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dépendance légitime de la république Ionienne. I Elle ne veut pas mettre un prix à la séparation des couronnes d'Italie et de France, et c'est pour cela même qu'elle en détermine l'époque, pour ne pas l'exposer un jour à s'entendre proposer l'alternative offensante de la séparation des couronnes, ou de la guerre; car alors le soin de sa dignité lui imposerait de faire prévaloir la voix de l'honneur sur le vœu même de l'humanité.

La générosité est un sentiment qui, dans les ames élevées, s'associe toujours à une sorte de délicatesse jalouse. Renoncer à une couronne, dissoudre soi-même ces liens de dépendance et de fidélité, d'autant plus flatteurs qu'ils sont un résultat légitime et comme un mouvement consacré d'une grande gloire acquise, par des efforts heureux de courage et de génie, abdiquer enfin le suprème pouvoir, est une détermination assez grande pour qu'on ait le droit de vouloir que rien n'altère la satisfaction noble et pure de l'avoir prise, par la simple et libre impulsion d'une disposition magnanime et modérée.

Et la France, sur qui doit rejaillir l'éclat d'une telle modération, ne peut que sentir avec orgueil et reconnaissance toute la grandeur de la position à laquelle Votre Majesté l'élève. Cette noble détermination l'honore et l'agrandit autant et plus que la plus brillante conquête. Elle peut se dire et dire à l'Univers, qu'ainsi que l'Océan, elle a vu poser les bornes de sa puissance et les limites de l'ascendant de son souverain, dans ses propres lois, dans la mesure de ses droits, dans la règle de ses intérêts, et non pas dans de vaines digues qui pourraient être élevées par les prétentions de la jalousie, de la susceptibilité et de la haine.

L'avenir, le passé, sont pour la malveillance un texte inépuisable de mensonges; elle calomnie par de vains présages, elle calomnie par de vaines comparaisons. N'a-t-elle pas souvent affecté d'abuser de l'éclat des victoires de Votre Majesté, en exagérant leurs résultats? N'a-t-elle pas cherché à répandre l'alarme en rappelant la gloire, le nom et la destinée d'Alexandre et de Charlemagne? Frivoles et trompeuses analogies! Charlemagne n'a eu ni successeurs ni voisins; son empire ne lui a pas survécu; il fut partagé, et il devait l'être. Charlemagne a été conquérant et non pas fondateur. Les fondateurs gouvernent pendant leur vie et ensuite pendant des siècles. Charlemagne vivait à une époque où l'esprit bumain, affaibli par l'ignorance, ne pouvait se porter sur l'avenir.

Alexandre, en reculant sans cesse les limites de ses conquêtes, ne fit que se préparer des funérailles sanglantes; la grande, l'héroïque pensée de la succession n'entra jamais dans son esprit; Charlemagne, Alexandre, léguèrent leur empire à l'anarchie.

Comme ces grands hommes, nous avons vu Votre Majesté porter avec rapidité ses armes en Europe et en Asie; son activité, comme la leur, a su embrasser en peu de temps la plus vaste étendue et franchir les plus grandes distances. Mais dans ses plus glorieuses expéditions et dans ses plus hardies entreprises, a-t-elle été entraînée par une passion vague et indéfinie de dominer et d'envahir? Non, sans doute, et l'histoire l'a déjà inserit dans ses fastes dès le début de sa noble carrière, Votre Majesté voulut rappeler la France à des idées d'ordre, et l'Europe à des idées de paix. Elle vit avec horreur une guerre qui menaçait de ramener la barbarie, et avec effroi, une révolution qui couvrait la France de

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deuil, de destruction et de débris; et elle crut que la Providence l'avait suscitée pour mettre un terme à ces deux grandes calamités en Italie, elle a vaincu pour réconcilier l'Allemagne avec la France; elle est allée vaincre en Asie, pour attendre le temps où elle pourrait en revenir triomphante, et à son retour réconcilier la France avec elle-même. Telles ont été les vues, telle a été la noble ambition de Votre Majesté.

