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gera tous les amis de l'humanité, mais ne sera terrible que pour les ennemis de la France.

Vainement l'EMPEREUR offrait la paix à l'Angleterre, au milieu de la terreur dont il l'avait frappée, au milieu des prodiges qu'il créait chaque jour, pour rendre au pavillon français son ancienne gloire. Le ministre britanniqué, bien loin d'accepter cette offre, après avoir soudoyé des assassins, épuisé tous les moyens de livrer de nouveau la France aux horreurs de l'anarchie, vient de séduire, par son or et ses intrigues, deux gouvernements dont les intérêts sont étrangers à ses querelles, ou plutôt pareils aux nôtres relativement à la liberté des mers, que l'EMPEREUR DES FRANÇAIS veut rétablir, et que l'Angleterre ne cesse d'opprimer.

Si les passions n'eussent pas aveuglé l'Autriche et la Russie, le rôle qu'elles avaient, à remplir était si noble et si facile; elles pouvaient en s'efforçant de contribuer au retour de la paix, se déclarer contre l'absurde système des blocus, proclamer une seconde fois les principes de cette neutralité armée, qui fit tant d'honneur à quel

souverains pendant la guerre de l'indépendance de l'Amérique, principes fondés sur les droits des nations, et qu'une des puissances du Nord n'a pu réclamer depuis cette époque, qu'en éprouvant la vengeance des ennemis de la liberté des mers. Il était temps sans doute de les promulguer solennellement et de mettre un terme à l'orgueilleuse prétention d'un Etat de se réserver pour lui seul ce qui est la propriété de tout le genre humain; et quand un si grand intérêt était d'une telle évidence, comment a-t-on pu le méconnaître au point, non-seulement de l'abandonner, mais encore de s'unir contre la seule puissance qui voulût le défendre!

Le gouvernement autrichien, qu'on a vu deux fois près de sa ruine, et deux fois épargné par le vainqueur, ose s'exposer à retomber dans l'abîme dont il vient de sortir. Insensible aux vœux de tous les autres Etats germaniques, il livre aux calamités de la guerre des pays qui, de toutes parts, offrent encore les traces de ses ravages; il rassemble toutes ses forces, il les dirige vers la France et l'Italie; il ose dire qu'il arme pour le maintien de la paix. Quel avantage a-t-il pu se promettre de ce langage dérisoire? A-t-il pu présumer que les Français attendraient au sein de leur patrie ces armées prétendues pacifiques, ces négociateurs d'une espèce inconnue jusqu'à ce jour, qui, le glaive à la main, viendraient leur dicter des ordres?

Enfin, sans provocation de la part de l'électeur de Bavière, sans la moindre apparence de motifs légitimes, le gouvernement autrichien vient d'envahir une partie de ses Etats. Il ne s'est donc pas borné à des menaces que notre Empereur a dédaignées il attaque nos alliés; il a donc commencé la guerre !

:

Que les maux qui vont être la suite de ce cruel fléau retombent sur ses auteurs! Ils frémissent maintenant, sans doute, des conséquences de leur entreprise, et leurs regards inquiets ne se portent Sir l'avenir que pour apercevoir des malheurs ! Conbien notre situation est différente! Pour nous, toubs les vraisemblances sont en faveur du succès.

Les lus belles armées de l'univers, qui ont le sentimet de leur force, l'enthousiasme de l'honneur fra çais, l'habitude de la victoire; un peuple que se dissensions ont rendu plus énergique; toutes les essources de la nature, des sciences et des arts dirées par Napoléon: comment, quels

que soient les hasards des combats, redouter l'issue de cette guerre?

Le courage de nos guerriers a produit les plus brillants triomphes quand la France était déchirée par des troubles intérieurs: que n'obtiendra-t-il pas maintenant, que tous les citoyens de l'Empire ne peuvent avoir qu'une volonté!

On parle d'ambition, d'accroissement de puissance; mais ces reproches ne s'appliquent-ils pas à la rapidité des progrès de la domination britannique dans la plus riche contrée du monde; au machiavélisme des moyens dont elle fait usage pour y détruire les Etats qui n'ont pas encore perdu leur indépendance? Ces reproches ne s'appliquentils pas à l'empire russe, trois fois plus étendu que le territoire de tous les Etats de l'Europe, qui chaque jour multiplie ses envahissements, qui menace les pays policés d'un nouveau déluge des peuples barbares soumis à son pouvoir, et qu'il arme de toutes les ressources de la civilisation?

