsque le co-partageant est majeur, il ne peut point y avoir de difficulté sur la personne qui doit requérir l'inscription; elle doit l'être, dit notre article à sa diligence. Mais s'il est mineur, interdit, qui pourvoira à la conservation de son privilége? Notre article ne le dit pas ; mais aussi n'avoit-il pas besoin de le dire. Le tuteur, d'après les principes posés au titre de la Tutelle, doit administrer les biens du mineur en bon père de famille, et par conséquent faire tous les actes conservatoires que son intérêt exige; et s'il ne les faisoit pas, si dans l'hypothèse il ne requéroit pas l'inscription, il seroit personnellement responsable envers le

mineur.

III. Dans le cas où le partage a été fait par une femme en puissance de mari, l'inscription doit être requise par le mari, si elle est mariée sous le régime de la communauté (1), et par elle-même, si elle est séparée de biens (2); le défaut d'inscription de la part du mari le rendroit responsable envers la femme de tous dommages-intérêts.

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IV. L'inscription ainsi prise dans les délais utiles, frappe tous les biens de chaque lot, et par conséquent même ceux que possèdent les co-partageans, autres que ceux qui sont personnellement obligés aux soulte et retour de lots, et on ne pourroit pas empêcher l'exercice du privilége du co-partageant sur ces biens en opposant qu'il en reste d'autres entre les mains du principal obligé également affectés à la dette, parce qu'on verra, par l'article 2171, que l'exception de discussion ne peut être opposée au créancier ayant privilége. Mais aussi le privilége du co-héritier ou copartageant ne s'étend jamais plus loin que les biens qui étoient précédemment en commun; on ne pourroit donc pas l'exercer sur les biens personnels des cohéritiers, et l'inscription qu'on auroit prise à cet effet seroit inutile. Cependant, si le partage avoit été fait en justice, ou s'il résultoit d'un acte authentique dans lequel on auroit déclaré donner hypothèque, on pourroit utilement inscrire et acquérir par-là une hypothèque sur les biens personnels, à dater du jour de l'inscription.

V. Pour que l'inscription profite aux co-partageans, elle doit être faite dans les soixante jours à dater de

(1) Code Napaléon, art. 1428. (2) Ibid., art. 1449 et 1536.

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