Et agissant toujours d'après l'impulsion d'un caractère incapable de se démentir, aujourd'hui, en organisant un Etat nouveau, Votre Majesté est occupée du désir de manifester encore à tous les peuples ses principes de stabilité, de conservation et de justice, et en même temps elle donne à la paix future un gage généreux de ses invariables dispositions.

J'ose l'assurer à Votre Majesté, quelque effort que l'on puisse faire pour égarer l'opinion, cet irrésistible penchant qui entraîne tous les esprits vers la gloire des nobles actions, et qui attache tous les cœurs par l'enthousiasme qu'inspirent les grands sacrifices, triomphera de toutes les mécréances. La France, l'Italie vous chérissent comme fondateur de leurs lois et comme défenseur de leurs droits et de leur puissance; l'Europe révère en vous le conservateur de ses intérêts, et pourquoi craindrais-je de le dire, un jour viendra où l'Angleterre même, vaincue par l'ascendant de votre modération, abjurera ses haines, et, à l'exemple de tous les peuples contemporains, ne manifestera plus envers vous que le sentiment de l'estime, de l'admiration et de la reconnaissance, qu'en secret, même aujourd'hui, les hommes justes et éclairés de cette nation ne refusent pas à Votre Majesté.

Le Sénat va entendre avec reconnaissance la communication des actes constitutionnels qui ont fondé le royaume d'Italie.

Ensuite est monté à la tribune M. de Marescalchi, ministre des relations extérieures de la République italienne, averti par le grand maître des cérémonies. Ce ministre à lu le statut constitutionnel conçu en ces termes :

a

Estratto dei registi della consulta di stato del giorno.

STATUTO COSTITUZIONALE.

La consulta di stato, veduto il voto unanime della consulta e deputazione unité del giorno;

Veduto lo articulo 60 della costituzione sulla iniziativa costituzionale.

Decreta :

Art 1er. L'IMPERADORE DE FRANCESI NAPOLEONE IO È RE D'ITALIA.

Art. 2. La corona d'Italia è ereditaria nella sua discendenza legitima e per retta linea, sia naturale, siaadottiva, di maschio in maschio escluse in perpetuo le femine, e discendenza loro; il dirito d'adozione non potrà estendersi ad altri che ad un citadino dell Impero francese, o del regno d'Italio.

Art. 3. Tosto che le armate straniere si saranno ritirate dal regno dit Napoli, dalle isole Ionie, e da quella di Malta, l'Imperadore Napoleone transmetterà la corona d'Italia ad uno de suoi figli maschi legitimi, sia naturale, o addotivo.

Art. 4. Da quest' epoca la corona d'Italia non potrà essere più unita colla corona di Francia, nella stessa persona, ed i successori di Napoleone lo nel regno d'Italia dovranno stabilmente rissiedere sul territorio delle Republica italiana.

Art. 5. Entro l'anno corrente l'Imperadore Napoleone col parere della consulta di stato, e delle deputazioni de collegi elettorali darà alla monarchia italiana constituzioni fondate sopra le stesse basi di quelle d'ell' Impero francese, et sopra i principi medesimi delle leggi ch' egli a già date all' Italia.

NAPOLÉON, PAR la grace de DIEU ET LES CONSTITUTIONS,
EMPEREUR DES FRANÇAIS ET ROI D'ITALIE, A TOUS CEUX
QUI LES PRÉSENTES VERRONT, SALUT :
Extrait des registres de la consulte d'Etat du jour
17 mars 1805.

STATUT CONSTITUTIONNEL.

La consulte d'Etat, vu le vœu unanime de la consulte et de la députation réunies, du jour 15;

Vu l'article 60 de la Constitution, sur l'initiative constitutionnelle,

Décrète :

Art. 1er. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, NAPOLÉON Ier, EST ROI D'ITALIE.

Art. 2. La couronne d'Italie est héréditaire dans sa descendance directe et légitime, soit naturelle, soit adoptive, de mâle en mâle, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance, sans néanmoins que son droit d'adoption puisse s'étendre sur une autre personne qu'un citoyen de l'Empire français ou du royaume d'Italie.

Art. 3. Au moment où les armées étrangères auront évacué l'Etat de Naples, les îles Ioniennes et l'île de Malte, l'EMPEREUR NAPOLEON transmettra la couronne héréditaire d'Italie à un de ses enfants légitimes måle, soit naturel, soit adoptif.