La France doit son salut à son illustre chef. Nul homme, quelles qu'aient été ses opinions ou sa conduite politique dans le cours de nos divisions précédentes, ne saurait nier qu'il a pu seul poser une digue insurmontable aux fureurs des factions. Nous lui devons la conservation de tout ce qui nous est cher: et ses ennemis s'abuseraient au point de croire que lorsque, renonçant, après tant de glorieux exploits, aux douceurs du repos, il va se mettre à la tête de ses armées, 1 es Français pourraient être les froids spectateurs de ses efforts! Ah! qu'ils reconnaissent enfin leurs funestes illusions; l'expérience ne tardera pas à leur apprendre que nos troupes continueront de mériter notre reconnaissance au delà des frontières. Tous les Français restés dans l'intérieur les seconderont par leurs vœux, par leurs sacrifices, par leur zèle à maintenir le bon ordre et l'exécution des lois. Quelques nombreuses que soient les armées de cet Empire, elles ne renferment pas tous nos guerriers; et s'il était possible que des succès momentanés permissent aux ennemis de faire un pas sur notre territoire, ils trouveraient autant de soldats que de citoyens.

Ces sentiments sont si conformes au caractère de notre nation, qu'il n'est besoin d'aucun effort pour les répandre mais s'il pouvait être utile de les propager, qui plus que vous, Tribuns, s'empresserait d'employer toute son influencé pour éclairer le peuple sur ses intérêts et sur ses devoirs? Qui plus que vous a le droit d'exciter son zèle, sa fidélité et sa reconnaissance envers notre auguste Empereur ?

M. le Président fait la réponse suivante :
MM. les orateurs du Conseil d'Etat,

La postérité aura de la peine à croire que tandis que nous combattions pour l'indépendance des mers et la liberté du commerce de tous les peuples, l'empereur d'Autriche et celui de Russie aient voulu faire une diversion en faveur de l'ennemi commun, se coaliser avec lui, contre la foi des traités et contre leurs propres intérêts, et nous déclarer la guerre la plus injuste et la plus absurde.

Cette agression inopinée est le triste résultat de l'ancienne haine qu'a vouée à la France la cour de Vienne, et de l'or corrupteur de celle de SaintJames.

Sans doute elle produira l'effet de diviser nos forces, et de suspendre pour un temps les vastes projets que le génie du grand Napoléon allait enfin exécuter contre le gouvernement anglais.

Mais l'insigne déloyauté de la cour de Vienne recevra bientôt sa juste punition, et le monarque

ture magnanime a été repoussée. On ne pouvait alors concevoir les motifs cachés du refus de la paix; mais enfin nous avons le mot de cette enigme politique: on voit que la cour de SaintJames n'a pas voulu la paix que lui offrait notre EMPEREUR, parce que dès ce moment-là même, elle avait l'espérance d'une diversion qui écarterait de son ile le fléau de la guerre, et qui renverserait les calamités qu'elle entraîne sur les peuples du continent.

Comment cette affreuse espérance s'est-elle donc réalisée ?

Il est une puissance qui a toujours, depuis deux siècles, troublé le repos de l'Europe. Un de ses premiers traits dans l'histoire moderne fut de déchirer l'Allemagne par une guerre de trente ans. Tous les moyens de s'agrandir lui ont été indifférents. Entre autres exemples sinistres, elle a donné celui d'appeler au Midi des torrents de barbares, qu'une politique plus sage n'avait jamais laissés sortir des limites du Nord. Ayant rêvé longtemps la monarchie universelle, elle a englouti des royaumes, et son ambition n'en a pas été assouvie. Toujours jalouse de nos rois, elle leur fut bien moins funeste par sa rivalité que par son alliance. Armée contre la République, elle à voulu l'anéantir et démembrer son territoire. La République généreuse a pourtant arrondi le sien, dont les possessions éparses avaient été consolidées pour la première fois par le traité de Lunéville. Tant d'Etats réunis lui faisaient enfin une masse homogène et immense; mais la Bavière lui manquait, la Bavière qu'elle a déjà plusieurs fois envahie et n'a jamais pu con

server.