Art. 4. A dater de cette époque, la couronne d'Italie ne pourra plus être réunie à la couronne de France sur la même tète, et les successeurs de NAPOLÉON PREMIER dans le royaume d'Italie, devront résider constamment sur le territoire de la République italienne.

Art. 5. Dans le courant de la présente année, l'EMPEREUR NAPOLÉON, de l'avis de la consulte d'Etat et des députations des colléges électoraux, donnera à la monarchie italienne des constitutions fondées sur les mêmes bases que celles de l'Empire français, et sur les mêmes principes que les lois qu'il a déjà données à l'Italie.

Signé NAPOLEON.

Melzi, Marescalchi, Caprara, Paradisi, Fenakoli, Costabili, Luosi, Guicciardi. MANDONS ET ORDONNONS QUE LES PRÉSENTES, REVÊTUES DES SCEAUX DE L'ETAT, INSÉRÉES AU BULLETIN des lois, SOIENT ADRESSÉES AUX TRIBUNAUX ET AUTORITÉS ADMINISTRATIVES, POUR QU'ILS LES TRANSCRIVENT DANS LEURS REGISTRES, LES OBSERVENT ET LES FASSENT OBSERVER, ET NOTRE GRAND JUGE, MINISTRE DE LA JUSTICE DE NOTRE ROYAUME D'ITALIE, EST CHARGÉ D'EN SURVEILLER L'EXÉCUTION.

Donné au palais des Tuileries. le 17 mars 1805,
et de notre règne le premier.

Signé NAPOLEON.
Par l'Empereur et Roi,
Signé MARESCALCHI.

M. Marescalchi étant descendu de la tribune, le grand maître des cérémonies a appelé au serment, dont la formule a été présentée par ce ministre, d'abord M. MELZI, vice-président de la cidevant République italienne, qui a juré obéissance aux constitutions du royaume, et fidélité au roi.

Le grand maître a appelé ensuite au serment M. PARADISI, membre de la consulta, qui a prononcé le discours suivant :

Sire, Voi fondaste la libertà italiana, e creaste di là dell' Alpi una Républica che langui nel disordine tosto che vene dipartiste, e cessò di esistere quando rimase del tutto priva dè vostri auspici.

Fedele alle date promesse accoreste poscia trionfando fra di noi nel colmo dé nostri mali ed i bri giorni ricomparvero con voi nelle nostre contrade.

Una replicata esperienza ci ha dunque dimonstrato che la nostra sicurenzza dipende interamente dal vestro genio, e la nostra felicità dal

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circonstanze de qué tempi. Ma l'inqietudine che non ha doppoi cessato di agitare l'Europa nel riposo stesso della parce ci ha dato a conosere che quel passo fù ancor troppo debole per assicurar fermamente i nostri destíni.

Mentre le armate straniere minacciano l'Italia, et ne occupano una parte, la nostra salvezza ci consiglia imperiosamente d'imprimere nelle mazioni un' alta e nobile opinione della forza e della stabilità del nostro governo.

Et dunque necessario che l'Europa sappia che il vostro baccio non cesserà di sostener ei fin chè viseranno per noi rischi et pericoli; che la confidenza che riponiamo in V. M. non ha verum limite e che voi avete sopra gli italiani tutta l'autorità bastevole per dar loro un governo potente ad un tempo tranquillo, e degno del grand' animo vostro e della vostra gloria.

La deputazione italiana in Parigi vi ha diretti i suoi voti a questo intendimento, supplicandovi di accettare lo scettro italiano, e di circondarvi di tutta la forza e di tutto lo splendore che si richicggono per sostenerlo. Voi avete aderito alle sue preghiere et quando ne ricusaste alcuna che tendesse alla nostra felicità? Ora la nostra sorte è al dissopra di tutte le vicende.

Sire, noi abbiamo l'onore di precedere il popolo italiano nel manifestarvi i sentimenti della profonda nostra ricon noscenza. L'gloriosa e dolce cosa per noi di poterveli offerire in questo eccelso consesso dí pradi, il consiglio de' quali ci precorce nel' esempio luminoso che ora seguiamo, ed in mezzo del popolo francese che vi debbe la sua prosperità, è tanta parte della gloria ond' è rivestito.