C'est à cette puissance que s'est adressée l'Angleterre; c'est l'usurpation de l'électorat de Bavière qu'on a fait briller à ses yeux. C'est au moyen d'un tel appât qu'une cour imprudente a consenti à vendre aux querelles d'autrui le sang de ses sujets. C'est pour un peu d'argent qu'elle a bien voulu se charger de tous les torts de l'Angleterre, et c'est pour sauver l'Angleterre que l'Allemagne est écrasée par son propre Empe

reur.

êtes empressés de placer au bas du manifeste impérial le témoignage motivé de l'assentiment unanime de tous les membres du Sénat. En s'adressant à vous, Messieurs, S. M. I. a parlé au peuple français. Vous avez répondu au nom de ce grand peuple. Votre décret sera scellé par son suffrage et par ses acclamations. Il le sera surtout par l'exécution facile et spontanée de ces mesures de prudence que l'Empereur a cru devoir vous proposer de revêtir de votre sanction. Les sénatus-consultes dont les projets vous sont soumis ne sont qu'un appel régulier au patriotisme, à l'honneur, et à la bravoure des Français.

Vous avez entendu, Messieurs, dans la séance impériale tenue hier matin, la révélation de cet incroyable mystère, enseveli depuis neuf mois. dans les profondeurs ténébreuses d'une diplomatie qui s'est crue bien adroite, parce qu'elle a pu réussir à en imposer un moment à la candeur d'une grande âme. Elle épiait l'instant où les flots de la mer devaient apporter bientôt César et sa fortune et pendant qu'elle prodiguait des protestations de paix, elle faisait entrer les Russes sur ses terres, et ses propres troupes entraient sans déclaration sur les terres d'un Electeur qui est un de nos alliés.

Patriotisme! honneur! bravoure! idoles de la nation! sources constantes de sa gloire! ressorts puissants de son génie! mobiles de tous ses succès! Celui qui vous réclame est ce même héros dont le premier mérite, parmi tant d'autres qualités, a été d'avoir su connaître l'esprit national. Ah! c'est à lui surtout qu'il appartient de l'invoquer. A cette voix toute-puissante, se répétera le prodige dont se vantait jadis ce célèbre Romain à qui il suffisait de frapper la terre du pied pour en faire sortir des légions.

Vous vous ressouvenez, Messieurs, que trèslongtemps notre EMPEREUR a refusé de croire à tant de perfidie; il disait hautement qu'elle lui semblait impossible, et qu'il mettrait sa gloire à être pris au dépourvu. Paroles mémorables, que l'histoire doit recueillir! elles n'ont été que trop vraies; mais ceux qui s'applaudissent d'avoir cru tromper l'EMPEREUR se sont bien plus trompés eux-mêmes. De fausses notions sur l'état de la France ont pu les aveugler; mais qu'ils seront désabusés! J'en atteste, Messieurs, l'émotion profonde avec laquelle vous avez tous entendu dans cette enceinte, et le discours de l'EMPEREUR, et le rapport de son ministre, et les communications qui ont rendu cette séance si remarquable et si auguste. Dès hier, vous vous

N'en doutons pas, Messieurs, elle retentira dans tous les coeurs français, cette phrase sublime prononcée hier par l'EMPEREUR. Oui! le peuple français voudra toujours être ce qu'il était, lorsque, sur un champ de bataille, le premier il le salua du nom de Grand Peuple.

Messieurs, votre commission spéciale m'a chargé de vous proposer d'adopter les deux projets de sénatus-consultes.

Les deux projets de sénatus-consultes sont mis aux voix et adoptés.

Voy. le texte. Sénat conservateur, 1er vendémiaire an XIV.

La séance est levée.

TRIBUNAT.

PRÉSIDENCE DE M. FABRE (de l'Aude). Séance secrète du 2 vendémiaire an XIV (mardi 24 septembre 1805).

M. le Président annonce qu'il a reçu ce matin, à trois heures, de M. le ministre secretaire d'Etat, la lettre dont la teneur suit :

A Saint-Cloud, le 1er vendémiaire an XIV. Monsieur le président, j'ai l'honneur de vous annoncer que des orateurs du Conseil d'Etat se rendront demain mardi, à cinq heures après midi, au Tribunat, pour y faire une communication au nom de S. M. L'EMPEREUR.

L'Empereur désire que cette séance ne soit pas publique.

Veuillez agréer, Monsieur le président, les assu rances de ma plus haute considération.

Signé HUGUES-BERNARD MARET. Les orateurs du Conseil d'Etat sont introduits. M. Mounier, l'un d'eux, s'exprime ainsi : Tribuns, nous sommes chargés par l'EMPEREUR et Roi de vous donner communication du discours que S. M. a prononcé hier au Sénat, de l'exposé de la conduite réciproque de la France et de l'Autriche depuis la paix de Lunéville, et des causes de la guerre présente.

L'orateur du Conseil d'Etat fait, en conséquence, lecture des pièces suivantes :

Ces pièces ont été imprimées dans la séance du Sénat, du 1er vendémiaire).

L'orateur du Conseil d'Etat continue en ces termes :

Tribuns, vous venez de l'entendre; la guerre a commencé sur le continent. Cet événement affli

gera tous les amis de l'humanité, mais ne sera terrible que pour les ennemis de la France.

Vainement l'EMPEREUR offrait la paix à l'Angleterre, au milieu de la terreur dont il l'avait frappée, au milieu des prodiges qu'il créait chaque jour, pour rendre au pavillon français son ancienne gloire. Le ministre britannique, bien loin d'accepter cette offre, après avoir soudoyé des assassins, épuisé tous les moyens de livrer de nouveau la France aux horreurs de l'anarchie, vient de séduire, par son or et ses intrigues, deux gouvernements dont les intérêts sont étrangers à ses querelles, ou plutôt pareils aux nôtres relativement à la liberté des mers, que l'EMPEREUR DES FRANÇAIS Veut rétablir, et que l'Angleterre ne cesse d'opprimer.

Si les passions n'eussent pas aveuglé l'Autriche et la Russie, le rôle qu'elles avaient, à remplir était si noble et si facile; elles pouvaient en s'efforçant de contribuer au retour de la paix, se déclarer contre l'absurde système des blocus, proclamer une seconde fois les principes de cette neutralité armée, qui fit tant d'honneur à quelques souverains pendant la guerre de l'indépendance de l'Amérique, principes fondés sur les droits des nations, et qu'une des puissances du Nord n'a pu réclamer depuis cette époque, qu'en éprouvant la vengeance des ennemis de la liberté des mers. Il était temps sans doute de les promulguer solennellement et de mettre un terme à l'orgueilleuse prétention d'un Etat de se réserver pour lui seul ce qui est la propriété de tout le genre humain; et quand un si grand intérêt était d'une telle évidence, comment a-t-on pu le méconnaître au point, non-seulement de l'abandonner, mais encore de s'unir contre la seule puissance qui voulût le défendre!

Le gouvernement autrichien, qu'on a vu deux fois près de sa ruine, et deux fois épargné par le vainqueur, ose s'exposer à retomber dans l'abîme dont il vient de sortir. Insensible aux vœux de tous les autres Etats germaniques, il livre aux calamités de la guerre des pays qui, de toutes parts, offrent encore les traces de ses ravages; il rassemble toutes ses forces, il les dirige vers la France et l'Italie; il ose dire qu'il arme pour le maintien de la paix. Quel avantage a-t-il pu se promettre de ce langage dérisoire? A-t-il pu présumer que les Français attendraient au sein de leur patrie ces armées prétendues pacifiques, ces négociateurs d'une espèce inconnue jusqu'à ce jour, qui, le glaive à la main, viendraient leur dicter des ordres?

Enfin, sans provocation de la part de l'électeur de Bavière, sans la moindre apparence de motifs légitimes, le gouvernement autrichien vient d'envahir une partie de ses Etats. Il ne s'est donc pas borné à des menaces que notre Empereur a dédaignées il attaque nos alliés; il a donc commencé la guerre!

Que les maux qui vont être la suite de ce cruel fléau retombent sur ses auteurs! Ils frémissent maintenant, sans doute, des conséquences de leur entreprise, et leurs regards inquiets ne se portent sar l'avenir que pour apercevoir des malheurs ! Conbien notre situation est différente! Pour nous, toubs les vraisemblances sont en faveur du succès.