Sire, noi sospiravamo questo momento, quando le circostanze sembrevano allontanarlo. Noi siamo i secondi nella carriera; ma l'amore rispettoso che ne stringe alla sacra vostra persona non teme di verum confronto: ma noi non ei lascierem o superare giammai nella sommessione e nella fedeltà che veniamo a guirarvi.

Le grand maître a appelé ensuite les autres membres de la consulte; savoir: MM. Marescalchi,

Caprara, Fenaroli, Costabili,

Et Guicciardi, qui ont prêté serment. Enfin, il a appelé au serment les députés italiens dont les noms suivent :

MM. Guastavillani, conseiller de législation;
Lambertenghi, conseiller de législation;
Carlotti, conseiller de législation;
Dabrowsky, général de division;
Rangone, orateur au Corps législatif;
Calepio, du Corps législatif;

Litta, du collége électoral des propriétaires;
Fé, du collège électoral des propriétaires;
Alessandri, du collège électoral des proprié-
taires;

Salimbeni, général de brigade, et du collége électoral des savants;

Appiani, du collége électoral des savants; Busti, du collége électoral des commerçants; Guilini, du collège électoral des commerçants; Negri, commissaire du gouvernement près du tribunal de cassation; Sopranzi Milan; Et Voldri à Bologne. Chacun de

résident du tribunal de révision à

successiven

ésident du tribunal de révision

s'est approché du trône erment.

Le serment prêté, l'Empereur a parlé en ces termes :

Sénateurs, nous avons voulu, dans cette circonstance, nous rendre au milieu de vous, pour vous faire connaître, sur un des objets les plus importants de l'Etat, notre pensée tout entière.

La force et la puissance de l'Empire français sont surpassées par la modération qui préside à toutes nos transactions politiques.

713 Le génie du mal cherchera en vain des prétextes pour remettre le continent en guerre; ce qui a été réuni à notre Empire par les lois constitutionnelles de l'Etat y resterà réuni. Aucune nouvelle province n'y sera incorporée, mais les lois de la République batave, l'acte de médiation des dix-neuf cantons suisses, et ce premier statut du royaume d'Italie, seront constamment sous la protection de notre couronne, et nous ne souffrirons jamais qu'il y soit porté atteinte.

Dans toutes les circonstances et dans toutes les transactions, nous montrerons la même modération, et nous espérons que notre peuple n'aura plus besoin de déployer ce courage et cette énergie qu'il a toujours montrés pour défendre ses lé

Nous avons acquis la Hollande, les trois quarts de l'Allemagne, la Suisse, l'Italie toute entière. Nous avons été modérés au milieu de la plus grande prospérité. De tant de provinces, nous n'avons gardé que ce qui était nécessaire pour nous maintenir au même point de considération et de puissance où a toujours été la France. Legitimes droits. partage de la Pologne, les provinces soustraites à la Turquie, les conquétes des Indes et de presque toutes les colonies, avaient rompu à notre détriment l'équilibre général.

Tout ce que nous avons jugé inutile pour le rétablir, nous l'avons rendu, et par là nous avons agi conformément au principe qui nous a constamment dirigé, de ne jamais prendre les armes pour de vains projets de grandeur, ni par l'appât des conquêtes.

L'Allemagne a été évacuée; ses provinces ont été restituées aux descendants de tant d'illustres maisons, qui étaient perdues pour toujours, si nous ne leur eussions accordé une généreuse protection. Nous les avons relevées et raffermies, et les princes d'Allemagne ont aujourd'hui plus d'éclat et de splendeur que n'en ont jamais eu leurs ancêtres.

L'Autriche elle-même, après deux guerres malheureuses, a obtenu l'État de Venise; dans tous les temps elle eut échangé de gré à gré Venise contre les provinces qu'elle a perdues.

A peine conquise, la Hollande a été déclarée indépendante. La réunion à notre Empire eût été le complément de notre système commercial, puisque les plus grandes rivières de la moitié de notre territoire débouchent en Hollande; cependant la Hollande est indépendante, et ses douanes, sou commerce, et son administration, se régissent au gré de son gouvernement.