Les lus belles armées de l'univers, qui ont le sentimet de leur force, l'enthousiasme de l'honneur fra çais, l'habitude de la victoire; un peuple que se dissensions ont rendu plus énergique; toutes les essources de la nature, des sciences et des arts ditées par Napoléon: comment, quels

que soient les hasards des combats, redouter l'issue de cette guerre?

Le courage de nos guerriers a produit les plus brillants triomphes quand la France était déchirée par des troubles intérieurs: que n'obtiendra-t-il pas maintenant, que tous les citoyens de l'Empire ne peuvent avoir qu'une volonté !

On parle d'ambition, d'accroissement de puissance; mais ces reproches ne s'appliquent-ils pas à la rapidité des progrès de la domination britannique dans la plus riche contrée du monde; au machiavélisme des moyens dont elle fait usage pour y détruire les Etats qui n'ont pas encore perdu leur indépendance? Ces reproches ne s'appliquentils pas à l'empire russe, trois fois plus étendu que le territoire de tous les Etats de l'Europe, qui chaque jour multiplie ses envahissements, qui menace les pays policés d'un nouveau déluge des peuples barbares soumis à son pouvoir, et qu'il arme de toutes les ressources de la civilisation?

La France doit son salut à son illustre chef. Nul homme, quelles qu'aient été ses opinions ou sa conduite politique dans le cours de nos divisions précédentes, ne saurait nier qu'il a pu seul poser une digue insurmontable aux fureurs des factions. Nous lui devons la conservation de tout ce qui nous est cher: et ses ennemis s'abuseraient au point de croire que lorsque, renonçant, après tant de glorieux exploits, aux douceurs du repos,. il va se mettre à la tête de ses armées, 1 es Français pourraient être les froids spectateurs de ses efforts! Ah! qu'ils reconnaissent enfin leurs funestes illusions; l'expérience ne tardera pas à leur apprendre que nos troupes continueront de mériter notre reconnaissance au delà des frontières. Tous les Français restés dans l'intérieur les seconderont par leurs vœux, par leurs sacrifices, par leur zèle à maintenir le bon ordre et l'exécution des lois. Quelques nombreuses que soient les armées de cet Empire, elles ne renferment pas tous nos guerriers; et s'il était possible que des succès momentanés permissent aux ennemis de faire un pas sur notre territoire, ils trouveraient autant de soldats que de citoyens.

Ces sentiments sont si conformes au caractère de notre nation, qu'il n'est besoin d'aucun effort pour les répandre: mais s'il pouvait être utile de les propager, qui plus que vous, Tribuns, s'empresserait d'employer toute son influence pour éclairer le peuple sur ses intérêts et sur ses devoirs? Qui plus que vous a le droit d'exciter son zèle, sa fidélité et sa reconnaissance envers notre auguste Empereur?

M. le Président fait la réponse suivante :
MM. les orateurs du Conseil d'Etat,

La postérité aura de la peine à croire que tandis que nous combattions pour l'indépendance des mers et la liberté du commerce de tous les peuples, l'empereur d'Autriche et celui de Russie aient voulu faire une diversion en faveur de l'ennemi commun, se coaliser avec lui, contre la foi des traités et contre leurs propres intérêts, et nous déclarer la guerre la plus injuste et la plus absurde.

Cette agression inopinée est le triste résultat de l'ancienne haine qu'à vouée à la France la cour de Vienne, et de l'or corrupteur de celle de SaintJames.

Sans doute elle produira l'effet de diviser nos forces, et de suspendre pour un temps les vastes projets que le génie du grand Napoléon allait enfin exécuter contre le gouvernement anglais.

Mais l'insigne déloyauté de la cour de Vienne recevra bientôt sa juste punition, et le monarque

que la France a pu deux fois dépouiller sans retour de plus de moitié de ses Etats héréditaires, ne tardera point à se repentir d'avoir renouvelé la guerre continentale par des motifs étrangers aux véritables intérêts de l'empire germanique, et au mépris des traités solennels qui avaient rétabli sa paix sur le continent.

MM. les orateurs du Conseil d'Etat, le Tribunat, qui sent tout le prix de l'indépendance et de la considération de la nation française, va réunir tous ses efforts et user de toute son influence pour les conserver dans leur intégrité.