La Suisse était occupée par nos armées, nous l'avions défendue contre les forces combinées de l'Europe. Sa réunion eût complété notre frontière militaire. Toutefois la Suisse se gouverne par l'acte de médiation, au gré de ses dix-neuf cantons, indépendante et libre.

La réunion du territoire de la République italienne à l'Empire français eût été utile au développement de notre agriculture; cependant après la seconde conquête, nous avons à Lyon confirmé son indépendance: nous faisons plus aujourd'hui, nous proclamons le principe de la séparation des couronnes de France et d'Italie, en assignant pour l'époque de cette séparation, l'instant où elle devient possible et sans danger pour nos peuples d'Italie.

Nous avons accepté, et nous placerons sur notre tête cette couronne de fer des anciens Lombards, pour la retremper, pour la raffermir, et pour qu'elle ne soit point brisée au milieu des tempêtes qui la menaceront, tant que la Méditerranée ne sera pas rentrée dans son état habituel.

Mais nous n'hésitons pas à déclarer que nous transmettrons cette couronne à un de nos enfants légitimes, soit naturel, soit adoptif, le jour où nous serons sans alarmes, sur l'indépendance que nous avons garantie des autres Etats de la Méditerranée.

S. M. s'est ensuite levée, est descendue du trône, et s'est rendue aux Tuileries, où elle a successivement reçu les félicitations des princes, des ministres et des grands officiers.

Les membres de la consulte d'État, et des députations des corps et autorités du royaume d'Italie, ayant alors été introduits, S. M. leur a donné une laquelle elle les a entretenus des différents intéaudience qui a duré plus d'une heure, et pendant rêts de leur patrie.

SENAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS (DE NEUFCHATEAU). Séance du 2 germinal an XIII (samedi 23 mars 1805).

M. Lacepède fait un rapport au nom de la commission spéciale nommée dans la séance du 28 ventôse, et composée des sénateurs Barthélemi, Cacault, Démeunier, François (de Neuchâteau) et Lacépède.

Messieurs, vous avez renvoyé à votre commission spéciale les actes et le rapport dont vous avez entendu la lecture, dans la séance mémorable où S. M. Impériale et Royale a bien voulu venir parmi vous, pour vous faire connaitre sa pensée toute entière sur un des objets les plus importants de l'Etat. Telles sont, sénateurs, les propres expressions du discours de S. M. L'EMPEREUR et Roi.

Seules elles montreraient combien est grand et élevé l'objet dont votre commission va vous entretenir.

L'EMPEREUR Vous a annoncé lui-même qu'il avait accepté la couronne d'Italie.

Quel grand événement pour le monde et pour la postérité !

Qu'il inspire de vastes pensées et de sentiments profonds!

Quel spectacle que celui du héros des Français, fixant le destin de l'Italie!

La voix de vingt peuples de cette Italie deux fois sauvée par L'EMPEREUR s'est fait entendre autour de lui. Leurs représentants ont paru devant son trône. Ils ont réclamé la permanence pour leurs institutions, et la garantie de leur bonheur pour leurs descendants.

Eclairés par l'expérience des siècles et par les heureux effets du gouvernement de NAPOLEON, ils ont demandé pour eux l'appui de L'EMPEREUR, et pour leurs neveux, celui d'une monarchie consti. tutionnelle et héréditaire.

Ils ont désiré que ce double lien retint à jamais dans le sein d'une partie commune des Etats rendus pendant longtemps trop étrangers les uns aux autres, et par la diversité de leurs territoires et par la différence de leurs habitudes.

Ils ont montré tous les dangers dont ce double bienfait pouvait seul les préserver.

Leurs yeux uniquement tournés vers leur libérateur, ils ont voulu que leur destinée, à jamais inséparable de la sienne, reposât sous l'égide de sa renommée dans les siècles à venir comme dans celui qui commence.

L'EMPEREUR a exaucé leurs vœux.

Son cœur généreux l'y a porté. La raison d'Etat le lui a prescrit. L'intérêt de la France le lui a commandé.

Le grand ouvrage commencé dans les comices de Lyon a été terminé au milieu du Sénat de France, par la solennité du discours émané du trône, par la promulgation du décret de L'EMPEREUR et Roi, et par la sainteté du serment qu'ont prêté devant lui les représentants constitutionnels des peuples d'Italie.

Il n'aurait pas pu être achevé plus tôt. L'organisation de l'Empire français 'n'était pas encore

terminée.

Mais depuis que l'Empereur s'est assis sur le trône de là France, la force de toutes les circonstances, et l'autorité de toutes les opinions, ces puissances irrésistibles que la raison, le génie et la victoire même, voudraient en vain braver, exigeaient que la couronne de fer des anciens Lombards brillât sur la tête de Napoléon d'un éclat inconnu jusqu'à lui.

Une Constitution, établie sur les bases que le peuple français a données aux lois fondamentales qui nous régissent, va garantir aux peuples d'Italie la jouissance de ces droits, que la sagesse des nations n'a cessé de réclamer pour le bonheur des sociétés humaines, et dont il est si agréable au Sénat des Français de savoir que l'exercice est consacré chez des peuples amis.

Ce noble sentiment ne sera pas troublé, sénateurs, par la crainte de voir l'élévation de l'étendard royal en Italie donner le signal des combats dans le continent européen.

L'acte qui établit la monarchie italienne n'est que le complément de celui que les comices de Lyon ont proclamé, que les puissances de l'Europe ont reconnu, et qui a produit le traité solennel par lequel les Etats de Venise ont accru les vastes domaines de la maison d'Autriche.

On pourrait même dire qu'il n'en est qu'une sorte de traduction dans une langue plus adaptée aux mémorables événements qui se sont succédé. Et, en effet, le pouvoir du roi sera-t-il bien différent de celui du président?

Le territoire du royaume d'Italie sera-t-il plus étendu que celui de la République italienne?

Les ressources de la nouvelle monarchie seront-elles plus nombreuses que celles du gouvernement qu'elle remplace?

Tous les rapports extérieurs avec les autres Etats ne seront-ils pas les mêmes? Et ces rapports extérieurs ne sont-ils pas les seuls qui puissent atteindre et blesser la puissance étrangère la plus inquiète et la plus jalouse?

D'ailleurs, quelle modération pourrait-être plus grande que celle de la France?

Sénateurs, devancez le temps par votre pensée; placez-vous au milieu de la prospérité, et lisez sur les bronzes de l'histoire impartiale et sévère, ce discours remarquable qui retentit encore dans cette enceinte :

« Nous avons conquis la Hollande, les trois « quarts de l'Allemagne, la Suisse, l'Italie tout en«tière. Nous avons été modérés au milieu de la plus grande prospérité. De tant de provinces, « nous n'avons gardé que ce qui était nécessaire << pour nous maintenir au même point de considération et de puissance où a toujours été la

"

« France. Le partage de la Pologne, les provinces « soustraites à la Turquie, la conquête des Indes « et de presque toutes les colonies avaient rompu, « à notre détriment, l'équilibre général.

«Tout ce que nous avons jugé inutile pour le rétablir, nous l'avons rendu... »

Ajoutez à ces paroles admirables cette considération importante qui ne peut pas échapper à la politique.

L'ancienne monarchie française ne possédait pas la couronne d'Italie; mais les liens du sang et le pacte de famille, qui l'unissaient étroitement au royaume des Deux-Siciles, plaçaient en sa faveur, dans la balance européenne, un poids d'autant plus important, que par sa position au bout de l'Italie, la cour de Naples pouvait agir comme à l'extrémité d'un grand levier.

Depuis douze ans, les événements ont montré si des liens d'une telle nature pouvaient être remplacés par ces intérêts que là froide raison découvre, sans doute, avec facilité, mais que les passions déguisent avec plus de facilité encore.

Cependant, lorsque la Méditerranée, les iles qu'elle renferme et les continents qu'elle arrose, ne seront plus menacés de nouvelles tempêtes, la couronne d'Italie ne sera plus réunie avec celle de l'EMPEREUR DES FRANÇAIS.

Quelle preuve éclatante de cette modération qui place la félicité des nations bien au-dessus de la gloire des conquêtes!