En vain nos ennemis chercheraient-ils à exciter dans l'intérieur de la France des divisions et des troubles: la nation n'a qu'une seule pensée, celle de ne pas déchoir du rang auquel ses hautes destinées l'ont appelée : elle veut assurer à l'Europe la liberté des mers et du commerce; animée d'un enthousiasme égal à un si grand intérêt, elle ne souffrira point que nos braves armées manquent un seul instant d'aucun des moyens de subsister et de vaincre.

Conduites par le génie et l'étoile de Bonaparte, elles vont se couvrir de nouveaux lauriers et venger avec éclat l'honneur national traitreusement offensé.

Le Tribunat vous donne acte de la lecture et de la remise sur le bureau du décret impérial qui contient votre mission, des pièces relatives à la communication que vous venez de lui faire au nom de S. M. l'Empereur et Roi, et du discours que vous avez prononcé à ce sujet.

Les orateurs du Conseil d'Etat se retirent.

Le Tribunat ordonne que le discours prononcé par l'orateur du Conseil d'Etat et la réponse qui lui a été faite par son président, seront insérés au procès-verbal.

Les pièces déposées sur le bureau sont renvoyées à l'examen d'une commission, qui en fera son rapport incessamment.

Cette commission est composée du président, de deux secrétaires; de MM. Faure, président de la section de législation; Arnauld, président de celle des finances; Jard-Panvilliers, questeur; Jaubert, Fréville, Leroy, Julié et Carrion-Nisas.

M. le Président annonce que les pièces relatives à la communication qui a été faite au Tribunat, au nom de S. M. l'Empereur et Roi, devant être rendues publiques, il n'existera plus dès lors de motif pour que cette séance reste secrète; le procès-verbal en sera donc lu au commencement de la séance d'après-demain, et les orateurs qui désirent d'exprimer leur opinion sur la communication de S. M., pourront être entendus dans cette séance, après que le rapport de la commission aura été fait.

La séance secrète est levée, et la séance publique indiquée pour le 4 vendémiaire, une heure après midi.

TRIBUNAT.

PRÉSIDENCE DE M. FABRE (de l'Aude). Séance du 4 vendémiaire an XIV (jeudi 26 septembre 1805).

Le procès-verbal de la dernière séance publique du 6 germinal est lu et adopté.

Un secrétaire fait lecture de la correspondance. MM. Riffé Caubray et Delaporte, jurisconsultes, font hommage au Tribunat des 8, 9, 10, 11 et 126 volumes des Pandectes françaises, ou Recueil complet de toutes les lois en vigueur, avec des observations, formant un traité substantiel et succinct de chaque matière.

M. Crosilhes, avocat et juge suppléant fait hommage d'un ouvrage en 13 volumes, ayant pour titre : Recueil des lois de la République française, concernant l'ordre judiciaire, depuis l'année 1790 jusqu'au 15 floréal an XII.

M. Debray, imprimeur du Musée Napoléon, fait hommage d'un ouvrage dont il est un des éditeurs, ayant pour titre : Histoire du couronnement, ou Relation des cérémonies religieuses, politiques et militaires qui ont eu lieu pour le sacre de Sa Majesté Impériale; ouvrage enrichi de sept belles gravures, etc.

Les descendants de Pierre-Paul Riquet de Bonrepos font hommage d'un ouvrage ayant pour titre Histoire du canal de Languedoc, rédigée sur les pièces authentiques conservées à la Bibliothèque impériale et aux archives du canal.

M. Félix Faulcon, de l'Institut national, fait hommage d'un ouvrage ayant pour titre : Voyages et Opuscules.

Le Tribunat accepte ces différents hommages, en ordonne la mention au procès-verbal et le dépôt des ouvrages à sa bibliothèque.

M. TARRIBLE, tribun. Messieurs, je suis chargé de vous présenter l'hommage d'un livre ayant pour titre Conférences du Code civil, avec la discussion particulière du Conseil d'Etat et du Tribunat.

Cet ouvrage offre la réunion rare autant que précieuse d'une très-grande utilité, avec l'extrême modestie de son auteur.

Du milieu d'un amas confus de lois étrangères, de coutumes vieillies, de plans nouveaux, de projets, d'observations et de critiques, on a vù le Code civil s'élever majestueusement et donner une loi uniforme aux nations et aux siècles.