La tranquillité de l'Europe ne sera donc troublée ni par la considération du présent qui n'offre aucun changement dans les relations de l'Italie avec les puissances du continent, ni par la vue de l'avenir où le héros qui a conquis deux fois cette même Italie, a posé une limite que ses successeurs respecteront d'autant plus, qu'elle sera marquée du sceau de ses vertus et de ses princi

pes.

Ils sont tels, ces principes de modération, qu'ils l'auraient porté à refuser une seconde couronne. Mais il sait mieux que tout autre, que la force du temps est la seule que rien ne remplace.

Il a été obligé de se soumettre à la nécessité de laisser ce temps, dont l'homme ne peut pas plus accélérer que retarder la course, consolider le monument qu'il élève pour le bonheur de l'Italie, avant d'en confier la conservation à d'autres mains que les siennes.

Ces mêmes principes n'annonçent-ils pas assez haut quels sentiments le dirigeront, lorsqu'il pourra donner au monde la paix, pour laquelle il à surmonté tant d'obstacles, remporté tant de victoires et consenti à tant de sacrilices?

Voilà donc l'Europe rassurée et pour l'avenir et pour le présent.

Le passé seul aurait dissipé ses craintes.

A-t-on oublié en effet cette époque terrible, où la France ne croyait plus pouvoir résister à l'envahissement dont elle était menacée, qu'en renversant toutes les digues, et en précipitant sur la face du globe ces torrents destructeurs contre lesquels toute résistance aurait été vaine?

Quel est celui qui a comblé les gouffres où allaient s'engloutir et toutes les idées d'ordre et de conservation, et toutes les leçons de l'expérience, et toutes les maximes de la sagesse?

Quelle main a soutenu des trônes ébranlés de toutes parts?

Quelle puissance, si ce n'est celle du génie de Napoléon, a raffermi l'Europe sur ses antiques fondements?

Ce même pouvoir rend aujourd'hui le repos à l'Italie.

Ce vaste pays a été, depuis la chute de l'Empire romain, le théâtre sanglant de presque toutes les discordes que l'Europe a vues s'élever.

Les foudres de la guerre ont encore plus ravagé sa surface que les laves brûlantes de ses volcans.

Ces orages vont s'apaiser. Le calme va renaître dans son sein avec la stabilité de ses institutions.

Les Etats qui ont été le plus bouleversés seront les plus paisibles, gloire nouvelle destinée au chef auguste des Français, et digne du grand siècle qui portera son nom.

Sénateurs, vous avez transmis à votre commission, avec le décret par lequel Sa Majesté Impériale a accepté la couronne d'Italie, celui qui donne la principauté de Piombino a Son Altesse Impériale la princesse Elisa et à sa descendance, et confère le titre de prince de Piombino, ainsi que le rang et les prérogatives du prince de l'Empire français, au mari de la princesse Elisa.

Le Sénat, qui partage vivement les sentiments de la France pour l'auguste famille de Sa Majesté Impériale, voit d'ailleurs cette détermination avec d'autant plus de plaisir, qu'il compte parmi ses membres le prince de Piombino.

Mais indépendamment de ce motif, personnel à chacun de nous, le Sénat a reconnu facilement dans le décret impérial une nouvelle marque de l'attention constante de Sa Majesté à tous les intérêts de la France.

Piombino, dont le sort a dû être de dépendre presque toujours d'un Etat plus étendu, et qui a successivement passé sous la protection on le haut domaine des Pisans, des Siennois, de l'Arragon, des souverains pontifes, des ducs de Toscane, des empereurs d'Allemagne, et des rois d'Espagne, aurait pu être donné à une puissance voisine, par le Gouvernement français auquel l'a cédé le traité de Florence de 1801, avec la faculté d'en disposer à son gré, sans qu'il ait été réuni depuis au territoire de la France, par aucune loi, ni par aucun sénatus-consulte.

Mais la sûreté de l'ile d'Elbe, et même celle d'une partie de la Corse, exigeaient que le territoire de Piombino ne cessât pas de dépendre de l'Empire français.