Les magistrats, les jurisconsultes et tous ceux qui, par état ou par choix, se livrent à l'étude de cette grande loi, sentent le besoin de pénétrer dans les discussions vastes et profondes, où les éléments qui devaient la composer ont été agités, choisis et élaborés, où l'on voit la lumière jaillir du choc des opinions, où la pensée du législateur se montrant tout entière sous cent formes différentes, peut être saisie par tous les points.

Mais, par un effet inévitable de l'action simultanée de divers coopérateurs, le même sujet a été tour à tour interrompu, repris et renvoyé de nouveau; aussi les discussions relatives à un même article se trouvent disséminées dans toute l'étendue d'un ouvrage très-volumineux, et il est d'autant plus difficile d'en suivre le fil que les numéros indicateurs des articles d'un titre ont subi des variations continuelles et ont fini par être refondus dans une série générale et différente des premiers.

Un travail ayant pour objet de retracer tous les articles du Code civil dans leur ordre actuel, de coordonner toutes les discussions du Conseil d'Etat éparses dans cinq volumes, de les réunir et de les placer séparément sous chacun des articles auquel elles se reportent un pareil travail, dis-je, ne pouvait qu'être infiniment précieux; mais il n'atteignait pas encore le dernier degré de perfection dont il était susceptible.

On trouve fréquemment des différences ente la rédaction définitive proposée au Tribunat, et celle présentée au Corps législatif, sans que les raisons de ces changements soient toujours xpliquées.

Ces raisons restaient cachées sous le vale qui couvrait les communications officieuses aites au Tribunat, et les conférences particulires de ce corps avec le Conseil d'Etat.

la haute considération avec laquelle j'ai l'honneur de vous saluer.

Il était nécessaire, pour l'intelligence parfaite de la loi, de soulever ce voile et de suivre pas à pas, dans toutes leurs sinuosités, les discussions qui ont amené la rédaction de chaque article, telle qu'elle est présentée dans le Code.

C'est ce qu'a fait l'auteur du livre qui vous est offert. Il a tù son nom; mais il ne vous dérobera pas l'ordre, la netteté, l'exactitude, et surtout la sage réserve qui règnent dans son ouvrage. Persuadé, comme il l'a dit dans sa préface, qu'il ne peut y avoir de meilleur interprète d'une loi que le législateur lui-même, il n'a inséré dans son livre que le pur texte des discussions émises dans le sein du Conseil d'Etat et du Tribunat. Il n'y mêlé aucune réflexion ni personnelle ni étrangère. Il s'est contenté de l'enrichir d'une table trèsétendue, qui mettra les lecteurs à portée de rccueillir sans effort le fruit de ses longues et laborieuses recherches.

Il vous sera permis, Messieurs, d'accueillir avec quelque faveur l'hommage d'un livre qui est, en partie, votre propre ouvrage, et qui fera connaitre avec quel zèle, avec quelle application et avec quelle intelligence vous avez mis la dernière main au grand édifice de la législation civile.

Je propose la mention de cet ouvrage au procès-verbal, et le dépôt de l'ouvrage à la bibliothèque du Tribunat.

Ces propositions sont adoptées.

M. Challan présente un ouvrage de M. Girardin père, sur la composition des paysages, et dit : Messieurs, l'ouvrage qui vous est présenté par M. Girardin, père d'un de nos estimables collègues, est celui d'un homme de goût, qui conserve à la végétation toute sa liberté, et ne dispose de son excès que pour le faire contribuer à la salubrité.

Toutefois l'ouvrage n'offrirait peut-être à quelques esprits qu'un but d'agrément, si des jouissances d'un beau site, M. Girardin ne conduisait à la jouissance des bonnes œuvres; c'est dans l'ouvrage même qu'il faut suivre la marche de l'auteur elle est dirigée par la loi de la nature ou de subsistance, et par la loi civile ou de propriété.

De ces deux principes, M. Girardin tire une foule de conséquences relatives à la police rurale, à l'impôt et aux routes; il propose de réduire le nombre et la proportion de ces dernières, et de simplifier leur construction. Il croit que leur direction absolue en ligne droite est une erreur qui multiplie de beaucoup la dépense sans ajouter à la facilité du roulage. Il cite des exemples, d'après lesquels il essaye de démontrer les inconvénients qui résultent des efforts qu'il faut faire pour franchir un long espace montueux.

Les réflexions de l'auteur sont rapides, méthodiques, et leur sagesse rend l'ouvrage digne d'être placé dans la bibliothèque du Tribunat.

Je demande pour lui ce dépôt et la mention au procès-verbal.

Cette proposition est adoptée.

Un secrétaire donne lecture de la lettre suivante :

Paris, 28 messidor an XIII. Monsieur le président, j'ai l'honneur de vous informer que Sa Majesté vient de m'appeler à son Conseil d'Etat. Ce choix m'apprend tout ce que je dois aux bontés dont MM. les membres du Tribunat m'ont comblé. L'honneur de leur appartenir et leur bienveillance ont été mes seules recommandations. Oserai-je vous prier d'être auprès du Tribunat l'interprète de mon respect et de ma reconnaissance?

Agréez, Monsieur le président, l'hommage de

Signé DARU.

La mention au procès-verbal est ordonnée. M. le Président. Je crois devoir rappeler dans ce moment, que des orateurs du Conseil d'Etat sont venus le 2 de ce mois, d'après les ordres de SA MAJESTÉ L'EMPEREUR ET ROI, faire au Tribunat, réuni en comité général et secret, la communication du discours que Sa Majesté avait prononcé la veille au Sénat, de l'exposé de la conduite réciproque de la France et de l'Autriche, depuis la paix de Lunéville, et des causes de la guerre présente.

Les pièces relatives à cette communication ayant été rendues publiques, il n'existe dès lors aucun motif pour que la séance du 2 de ce mois demeure plus longtemps secrète.

L'un des secrétaires va donc faire lecture du procès-verbal de cette séance, dont la rédaction doit être soumise à votre approbation.

Je donnerai ensuite la parole au rapporteur de la commission, nommée dans la séance secrète du 2 de ce mois, et successivement à tous les tribuns qui se sont inscrits pour émettre leur opinion sur la communication qui vous a été faite par SA MAJESTÉ L'EMPEREUR ET ROI.

Un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la séance secrète. La rédaction en est adoptée. On demande l'impression du discours prononcé par les orateurs du Gouvernement, et de la réponse de M. le président.

L'impression en est ordonnée.

Au nom de la commission spéciale formée dans la séance secrète, et composée de MM. Fabre (de l'Aude), président du Tribunat; Tarrible et Duvidal, secrétaires; Faure, président de la section de législation; Girardin, président de celle de l'intérieur; Jard-Panvilliers, questeur; Jaubert, Fréville, Leroi, Jubé et Carrion-Nisas, M. Fréville, rapporteur de la commission, paraît à la tribune, et présente le rapport suivant.

M. Fréville. Messieurs, si, à l'époque où les acclamations de l'Europe ratifiaient le traité de Lunéville, on vous cut dit: Ce monument des plus brillantes victoires, des négociations les plus habiles, doit à peine subsister quatre années, vous auriez rejeté avec impatience cette sinistre prédiction. Vous vous scriez écriés : Le vainqueur n'a-t-il pas donné les plus hautes preuves de modération et de sagesse? n'a-t-il pas su combiner les avantages dont il ne devait pas se dessaisir avec les compensations les plus satisfaisantes pour une puissance que la victoire avait si peu favorisée? Si l'on eût insisté en vous affirmant que la même puissance, tant maltraitée dans les combats, tant épargnée par les traités, oserait rallumer les torches de la guerre, vous n'eussiez trouvé dans cette supposition qu'un motif de plus pour tenir à une honorable incrédulité, car la sagacité des hommes d'Etat consiste à bien apprécier les véritables intérêts des gouvernements, mais non à prévoir tous les écarts des passions les plus extravagantes.

Cependant, Messieurs, cette douce persuasion n'a pu subsister dans toute sa force qu'à l'instant même où la paix venait d'être signée. Bientôt diverses démarches de l'Autriche ont autorisé à croire qu'elle pourrait bien préférer aux conseils d'une saine politique les suggestions d'une haine invétérée. Vous l'avez vue, Messieurs, se déceler dans mille circonstances, par des mesures malveillantes, par des procédés presque hostiles; vous avez retrouvé vos propres observations dans le tableau si fidèlement tracé par le ministre des re

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