La ville et la forteresse de Piombino sont situées à l'extrémité d'une péninsule qui termine à l'orient le golfe de Gênes, et qui s'avance vers l'ile d'Elbe, au point de n'en être séparée que par un canal assez étroit. Le promontoire sur lequel elles sont bâties est la partie de terre ferme la plus voisine, non-seulement de l'ile d'Elbe, mais encore de Corse. Porto-Ferrajo, l'un des ports de l'ile d'Elbe, est tourné vers Piombino, et c'est uniquement par ce dernier territoire qu'on peut établir une communication facile au continent avec cette ile importante pour la France, et par ses mines et par sa position.

Sa Majesté Impériale aurait pu vous proposer un sénatus-consulte pour réunir la principauté de Piombino à l'Empire français; mais elle a voulu éviter toute apparence de chercher à étendre notre territoire. Elle s'est contentée d'établir à Piombino un tel régime, que le prince ne pût jamais céder à aucune influence étrangère nuisible à nos intérêts, contracter des alliances dont les effets nous fussent préjudiciables, négliger l'entretien des batteries, le soin des fortifications, et l'emploi des autres moyens de défense nécessaires pour empêcher son territoire de tomber sous un pouvoir ennemi.

De plus, l'éclat de la couronne impériale de

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France demandait que le titre de prince de l'Empire fût réuni avec la qualité éminente de beau-frère de l'auguste monarque des Français.

En créant ce titre d'honneur, S. M. Impériale a usé de la prérogative que lui donne l'article 14 de l'acte des Constitutions de l'Empire, du 28 floréal an XII, d'établir par des statuts auxquels ses successeurs seront tenus de se conformer, et les devoirs des membres de la famille impériale envers l'EMPEREUR, et une organisation du palais Impérial conforme à la dignité du trône et à la grandeur de la nation.

C'est ainsi que des développements successifs complètent nos institutions, et leur donnent cet éclat qui dispense si souvent du recours à la force, et cette stabilité, le premier vœu de l'homme d'Etat, parce qu'elle est la première source du bonheur des Empires.

Et remarquons, en finissant, une des choses qui frapperont le plus les observateurs attentifs, dans la suite des merveilles opérées par NAPOLEON.

C'est au milieu des mouvements rapides et multipliés qui se succèdent et se pressent, qu'il établit les éléments de la permanence. Il dirige toutes les actions, pour les conduire au repos, et maitrise tous les efforts pour produire l'équilibre.

Votre commission m'a chargé d'avoir l'honneur de vous proposer le décret et la délibération qui suivent.

Extrait des registres du Sénat conservateur, 2 germinal an XIII.

du

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions, du 22 frimaire an VIII;

Après avoir entendu le rapport de sa commission spéciale, nommée dans la séance du 28 ventôse dernier,

Décrète ce qui suit :

Le Sénat se transportera en corps auprès de S. M. I'EMPEREUR et Roi, pour lui offrir l'expression de la reconnaissance et de la vive satisfaction que lui inspire la communication que S. M. Impériale et Royale a bien voulu lui donner elle-même de son acceptation de la couronne d'Italie, et des autres déterminations qu'elle a prises pour le plus grand intérêt du peuple français et des peuples d'Italie.

Ces propositions sont adoptées.

SÉNAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS (de Neufchâteau).
3 germinal an XIII (dimanche 24 mars 1805).

A onze heures, le Sénat en corps a été introduit par le grand maître des cérémonies et présenté par Son Altesse Impériale le grand lecteur à Sa Majesté l'Empereur, qui l'a reçu étant sur son tròne environné des princes, des ministres, des grands officiers de la couronne et de l'Empire, et des officiers de sa maison.

S. Exc. M. François (de Neufchâteau), président, a adressé à Sa Majesté le discours suivant :

Sire, les nations indépendantes peuvent déterminer la forme de leur gouvernement. Elles peuvent changer les titres et les fonctions de leur suprême magistrat. La République italienne vient peuples libres; mais le contrat qu'elle a passé, d'exercer pour son bonheur ce droit de tous les intéressant aussi la grande nation, doit avoir son assentiment, et nous l'avons examiné avec l'attention qui devait nous prescrire la démarche éclatante de Votre Majesté Impériale et Royale.

Par un choix réfléchi, la nation française s'est

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